S. f. (Jurisprudence) juridictio, quasi potestas jus dicendi, est le droit de rendre la justice à quelqu'un.

Quelquefois le terme de juridiction est pris pour le tribunal où se rend la justice, ou pour les officiers qui la composent.

Quelquefois aussi ce terme signifie le territoire qui dépend du tribunal, ou bien l'étendue de sa compétence.

La juridiction prise en tant que justice est de plusieurs sortes ; savoir, séculière ou ecclésiastique, volontaire ou contentieuse, ordinaire ou extraordinaire, royale ou seigneuriale, supérieure ou inférieure ou subalterne. Nous expliquerons ci-après ce qui concerne chacune de ces espèces de juridictions, et plusieurs autres qui ont encore d'autres dénominations particulières.

Faire acte de juridiction, c'est user du pouvoir juridictionnel.

On appelle degrés de juridiction les différents tribunaux dans lesquels on peut plaider successivement pour la même affaire, et l'ordre qui est établi pour procéder dans une juridiction inférieure avant de pouvoir porter l'affaire à une juridiction supérieure.

Les Romains avaient trois sortes de juridictions, dont le pouvoir était différent ; savoir, celles des magistrats du premier ordre qui avaient merum et mixtum imperium, c'est-à-dire l'entière juridiction, ou, comme on dirait parmi nous, haute, moyenne et basse justice. D'autres, d'un ordre inférieur, qui n'avaient que le mixtum imperium, dont le pouvoir était moins étendu, et ressemblait à peu-près à la moyenne justice. Enfin, il y avait des juridictions simples qui ressemblaient assez à nos basses justices, voyez ci-après JURISDICTION SIMPLE : mais ces diverses juridictions, quoique de pouvoir différent, ne formaient pas trois degrés de juridiction pour l'appel.

Anciennement en France, quoiqu'il y eut différents magistrats qui avaient plus ou moins de pouvoir, on ne distinguait point les degrés de juridiction ; cependant du temps de Charlemagne le comte de chaque province connaissait d'affaires graves privativement aux premiers juges appelés centenarii, scabini, racemburgi. Dès le temps de Pepin, il n'était pas permis d'aller au roi avant d'avoir plaidé devant le comte et devant les juges qui étaient sous lui ; autrement si c'était un homme du commun, on le battait de verges, si c'était un homme qualifié, il était puni à l'arbitrage du roi.

Dans les juridictions séculières, il se trouvait en quelques endroits jusqu'à cinq degrés de juridiction. Le premier degré, c'est-à-dire l'ordre le plus inférieur, est celui de la basse ou de la moyenne justice : on peut appeler de ces justices à la haute, qui fait le second degré ; de la haute justice on peut appeler à la justice royale, qui fait le troisième degré ; et si c'est une prevôté ou autre justice du même ordre, on peut en appeler au bailliage ou sénéchaussée, qui fait en ce cas le quatrième degré. Enfin, du bailliage ou sénéchaussée, on appelle au parlement, qui fait le cinquième degré.

Pour diminuer le nombre des degrés de juridictions, l'ordonnance d'Orléans, art. 54. et celle de Roussillon, art. 24. avaient ordonné que toutes prevôtés, vigueries ou autres juridictions royales et subalternes qui étaient établies dans les villes où il y a bailliage ou sénéchaussée auxquelles elles ressortissaient, seraient supprimées.

Mais comme cela ne devait avoir lieu qu'à mesure que les offices vaqueraient, l'exécution en fut par-là si longtemps différée, qu'Henri III. par son ordonnance de Blais, art. 288. se contenta d'ordonner que les offices de ces sieges subalternes seraient réduits au même nombre où ils étaient suivant la première création.

Cette loi n'ayant pas été mieux exécutée, le Roi à présent régnant, après avoir supprimé par différents édits particuliers plusieurs prevôtés, par un autre édit du mois d'Avril 1749, ordonna que toutes les prevôtés, châtellenies, prevôtés foraines, vicomtés, vigueries, et toutes autres juridictions royales établies, sous quelque dénomination que ce fût, dans les villes où il y a bailliage ou sénéchaussée auxquels elles étaient ressortissantes, ensemble tous les offices créés et établis pour servir à l'administration de la justice dans ces juridictions demeureraient supprimées.

Cet édit a laissé subsister les juridictions royales ressortissantes aux bailliages et sénéchaussées, lorsqu'elles ne sont pas dans la même ville.

En quelques endroits l'appel de la haute justice est porté directement au bailliage ou sénéchaussée, auquel cas il n'y a que trois degrés de juridictions.

Dans les affaires qui sont portées rectâ au bailliage royal, il ne peut y avoir que deux degrés de juridiction.

Il en est de même des affaires qui sont du ressort des cours des aides, il n'y a jamais que deux degrés de juridictions. En effet, des élections, greniers à sel et juges des traites, on Ve directement par appel à la cour des aides.

En matière d'eaux et forêts il y a ordinairement trois degrés, savoir les greniers et maitrises, la table de marbre et le parlement.

L'ordre des juridictions est de droit public, tellement qu'il n'est permis à personne de l'intervertir.

Il est défendu en conséquence aux juges d'entreprendre sur la juridiction les uns des autres.

Il n'y a que le prince ou les cours souveraines dépositaires de son autorité, qui puissent distraire quelqu'un de la juridiction à laquelle il est naturellement soumis.

Une partie qui n'est pas assignée devant son juge naturel, ou autre juge compétent, peut décliner la juridiction. Voyez COMPETENCE et DECLINATOIRE.

Les particuliers ne peuvent pas non plus déroger à l'ordre naturel des juridictions ni l'intervertir, quelque soumission qui ait été faite à une juridiction à l'exclusion d'une autre, quand même cette soumission serait une des clauses du contrat ; il n'est pas permis aux parties, même d'un commun accord, de porter une affaire à un autre juge que celui auquel la connaissance en appartient naturellement ; autrement le ministère public peut revendiquer l'affaire pour le juge qui en doit être saisi.

Il n'est pas non plus permis en matière civîle d'intervertir l'ordre des juridictions pour porter l'appel d'une sentence à un autre juge que celui qui est le supérieur immédiat du juge dont est appel, si ce n'est dans les appels comme de deni de renvoi ; ou comme de juge incompétent, dans lesquels l'appel est porté recta au parlement.

En matière criminelle, l'appel Ve aussi toujours au parlement, omisso medio.

Dans la juridiction ecclésiastique, il n'y a que quatre degrés.

L'official de l'évêque est le premier degré ; on appelle de-là à l'official du métropolitain, qui est le second degré ; de celui-ci, au primat qui fait le troisième degré, et du primat au pape qui est le quatrième.

Quand l'évêque ou l'archevêque est soumis immédiatement au saint-siege, il n'y a que deux ou trois degrés de juridiction.

Il peut arriver, dans la juridiction ecclésiastique, que l'on soit obligé d'essuyer cinq ou six degrés de juridiction, parce que le pape étant tenu de déléguer des commissaires sur les lieux, on peut encore appeler de ces commissaires au pape, lequel commet de nouveaux commissaires jusqu'à ce qu'il y ait trois sentences conformes, ainsi que cela a été limité par le concordat.

On ne doit pas confondre le détroit, district ou territoire d'une juridiction inférieure avec son ressort ; le détroit ou territoire d'une juridiction inférieure est le territoire qui est soumis immédiatement à cette juridiction, au lieu que le ressort de cette même juridiction est le territoire de celles qui y viennent par appel.

Ainsi la juridiction des premiers juges, qui n'ont point d'autres juges au-dessous d'eux, n'a point de ressort, mais seulement son détroit ou territoire ; cependant on confond quelquefois ces termes dans l'usage, surtout en parlant des cours souveraines ; dont le territoire et le ressort sont la même étendue. (A)

JURISDICTION DES ABBES est le pouvoir que les abbés réguliers ont d'ordonner le service divin, et de donner la bénédiction dans leurs églises. Ils ont droit de correction sur leurs religieux en ce qui regarde la discipline intérieure et les fautes par eux commises dans le cloitre ; car la punition et correction de celles qu'ils commettent au dehors appartient à l'évêque pour le délit commun, et au juge royal pour les cas privilégiés. Quelques abbés ont aussi le pouvoir de donner à leurs religieux la tonsure et les ordres mineurs. Les abbés commendataires exercent la juridiction spirituelle de même que les réguliers, mais ils n'ont pas la juridiction correctionnelle sur les religieux ; car ce n'est pas à eux à faire observer une règle qu'ils ne professent pas : le droit de correction en ce cas est dévolu au prieur claustral. Voyez le traité des matières bénéf. de Fuet, liv. II. chap. j. des abbés. (A)

JURISDICTION BASSE ou plutôt BASSE JURISDICTION, comme elle est appelée dans la coutume de Poitou, art. 21. qui la qualifie aussi de juridiction foncière, est une espèce particulière de basse justice qui ne donne pas connaissance de toutes les matières réelles et personnelles qui sont de la compétence du bas-justicier, mais seulement la connaissance du fonds qui relève du fief ou de l'étroit fonds, comme dit l'art. 18. de la coutume de Poitou, c'est-à-dire des causes réelles qui regardent le fonds du fief et les droits qui peuvent en venir au seigneur, comme le payement des lods et ventes, la notification et exhibition des contrats et autres causes concernant son fief. Voyez Boucheul sur l'art. 18. de la coutume de Poitou, et ci-après au mot JUSTICE FONCIERE. (A)

JURISDICTION DU PREMIER CHIRURGIEN DU ROI est une espèce de juridiction économique que le premier chirurgien du roi, en sa qualité de chef de la Chirurgie et garde des chartes, statuts et privilèges de cet art, exerce sur tous les chirurgiens, sage-femmes, et autres exerçans quelque partie que ce soit de la Chirurgie ou de la Barberie.

Elle consiste dans le droit d'inspection et visitation sur toutes les personnes soumises à sa juridiction, de faire assembler les communautés de Chirurgiens et de Perruquiers pour leurs affaires et autres nécessaires à la réception des aspirants, de présider dans ces assemblées, d'y porter le premier la parole, de recueillir les voix, de prononcer les délibérations, recevoir les serments, entendre et arrêter définitivement les comptes, et enfin de faire observer la discipline, le bon ordre et les statuts et règlements donnés sur le fait de la Chirurgie et Barberie, et de prendre toute connaissance de ce qui concerne ces professions.

Comme on a omis de parler de cette juridiction à l'article CHIRURGIEN, nous croyons devoir suppléer ici ce qui a rapport à cet objet.

Le premier chirurgien du roi n'a commencé à jouir de cette juridiction qu'en 1668, en conséquence de la réunion qui fut faite pour lors de la charge de premier valet-de-chambre barbier du roi à celle de premier chirurgien, en la personne du sieur Felix qui remplissait cette dernière place.

Long-temps avant cette époque, le premier barbier du roi était en possession de cette même juridiction à Paris et dans les villes des provinces, mais sur les Barbiers-Chirurgiens seulement, qui faisaient alors un corps séparé des maîtres en l'art et science de Chirurgie. Voyez CHIRURGIEN.

Il parait que l'original des droits du premier barbier à cet égard remonte à l'ancienne coutume des Francs, suivant laquelle chacun avait droit d'être jugé ou réglé par ses pairs, c'est-à-dire, par des personnes du même état.

On voit par les statuts que Charles V. donna aux Chirurgiens-Barbiers de Paris, au mois de Décembre 1371, que de temps immémorial ils étaient gardés et gouvernés par le maître barbier et valet de chambre du roi qui confirme dans ce droit, ainsi que dans celui de se choisir un lieutenant.

Henri III. par des lettres du mois de Mai 1575, ordonna également que le premier barbier valet-de-chambre du roi serait maître et garde de l'état de maître barbier-chirurgien dans tout le royaume.

A l'égard des Chirurgiens non-Barbiers, ils n'étaient point soumis à cette inspection ; ils étaient réglés par des statuts particuliers. On voit que dès le temps de Philippe le Bel, il fut ordonné par un édit du mois de Novembre 1311, que dans la ville et vicomté de Paris aucun chirurgien ni sage-femme (chirurgicae) ne pourrait exercer l'art de Chirurgie qu'il n'eut été examiné et approuvé par les maîtres chirurgiens demeurant à Paris, assemblés par Me Jean Pitard, chirurgien du roi juré au châtelet de Paris et par ses successeurs. Les récipiendaires devaient prêter serment entre les mains du prevôt de Paris.

Le roi Jean ordonna la même chose au mois d'Avril 1352, avec cette différence seulement, que l'inspection sur les Chirurgiens de la ville et vicomté de Paris était alors confiée à deux chirurgiens du roi jurés au châtelet.

Ailleurs les Chirurgiens étaient examinés par des maîtres en présence du juge. Cela fut ainsi ordonné par des lettres du roi Jean du 27 Décembre 1362, adressées au sénéchal de Beaucaire, concernant les Juifs qui se mêlaient d'exercer la Chirurgie, auxquels il est défendu d'exercer la Physique ni la Chirurgie envers les Chrétiens ni aucuns d'eux, qu'ils n'eussent été examinés en présence du sénéchal ou autres gens de ladite sénéchaussée par des maîtres ou autres Chrétiens experts èsdites sciences.

Dans d'autres endroits ces Chirurgiens faisaient membres des universités, et y étaient admis à la maitrise en présence du recteur : c'est ce qui a été observé en Provence jusqu'au rétablissement des lieutenans du premier chirurgien du roi.

En 1655 les maîtres en l'art et science de Chirurgie de Paris, connus pour lors sous le nom de Chirurgiens de robe longue, s'étant réunis avec la communauté des Chirurgiens-Barbiers ; et peu de temps après, le sieur Felix, premier chirurgien, ayant aussi acquis la charge de premier valet-de-chambre barbier, les deux places et les deux états de Chirurgiens se confondirent en un seul, et demeurèrent soumis au même chef premier chirurgien du roi. Le sieur Felix obtint au mois d'Aout 1668, un arrêt du conseil et des lettres patentes, par lesquels les droits et privilèges, auparavant attribués à la charge de premier barbier du roi, furent unis à celle de premier chirurgien, en sorte que depuis ce temps la juridiction du premier chirurgien du roi s'étend non-seulement sur les chirurgiens, Sage-femmes et autres, mais aussi sur les Barbiers-Perruquiers, Baigneurs-Etuvistes.

Quoique les Barbiers-Perruquiers forment présentement un corps entièrement distinct et séparé de celui des Chirurgiens ; et que par la déclaration du 23 Avril 1743, les Chirurgiens de Paris ayant été rétablis dans leurs anciens droits et privilèges, cette déclaration a néanmoins conservé au premier chirurgien l'inspection sur ces deux corps, avec le titre de chef de la Chirurgie pour ce qui concerne les Chirurgiens, et celui d'inspecteur et directeur général commis par sa Majesté en ce qui regarde la barberie et la profession de perruquier, avec injonction de veiller à ce qu'aucun desdits corps n'entreprenne sur l'autre.

Le premier chirurgien du Roi exerce cette juridiction à Paris et dans toutes les communautés de Chirurgiens et de Perruquiers du royaume par des lieutenans qu'il commet à cet effet, et auxquels il donne des provisions.

Dans les communautés de Chirurgiens, les lieutenans doivent être choisis dans le nombre des maîtres de la communauté. Ils jouissent des exemptions de logements de gens de guerre, de guet et garde, collecte, tutele, curatelle, et autres charges de ville et publiques.

L'établissement de ces lieutenans remonte à plusieurs siècles ; ils furent néanmoins supprimés dans les villes de province seulement par l'édit du mois de Février 1692, portant création d'offices formés et héréditaires de Chirurgiens-jurés royaux commis pour les rapports, auxquels S. M. attribua les mêmes droits dont avaient joui jusques-là les lieutenans du premier chirurgien. Comme ceux auxquels ces offices passaient à titre d'hérédité étaient souvent incapables d'en remplir les fonctions, on ne fut pas longtemps à s'apercevoir des abus et des inconvénients qui résultaient de ce nouvel arrangement, et de la nécessité de rétablir les lieutenans du premier chirurgien, ce qui fut fait par édit du mois de Septembre 1723.

Les lieutenans du premier chirurgien subsistent donc depuis ce temps, à la satisfaction et au grand avantage des communautés, par l'attention que les premiers chirurgiens ont de ne nommer à ces places que les sujets qui sont les plus propres pour les remplir.

Les lieutenans du premier chirurgien, dans les communautés de Perruquiers sont également chargés de faire observer les règlements de cette profession au nom du premier chirurgien. Ceux-ci acquièrent par leur nomination le droit d'exercer le métier de perruquier sans qu'ils aient besoin d'être préalablement admis à la maitrise dans ces communautés.

Le premier chirurgien commet aussi des greffiers dans chacune de ces communautés pour tenir les registres et écrire les délibérations. Voyez GREFFIER DU PREMIER CHIRURGIEN.

J'ai profité pour cet article et pour quelques autres qui y ont rapport, des mémoires et instructions que M. d'Olblen, secrétaire de M. le premier chirurgien du Roi a eu la bonté de me fournir. (A)

JURISDICTION CIVILE. Voyez JUSTICE CIVILE.

JURISDICTION COACTIVE est celle qui a le pouvoir de faire exécuter ses jugements. Les arbitres n'ont point de juridiction coactive ; leur pouvoir se borne à juger. On dit aussi que l'Eglise n'a point par elle-même de juridiction coactive, c'est-à-dire qu'en vertu de la juridiction spirituelle qu'elle tient de droit divin, elle ne peut se faire obéir que par des censures, sans pouvoir exercer aucune contrainte extérieure sur les personnes ni sur les biens ; elle ne peut même pour la juridiction qu'elle tient du prince, mettre ses jugements à exécution ; il faut qu'elle implore l'ordre du bras séculier, parce qu'elle n'a point de territoire. Voyez JURISDICTION ECCLESIASTIQUE. (A)

JURISDICTION COMMISE est celle dont le magistrat commet l'exercice à une autre personne.

On confond souvent la juridiction commise avec la juridiction déléguée ; on faisait cependant une différence chez les Romains, inter eum cui mandata erat juridictio, celui auquel la juridiction était entièrement commise, et judicem datum qui n'était qu'un délégué spécial, et souvent qu'un subdélégué pour le jugement d'une certaine affaire.

Celui auquel la juridiction était commise, avait toute l'autorité de la justice ; il prononçait lui-même ses sentences, et avait le pouvoir de les faire exécuter, au lieu que le simple délégué ou subdélégué n'avait simplement que le pouvoir de juger. Sa sentence n'était que comme un avis, jusqu'à ce que le magistrat l'eut approuvée, soit en la prononçant lui-même, pro tribunali, soit en décernant la commission pour l'exécuter.

Parmi nous il n'est pas permis aux magistrats de commettre entièrement à d'autres personnes la juridiction qui leur est confiée ; ils peuvent seulement commettre l'un d'entr'eux pour certaines fonctions qui concernent l'instruction des affaires, mais non pas pour les décider : s'ils renvoyent quelquefois devant des avocats, ou devant d'autres personnes, pour en passer par leur avis, ce n'est que sous la condition que ces avis seront homologués, sans quoi on ne peut les mettre à exécution.

Mais les cours supérieures peuvent commettre un juge inférieur au lieu d'un autre, pour connaître de quelque affaire, lorsqu'il y a quelque raison pour en user ainsi. Voyez ci-devant JUGE DELEGUE, et ci-après JURISDICTION DELEGUEE.

On entend ordinairement par juridiction commise celle qui n'est pas ordinaire, mais qui est seulement attribuée par le prince pour certaines matières ou sur certaines personnes, ou pour certaines affaires seulement. Voyez JUGE COMMIS, JURISDICTION D'ATTRIBUTION, ORDINAIRE, DE PRIVILEGE. (A)

JURISDICTION CONSULAIRE est celle qui est exercée par des consuls et autres juges établis pour connaître des affaires de commerce, tels que la conservation de Lyon. Voyez CONSERVATION et CONSULS. (A)

JURISDICTION CONTENTIEUSE est celle qui connait des contestations mues entre les parties ; elle est ainsi appelée pour la distinguer de la juridiction volontaire qui ne s'étend point aux affaires contentieuses. Voyez JURISDICTION VOLONTAIRE. (A)

JURISDICTION CORRECTIONNELLE est celle que les supérieurs des monastères ont sur leurs religieux, et que quelques chapitres ont sur leurs membres. Cette espèce de juridiction n'est autre chose que le droit de correction modérée, que l'on a improprement appelé juridiction ; en tout cas ce n'est qu'une juridiction domestique. Voyez CORRECTION et JURISDICTION DES ABBES. (A)

JURISDICTION CRIMINELLE. Voyez JUSTICE CRIMINELLE.

JURISDICTION DES CURES, on entend par ce terme la puissance qu'ils ont pour le spirituel ; et dans ce sens on dit que leur juridiction est émanée immédiatement de J. C. qui donna lui-même la mission aux 72 disciples qu'il avait choisis, aussi bien qu'à ses apôtres. (A)

JURISDICTION DELEGUEE est celle qui est commise à quelqu'un par le prince ou par une cour souveraine, pour instruire et juger quelque différend. Voyez ci-devant JUGE DELEGUE. (A)

JURISDICTION ECCLESIASTIQUE considérée en général est le pouvoir qui appartient à l'Eglise d'ordonner ce qu'elle trouve de plus convenable sur les choses qui sont de sa compétence, et de faire exécuter ses lois et ses jugements.

L'Eglise a présentement deux sortes de juridictions qui sont regardées l'une et l'autre comme ecclésiastiques ; l'une qui lui est propre et essentielle, l'autre qui est de droit humain et positif.

La juridiction qui est propre et essentielle à l'Eglise, est toute spirituelle ; elle tire son origine du pouvoir que J. C. a laissé à son Eglise de faire exécuter les lois qu'il avait prescrites, d'en établir de nouvelles quand elle le jugerait nécessaire, et de punir ceux qui enfreindraient ces lois.

Cette puissance et juridiction qui appartient à l'Eglise de droit divin, ne s'exerce que sur le spirituel ; elle ne consiste que dans le pouvoir d'enseigner tout ce que J. C. a ordonné de croire ou de pratiquer, d'interprêter sa doctrine, de réprimer ceux qui voudraient enseigner quelque chose de contraire, d'assembler les fidèles pour la prière et l'instruction ; de leur donner des pasteurs de différents ordres pour les conduire, et de déposer ces pasteurs s'ils se rendent indignes de leur ministère.

J. C. a encore dit à ses apôtres : " recevez le Saint-Esprit ; ceux dont vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, et ceux dont vous les retiendrez, ils leur seront retenus ". Il leur a dit encore, " si votre frère a péché contre vous, reprenez-le seul à seul ; s'il ne vous écoute pas, appelez un ou deux témoins ; s'il ne les écoute pas, dites-le à l'Eglise ; s'il n'écoute pas l'Eglise, qu'il vous soit comme un payen et un publicain. Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel ". L'Eglise a donc reçu de J. C. le pouvoir de juger les pécheurs, de distinguer ceux qui doivent être absous, de ceux qui ne sont pas en état de recevoir l'absolution, et de retrancher de l'Eglise les pécheurs rebelles et incorrigibles.

Enfin l'Eglise a pareillement le pouvoir d'assembler le clergé d'une ou de plusieurs églises pour ordonner conjointement ce qui est nécessaire par rapport au spirituel.

La juridiction de l'Eglise était dans son origine bornée à ces seuls objets, et pour contraindre les réfractaires d'exécuter ses lois et ses jugements, elle n'avait d'autres armes que les peines spirituelles.

Mais on lui a attribué peu-à-peu une autre espèce de juridiction qui est de droit humain et positif ; on l'a aussi comprise sous le terme de juridiction ecclésiastique ; soit parce qu'elle a été attribuée à l'Eglise, soit parce qu'elle s'exerce principalement sur des matières ecclésiastiques ; elle a néanmoins été aussi étendue à des matières purement temporelles, lorsqu'elles intéressent des ecclésiastiques, ainsi qu'on l'expliquera dans la suite.

Cette partie de la juridiction ecclésiastique qui est de droit humain et positif, lui a été attribuée à l'occasion de la puissance spirituelle.

L'Eglise ayant droit de retrancher de son sein ceux qui ne rendaient pas justice à leurs frères, les Apôtres défendaient aux Chrétiens de plaider devant les magistrats infidèles, et leur ordonnaient de prendre des arbitres d'entr'eux-mêmes.

Les jugements que rendaient ces arbitres n'étaient que des jugements de charité dont personne ne pouvait se plaindre, parce qu'ils n'étaient exécutés que par la soumission du condamné.

On trouve qu'encore du temps de saint Cyprien, l'évêque avec son clergé jugeait de tous les différends des fidèles avec tant d'équité, que les assemblées de l'Eglise étant devenues plus difficiles dans la suite à cause des persécutions, c'était ordinairement l'évêque seul qui prononçait, et l'on s'y soumettait presque toujours.

On était si content de ces jugements, que lors même que les princes et les magistrats furent devenus chrétiens, et que l'on n'eut plus les mêmes raisons pour éviter leurs tribunaux, plusieurs continuèrent à se soumettre par préférence à l'arbitrage des évêques.

L'église avait donc alors la connaissance des différends concernant la religion, l'arbitrage des causes qui lui étaient déférées volontairement, et la censure et correction des mœurs que Tertullien appelle exhortations, castigations, et censura divina ; mais elle n'avait pas cet exercice parfait de la justice, qui est appelé en droit juridictio. Tertullien appelle la justice des évêques notionem, judicium, judicationem, audientiam, et jamais juridictionem ; et aussi M. Cujas observe que le titre du code qui traite de la justice des évêques, est intitulé de episcopali audientiâ, et non pas de episcopali juridictione, parce que les juges d'église ont seulement le pouvoir d'ouir les parties, et de décider leurs différends, mais non pas de leur faire droit pleinement, ne pouvant mettre leurs jugements à exécution, parce qu'ils n'ont point de tribunaux proprement dits, mais une simple audience, comme l'observe M. le premier président de la Moignon, sur l'art. 1. du tit. 15. de l'ordonnance de 1667, et que d'ailleurs l'Eglise n'a point la force extérieure en main pour mettre ses jugements à effet, et qu'elle n'a point de territoire.

Cependant les princes séculiers par respect pour l'Eglise, et pour honorer les pasteurs, favorisèrent les jugements rendus par les évêques, en ordonnant qu'ils pourraient juger les affaires civiles comme arbitres du consentement des parties. Constantin ordonna que leurs jugements seraient exécutés sans appel, et que les juges séculiers les feraient exécuter par leurs officiers.

Arcadius et Honorius s'étant aperçu que quelques évêques cherchaient à étendre trop loin la puissance qui leur avait été accordée, les réduisirent à juger seulement des affaires de religion. Ce règlement fut renouvellé par Valentinien II. en sa novelle 12. où il déclare formellement que les évêques et les prêtres forum legibus non habere, nec de aliis causis, praeter religionem, posse cognoscère ; il leur permet seulement de connaître des causes d'entre clercs ou entre laïcs, mais seulement du consentement des parties, et en vertu d'un compromis.

Ainsi lorsqu'il s'agissait de religion, le pape et les évêques étaient juges, et dans ces matières l'appel du jugement de l'évêque était porté au métropolitain, de celui-ci au primat ou au patriarche, suivant les différents lieux ; dans l'occident on appelait du primat au pape ; et dans l'orient, des exarques ou primats au patriarche de Constantinople ; on ne voulut pas permettre l'appel du patriarche au pape.

Mais lorsqu'il s'agissait de procès, les évêques n'en connaissaient que par compromis ; ce fut la première cause pour laquelle il n'y avait pas d'appel de leurs sentences.

Justinien en ajouta ensuite une autre, en ordonnant que les jugements des évêques seraient respectés comme ceux des préfets du prétoire, dont il n'y avait pas d'appel ; il rendit aux évêques toute l'autorité que quelques-uns de ses prédécesseurs leur avait ôtée ; il leur établit même une audience publique, et donna aussi aux clercs et aux moines le privilège de ne pouvoir être obligés de plaider hors de leur province ; et de n'avoir que leur évêque pour juge en matière civile, et pour les crimes ecclésiastiques.

Ce même empereur connaissant la probité et la charité des évêques, et suivant en cela l'exemple de plusieurs de ses prédécesseurs, leur donna beaucoup d'autorité dans certaines affaires temporelles, comme dans la nomination des tuteurs et des curateurs, dans les comptes des deniers communs des villes, les marchés et réception des ouvrages publics, la visite des prisons, et pour la protection des esclaves, des enfants exposés, des personnes misérables, enfin pour la police contre les jeux de hasard, et contre la prostitution ; mais leur autorité par rapport à ces différentes choses, ne consistait qu'à veiller à l'exécution des règlements concernant la piété et les bonnes mœurs, sans qu'ils eussent à cet égard aucune juridiction coactive.

Les lois civiles qui autorisaient les évêques à connaître des différends des clercs, entraient dans les vues de l'Eglise, qui étaient d'empêcher ses ministres de plaider ; ou du moins qu'ils ne parussent devant les juges laïques, dans la crainte que cela ne tournât au mépris du ministère ecclésiastique ; c'est pourquoi le troisième concîle de Carthage avait ordonné que si un évêque, un prêtre, ou autre clerc poursuivait une cause dans un tribunal public, que si c'était en matière criminelle, il serait déposé, quoiqu'il eut gagné sa cause ; que si c'était en matière civile, il perdrait le profit du jugement s'il ne voulait pas s'exposer à être déposé.

Le concîle de Chalcedoine ordonne qu'un clerc qui a une affaire contre un autre clerc, commence par le déclarer à son évêque, pour l'en faire juge, ou prendre des arbitres du consentement de l'évêque.

Quelques autres conciles postérieurs ne défendent pas absolument aux clercs d'agir devant les juges séculiers, mais de s'y adresser ou d'y répondre sans la permission de l'évêque.

La juridiction ecclésiastique s'accrut encore dans les siècles suivants, tellement qu'en 866 le pape Nicolas I. dans ses réponses aux Bulgares, dit qu'ils ne doivent point juger les clercs ; maxime fondée principalement sur les fausses decretales, comme l'on voit dans le decret de Gratien.

Ce pouvoir des évêques augmenta encore beaucoup, tant par rapport au respect dû à la sainteté de leur ministère, que par la piété des princes chrétiens qui leur donnèrent de grands biens, et par la considération dû. à leur savoir, surtout dans des temps où les laïques étaient presque tous plongés dans une ignorance profonde : les évêques furent admis dans les conseils des princes ; on leur confia une partie du gouvernement politique, et cette juridiction qui n'était au commencement qu'extraordinaire, fut ensuite rendue ordinaire en quelques lieux avec plus ou moins d'étendue, selon les talents de l'évêque, et l'incapacité du comte qui était préposé sur la province.

Il n'y eut point de pays, surtout où les évêques acquirent plus d'autorité, qu'en France ; quelques-uns prétendent que leur juridiction par rapport aux matières temporelles, vint du commandement militaire que les évêques et les abbés avaient sur leurs hommes qu'ils menaient à la guerre ; que cela entraina depuis la juridiction civîle sur ceux qui étaient soumis à leur conduite.

Ce qu'il y a de certain c'est que le grand crédit qu'ils eurent sous les deux premières races, la part qu'ils eurent à l'élection de Pepin, la considération que Charlemagne eut pour eux, firent que ce prince leur accorda comme un droit de l'épiscopat, et sous le titre de juridiction ecclésiastique, une juridiction qu'ils ne tenaient auparavant que du consentement des parties, et de la permission du prince.

On persuada à Charlemagne dans sa vieillesse, qu'il y avait dans le code Théodosien une loi de Constantin, portant que si de deux séculiers en procès l'un prenait un évêque pour juge, l'autre était obligé de se soumettre au jugement, sans en pouvoir appeller. Cette loi qui s'est trouvée insérée au code Théodosien, liv. XVI. tit. 10. de episcop. audient. l. 1. passe chez tous les critiques pour supposée.

Quoi qu'il en sait, elle n'a point été insérée dans le code de Justinien, et elle n'avait jamais été exécutée jusqu'au temps de Charlemagne, lequel l'adopta dans ses capitulaires, liv. VI. capit. cccxxxvj. Louis le Debonnaire son fils en fut une des premières victimes.

Le troisième concîle de Latran poussa les choses jusqu'à défendre aux laïques, sous peine d'excommunication, d'obliger les clercs à comparaitre devant eux, et Innocent III. décida que les clercs ne pouvaient pas renoncer à ce privilège, comme étant de droit public.

La juridiction des évêques se trouva pourtant fort restreinte dès le X. siècle, pour les matières spirituelles, par l'extension qui fut donnée à l'autorité du pape au préjudice des évêques, et par la juridiction des légats qui furent envoyés fréquemment dans le XIe siècle.

Les évêques cherchèrent à s'en dédommager, en étendant sous différents prétextes leur juridiction sur les matières temporelles.

Non-seulement les clercs étaient alors totalement exempts de la juridiction séculière, mais les évêques exerçaient même leur juridiction sur les séculiers, dans la plupart des affaires ; ils prenaient connaissance des causes réelles et mixtes où les clercs avaient intérêt, et trouvaient toujours moyen de les attirer soit sous prétexte de connexité, ou par reconvention ; ils revendiquaient les criminels qui se disaient clercs, quoiqu'ils ne portassent ni l'habit, ni la tonsure ; ils donnaient la tonsure à tous ceux qui se présentaient, pour augmenter le nombre de leurs justiciables, et mettaient au nombre d'esclaves tous ceux qui avaient la tonsure, quoiqu'ils fussent mariés. Les meubles des clercs n'étaient sujets qu'à la juridiction ecclésiastique ; sous prétexte que les meubles suivent la personne.

Ils connaissaient de l'exécution des contrats auxquels on avait apposé la clause du serment, clause qui était devenue de style ; et en général toutes les fois qu'il pouvait y avoir du péché ou de la mauvaise foi dans l'inexécution de quelque acte, c'en était assez pour attirer la cause devant les juges d'Eglise, au moyen de quoi ils connaissaient de tous les contrats.

L'exécution des testaments était aussi de leur compétence, à cause des legs pieux, ce qui entrainait les scellés et les inventaires.

Ils connaissaient aussi des conventions matrimoniales, parce que le douaire se constituait en face d'Eglise, à la porte du Moustier.

Les veuves, les orphelins, les mineurs, les pauvres étaient sous leur protection, et partant leurs justiciables.

Ils excommuniaient ceux qui étaient en demeure de payer les sommes par eux dû.s, et obligeaient les juges laïques de contraindre les excommuniés à se faire absoudre, sous peine d'être eux-mêmes excommuniés, défendant de rien vendre aux excommuniés, ni de travailler pour eux, mettant les lieux en interdit quand les juges ne leur obéissaient pas ; ils joignaient même aux censures des amendes pécuniaires ; ce que dans l'origine les juges d'église n'avaient point le pouvoir de faire, ne pouvant selon leur état imposer que des peines spirituelles.

Ils prétendaient aussi que c'était à eux à suppléer la justice séculière lorsqu'elle était suspecte aux parties, ou qu'elle tardait un peu à faire droit.

Selon eux dans les causes difficiles, surtout par rapport au point de droit ; et quand il y avait partage d'opinion entre les juges, c'était à l'Eglise à décider, ce qu'ils appuyaient sur ce passage du Deutéronome : Si difficîle et ambiguum apud te judicium esse perspexeris, et judicium intraportas videris variari ; venies ad sacerdotes levitici generis et ad judicem qui fuerit illo tempore ; qui indicabunt tibi veritatem, et facies quaecumque dixerint qui praesunt in loco quem elegerit dominus, appliquant ainsi une loi de police de l'ancien Testament qui ne convenait plus au temps présent.

Enfin ils qualifiaient de crimes ecclésiastiques, même à l'égard des laïques, la plupart des crimes, tels que le concubinage, l'usure, le parjure, en sorte qu'ils s'arrogeaient la connaissance de toutes les affaires criminelles, aussi bien que des affaires civiles ; il ne restait presque plus rien aux juridictions séculières.

Ces entreprises de la juridiction ecclésiastique sur la juridiction séculière firent le sujet de la fameuse dispute entre Pierre de Cugneres, avocat du roi, et Pierre Bertrandi, évêque d'Autun, devant Philippe de Valais à Vincennes en 1329.

Pierre de Cugneres soutint que l'Eglise n'avait que la juridiction purement spirituelle, et qu'elle n'avait pas droit de juger des causes temporelles ; il cotta 66 chefs, sur lesquels il soutint que les ecclésiastiques excédaient leur pouvoir, notamment dan les matières temporelles dont on a Ve ci-devant que les juges d'Eglise s'étaient attribué la connaissance.

Bertrandi prétendit au contraire que les ecclésiastiques étaient capables de la juridiction temporelle aussi bien que de la spirituelle, il répondit à chacun des 66 articles, et en abandonna quelques-uns comme des abus que l'Eglise désavouait ; mais il défendit la plus grande partie, alléguant la coutume et la possession, et les concessions expresses ou tacites des princes, qui avaient cru ne pouvoir mieux faire que de confier l'exercice de cette portion de la justice aux juges d'Eglise ; il exhorta le roi à ne rien innover, et la chose en demeura là pour lors.

Mais ce qui est important d'observer, c'est que Pierre de Cugneres qualifia d'abus les entreprises des ecclésiastiques sur la juridiction temporelle, et c'est à cette époque que l'on rapporte l'origine des appels comme d'abus dont l'objet est de contenir les juges d'Eglise dans les bornes de leur pouvoir, et de les obliger de se conformer aux anciens canons, aux lois et aux ordonnances du royaume dans l'exercice de la juridiction qui leur est confiée.

On a encore apporté deux tempéraments pour limiter la juridiction ecclésiastique.

L'un est la distinction du délit commun d'avec le délit privilégié ; l'église connait du délit commun des clercs ; le juge royal connait du cas privilégié.

L'autre est la distinction que l'on fait dans les matières ecclésiastiques du pétitoire d'avec le possessoire ; le juge d'Eglise connait du pétitoire, mais le juge royal connait seul du possessoire.

Ce fut principalement l'ordonnance de 1539 qui commença à renfermer la juridiction ecclésiastique dans les justes bornes. François I. défendit à tous ses sujets de faire citer les laïcs devant les juges d'Eglise dans les actions pures personnelles, sous peine de perdre leur cause et d'amende arbitraire, défendit aussi par provision à tous juges d'Eglise de délivrer aucunes citations verbales ni par écrit pour citer les laïcs dans les matières pures personnelles, sous peine aussi d'amende arbitraire. Cette même ordonnance porte que c'est sans préjudice de la juridiction ecclésiastique dans les matières de sacrement, et autres purement spirituelles et ecclésiastiques, dont ils peuvent connaître contre les laïcs selon la forme de droit, et aussi sans préjudice de la juridiction temporelle et séculière contre les clercs mariés et non mariés, faisant et exerçant états ou négociations pour raison desquels ils sont tenus et accoutumés de répondre en cour séculière, pour lesquels ils continueront d'y procéder tant en matière civîle que criminelle.

Il est aussi ordonné que les appels comme d'abus interjetés par les prêtres et autres personnes ecclésiastiques, dans les matières de discipline et de correction ou autres pures personnelles, et non dépendantes de réalité, n'auront aucun effet suspensif.

L'ordonnance d'Orléans régla que les prélats et leurs officiers n'useraient de censures ecclésiastiques que pour des crimes scandaleux et publics ; mais comme cette disposition donnait lieu à beaucoup de difficultés, Charles IX. par ses lettres patentes de l'an 1571, régla que les prélats pourraient user des censures dans les cas qui leur sont permis par les saints decrets et conciles.

L'édit de 1695, concernant la juridiction ecclésiastique, ordonne que les ordonnances, édits et déclarations rendus en faveur des ecclésiastiques concernant leur juridiction volontaire et contentieuse seront exécutés.

Les principales dispositions de cet édit sont que la connaissance et le jugement de la doctrine concernant la religion appartiendra aux archevêques et évêques. Il est enjoint aux cours de parlement et à tous autres juges séculiers, de la renvoyer aux prélats ; de leur donner l'aide dont ils ont besoin pour l'exécution des censures, et de procéder à la punition des coupables sans préjudice à ces mêmes cours et juges, de pourvoir par les autres voies qu'ils estimeront convenables à la réparation du scandale et trouble de l'ordre, tranquillité publique, et contravention aux ordonnances, que la publication de la doctrine aurait pu causer.

La connaissance des causes concernant les sacrements, les vœux de religion, l'office divin, la discipline ecclésiastique et autres purement spirituelles est déclarée appartenir aux juges d'Eglise, et il est enjoint aux cours et autres juges de leur en laisser, et même de leur en renvoyer la connaissance, sans prendre aucune juridiction ni connaissance, des affaires de cette nature, à moins qu'il n'y eut appel comme d'abus de quelques jugements. ordonnances ou procédures émanées des juges d'Eglise, ou qu'il fût question d'une succession ou autres effets civils.

Les cours ne peuvent connaître ni recevoir d'autres appelations des ordonnances et jugements des juges d'Eglise, que celles qui sont qualifiées comme d'abus.

Les procès criminels qu'il est nécessaire de faire à des prêtres, diacres, soudiacres, ou clercs vivants cléricalement, résidants et servants aux offices, ou aux ministères et bénéfices qu'ils tiennent en l'Eglise, et qui sont accusés des cas que l'on appelle privilégiés, doivent être instruits conjointement par les juges d'Eglise, et par les baillis et sénéchaux ou leurs lieutenans, en la forme prescrite par les ordonnances, et particulièrement par l'article 22 de l'édit de Melun, par celui du mois de Février 1678, et par la déclaration du mois de Juillet 1684.

Les archevêques et évêques ne sont obligés de donner des vicariats pour l'instruction et jugement des procès criminels, à moins que les cours ne l'aient ordonné, pour éviter la recousse des accusés durant leur translation, et pour quelques raisons importantes à l'ordre et au bien de la justice dans les procès qui s'y instruisent ; et en ce cas les prélats choisissent tels conseillers-clercs desdites cours qu'ils jugent à propos, pour instruire et juger le procès pour délit commun.

La juridiction ecclésiastique est de deux sortes ; savoir volontaire et contentieuse.

La juridiction volontaire est ainsi appelée, non pas qu'elle s'exerce toujours inter volentes, mais parce qu'elle s'exerce ordinairement sans qu'il y ait aucune contestation des parties ; ou s'il y a quelque contestation entre les parties, l'évêque n'en connait que sommairement et de plano, comme il arrive dans le cours des visites et autres occasions semblables. Elle s'exerce au for intérieur et au for extérieur. Celle qui s'exerce au for intérieur et de conscience, s'appelle pénitentielle, et regarde particulièrement le sacrement de pénitence ; elle est administrée par les évêques mêmes, par leurs pénitenciers, par les curés et par les confesseurs.

La juridiction volontaire qui s'exerce au for extérieur, consiste à donner des dimissoires pour chacun des ordres, des permissions de prêcher et de confesser ; à approuver les vicaires qui servent dans les paroisses, approuver les maîtres et maîtresses des petites écoles ; donner aux prêtres étrangers la permission de célébrer dans le diocese, donner la permission de faire des annexes ; conférer les bénéfices qui sont à la collation de l'évêque dans des mois libres ; à ériger, diviser ou unir des cures et autres bénéfices. Dans toutes ces matières, la juridiction volontaire de l'évêque est aussi qualifiée de juridiction gracieuse, parce que l'exercice en dépend de la seule prudence de l'évêque, et que ceux qu'il a refusés ne peuvent pas se plaindre de son refus ; c'est pourquoi il n'est pas tenu d'en exprimer les motifs.

Il y a encore d'autres actes qui appartiennent à la juridiction volontaire, mais qui ne sont pas de juridiction gracieuse ; comme la collation des bénéfices à des pourvus de cour de Rome, à des présentés par des patrons, à des gradués et autres expectants, auxquels il est obligé de conférer, à moins qu'il n'y ait des causes légitimes pour les refuser ; c'est pourquoi dans ces cas il est obligé d'exprimer les causes du refus, afin que le supérieur puisse connaître si le refus est bien ou mal fondé ; comme de bénir les églises, chapelles, cimetières, et les reconcilier ; visiter les lieux saints, les vases sacrés et ornements nécessaires au service divin ; faire la visite des curés, vicaires, marguilliers, des régens, des pauvres, des pécheurs publics et scandaleux, des monastères ; donner des dispenses pour l'ordination, des dispenses pour relever des vœux ou des irrégularités, des dispenses de bans de mariage et des empêchements de mariage ; prononcer des censures, accorder des absolutions des cas réservés à l'évêque et des censures.

La juridiction contentieuse qui s'exerce toujours au for extérieur, est celle qui s'exerce avec solennité et avec les formes prescrites par le droit, pour terminer les différends des parties, ou pour punir les crimes qui sont de la compétence de la juridiction ecclésiastique, suivant ce qui a été expliqué précédemment ; telles sont les causes concernant les sacrements, les vœux de religion, l'office divin, la discipline ecclésiastique, et autres purement spirituelles ; telles sont aussi les causes personnelles entre clercs, ou dans lesquelles le défendeur est clerc ; les causes de réclamation contre les ordres sacrés ; la fulmination des bulles et autres signatures, dont l'exécution est adressée à l'official de l'évêque.

Au reste le privilège des clercs pour la juridiction ecclésiastique est restreint à ceux qui sont actuellement au service de quelque église, ou qui étudient dans quelque université, ou qui sont pourvus de quelque bénéfice.

Les réguliers soumis à la juridiction de l'évêque, par rapport à la prédication et à la confession, et pour les fonctions curiales à l'égard de ceux qui possèdent des cures, pour la réclamation contre leurs vœux, et la translation à un autre ordre.

Les laïques mêmes sont en certains cas soumis à la juridiction contentieuse de l'évêque ; savoir pour les demandes en accomplissement ou en nullité des promesses de mariage quoad foedus, pour les demandes en dissolution de mariage, pour causes d'impuissance ou autres moyens de nullité, pour l'entérinement des dispenses que l'on obtient en cour de Rome sur les empêchements de mariage.

L'évêque peut commettre à des grands vicaires l'exercice de sa juridiction volontaire et gracieuse, soit en tout ou partie ; il lui est libre aussi de l'exercer par lui-même.

Pour ce qui est de la juridiction contentieuse, les évêques l'exerçaient aussi autrefois en personne ; présentement ils ne peuvent juger eux mêmes les affaires contentieuses, à moins que ce ne soit de plano, et dans le cours de leurs visites, ils doivent renvoyer à leurs officiaux les affaires qui méritent d'être instruites dans les formes.

Il est néanmoins d'usage en quelques diocèses, que le nouvel évêque est installé à l'officialité, et y juge ce jour-là les causes qui se présentent avec l'avis du doyen et du chapitre. Cela fut pratiqué le 2 Juin 1746 pour M. de Bellefonds, archevêque de Paris.

L'évêque ne peut pas commettre une autre personne que son official ordinaire, pour juger les affaires contentieuses.

La juridiction ecclésiastique n'a point de territoire, c'est pourquoi la reconnaissance d'une promesse ou billet faite devant le juge d'Eglise n'emporte point d'hypothèque.

Avant l'édit de 1695, le juge d'église ne pouvait mettre à exécution les jugements, que par exécution de meubles, et non par saisie réelle.

Le juge d'église pouvait decréter même de prise de corps ; mais il ne pouvait faire arrêter ni emprisonner, sans employer l'aide du bras séculier ; il pouvait seulement faire emprisonner ceux qui se trouvaient dans son auditoire, lorsqu'il y avait lieu de le faire. Mais par l'art. 24 de l'éd. de 1695 il est dit, que les sentences et jugements sujets à exécution ; et les decrets décernés par les juges d'Eglise, seront exécutés en vertu de cette nouvelle ordonnance, sans qu'il soit besoin de prendre aucun pareatis des juges royaux, ni de ceux des seigneurs ; et il est enjoint à tous juges de donner main-forte, et toute aide et secours dont ils seront requis, sans prendre aucune connaissance des jugements ecclésiastiques.

Il a toujours été d'usage de condamner aux dépens dans les tribunaux ecclésiastiques, lors même que l'on n'en adjugeait pas encore en cour-laye, mais le juge d'Eglise ne pouvait autrefois condamner en l'amende à cause qu'il n'a point de territoire : présentement il peut prononcer une amende, laquelle ne peut être appliquée au profit de l'évêque, parce que l'Eglise n'a point de fisc ; il faut qu'elle soit appliquée à de pieux usages, et que l'application en soit déterminée par la sentence.

Les autres peines auxquelles le juge d'Eglise peut condamner, sont la suspension, l'interdit, l'excommunication, les jeunes, les prières, la privation pour un temps du rang dans l'église, de voix délibérative dans le chapitre, des distributions ou d'une partie des gros fruits, la privation des bénéfices, la prison pour un temps, et la prison perpétuelle ; l'amende honorable dans l'auditoire nue-tête et à genoux.

L'Eglise ne peut pas prononcer de peine plus grave ; ainsi elle ne peut condamner à mort ni à aucune peine qui emporte effusion de sang, ni à être fouetté publiquement, ni à la question, ni aux galeres ; elle ne peut même pas condamner au bannissement, mais seulement ordonner à un prêtre étranger de se retirer dans son diocèse.

La justice ecclésiastique se rendait autrefois aux portes des églises ? c'est pourquoi on y représentait Moïse législateur des Hébreux, Aaron leur grand-prêtre ; Melchisedec qui unit le sacerdoce à la royauté ; Salomon que la sagesse de ses jugements a rendu célèbre ; J. C. auteur de la nouvelle loi, S. Pierre et S. Paul, principaux instruments de son divin ministère, et la reine de Saba à côté de Salomon, dont l'Evangîle a dit : regina austri sedet in judicio. Cette reine a été regardée par les anciens commentateurs de l'Ecriture, comme une figure de l'Eglise. On représentait aussi aux portes des églises David et Betsabé.

Lorsque les justices ecclésiastiques se tenaient aux portes des églises, on y représentait ordinairement deux lions en signe de force, à l'imitation du tribunal de Salomon qui était inter duos leones. Le curé de saint Jean au Puy en Vélay avait autrefois une juridiction, dont on trouve des jugements datés, datum inter duos leones. L'archi-prêtre de saint Severin à Paris avait aussi une juridiction, qu'il tenait sur le perron de cette église, entre les deux lions qui sont au-devant de la grande porte ; c'est pourquoi l'on a eu soin de conserver ces figures de lions en mémoire de cette ancienne juridiction que l'archiprêtre a perdue.

En quelques endroits les archidiacres se sont attribué une partie de la juridiction épiscopale, tant volontaire que contentieuse, et ont même des officiaux ; ce qui dépend des titres et de la possession, et de l'usage de chaque diocèse.

Les chapitres des cathédrales ont en quelques endroits la juridiction spirituelle sur leurs membres. Voyez JUSTICE DU GLAIVE.

Les évêques, abbés, chapitres et autres bénéficiers, ont aussi à cause de leurs fiefs des justices temporelles, qui sont des justices séculières et seigneuriales pour les affaires temporelles de leurs seigneuries ; ce que l'on ne doit pas confondre avec leurs juridictions ecclésiastiques.

Sur la juridiction ecclésiastique, voyez dans le decret de Gratien le titre de foro competenti, et aux décrétales les titres de judiciis et officio judicis ; les Novelles 79, 83 et 123 de Justinien ; les libertés de l'Eglise gallicane, les mémoires du Clergé, notamment tome VI. et tome VII. Loyseau, des seigneuries, chap. 15 ; la Bibliothèque canonique, tome I ; le Traité de la juridiction ecclésiastique de Ducasse ; les lois ecclésiast. de Héricourt, partie I. chap. j. Voyez aussi aux mots ARCHIDIACRE, CAS PRIVILEGIES, DELIT COMMUN, EVEQUE, OFFICIAL, PROMOTEUR, VICEGERENT, GRAND-VICAIRE. (A)

JURISDICTION ENTIERE, ou comme on dit plus communément, ENTIERE JURISDICTION, est celle qui appartient pleinement à un juge sans aucune exception, c'est ce que l'on appelait chez les Romains merum imperium qui comprenait aussi le mixte et la juridiction simple ; parmi nous, c'est lorsque le juge exerce la haute, moyenne et basse justice ; car s'il n'avait que la basse ou la moyenne ou même la haute, supposé qu'un autre eut la moyenne ou la basse, il n'aurait pas l'entière juridiction. (A)

JURISDICTION EPISCOPALE, est celle qui appartient à l'évêque, tant pour le spirituel que pour les autres matières qui ont été attribuées à la juridiction ecclésiastique. Voyez ci-devant JURISDICTION ECCLESIASTIQUE. (A)

JURISDICTION QUASI EPISCOPALE, est celle qui appartient à quelques abbés ou chapitres, qui exercent quelques-uns des droits épiscopaux. Voyez ABBES. (A)

JURISDICTION DES EXEMPTS, est celle qui est établie pour connaître des causes de ceux qui ne sont pas sujets à la justice ordinaire, soit en matière civîle ou en matière ecclésiastique.

Il y a eu des juges des exempts dans les apanages des princes.

Les abbayes et chapitres qui sont exempts de la juridiction de l'ordinaire, ont la juridiction sur leurs membres. Voyez JURISDICTION DES ABBES. (A)

JURISDICTION EXTERIEURE, est celle où la justice se rend publiquement, et avec les formalités établies à cet effet, et qui s'exerce sur les personnes et sur les biens, à la différence de la juridiction intérieure ; qui ne s'exerce que sur les âmes, et qui n'a pour objet que le spirituel. (A)

JURISDICTIONS EXTRAORDINAIRES, sont celles quae extra ordinem utilitatis causâ sunt constitutae ; telles sont les juridictions d'attribution et de privilège, les commissions particulières. Voyez JURISDICTION D'ATTRIBUTION et DE PRIVILEGE. (A)

JURISDICTIONS EXTRAVAGANTES, sont la même chose que les justices extraordinaires ; on les appelle ainsi, quia extra territorium vagantur. Voyez Loyseau, des offices, liv. I. ch. VIe et n. 49, et ci-après JUSTICES EXTRAORDINAIRES. (A)

JURISDICTION FEODALE, est celle qui est attachée à un fief. Voyez BASSE-JUSTICE et JUSTICE SEIGNEURIALE. (A)

JURISDICTION AU FOR EXTERIEUR et AU FOR INTERIEUR. Voyez ci-devant JURISDICTION EXTERIEURE.

JURISDICTION GRACIEUSE, est une partie de la juridiction volontaire de l'évêque, qui consiste à accorder ou refuser certaines grâces, sans que l'on puisse se plaindre du refus, et sans que l'évêque soit tenu d'en exprimer les motifs ; ainsi la collation libre des bénéfices, l'érection des cures et autres bénéfices, sont des actes appartenans à la juridiction gracieuse. Voyez ci-devant JURISDICTION ECCLESIASTIQUE. (A)

JURISDICTION INFERIEURE, est celle qui en a quelqu'autres au-dessus d'elle ; ainsi les justices seigneuriales sont des juridictions inférieures par rapport aux bailliages royaux, et ceux-ci sont des juridictions inférieures par rapport aux parlements, etc. (A)

JURISDICTION INTERIEURE, est celle qui s'exerce au for intérieur seulement. Voyez ci-devant JURISDICTION EXTERIEURE. (A)

JURISDICTION DE LA MAÇONNERIE ; voyez BATIMENS et MAÇONNERIE.

JURISDICTION DE LA MAREE ; voyez CHAMBRE DE LA MAREE.

JURISDICTION METROPOLITAINE, c'est le droit de ressort qui appartient à l'archevêque sur ses suffragans ; l'appel de l'officialité ordinaire Ve à l'officialité métropolitaine. Les archevêques ont deux sortes de juridictions ; savoir une à l'officialité ordinaire pour leur diocèse, et une à l'officialité métropolitaine pour juger les appels des officiaux de ses suffragans. Le primat a encore une troisième officialité, qu'on appelle primatiale, pour juger les appels interjetés des métropolitains qui ressortissent à sa primatie. (A)

JURISDICTION MILITAIRE. Voyez JUSTICE MILITAIRE.

JURISDICTION MUNICIPALE, est celle qui appartient à une ville, et qui est exercée par des personnes élues par les citoyens entr'eux. Voyez ci-devant JUGE MUNICIPAL, et ci-après JUSTICE MUNICIPALE. (A)

JURISDICTION OECONOMIQUE, est une juridiction privée et intérieure, une espèce de juridiction volontaire qui s'exerce dans certains corps sur les membres qui le composent, sans user néanmoins d'aucun appareil de juridiction et sans pouvoir coactif.

On peut mettre dans cette classe la juridiction du premier chirurgien dont on a parlé ci-devant. Voyez ci-après JUSTICE DOMESTIQUE. (A)

JURISDICTION ORDINAIRE, est celle qui a de droit commun la connaissance de toutes les affaires qui ne sont pas attribuées à quelqu'autre tribunal par quelque règlement particulier.

La juridiction ordinaire est opposée à la juridiction déléguée, à celle d'attribution et de privilège. (A)

JURISDICTION DE L'ORDINAIRE, est la juridiction que l'évêque a droit d'exercer pour le spirituel dans toute l'étendue de son diocèse, sur tous ceux qui ne sont pas exempts de la juridiction par quelque privilège particulier. Les chapitres et monastères qui sont soumis immédiatement au saint siege, sont exempts de la juridiction de l'ordinaire, Voyez EVEQUE, EXEMPTS, ORDINAIRE. (A)

JURISDICTION PENITENTIELLE, est le pouvoir d'administrer le sacrement de pénitence, de confesser les fidèles, de leur donner ou refuser l'absolution, de leur imposer des pénitences convenables, de leur interdire la participation aux sacrements, lorsqu'il y a lieu de le faire.

Cette juridiction appartient à l'évêque et au grand pénitencier, aux curés, vicaires et autres prêtres approuvés pour la confession. Les cas réservés sont une partie de la juridiction pénitentielle réservés à l'évêque et au grand pénitencier.

Les supérieurs réguliers ont la juridiction pénitentielle sur leurs religieux. Voyez CAS RESERVES, CONFESSION, PENITENCE, PENITENCIER, SACREMENS. (A)

JURISDICTION PERSONNELLE, est celle qui ne s'étend que sur les personnes et non sur les biens ; telle est la juridiction ecclésiastique. On peut aussi regarder comme personnelle la juridiction des juges de privilège, avec cette différence néanmoins que leurs jugements s'exécutent sur les biens, sans qu'il soit besoin d'implorer l'assistance d'aucun autre juge. Voyez ci-après JURISDICTION REELLE. (A)

JURISDICTION PRIMATIALE, est celle que le primat a sur les métropolitains qui lui sont soumis. Voyez ci-devant JURISDICTION METROPOLITAINE. (A)

JURISDICTION PRIVEE, est celle qui ne s'exerce qu'intra privatos parietes ; c'est plutôt une police domestique qu'une juridiction proprement dite ; telles sont les juridictions domestiques, ou familières et économiques.

Le terme de juridiction privée est quelquefois opposé à celui de juridiction publique ou juridiction royale. Voyez ci-devant JUGE PRIVE et JUGE PUBLIC. (A)

JURISDICTION DE PRIVILEGE, est celle qui est établie pour connaître des causes de certaines personnes privilégiées. Voyez ci-devant JUGE DE PRIVILEGE. (A)

JURISDICTION PROPRE, est celle que le juge a de son chef, à la différence de celle qui lui est commise ou déléguée. Voyez JURISDICTION DELEGUEE. (A)

JURISDICTION PROROGEE est celle qui par le consentement des parties est étendue sur des personnes ou des biens qui autrement ne seraient pas soumis au juge que les parties adoptent. Voyez PROROGATION DE JURISDICTION. (A)

JURISDICTION QU ASI EPISCOPALE. Voyez ci-devant après l'article JURISDICTION EPISCOPALE. (A)

JURISDICTIONS REELLES sont les justices féodales qui sont attachées aux fiefs, à la différence des justices royales qui ne sont point attachées singulièrement à une glebe, et des juridictions personnelles ou de privilèges qui n'ont point de territoire, mais s'étendent seulement sur les personnes qui leur sont soumises. (A)

JURISDICTION ROYALE est un tribunal où la justice est rendue par des officiers commis à cet effet par le Roi, à la différence des juridictions seigneuriales qui sont exercées par les officiers des seigneurs, des juridictions municipales qui sont exercées par des personnes choisies par les citoyens entr'eux, et des juridictions ecclésiastiques qui sont exercées par les officiers des ecclésiastiques ayant droit de justice.

Il y a différents ordres de juridictions royales, dont le premier est composé des parlements, du grand-conseil, et autres conseils souverains, des chambres des comptes, cours des aides, cours des monnaies, et autres cours souveraines.

Le second ordre est composé des bailliages et sénéchaussées, et sieges présidiaux.

Le troisième et dernier ordre est composé des prevôtés, mairies, vigueries, vicomtés, et autres juridictions semblables.

Les bureaux des finances, amirautés, élections, greniers à sel, et autres juges d'attribution et de privilège sont aussi des juridictions royales qui ressortissent nuement aux cours souveraines ; les gruries royales ressortissent aux maitrises ; celles-ci à la table de marbre, et celles-ci au parlement.

Les juridictions royales ordinaires connaissent de plusieurs matières à l'exclusion des juridictions seigneuriales, comme des dixmes, des cas royaux, des substitutions, etc. V. ci-après JUSTICE ROYALE. (A)

JURISDICTION SECULIERE ou TEMPORELLE ; on comprend sous ce terme toutes les juridictions royales, seigneuriales et municipales. On les appelle séculières pour les distinguer des juridictions spirituelles ou ecclésiastiques.

Il n'appartient qu'à la juridiction séculière d'user de contrainte extérieure, et de procéder par éxécution des personnes et des biens. Voyez JURISDICTION ECCLESIASTIQUE. (A)

JURISDICTION SEIGNEURIALE est celle qui appartient à un seigneur de fief ayant droit de justice, et qui est exercée par son juge. Voyez ci-après JUSTICE SEIGNEURIALE. (A)

JURISDICTION SIMPLE, appelée chez les Romains juridictio simplement, était celle qui consistait seulement dans le pouvoir de juger ; elle n'avait point le pouvoir appelé merum imperium : ni même le mixtum, qui reviennent à peu-près à la haute et moyenne justice, c'est pourquoi cette juridiction simple est comparée par nos auteurs à la basse justice, et appelée quelquefois par eux minimum imperium, comme qui dirait la plus basse justice, celle qui a le moins de pouvoir.

Mais, quoique les Romains distinguassent trois sortes de juridiction ; savoir, merum imperium, mixtum imperium, et juridictio, comme parmi nous on distingue trois sortes de justice, la haute, la moyenne et la basse, le rapport qu'il y a entre ces différentes justices des Romains et les nôtres, n'est pas bien exact pour la compétence ; car la Juridiction simple qui était la moindre, comprenait des choses qui parmi nous n'appartiennent qu'à la moyenne justice.

La juridiction simple appartenait aux magistrats municipaux, tels que les édiles et les decemvirs. Quoiqu'ils n'eussent pas le merum ni le mixtum imperium, ils ne laissaient pas d'avoir quelque pouvoir pour faire exécuter leurs jugements, sans quoi leur juridiction eut été illusoire ; mais ce pouvoir était seulement modica coercitio ; ils pouvaient condamner à une amende légère, faire exécuter les meubles du condamné, faire fustiger les esclaves, et plusieurs autres actes semblables qu'ils n'auraient pas pu faire s'ils n'avaient eu quelque sorte de pouvoir appelé chez les Romains imperium.

On pouvait déléguer la juridiction simple de même que celle qui avait le merum ou mixtum imperium, comme il parait par ce qui est dit au titre de officio ejus cui mandata est juridictio. Il faut même remarquer que celui auquel elle était entièrement commise pouvait subdéléguer et commettre en détail les affaires à d'autres personnes pour les juger ; mais ces simples délégués ou subdélégués n'avaient aucune juridiction même simple, ils ne pouvaient pas prononcer leurs sentences, ni les faire exécuter même per modicam coercitionem. Il avait notionem tantùm, c'est-à-dire le pouvoir seulement de juger comme l'avaient les juges pédanées, et comme font encore parmi nous les arbitres.

Voyez Loyseau, des offices, liv. I. chap. Ve n °. 33. et suivants ; la jurisprudence française de Helo, titre des juridictions romaines, et ci-devant JURISDICTION COMMISE. (A)

JURISDICTION SPIRITUELLE est celle qui appartient à l'Eglise de droit divin pour ordonner de tout ce qui concerne la foi et les sacrements, et pour ramener les fidèles à leur devoir par la crainte des peines spirituelles. Cette juridiction ne s'étend que sur les âmes, et non sur les corps ni sur les biens : elle ne peut user d'aucune contrainte extérieure. Voyez ci-devant JURISDICTION ECCLESIASTIQUE. (A)

JURISDICTION SUBALTERNE est celle qui est inférieure à une autre ; mais on entend singulièrement par ce terme les justices seigneuriales. Voyez ci-devant JUSTICE SEIGNEURIALE. (A)

JURISDICTION SUPERIEURE est celle qui est établie au-dessus d'une autre pour réformer ses jugements lorsqu'il y échet. Voyez ci-devant JURISDICTION INFERIEURE ET JUSTICE SUPERIEURE. (A)

JURISDICTION TEMPORELLE signifie quelquefois la justice séculière en général, ou une juridiction séculière ; quelquefois aussi l'on entend par-là une justice seigneuriale qui appartient à des ecclésiastiques, non pas pour connaître des matières ecclésiastiques, mais pour connaître des affaires prophanes qui s'élèvent au-dedans de la justice qu'ils ont à cause de quelque fief. Voyez JUSTICE TEMPORELLE. (A)

JURISDICTION VOLONTAIRE est celle qui s'exerce sur des objets pour lesquels il n'y a pas de contestation entre les parties, comme pour les tuteles et curatelles ; garde noble et bourgeoise, pour les adoptions, les émancipations, les affranchissements, les inventaires. On appelle cette juridiction volontaire, pour la distinguer de la contentieuse qui ne s'exerce que sur des objets contestés entre les parties.

Les notaires exercent une partie de la juridiction volontaire, en recevant les contrats et testaments ; mais ils ne le font qu'au nom d'un juge dont ils sont en cette partie comme les greffiers.

Il y a aussi une partie de la juridiction ecclésiastique que l'on appelle juridiction volontaire, dont l'objet est la collation libre des bénéfices, l'érection des nouvelles églises, les permissions de prêcher, de confesser, et autres actes semblables. Voyez ci-devant JURISDICTION ECCLESIASTIQUE. (A)