S. m. (Jurisprudence) signifie mise en possession civile. Ensaisiner un contrat, c'est mettre l'acquéreur en saisine, c'est-à-dire en possession de l'héritage sur lequel le contrat lui accorde quelque droit.

La formalité de l'ensaisinement vient de ce que par l'ancien usage du châtelet de Paris et de toute la prevôté, et dans plusieurs autres provinces coutumières, aucune saisie ou possession n'était acquise de droit ni de fait sans qu'il y eut dévest et vest, c'est-à-dire qu'il fallait que le vendeur se fût dessaisi entre les mains du seigneur-censier, et que ce même seigneur eut ensuite investi l'acquéreur, c'est-à-dire qu'il lui eut donné la saisine ou possession, d'où est venu le terme d'ensaisinement, lequel néanmoins ne s'applique qu'aux mises en possession des biens en roture, car la même formalité à l'égard des fiefs s'appelle inféodation.

Quoique l'ensaisinement ne soit en effet qu'une mise en possession civîle et fictive, il était néanmoins autrefois considéré comme une mise en possession réelle et de fait, ou du moins on doit entendre par-là qu'il était nécessaire pour autoriser le vendeur à se dessaisir, et l'acquéreur à prendre possession.

On était obligé de prendre du seigneur l'ensaisinement, du temps que les coutumes notoires du châtelet furent rédigées, c'est-à-dire depuis l'an 1300 jusqu'en 1387. Suivant l'art. 72. de ces coutumes, aucun ne pouvait être propriétaire s'il n'était ensaisiné réellement et de fait par le seigneur ou par ses gens. Cet article exceptait néanmoins le bail à cens, parce que ce bail étant fait par le seigneur même, investit suffisamment le preneur, sans qu'il soit besoin de prendre autre saisine.

On payait dès-lors douze deniers parisis pour la saisine ou ensaisinement, tel que fût le prix de la vente ; et ce droit était appelé en Latin revestitura, comme on voit dans des lettres de S. Louis, du mois de Mars 1263.

Quelques seigneurs prétendaient avoir droit de prendre cinq sols pour l'ensaisinement, comme le dit l'auteur du grand coutumier : le roi, l'évêque de Paris, les abbés de sainte Génevieve, de saint Magloire et de saint Denis, prétendaient être en possession de recevoir cinq sols pour la saisine. Il y eut des oppositions faites à ce sujet, lors des deux rédactions de la coutume de Paris ; mais cette prétention n'a pas prévalu, et le droit de saisine n'est encore communément que de douze deniers parisis.

L'obligation de prendre saisine tomba bien-tôt en non usage, du moins dans la prevôté de Paris ; car l'auteur du grand coutumier, qui écrivait sous le régne de Charles VI. en parlant des lettres de saisine ou ensaisinement que l'on prenait du seigneur ou de son baillif ou député, ajoute, si ainsi est que le vendeur se veuille faire ensaisiner ; car par la coutume de la prevôté de Paris, il ne prend saisine qui ne veut, et le seigneur ne reçoit que les ventes ; ce qui fut adopté dans plusieurs coutumes, et notamment dans celle de Paris, rédigée d'abord en 1510, et réformée en 1580 dans celles de Meaux, Sens, Auxerre, Etampes, Montfort, Dourdan, Mantes, Senlis, et Montargis.

La coutume de Clermont est la seule qui ait retenu l'ancien usage d'obliger l'acquéreur de se faire ensaisiner ; l'art. 114 de cette coutume porte, que quand aucun a acquis quelque héritage roturier, il ne se peut mettre audit héritage sans saisine du seigneur, sur peine de soixante sols parisis d'amende.

Dans les autres coutumes, qui n'ont aucune disposition à ce sujet, l'acquéreur est réputé mis en possession civîle par le seul effet des clauses du contrat, par lesquelles le vendeur se dessaisit au profit de l'acquéreur, et ce dernier n'a pas besoin d'autre titre pour prendre possession réelle et de fait ; il peut pareillement disposer de l'héritage et le revendre, quoiqu'il n'ait point fait ensaisiner son contrat.

Le seigneur ne peut saisir pour être payé du droit d'ensaisinement ; il a seulement une action pour s'en faire payer, au cas que l'acquéreur ait pris saisine, et non autrement.

Il est néanmoins avantageux à l'acquéreur de faire ensaisiner son contrat, parce que l'année du retrait lignager ne court que du jour de l'ensaisinement ; et que si le contrat n'est pas ensaisiné, l'action en retrait dure trente ans ; et comme le seigneur a une action pour se faire exhiber le contrat d'acquisition et pour être payé des lods et ventes, on ne manque guère de faire ensaisiner le contrat, en payant les droits seigneuriaux.

L'ensaisinement se met en marge du contrat, et se donne sous seing privé. Il peut être donné par le fermier ou receveur du seigneur, ou autre ayant charge de lui. Toute la formalité consiste en ces mots, ensaisine l'acquéreur au présent contrat, &c.

Le seigneur ne doit pas refuser l'ensaisinement à l'acquéreur qui le demande, en payant par celui-ci le droit de douze deniers pour la saisine, et tous les droits qui sont dû. au seigneur, tant pour la dernière acquisition que pour les précédentes : si le seigneur refusait mal-à-propos l'ensaisinement, l'acquéreur peut le poursuivre devant le juge supérieur de celui du seigneur. Voyez Brodeau sur l'article 82 de la coutume de Paris, et les autres commentateurs des coutumes au titre des censives. (A)

ENSAISINEMENT DE RENTES CONSTITUEES est une formalité qui se pratique dans quelques coutumes, comme Senlis, Clermont, et Valais, pour donner la préférence aux contrats de rentes ensaisinés sur ceux qui ne le sont point : cet ensaisinement est différent du nantissement. Voyez COUTUMES DE SAISINE, MISE DE FAIT, NANTISSEMENT, RENTES CONSTITUEES, SAISINE. (A)

ENSAISINEMENT DES ACTES D'ALIENATION DES BIENS DOMANIAUX, est une formalité établie par arrêt du conseil d'état, du 7 Aout 1703, qui ordonne qu'à l'avenir tous les contrats de vente, échanges, adjudications par decret, licitations, et autres actes translatifs de propriété de terres et héritages tenus en fief ou en roture, tant des domaines qui sont ès mains de S. M. que de ceux qui sont engagés, seront ensaisinés par les receveurs généraux des domaines et bois ; et que ceux qui possèdent depuis 1685, seront tenus de faire ensaisiner leurs titres de propriété dans les temps prescrits, et sous les peines portées par les arrêts.

Ce même ensaisinement a été ordonné par déclaration du 23 Juin 1705, soit que l'ensaisinement ait lieu par la coutume ou non.

La perception des droits pour cet ensaisinement a été réglée par plusieurs arrêts du conseil des 31 Janvier 1708 et premier Novembre 1735. Voyez aussi les édits de Décembre 1701 et 1727, sur la même matière. (A)