Les Bretons sortis des Gaules ayant été les premiers habitants de la Grande-Bretagne, appelée depuis Angleterre, il est sensible que ces peuples y portèrent leurs mœurs et leurs coutumes ; et en effet, Jules César qui fut le premier des Romains qui entra dans la Grande-Bretagne, trouva que la religion de ses habitants, leur langue et leurs coutumes étaient presque les mêmes que celles des Gaulois.

Les Bretons Anglais se révoltèrent au commencement de l'empire d'Auguste, et s'efforcèrent de secouer le joug des Romains ; mais ils furent toujours vaincus. L'empereur Claude dompta pareillement les plus rebelles. Les légions romaines que l'on envoya dans leur pays les accoutumèrent insensiblement à une espèce de dépendance. Ils furent entièrement soumis sous l'empire de Domitien, et demeurèrent tributaires des Romains jusques vers l'an 446. Il est à croire que pendant ce temps ils empruntèrent beaucoup d'usages des Romains, de même que les Gaulois.

Les habitants de la Grande-Bretagne étaient distingués en plusieurs peuples particuliers, tels que les Scots et les Pictes, avec lesquels les Bretons proprement dits étaient en guerre : ces peuples avaient chacun leurs coutumes particulières. Les Bretons ayant appelé à leur secours les Saxons, qui étaient subdivisés en plusieurs peuples, dont le principal était les Angles, ces Saxons et Anglo-Saxons s'emparèrent peu-à-peu de toute la Grande-Bretagne, à laquelle ils donnèrent le nom d'Angleterre ; ils en chassèrent les Bretons, qui se réfugièrent dans la province de Bretagne en France.

Ces Saxons portèrent en Angleterre les lois de leur pays, qu'on appelait la loi des Saxons, et quelquefois celle des Angles ; cette loi est la même qui fut confirmée par Charlemagne, lorsqu'il eut soumis les Saxons d'Allemagne.

Les Anglo-Saxons ayant conquis toute la Grande-Bretagne, il s'y forma jusqu'à sept royaumes différents, qui reçurent chacun de nouvelles lois de leur souverain. Le premier qui donna des lois par écrit à ses sujets, fut Ethelbert roi de la province de Kent, lequel commença à régner en 561 : ces lois sont fort concises et assez grossières. Inas, qui commença à régner l'an 712 sur les Saxons occidentaux, dans la province de West-Sex, leur donna aussi des lais. Offa roi de Mercie, qui regna l'an 758, en fit pareillement pour ses sujets. Enfin Egbert roi de West-Sex ayant réuni sous sa domination presque toute l'Angleterre, fit revoir les lois d'Ethelbert, d'Inas, et d'Offa ; et ayant pris tout ce qui parut convenable, et supprimé le reste, il en composa une nouvelle loi ; c'est pourquoi il est regardé comme l'auteur des lois Anglicanes : il mourut l'an 900. Cette nouvelle loi appelée Westsenelaga, fut faite, dit un historien, inter stridores lituorum et inter fremitus armorum, c'est-à-dire dans l'assemblée de la nation, qui était toujours armée, comme c'était la coutume des Germains et des peuples qui en étaient sortis. La loi d'Egbert fut principalement observée dans les neuf provinces méridionales que la Tamise sépare du reste de l'Angleterre.

Les Danois s'étant emparés de l'Angleterre l'an 1017, y donnèrent une loi nouvelle, qui fut appelée denelaga, c'est-à-dire loi des Danois, elle était suivie dans les quinze provinces orientales et septentrionales de l'Angleterre.

De ces trois sortes de lais, c'est-à-dire de celles des rois Merciens, des Saxons occidentaux et des Danois, Edgar surnommé le Pacifique, forma une loi nouvelle qu'on appela la loi commune : ce prince mourut l'an 975, n'ayant regné que 17 ans. Après sa mort, la loi qu'il avait faite tomba dans l'oubli pendant 68 années, jusqu'au règne d'Edouard II, dit le Confesseur, lequel après l'avoir reformée par le conseil des barons d'Angleterre, la remit en vigueur ; ce qui lui fit donner le nom de loi d'Edouard, quoiqu'il n'en fût pas le premier auteur.

Guillaume dit le Conquérant, duc de Normandie, ayant conquis l'Angleterre en 1065, donna de nouvelles lois à ce pays, composées, selon quelques auteurs, de celles des Morins, des Danois, Anglais, et Normants. Il ordonna, dit-on, qu'elles fussent écrites en langage normand ; ce furent l'archevêque d'Yorck et l'évêque de Londres qui les écrivirent de leur propre main : il voulut même que les causes fussent plaidées en langue normande, usage qui a subsisté jusqu'en 1361, que le parlement tenu à Westminster ordonna que tous actes de justice et plaidoiries se feraient en langue anglaise.

Polydore Virgile dit, en parlant des nouvelles lois données à l'Angleterre par Guillaume le Conquérant, et qui étaient rédigées en langage normand, que c'était une chose étrange, Ve que ces lois qui devaient être connues de tout le monde, n'étaient cependant entendues ni des François ni des Anglais.

Quelques-uns tiennent que Guillaume le Conquérant ne donna point proprement de nouvelles lois à l'Angleterre, et qu'il ne fit que confirmer les anciennes, principalement la loi d'Edouard II, à laquelle il fit seulement quelques additions ; qu'à la vérité son intention était de donner la préférence aux lois des Bavarais et des Danois, parce que lui et ses principaux barons de Normandie tiraient leur origine de Danemark ; mais que les Anglais l'ayant prié de les laisser vivre suivant leurs anciennes lais, c'est-à-dire suivant la loi d'Edouard, il le leur accorda, sans néanmoins que l'on eut abrogé tout à fait les anciennes lois des Merciens, des Saxons occidentaux, et des Danois, dont on retint beaucoup de choses, surtout par rapport aux amendes et compositions, comme il parait par différents chapitres de la loi d'Edouard, et par les lois que Guillaume fit.

Il est certain, en effet, que ce prince en donna de nouvelles aux Anglais, qui sont écrites en vieux langage français, à l'exception de quelques chapitres qui se trouvent en latin. Le premier qui les ait données au public est Selden, dans ses notes sur Edmer, et ensuite Weloc dans sa collection des lois anglicanes, avec une traduction latine de Selden, laquelle n'étant point parfaitement exacte ni conforme au texte, fut dans la suite corrigée par le célèbre Ducange, à la prière de D. Gabriel Gerberon bénédictin, qui travaillait sur Selden.

Henri I. donna aussi de nouvelles lois à ses sujets, qui ont été publiées par Weloc.

Les différentes ordonnances, tant de ce prince que des autres rois d'Angleterre, ont depuis été recueillies en un volume appelé la grande charte, imprimé à Londres en 1618. Voyez ce qui a été dit de la grande charte au mot CHARTRE ; pag. 222. col. 2.

Le droit observé présentement en Angleterre, est composé de ce qu'ils appellent le droit commun, des statuts, du droit civil, du droit canon, des lois forestières, des lois militaires, et des coutumes et ordonnances particulières.

Ils entendent par droit commun ou loi commune, la coutume générale du royaume, à laquelle le temps a donné force de loi : on l'appelle aussi loi non écrite, quoiqu'elle se trouve rédigée en vieux langage normand, parce qu'elle est fondée sur d'anciens usages, qui dans l'origine n'étaient point écrits. Edouard II. et ses successeurs ont confirmé ce droit par diverses ordonnances dont nous avons parlé, et ils y ont ajouté des statuts pour expliquer ce que cette loi ou coutume n'avait pas prévu ou décidé nettement.

On supplée encore ce qui manque à ces deux sortes de lais, par ce qu'ils appellent le droit civil, qui est un précis de ce que les autres nations ont de plus équitable ; ou pour parler plus juste, ce n'est autre chose que le droit romain, lequel était autrefois fort cultivé en Angleterre ; mais présentement ce droit n'est plus observé que dans les cours ecclésiastiques, dans l'amirauté, dans l'université, et dans la cour du lord maréchal.

Le droit canon d'Angleterre, qu'on appelle le droit ecclésiastique du roi, est composé de divers canons des conciles, de plusieurs decrets des papes, et de passages tirés des écrits des pères, que les Anglais ont accommodés à leur créance dans le changement qui s'est fait dans leur église. Suivant la vingt-cinquième ordonnance d'Henri VIII, les lois ecclésiastiques ne doivent être contraires ni à l'écriture, ni aux droits du roi, ni aux statuts et coutumes ordinaires de l'état.

Les lois forestières concernent la chasse et les crimes qui se commettent dans les bois, et il y a sur cette matière des ordonnances d'Edouard III, et le recueil qu'ils appellent charta de foresta.

La loi militaire n'a de force qu'en temps de guerre, et ne s'étend que sur les soldats et sur les matelots ; elle dépend de la volonté du roi ou de son lieutenant général.

Le roi donne aussi pouvoir aux magistrats de quelques villes, de faire des lois particulières pour l'avantage des habitants, pourvu qu'elles ne soient point contraires aux lois du royaume ; du reste il ne peut faire aucune autre loi, ni ordonner aucune levée d'argent sur son peuple, que conjointement avec le parlement assemblé.

Le gouvernement d'Angleterre est en partie monarchique et en partie républicain, le parlement devant concourir avec le roi lorsqu'il s'agit de faire de nouvelles lais, ou d'ordonner de nouvelles levées. Le roi a un conseil d'état, où il règle ce qui regarde le bien public et la défense du royaume, sans juger ce qui peut être décidé par les lois dans les cours de justice.

Ces cours sont au nombre de cinq ; savoir, celle de la chancellerie, celle du banc du roi, des plaidoyers communs, de l'échiquier, et du duché de Lancastre.

Quand il s'agit de fraudes et de complots, la chancellerie juge selon l'équité, et non selon la rigueur des lais.

Chaque ville ou bourg a haute, moyenne, et basse justice.

Nous ne nous étendrons pas davantage ici sur ce qui concerne les offices de judicature d'Angleterre, attendu que l'on parlera de chacun en son lieu.

Suivant la jurisprudence des Saxons, on punissait rarement de mort les criminels ; ils étaient condamnés à une amende, ou bien on les mutilait de quelque membre.

Présentement les crimes que l'on punit de mort, sont ceux de haute trahison, de petite trahison, et de félonie.

Ceux qui sont coupables de haute trahison, sont trainés sur la claie, et ensuite pendus ; mais avant qu'ils expirent on coupe la corde, on leur arrache les entrailles, qu'on brule, et l'on sépare leurs membres pour être exposés en différents endroits.

Le crime de fausse monnaie y est aussi réputé de haute trahison, il n'est cependant pas puni si sévèrement ; on laisse mourir le criminel à la potence.

Dans le cas de haute trahison, tous les biens du coupable sont confisqués au roi ; la femme perd son douaire, et les enfants la noblesse : la peine des autres crimes ne s'étend pas sur les héritiers des criminels.

La misprision ou crime de haute trahison que l'on commet en ne déclarant pas à l'état celui que l'on sait être coupable de haute trahison, n'est puni que de la prison perpétuelle.

Le crime de petite trahison a lieu lorsqu'un valet tue son maître, une femme son mari, un clerc son prélat, un sujet son seigneur : ces crimes sont punis du gibet, la femme est brulée vive ; on punit de même les sorciers.

Les autres crimes capitaux, tels que le vol et le meurtre, sont compris sous le terme de félonie ; on se contente de pendre le coupable : mais si le voleur a assassiné, on le suspend avec des chaînes au lieu où il a commis le meurtre, pour servir de pâture aux oiseaux de proie.

Ceux qui refusent de répondre ou d'être jugés selon les lois du pays, sont obligés de subir ce qu'ils appellent peine forte et dure. Le criminel est attaché par les bras et les jambes dans une basse-fosse, où on lui met quelque chose de fort pesant sur la poitrine ; le lendemain on lui donne trois morceaux de pain d'orge, le troisième jour on lui donne de l'eau, et on le laisse mourir en cet état. Dans le cas de haute trahison, quoique le criminel refuse de répondre, on ne laisse pas, s'il y a preuve d'ailleurs, de le juger à mort.

Celui qui commet un parjure, est condamné au pilori, et déclaré incapable de posséder aucun emploi, comme aussi d'être témoin.

Ceux qui frappent quelqu'un dans les cours de Westminster, et que l'on detient actuellement, sont condamnés à une prison perpétuelle, et leurs biens confisqués.

Les usages les plus singuliers en matière civile, sont, par exemple, qu'une femme noble ne déroge point en épousant un roturier ; et néanmoins si elle épouse un homme dont le rang est moindre que le sien, elle suit le rang de son mari.

Lorsque le mari et la femme commettent un crime ensemble, la femme n'est point réputée auteur ni complice du crime ; on présume qu'elle a été forcée par son mari d'agir comme elle a fait.

Le mari doit reconnaître l'enfant dont sa femme est accouchée pendant son absence, même depuis plusieurs années, pourvu qu'il ne soit pas sorti des quatre mers et des îles Britanniques.

Les pères peuvent disposer de tous leurs biens entre leurs enfants, et même donner tout à l'un d'eux au préjudice des autres ; quand il n'y a point de testament, l'ainé ne donne aux puinés que ce qu'il veut.

Les enfants mâles qui ont perdu leur père, peuvent, à 14 ans, se choisir un tuteur, demander leurs terres en roture, et disposer par testament de leurs meubles et autres biens : on peut à 15 ans les obliger de prêter serment de fidélité au roi, et à 21 ans ils sont majeurs.

Les filles à l'âge de 7 ans peuvent demander quelque chose pour leur mariage, aux fermiers et aux vassaux de leur père ; à neuf ans elles peuvent avoir un douaire, comme si elles étaient nubiles ; à douze ans elles peuvent ratifier le premier consentement qu'elles ont donné pour leur mariage ; et si elles ne le rompent pas à cet âge, elles sont liées irrévocablement ; à dix-sept ans elles sortent de tutele, et à vingt-un ans elles sont majeures.

Il y a en Angleterre deux sortes de tenures en vasselage ; les unes dont la tenure est noble, les autres dont la tenure, et les hommes mêmes qui les afferment, sont serviles et soumis en tout au seigneur, jusqu'à lui donner tout ce qu'ils gagnent ; la loi les appelle pursvillains.

Ceux qui voudront s'instruire plus à fond des usages d'Angleterre, peuvent consulter les auteurs Anglais, comme Brito, Bracton, Cok, Cowel, Glanville, Lithleton, Stanfort, Siknaeus, Thomas Smith, etc.

On ne doit pas oublier non plus un commentaire sur le droit anglais, intitulé fleta, composé en 1340 par quelques jurisconsultes detenus pour crime de concussion dans une prison de Londres, nommée fleta, sous le règne d'Edouard I.

L'Irlande est soumise aux mêmes lois et coutumes que l'Angleterre, et la forme de l'administration de la justice est la même dans ces deux royaumes.

A l'égard de l'Ecosse, son droit municipal a aussi beaucoup de rapport avec celui d'Angleterre. Les lois romaines y ont beaucoup d'autorité ; mais dans les cas que le droit municipal du pays a prévu, il l'emporte sur les lois romaines. (A)

DROIT DU BARROIS, voyez DROIT DE LORRAINE ET BARROIS.

DROIT BELGIQUE, est celui qui s'observe dans les dix-sept provinces des Pays-bas et dans le pays de Liège : il est composé, 1° des édits, placards, ordonnances et déclarations des souverains ; 2° des coutumes particulières des villes et territoires ; 3° des usages généraux de chaque province ; 4° du droit romain ; 5° des statuts et règlements politiques des villes et autres communautés séculières ; 6° des arrêts des cours souveraines ; 7° des sentences des juges subalternes ; 8° des avis et consultations d'avocats.

Les édits, placards et ordonnances des souverains, qui forment le principal droit des Pays-bas, ont deux époques par rapport au parlement de Flandres ; le temps qui a précedé la conquête ou cession de chaque place, et celui qui a suivi.

Les édits, placards et ordonnances qui ont précédé la première époque, sont actuellement observés au parlement de Flandres, nonobstant le changement de domination, à moins que le roi n'y ait dérogé par des déclarations particulières. Une grande partie de ces placards et ordonnances sont compris en huit volumes in-folio ; quatre sous le titre de placards de Flandres, et quatre sous celui de placards de Brabant : Anselme en a fait une espèce de repertoire sous le titre de code belgique. Comme ce repertoire et la plupart de ces placards et ordonnances sont en flamand, ceux qui n'entendent pas cette langue, peuvent voir le traité que le même Anselme a donné sous le titre de Tribonianus belgicus : c'est un commentaire sur les placards qui méritent le plus d'attention. On peut aussi voir Zypeus de notitiâ juris belgici, où il rapporte plusieurs placards qui ont rapport aux matières qu'il traite. Le principal de ces placards est l'édit perpétuel des archiducs, du 12 Juillet 1711, et le plus important, soit par rapport à la quantité de cas, ou à la qualité des matières qu'on y trouve réglées. Anselme a fait un commentaire latin sur cet édit, et Rommelius une dissertation sur l'article 9 du même édit ; elle se trouve à la suite des œuvres du même Anselme.

Les édits et déclarations qui ont été donnés depuis que les places du parlement de Flandres sont sous la domination française, jusqu'en l'année 1700, se trouvent dans l'histoire du parlement de Flandres, composée par M. Pinault des Jaunaux, à son décès président à mortier de ce parlement. La suite de ces règlements se trouve dans un recueil d'édits pour ce même parlement, depuis son établissement jusqu'en 1730, imprimé à Douay.

Il y a plusieurs coutumes particulières dans les Pays-bas ; les unes qui sont homologuées, d'autres qui ne le sont point encore.

Les premières, avant leur homologation, ne consistaient que dans un simple usage, sujet à être contesté. Ces homologations ont commencé du temps de Charles-Quint, et ont été finies du temps de Charles II. roi d'Espagne : depuis leur homologation elles ont acquis force de loi.

Il y a aussi, comme on l'a annoncé, plusieurs coutumes qui ne sont pas encore homologuées, entr'autres celles de la ville, châtellenie et cour féodale de Warneton ; celle du bailliage de Tournay, Mortagne et Saint-Amand ; celle de la gouvernance de Douay, et celle d'Anvers ; de sorte que si les usages en étaient contestés, il faudrait les prouver par turbes, ce qui parait encore usité au parlement de Flandres.

Les principales coutumes des Pays-bas sont celles d'Artais, de Lille, de Hainault, de Gand, de Malines, d'Anvers, Namur, et plusieurs autres.

La Hollande a aussi ses coutumes, et plusieurs villes ont leurs statuts particuliers.

Le pays de Liège est pareillement régi par une coutume qui lui est propre.

Quoique la Flandre soit un pays coutumier, le droit romain y a plus d'autorité que dans les autres pays coutumiers de France, où il n'est considéré que comme raison écrite ; au lieu qu'en Flandres il est reçu comme une loi écrite, plusieurs coutumes de ce pays portant en termes exprès que pour les cas omis on se réglera suivant le droit romain.

Les statuts et ordonnances politiques que les magistrats municipaux sont en droit de faire, sont aussi considérés comme une partie du droit belgique ; et comme dans ces pays les magistrats des villes changent tous les ans, quelques-uns ont prétendu que leurs règlements devaient aussi être publiés tous les ans, ce qui néanmoins ne se pratique point : on en renouvelle seulement la publication lorsque ces règlements deviennent anciens, et qu'ils paraissent tombés dans l'oubli par les contraventions journalières qui se commettent.

Les sentences des juges subalternes ont beaucoup d'autorité en Flandres, non-seulement lorsqu'elles sont passées en force de chose jugée, mais même en cause d'appel, lorsqu'il s'agit d'usages locaux, dont on présume toujours que les premiers juges sont bien informés : il était même autrefois d'usage au parlement, qu'en cas de partage sur un appel, on déférait à la sentence des premiers juges ; mais cela ne s'observe plus que sur les appels des conseillers-commissaires aux audiences.

Lorsque les avis et consultations des avocats ont été donnés après dénomination par le juge supérieur, pour des causes instruites par devant des juges pedanés, ceux-ci sont obligés d'y déférer. Ces avis forment des espèces d'actes de notoriété.

Les nobles jouissent de plusieurs privilèges en Hainault, suivant la coutume générale de la province, où il est dit entr'autres choses, chap. xxxvj. art. 2. que quand tout le bien d'un noble est en arrêt, il doit obtenir provision de vivre. Ils jouissent aussi de plusieurs privilèges en Artais et dans la Flandre française ; mais ils n'en ont aucun dans la Flandre flamande, où il n'y a aucune différence entre les nobles et les roturiers, quant à l'acquisition des fiefs, excepté que les nobles n'y sont pas sujets, comme les roturiers, au droit de nouvel acquêt, dans les endroits où ce droit est en usage.

Suivant l'ancien usage des Pays-bas, le droit d'aubaine appartenait aux seigneurs hauts-justiciers ; mais présentement il appartient au souverain, privativement aux seigneurs.

On devient bourgeois d'une ville par la naissance, par résidence ou par rachat. Ceux qui ne résident pas dans le lieu de leur bourgeoisie, sont appelés bourgeois forains, et ne laissent pas de jouir des mêmes avantages que les bourgeois de résidence. Par la coutume de Liège la bourgeoisie foraine ne sert de rien, si le bourgeois ne demeure chaque année au moins six mois dans la franchise de Liège. Dans le Hainault il n'y a point de bourgeois forains, il leur est seulement permis de s'absenter pour vaquer à leurs affaires. Dans la Flandre flamande on ne peut pas jouir en même temps de deux bourgeoisies ; quand on accepte une seconde bourgeoisie, on perd l'autre.

La puissance paternelle a lieu, même au-delà de la majorité, suivant le droit romain, dans certaines coutumes des Pays-bas, telles que celles de la ville de Lille, de Bergues, Saint-Winoc, et de Courtray ; dans quelques autres coutumes ses effets sont moins étendus.

Il y a quelques serfs de coutume dans la Flandre flamande, où les marques de l'ancien esclavage sont réduites au droit de meilleur catel que les seigneurs y lèvent à la mort de leurs serfs : il y en a aussi dans la coutume de Hainault.

Pour ce qui concerne les matières ecclésiastiques, il est défendu par un placard du 4 Octobre 1540, aux évêques des Pays-bas de fulminer des interdits et des excommunications contre les juges séculiers, sans en communiquer auparavant aux gens du roi.

Toutes les règles de la chancellerie romaine ne sont pas reçues dans ces pays ; celles qu'on y suit ordinairement, sont de triennali possessore, de infirmis resignantibus, de publicandis, de verisimili notitiâ, de idiomate, de subrogando litigatore. Celle des huit mois, et celle par laquelle le pape se réserve les bénéfices qui ont vaqué pendant les huit mois seulement, sont aussi reçues dans plusieurs églises des Pays-bas.

Quelques praticiens s'étant avisés de soutenir que la règle des huit mois était reçue par le droit commun en Flandres, comme pays d'obédience, il intervint arrêt du parlement de Flandres le 22 Décembre 1703, qui fit défenses aux avocats et à tous autres de dire que la Flandre soit un pays d'obédience.

Le concordat germanique fait en 1448 entre Nicolas V. et l'empereur Frédéric III. qui accorde entr'autres choses au saint siège la collation des bénéfices pendant six mois alternatifs contre les ordinaires, est reçu à Cambray comme loi, et le pape ne peut y déroger.

La régale a lieu en Artais, et dans l'église de Notre-Dame de Tournay.

Quelques villes et communautés de Flandres jouissent du droit d'issue ou écart, qui consiste dans le dixième denier de ce que les étrangers viennent recueillir dans la succession d'un bourgeois de la province. Christin dit que ce droit doit son origine à Auguste ; d'autres la tirent des Hébreux, qui payaient un certain droit lorsqu'ils changeaient de tribu, inde jus migrationis. Quelques villes et communautés jouissent de ce droit par l'homologation de leurs coutumes ; d'autres par une concession particulière du souverain ; d'autres par une possession immémoriale, comme à Lille. Dans la Flandre flamande le droit d'écart est dû pour tous les biens d'un bourgeois, qui se trouvent dans la province sous une même domination.

On distingue en Flandres trois sortes de biens ; les fiefs, les mainfermes ou censives, et les terres allodiales.

Les conjoints pratiquent entr'eux des ravetissements semblables à nos dons mutuels.

Le droit de dévolution, si connu dans le Brabant, a lieu dans quelques-unes des coutumes de Flandres ; c'est l'obligation que la coutume impose au survivant des conjoints, de conserver ses biens aux enfants et petits-enfants du premier mariage qui lui survivent, à l'exclusion des enfants des autres mariages suivants.

On y pratique aussi plusieurs sortes de retraits : outre le féodal et le lignager, il y a le retrait partiaire entre co-propriétaires, dont l'un vend sa part ; et le droit de bourgeoisie que quelques coutumes accordent contre les étrangers qui viennent faire des acquisitions dans leur territoire.

Ceux qui voudront avoir une connaissance plus complete du droit belgique, peuvent consulter l'institution faite par M. George de Ghewiet ancien avocat au parlement de Flandres, imprimé à Lille en 1736. (A)

DROIT DE BOHEME, on y suit les lois saxonnes ; et au défaut de ces lois et des autres constitutions municipales, on y suit les lois romaines, comme droit commun. (A)

DROIT CANONIQUE ou ECCLESIASTIQUE, est un corps de préceptes tiré de l'Ecriture-sainte ; des conciles, des decrets et constitutions des papes, des sentiments des pères de l'Eglise, et de l'usage approuvé et reçu par tradition, qui établissent les règles de la foi et de la discipline de l'Eglise.

On appelle ce droit canonique, du terme canon, qui signifie règle, ou bien de ce qu'il est composé en grande partie des canons des apôtres et de ceux des conciles.

Le droit canonique romain est le corps de lois publiées par les papes, en quoi ils ont ou trois objets ; l'un, comme princes temporels, de faire une loi pour tous leurs sujets, laïcs et ecclésiastiques, sur toutes sortes de matières, civiles et criminelles ; le second, comme évêques de Rome et comme chefs de l'Eglise, de donner aux fidèles des principes en matière de doctrine, conformément aux lois de Dieu et aux décisions de l'Eglise.

Le troisième objet a été de donner aux ecclésiastiques des règles de discipline ; mais comme en cette matière chaque église peut avoir ses usages, le droit canonique romain n'a pas toujours été le même à cet égard ; il a souffert divers changements, selon la différence des temps, des lieux et des personnes, et n'est pas encore par-tout uniforme.

C'est par cette raison que l'on distingue le droit canonique français du droit canonique romain ; le premier étant différent de l'autre, en ce qui se trouve contraire aux libertés de l'église gallicane et aux ordonnances du royaume.

Le droit canonique en général se divise en droit écrit et non écrit : le premier est celui qui a été rédigé par écrit, en vertu de l'autorité publique ; et l'autre est celui qu'un long usage a introduit, et qui consiste en maximes ou en traditions bien établies.

On distingue aussi deux sortes de droit canon écrit, savoir les saintes Ecritures et les canons.

Les saintes Ecritures sont celles que renferment l'ancien et le nouveau Testament, et qui sont du nombre de celles que le concîle de Trente a reçues.

Les canons sont des règles tirées ou des conciles, ou des decrets et épitres decrétales des papes, ou du sentiment des saints pères adopté dans les livres du droit canon.

Le corps du droit canonique est composé de six collections différentes, savoir le decret de Gratien, les decrétales de Gregoire IX. le sexte de Boniface VIII. les clémentines, les extravagantes de Jean XXII. et les extravagantes communes. Voyez CLEMENTINES, CODE CANONIQUE, DECRET DE GRATIEN et DECRETALES ; et ci-après EXTRAVAGANTES et SEXTE.

Outre ces différentes lois qui forment le droit canonique commun, la France a, comme on l'a déjà annoncé, son droit canonique particulier, composé des libertés de l'église gallicane, des capitulaires de nos rais, des pragmatiques sanctions, du concordat passé entre Léon X. et François I. enfin de quelques édits de nos rais, antérieurs ou postérieurs à ces pièces. Voyez CAPITULAIRES, CONCORDAT, LIBERTE, PRAGMATIQUE SANCTION.

On confond assez ordinairement le droit canonique avec le droit ecclésiastique ; il y a cependant quelque différence, en ce que le terme de droit ecclésiastique est plus convenable pour exprimer certaines règles de l'église qui ne sont pas fondées précisément sur les canons.

Les auteurs les plus célèbres pour le droit canonique, sont Zoesius, Covarruvias, Pastor, Vanespen, Fagnan, Cabassutius, Doujat, Castel, le P. Thomassin, Lancelot, Fleury, Gibert, et plusieurs autres. Voyez ci-après DROIT PUBLIC ECCLESIASTIQUE. (A)

DROIT CIVIL, est le droit particulier de chaque peuple, quasi jus proprium cujusque civitatis, à la différence du droit naturel et du droit des gens, qui sont communs à toutes les nations. Justinien nous dit dans le titre j. des institutes, que les lois de Solon et de Dracon formaient le droit civil des Athéniens ; que les lois dont les Romains se servaient, étaient leur droit civil ; et que quand on parlait du droit civil, sans ajouter de quel pays, c'était le droit romain, que l'on appelait ainsi le droit civil par excellence. L'usage est encore le même à cet égard : cependant quelquefois on dit le droit civil romain, pour le distinguer du droit canonique romain, et de notre droit civil français, qui est composé des lois propres à la France, telles que les ordonnances, édits et déclarations de nos rais, les coutumes, etc. (A)

Droit civil s'entend aussi quelquefois de celui qui est émané de la puissance séculière, et qui en ce sens est opposé au droit canonique, lequel est composé des lois divines, ou de celles qui sont émanées de l'église. Quand on parle de droit civil et de droit canon, on entend communément le droit romain de Justinien, et le droit canonique romain. (A)

Droit civil est pris aussi quelquefois pour les lois qui concernent les matières civiles seulement, et en ce sens il est opposé au droit criminel, c'est-à-dire aux lois qui concernent les matières criminelles. (A)

Droit civil flavien, voyez DROIT FLAVIEN.

Droit civil papyrien, voyez DROIT PAPYRIEN.

Droit civil romain, voyez ci-dessus le premier article DROIT CIVIL, et ci-après DROIT ROMAIN.

DROIT COMMUN, est celui qui sert à plusieurs nations, ou à une nation entière, ou au moins à toute une province, à la différence du droit particulier, dont l'usage est moins étendu.

Le droit des gens, est le droit commun de toutes les nations policées, lesquelles ont d'ailleurs chacune leur droit particulier.

Le droit commun d'un état, par exemple de la France, est ce que toute la nation observe sur certaines matières, quoique sur d'autres chaque province ait ses lois ou coutumes propres. Philippe le Bel dans une charte de 1312, portant établissement de l'université d'Orléans, dit qu'on a coutume en France de juger suivant les règles de l'équité et de la raison, quand les ordonnances et les coutumes n'ont pas décidé les questions qui se présentent. Il ne dit pas que le droit romain fût le droit commun ; mais c'est qu'alors on ne le professait pas ordinairement à Paris, il avait même été défendu de l'y enseigner : mais depuis que l'étude en a été rétablie dans toutes les universités, il a toujours été considéré comme le droit commun du royaume, tant parce qu'il est la loi municipale des provinces appelées pays de droit écrit, qu'à cause que dans les pays coutumiers même il supplée au défaut des coutumes. Le président Lizet, dans les coutumes qu'il a fait rédiger, le qualifie toujours de droit commun ; le président de Thou l'appelle la raison écrite. Voyez la dissertation de M. Bretonnier, tom. I. d'Henrys.

De même le droit commun d'une province, est la loi qui est suivie sur certains points par tous ses habitants, quoique sur d'autres matières chaque ville ou canton ait ses statuts ou usages particuliers ; ainsi la coutume générale d'Auvergne fait le droit commun du pays, et le droit particulier est composé de toutes les coutumes locales. (A)

DROIT CONSULAIRE, ce sont les ordonnances, édits, déclarations, lettres patentes, et arrêts de règlement intervenus pour régler l'administration de la justice dans les justices consulaires ou juridictions établies pour les affaires de commerce.

On entend aussi quelquefois par le terme de droit consulaire, la jurisprudence qui est suivie dans ces tribunaux, ce qui rentre dans la première définition de ce droit, auquel cette jurisprudence doit être conforme. Voyez les institutes du droit consulaire, par Toubeau, Paris 1682, in-4°. (A)

DROIT COUTUMIER, est celui qui consiste dans l'observation des coutumes : il est opposé au droit écrit, qui est fondé sur des lois écrites dès le temps de leur établissement, au lieu que les coutumes, dans leur origine, n'étaient point écrites ; ce n'étaient point des lois émanées de la puissance publique, mais de simples usages que les peuples s'étaient accoutumés à suivre, et qui par leur ancienneté ont insensiblement acquis force de loi ; et comme chaque nation avait ses mœurs et ses usages longtemps avant que l'écriture fût inventée, et que l'on eut rédigé des lois par écrit, il en résulte nécessairement que le droit coutumier, qui a pris naissance avec les coutumes, est beaucoup plus ancien que le droit écrit, c'est-à-dire que les lois écrites.

Dans les pays même où il y avait déjà des lois écrites, il y avait en même temps un autre droit coutumier, c'est-à-dire non écrit ; c'est ce qu'explique Justinien, lib. I. tit. IIe des institutes. Le droit dont se servent les Romains, est, dit-il, de deux sortes, écrit et non écrit ; et il en était de même chez les Grecs, qui avaient des lois écrites et d'autres non écrites. Le droit non écrit des Romains était celui qu'un long usage avait introduit, sine scripto jus venit quod usus comprobavit, nam diuturni mores consensu utentium comprobati legem imitantur. Ce droit non écrit des Romains, était la même chose que notre droit coutumier avant que les coutumes fussent rédigées par écrit.

Il n'y a encore présentement guère d'état dans lequel, outre les lois proprement dites, il n'y ait aussi des coutumes, et par conséquent un droit coutumier. Il y en a même dans les pays où l'on suit principalement le droit écrit, c'est-à-dire le droit romain, comme en Allemagne et dans les provinces de France, appelées pays de droit écrit, il ne laisse pas d'y avoir aussi quelques coutumes ou statuts ; de sorte que ces pays sont régis principalement par le droit écrit, et sur les matières prévues par la coutume, elles sont régies par leur droit coutumier.

Chaque coutume forme le droit coutumier particulier du pays qu'elle régit ; mais lorsque dans une même province ou dans un même état il y a plusieurs coutumes, elles forment toutes ensemble le droit coutumier de la nation ou de la province : celles de leurs dispositions qui sont d'un usage général, ou dont l'usage est le plus étendu, sont considérées comme droit commun coutumier du pays.

Le droit coutumier de France est composé de plus de 300 coutumes différentes, tant générales que locales. Il n'a commencé à être rédigé par écrit, du moins pour la plus grande partie, que vers le XVe siècle, à l'exception de quelques coutumes qui ont été écrites plutôt.

Le droit coutumier traite de plusieurs matières, qui ont aussi été prévues par le droit romain, comme les successions, testaments, donations, etc. mais il y a certaines matières qui sont propres au droit coutumier, telles que les fiefs, la communauté, le douaire, les propres, le retrait lignager, etc. Voyez COUTUMES. (A)

DROIT DE DANEMARK, est composé des lois que Valdemire roi de ce pays, fit rassembler en un corps, et qu'il tira en partie du droit romain. Les Danois n'ayant jamais été soumis aux Romains, n'ont point été astraints à suivre leurs lois ; elles sont cependant en grand crédit dans ce pays, et l'on y a recours au défaut du droit municipal. (A)

DROIT DIVIN, ce sont les lois et préceptes que Dieu a revelés aux hommes, et qui se trouvent renfermés dans l'Ecriture-sainte ; tels sont les préceptes contenus dans le Décalogue, et autres qui se trouvent répandus dans l'Evangile.

Le droit divin est de deux sortes : l'un, fondé sur quelque raison, comme le commandement d'honorer ses père et mère ; l'autre, qu'on appelle droit divin positif, qui n'est fondé que sur la seule volonté de Dieu, sans que la raison en ait été revélée, tel que la loi cérémoniale des Juifs. Le terme de droit divin est opposé à celui du droit humain, qui est l'ouvrage des hommes.

On ne doit pas confondre le droit ecclésiastique ou canonique avec le droit divin ; le droit canonique comprend à la vérité le droit divin, mais il comprend aussi des lois faites par l'Eglise, lesquelles sont un droit humain aussi-bien que les lois civiles : les unes et les autres sont sujettes à être changées, au lieu que le droit divin ne change point.

La mission des évêques et des curés est de droit divin, c'est-à-dire d'institution divine.

Quelques auteurs prétendent aussi que les dixmes sont de droit divin ; d'autres soutiennent qu'elles sont seulement d'institution ecclésiastique, et autorisées par les puissances séculières. Voyez DIXMES. (A)

DROIT ECCLESIASTIQUE. Voyez ci-devant DROIT CANONIQUE, et ci-après DROIT PUBLIC ECCLESIASTIQUE.

DROIT ÉCRIT, peut s'entendre en général de toutes les lois et usages qui sont actuellement rédigés par écrit : mais le sens le plus ordinaire dans lequel on prend ce terme, est qu'il signifie seulement les lais, qui dans leur origine ont été écrites, à la différence de celles qui ne l'ont été que long temps après, telles que nos coutumes. Les Grecs et les Romains avaient un droit écrit et un droit non écrit : le droit écrit consistait dans les lois proprement dites ; le droit non écrit consistait dans quelques usages non écrits, qui avaient force de loi. En France le droit romain est souvent appelé le droit écrit, quoique présentement nous ayons d'autres lois écrites ; la raison est que dans l'origine c'était la seule loi écrite qu'il y eut, les coutumes n'ayant commencé à être rédigées par écrit que longtemps après.

On appelle pays de droit écrit, ceux où le droit romain est observé comme loi. Voyez DROIT COUTUMIER. (A)

DROIT D'ESPAGNE et DE PORTUGAL. Avant que ces pays fussent soumis aux Romains, ils n'avaient d'autres lois que leurs coutumes et usages, qui n'étaient point rédigés par écrit : on en voit encore des vestiges dans les lois que les rois d'Espagne ont faites dans la suite.

Depuis qu'Auguste eut rendu ces pays tributaires de l'Empire, on n'y connut que les lois romaines, jusqu'à ce que les Visigoths et les Vandales en ayant chassé les Romains, y introduisirent leurs lois ; et pour les mettre à portée d'être entendues des Espagnols, ils les firent traduire en latin, telles qu'on les voit rassemblées, en douze livres, dans le code des lois antiques. Les lois romaines n'y furent cependant pas abolies, et continuèrent d'y être observées conjointement avec celles des Goths jusqu'en 714, que les Maures et les Sarrasins s'emparèrent de l'Espagne, et en chassèrent les Goths. La domination des Maures et des Sarrasins dura dans plusieurs parties de l'Espagne pendant plus de sept siècles. Ce fut dans cet espace de temps, et dans le courant du XIIe siècle, que le digeste fut retrouvé en Italie, et donna occasion de rétablir l'observation des lois de Justinien dans plusieurs états de l'Europe. Alphonse IX et Alphonse X les adoptèrent dans leur royaume d'Aragon ; ils les firent même traduire en espagnol. Ferdinand V. roi d'Aragon, et Isabelle de Castille ayant chassé les Sarrasins et les Maures en 1492, depuis ce temps on abandonna le droit gothique ; et les rois d'Espagne se formèrent un droit particulier, composé tant de leurs ordonnances que du droit romain et des anciennes coutumes, ce qui fut appelé droit royal. Quelques auteurs ont révoqué en doute, que le droit romain fût le droit commun d'Espagne, y ayant, disent-ils, une loi qui défend sous peine de la vie de le citer. Mais cette loi, qui apparemment avait été faite par Alaric I. roi des Goths, n'étant plus d'aucune autorité, on ne voit rien qui empêche de regarder le droit romain comme le droit commun. Les lois faites à Madrid en 1502, ordonnent même d'interpreter le droit d'Espagne par le droit romain. On suit les mêmes lois dans la partie des Indes qui appartient aux Espagnols. Voyez las siete partidas del rey D. Alfonso el nono, por Greg. Lopez, imprimé à Madrid en 1611, 3. vol. in-fol. le même con la glossa del dotor Diez de Montalvo, Lyon, 1658, in-fol. Hyeronim. de Coevallos, hispani j. c. speculum opinionum communium. L'Espagne a produit depuis le XVIe siècle un grand nombre d'autres jurisconsultes, dont M. Terrasson fait mention en son histoire de la jurisprudence romaine, p. 432. et suiv. (A)

DROIT ÉTRANGER, est celui qui est suivi par d'autres nations ; ainsi le droit allemand, le droit espagnol, sont un droit étranger par rapport à la France, de même que le droit français est étranger par rapport aux autres états. Voyez DROIT ALLEMAND, ANGLOIS, BELGIQUE, ESPAGNOL, etc. (A)

DROIT ÉTROIT, signifie la lettre de la loi prise dans la plus grande rigueur ; au lieu que dans certains cas où la loi parait trop dure, on juge des choses selon la bonne foi et l'équité. La loi 90, au ff. de regulis juris, ordonne qu'en toutes affaires, et surtout en jugement, on ait principalement égard à l'équité. La loi 3, au code de judiciis, s'explique encore plus nettement au sujet du droit étroit, auquel elle veut que l'on préfère la justice et l'équité : placuit in omnibus rebus praecipuam esse justitiae aequittatisque, quam stricti juris rationem.

Il y avait chez les Romains des contrats de bonne foi, et des contrats de droit étroit, stricti juris. Les premiers étaient les actes obligatoires de part et d'autre, et qui, à cause de cette obligation réciproque, demandaient plus de bonne foi que les autres, comme la société : les contrats de droit étroit étaient ceux qui n'obligeaient que d'un côté, et dans lesquels on n'était tenu que de remplir strictement la convention, tels que le prêt, la stipulation, et les contrats innommés.

Il y avait aussi plusieurs sortes d'actions, les unes appelées de bonne foi, d'autres arbitraires, d'autres de droit étroit. Les actions de bonne foi étaient celles qui dérivaient de contrats où la clause de bonne foi était apposée, au moyen de quoi l'interprétation s'en devait faire équitablement. Les actions arbitraires dépendaient pour leur estimation de l'arbitrage du juge ; au lieu que dans les actions de droit étroit, du nombre desquelles étaient toutes les actions qui n'étaient ni de bonne foi ni arbitraires, le juge devait se régler précisément sur la demande du demandeur ; il fallait lui adjuger tout ou rien, comme dans l'action de prêt ; celui qui avait prêté cent écus les demandait, il n'y avait point de plus ni de moins à arbitrer.

En France tous les contrats et les actions sont censés de bonne foi ; il y a néanmoins certaines règles que l'on peut encore regarder comme de droit étroit, telles que les lois pénales, qui ne s'étendent point d'un cas à un autre, et les lois qui gênent la liberté du commerce, telles que celles qui admettent le retrait lignager, que l'on doit renfermer dans ses justes bornes, sans lui donner aucune extension. (A)

DROIT FLAVIEN : on donna ce nom, chez les Romains, à un ouvrage de Cnaeus Flavien, qui contenait l'explication des formules et des fastes.

Pour bien entendre quel était l'objet de cet ouvrage, il faut observer qu'après la rédaction de la loi des douze tables, Appius Claudius l'un des décemvirs fut chargé par les patriciens et par les pontifes, de rédiger des formules qui servissent à diriger les actions résultantes de la loi. Ces formules étaient fort embarrassantes, elles ressemblaient beaucoup à notre procédure, et furent nommées legis actiones.

Outre ces formules il y avait aussi les fastes, c'est-à-dire un livre dans lequel était marquée la destination de tous les jours de l'année, et singulièrement de ceux qu'on appelait dies fasti, dies nefasti, dies intercisi, etc. Il contenait aussi la liste des fêtes, les cérémonies des sacrifices, les formules des prières, les lois concernant le culte des dieux, les jeux publics, et les victoires, le temps des semences, de la récolte, des vendanges, et beaucoup d'autres cérémonies et usages.

Les pontifes et les patriciens, qui étaient les dépositaires des formules et des fastes, en faisaient un mystère pour le peuple : mais Cnaeus Flavius, qui était secrétaire d'Appius, ayant eu par son moyen communication des fastes et des formules, il les rendit publiques ; ce qui fut si agréable au peuple, que Flavius fut fait tribun, sénateur, et édîle curule, et que l'on appela son livre le droit civil Flavien ; il en est parlé dans Tite-Live, décad. 1. lib. IX. et au digeste, de origine juris, leg. 2. §. 7. (A)

DROIT FRANÇOIS, signifie les lais, coutumes, et usages que l'on observe en France.

On distingue ce droit en ancien et nouveau. L'ancien droit est composé des lois antiques, des capitulaires, et anciennes coutumes. Le droit nouveau est composé d'une partie de l'ancien droit, c'est-à-dire de ce qui en est encore observé ; de partie du droit canonique et civil romain ; des ordonnances, édits, déclarations, et lettres patentes de nos rois ; des coutumes, des arrêts de règlement, et de la jurisprudence des arrêts ; enfin des usages non écrits, qui ont insensiblement acquis force de loi.

Le plus ancien droit qui ait été observé dans les Gaules, est sans contredit celui des Gaulois, lesquels n'avaient point de lois écrites. M. Argou, en son hist. du droit français, a touché quelque chose de leurs mœurs comme par simple curiosité, et a paru douter qu'il nous restât encore quelque droit qui vint immédiatement des Gaulois.

Il est néanmoins certain que nous avons encore plusieurs coutumes ou usages qui viennent d'eux : tels que la communauté de biens, l'usage des propres et du retrait lignager. César, en ses commentaires de bello gallico, fait mention de la communauté ; Tacite parle du douaire : le retrait lignager, qui suppose l'usage des propres, vient aussi des Gaulois, comme le remarquent Pithou sur l'article 144 de la coutume de Troie., et l'auteur des recherches sur l'origine du droit français.

Lorsque Jules César eut fait la conquête des Gaules, il ne contraignit point les peuples qu'il avait soumis à suivre les lois romaines : mais le mélange qui se fit des Romains avec les Gaulois, fut cause que ces derniers s'accoutumèrent insensiblement à suivre les lois romaines, lesquelles devinrent enfin la loi municipale des provinces les plus voisines de l'Italie, tellement qu'elles ne conservèrent presque rien de leurs anciens usages.

Le premier droit romain observé dans les Gaules, fut le code théodosien avec les institutes de Caïus, les fragments d'Ulpien, et les sentences de Paul.

Les Visigoths, les Bourguignons, les Francs, et les Allemands, qui s'emparèrent chacun d'une partie des Gaules, y apportèrent les usages de leur pays, c'est-à-dire des coutumes non écrites, qu'on qualifiait néanmoins de lois selon le langage du temps ; delà vinrent la loi des Visigoths qui occupaient l'Espagne et une grande partie de l'Aquittaine ; la loi des Bourguignons, lesquels sous le nom de Bourgogne occupaient environ un quart de ce qui compose le royaume de France ; la loi Salique et la loi des Ripuariens, qui étaient les lois des Francs : l'une pour ceux qui habitaient entre la Loire et la Meuse : l'autre, qui n'est proprement qu'une répétition de la loi Salique, était pour ceux qui habitaient entre la Meuse et le Rhin ; et la loi des Allemands, qui était pour les peuples d'Alsace et du haut Palatinat.

Comme tous ces peuples n'étaient occupés que de la guerre et de la chasse, leurs lois étaient fort simples.

Ils ne contraignirent point les Gaulois de les suivre ; ils leur laissèrent la liberté de suivre leurs anciennes lois ou coutumes ; chacun avait même la liberté de choisir la loi sous laquelle il voulait vivre, et l'on était obligé de juger chacun suivant la loi sous laquelle il était né, ou qu'il avait choisie : les uns vivaient selon la loi romaine : d'autres suivaient celle des Visigoths : d'autres, la loi gombette ou les lois des Francs.

L'embarras et l'incertitude que causait cette diversité de lois qui, à l'exception des lois romaines, n'étaient point écrites, engagea à les faire rédiger par écrit ; elles furent écrites en latin par des Gaulois ou Romains, et cela fut fait de l'autorité des rois de la première race : quelques-unes, après une première rédaction, furent ensuite réformées et augmentées ; et elles ont été toutes recueillies en un même volume, que l'on a intitulé codex legum antiquarum, qui contient aussi les anciennes lois des Bavarais, des Saxons, des Anglais, des Frisons, etc. A ces anciennes lois succédèrent en France les capitulaires ou ordonnances des rois de la seconde race ; de même que sous la troisième, les ordonnances, édits, déclarations, ont pris la place des capitulaires. Voyez CAPITULAIRES, I DES GOTHSOTHS, LOI SALIQUE, etc. et aux mots ORDONNANCE, EDIT, et DECLARATION.

Les Gaulois et les Romains établis dans les Gaules suivaient la loi romaine, qui consistait alors dans le code théodosien, dont Alaric fit faire un abrégé par Arien son chancelier ; et dans le XIIe siècle, les lois de Justinien ayant été retrouvées en Italie, furent aussi introduites en France, et observées au lieu du code théodosien. Voyez CODE et DIGESTE.

Les provinces les plus méridionales de la France, plus attachées au droit romain que les autres, l'ont conservé comme leur droit municipal, et n'ont point d'autre loi, si l'on en excepte quelques statuts locaux, et les ordonnances, édits, et déclarations, qui dérogent au droit romain ; et comme les lois romaines étaient dans l'origine les seules qui fussent écrites, les provinces où ces lois sont suivies comme droit municipal, sont appelées pays de droit écrit. Voyez DROIT ROMAIN et PAYS DE DROIT ECRIT.

Dans les provinces les plus septentrionales de la France, les coutumes ont prévalu peu-à-peu sur le droit romain, de sorte qu'elles en forment le droit municipal ; et le droit romain n'y est considéré que comme une raison écrite, qui supplée aux cas que les coutumes n'ont pas prévus ; et comme ces provinces sont régies principalement par leurs coutumes, on les appelle pays coutumiers. Voyez COUTUME.

On voit donc que le droit français n'est point une seule loi uniforme dans tout le royaume, mais un composé du droit romain civil et canonique, des coutumes, des ordonnances, édits et déclarations, lettres patentes, arrêts de règlements : il y a même aussi différents usages écrits qui ont force de loi, et qui font partie du droit français.

Ainsi le droit romain, même dans les pays de droit écrit où il est observé, ne peut être appelé le droit français, mais il fait partie de ce droit. Il en est de même des coutumes, ce droit n'étant propre qu'aux pays coutumiers, comme le droit romain aux pays de droit écrit.

Mais les ordonnances, édits, et déclarations, peuvent à juste titre être qualifiés de droit français, attendu que quand les dispositions de ces sortes de lois sont générales, elles forment un droit commun pour tout le royaume.

Le droit français se divise comme celui de tout autre pays, en droit public et droit privé.

On appelle droit public français, ou de la France, celui qui a pour objet le gouvernement général du royaume, ou qui concerne quelque partie de ce gouvernement.

Le droit français privé est celui qui concerne les intérêts des particuliers, considérés chacun séparément et non collectivement. Voyez ci-après DROIT PUBLIC et DROIT PRIVE.

On divise encore le droit français en civil et canonique. Le premier est celui qui s'applique aux matières civiles. L'autre, qui a pour objet les matières canoniques et bénéficiales, est le droit canonique tel qu'il s'observe en France, c'est-à-dire conformément aux anciens canons, aux libertés de l'église Gallicane, et aux ordonnances du royaume.

M. l'abbé Fleury a fait une histoire fort curieuse du droit français, qui est imprimée en tête de l'institution d'Argou, et dans laquelle il donne non-seulement l'histoire du droit français en général, mais aussi des différentes parties qui le composent, c'est-à-dire des lois antiques, des capitulaires, du droit romain, des coutumes, et des ordonnances : mais comme ici ce qui est propre à chacun de ces objets doit être expliqué en son lieu, afin de ne pas tomber dans des répétitions, on s'est borné à donner une idée de ce que l'on entend par droit français en général ; et pour le surplus, on renvoye le lecteur à l'histoire de M. l'abbé Fleury, et aux articles particuliers qui ont rapport au droit français.

Plusieurs auteurs ont fait divers traités sur le droit français. Les uns ont fait des institutions au droit français, comme Coquille et Argou ; d'autres ont fait les règles du droit français, comme Poquet de Livonière : Lhommeau a donné les maximes générales du droit général ; Jérôme Mercier a donné des remarques ; Bouchel, la bibliothèque du droit français ; Automne, une conférence du droit français avec le droit romain ; Bourgeon a donné le droit commun de la France. Il y a encore une foule d'auteurs qui ont donné des traités ex professo sur le droit français, ou qui en ont traité sous d'autres titres ; ce qui serait ici d'un trop long détail. Pour les connaître, on peut recourir aux meilleurs catalogues des bibliothèques.

L'étude du droit français n'a été établie dans les universités qu'en 1680 ; auparavant on n'y enseignait que le droit civil et canonique. Voyez le discours de M. Delaunay professeur en droit français, prononcé à Paris pour l'ouverture de ses leçons, le 28 Décembre 1680. (A)

DROIT DES GENS, est une jurisprudence que la raison naturelle a établie sur certaines matières entre tous les hommes, et qui est observée chez toutes les nations.

On l'appelle aussi quelquefois droit public des gens ou droit public simplement ; mais quoique l'on distingue deux sortes de droit public, l'un général qui est commun à toutes les nations, l'autre particulier qui est propre à un état seulement, le terme de droit des gens est plus ancien et plus usité, pour exprimer le droit qui est commun à toutes les nations.

Les lois romaines distinguent le droit naturel d'avec le droit des gens ; et en effet le premier considéré dans le sens le plus étendu que ce terme présente, est un certain sentiment que la nature inspire à tous les animaux aussi-bien qu'aux hommes.

Mais si l'on considère le droit naturel qui est propre à l'homme, et qui est fondé sur les seules lumières de la raison, dont les bêtes ne sont pas capables, il faut convenir que dans ce point de vue le droit naturel est la même chose que le droit des gens, l'un et l'autre étant fondé sur les lumières naturelles de la raison : aussi voit-on que la plupart des auteurs qui ont écrit sur cette matière, ont confondu ces deux objets ; tels que le baron de Puffendorf, qui a intitulé son ouvrage le droit de la nature et des gens, ou système général de la morale, de la jurisprudence, et de la politique.

On distinguait aussi chez les Romains deux sortes de droit des gens ; savoir, l'un primitif appelé primarium, l'autre secundarium.

Le droit des gens appelé primarium, c'est-à-dire primitif ou plus ancien, est proprement le seul que la raison naturelle a suggéré aux hommes : comme le culte que l'on rend à Dieu, le respect et la soumission que les enfants ont pour leurs père et mère, l'attachement que les citoyens ont pour leur patrie, la bonne-foi qui doit être l'âme des conventions, et plusieurs autres choses semblables.

Le droit des gens appelé secundarium, sont de certains usages qui se sont établis entre les hommes par succession de temps, à mesure que l'on en a senti la nécessité.

Les effets du droit des gens par rapport aux personnes, sont la distinction des villes et des états, le droit de la guerre et de la paix, la servitude personnelle, et plusieurs autres choses semblables. Ses effets par rapport aux biens, sont la distinction des patrimoines, les relations que les hommes ont entre eux pour le commerce et pour les autres besoins de la vie ; et la plupart des contrats, lesquels tirent leur origine du droit des gens, et sont appelés contrats du droit des gens, parce qu'ils sont usités également chez toutes les nations : tels que les contrats de vente, d'échange, de louage, de prêt, etc.

On voit par ce qui vient d'être dit, que le droit des gens ne s'applique pas seulement à ce qui fait partie du droit public général, et qui a rapport aux liaisons que les différentes nations ont les unes avec les autres, mais aussi à certains usages du droit privé, lesquels sont aussi regardés comme étant du droit des gens, parce que ces usages sont communs à toutes les nations, tels que les différents contrats dont on a fait mention ; mais quand on parle simplement du droit des gens, on entend ordinairement le droit public des gens.

Le droit primitif des gens est aussi ancien que les hommes ; et il a tant de rapport avec le droit naturel, qui est propre aux hommes, qu'il est par essence aussi invariable que le droit naturel. Les cérémonies de la religion peuvent changer, mais le culte que l'on doit à Dieu ne doit souffrir aucun changement : il en est de même des devoirs des enfants envers les pères et mères, ou des citoyens envers la patrie, et de la bonne-foi dû. entre les contractants ; si ces devoirs ne sont pas toujours remplis bien pleinement, au moins ils doivent l'être, et sont invariables de leur nature.

Pour ce qui est du second droit des gens appelé par les Romains secundarium, celui-ci ne s'est formé, comme on l'a déjà dit, que par succession de temps, et à mesure que l'on en a senti la nécessité : ainsi les devoirs réciproques des citoyens ont commencé lorsque les hommes ont bâti des villes pour vivre en société ; les devoirs des sujets envers l'état ont commencé, lorsque les hommes de chaque pays qui ne composaient entr'eux qu'une même famille soumise au seul gouvernement paternel, établirent au-dessus d'eux une puissance publique, qu'ils déférèrent à un ou plusieurs d'entr'eux.

L'ambition, l'intérêt, et autres sujets de différends entre les puissances voisines, ont donné lieu aux guerres et aux servitudes personnelles : telles sont les sources funestes d'une partie de ce second droit des gens.

Les différentes nations, quoique la plupart divisées d'intérêt, sont convenues entr'elles tacitement d'observer, tant en paix qu'en guerre, certaines règles de bienséance, d'humanité, et de justice : comme de ne point attenter à la personne des ambassadeurs, ou autres personnes envoyées pour faire des propositions de paix ou de treve ; de ne point empoisonner les fontaines ; de respecter les temples ; d'épargner les femmes, les vieillards, et les enfants : ces usages et plusieurs autres semblables, qui par succession de temps ont acquis force de loi, ont formé ce que l'on appelle droit des gens, ou droit commun aux divers peuples.

Les nations policées ont cependant plus ou moins de droits communs avec certains peuples qu'avec d'autres, selon que ces peuples sont eux-mêmes plus ou moins civilisés, et qu'ils connaissent les lois de l'humanité, de la justice et de l'honneur.

Par exemple, avec les sauvages antropophages, qui sont dans une profonde ignorance et sans forme de gouvernement, il y a peu de communication, et presqu'aucune sûreté de leur part. Il est permis aux autres hommes de s'en défendre, même par la force, comme des bêtes féroces ; on ne doit cependant jamais leur faire de mal sans nécessité : on peut habiter dans leur pays pour le cultiver, et s'ils veulent trafiquer avec nous, les instruire de la vraie religion, et leur communiquer les commodités de la vie.

Chez les Barbares qui vivent en forme d'état, on peut trafiquer et faire toutes les autres choses qu'ils permettent, comme on ferait avec des peuples plus polis.

Avec les infidèles on peut faire tout ce qui ne tend point à autoriser leur religion, ni à nier ou déguiser la nôtre.

Les diverses nations mahométanes, quoiqu'attachées la plupart à différentes sectes et soumises à diverses puissances, ont entr'elles plusieurs droits communs qui forment leur droit des gens, l'alcoran étant le fondement de toutes leurs lais, même pour le temporel.

Les Chrétiens, lorsqu'ils sont en guerre les uns contre les autres, font des prisonniers, comme les autres nations ; mais ils ne traitent point leurs prisonniers en esclaves : c'est aussi une loi entr'eux, de se donner un mutuel secours contre les infidèles.

Le droit des gens qui s'observe présentement en Europe, s'est formé de plusieurs usages venus en partie des Romains, en partie des lois germaniques, et n'est arrivé que par degrés au point de perfection où il est aujourd'hui.

Les Germains, d'où sont sortis les Francs, ne connaissaient encore presqu'aucun droit des gens du temps de Tacite ; puisque cet auteur, en parlant des mœurs de ces peuples, dit que toute leur politique à l'égard des étrangers, consistait à enlever ouvertement à leurs voisins le fruit de leur labeur, ayant pour maxime qu'il y avait de la lâcheté à n'acquérir qu'à force de travaux et de sueurs, ce que l'on pouvait avoir en un moment au prix de son sang.

Les lois et les mœurs de la France s'étendirent depuis Charlemagne dans toute l'Italie, Espagne, Sicile, Hongrie, Allemagne, Pologne, Suède, Danemark, Angleterre, et généralement dans toute l'Europe, excepté ce qui dépendait de l'empire de Constantinople. Dans tous ces pays le nom d'empereur romain a toujours été respecté ; et celui qui en a le titre, tient le premier rang entre les souverains. On remarque aussi que dans ces différents états de l'Europe on use à-peu-près des mêmes titres de dignité ; que dans chaque état il y a un roi ou autre souverain ; que les principaux seigneurs portent partout les mêmes titres de princes, ducs, comtes, etc. que les officiers ont aussi les mêmes titres de connétables, chanceliers, maréchaux, sénéchaux, amiraux, etc. qu'il y a par-tout des assemblées publiques à-peu-près semblables, sous le nom de parlements, états, dietes, conseils, chambres, etc. qu'on y observe par-tout la distinction des différents ordres, tels que le clergé, la noblesse, et le tiers-état ; celle de la robe avec l'épée, celle des nobles d'avec les roturiers : enfin que toute la forme du gouvernement y est prise sur le même modèle ; ce qui vient de ce que ces peuples étaient tous sujets de Charlemagne, ou ses voisins, qui faisaient gloire de l'imiter.

C'est aussi de-là que plusieurs de ceux qui ont traité du droit public ou droit des gens de l'Europe, disent que la véritable origine de ce droit ne remonte qu'au temps de Charlemagne, parce qu'en effet les diverses nations de l'Europe étaient jusqu'alors peu civilisées, et observaient peu de règles entr'elles. C'est à cette époque mémorable du règne de Charlemagne, que commence le corps universel diplomatique du droit des gens, par Jean Dumont, qui contient en dix-sept tomes in-folio tous les traités d'alliance, de paix, de navigation et de commerce, et autres actes relatifs au droit des gens depuis Charlemagne.

D'autres prétendent que l'on ne doit reprendre l'étude du droit des gens qu'au temps de l'empereur Maximilien I. de Louis XI. et de Ferdinand le Catholique, tous deux rais, l'un de France, l'autre d'Espagne ; que tout ce qui se trouve au-dessus de ce temps, sert moins pour l'instruction que pour la curiosité, et que ce n'est que depuis ces princes que l'on voit une politique bien formée et bien établie. Voyez l'Europe pacifiée par l'équité de la reine de Hongrie, p. 5.

Ce que dit cet auteur serait véritable, si par le terme de politique on n'entendait autre chose que la science de vivre avec les peuples voisins, et les règles que l'on doit observer avec eux ; mais suivant l'idée que l'on attache communément au terme de politique, c'est une certaine prudence propre au gouvernement, tant pour l'intérieur que pour les affaires du dehors : c'est l'art de connaître les véritables intérêts de l'état, et ceux des puissances voisines ; de cacher ses desseins, de prévenir et rompre ceux des ennemis ; or en ce sens la politique est totalement différente du droit public des gens, qui n'est autre chose que certaines règles observées par toutes les nations entr'elles, par rapport aux liaisons réciproques qu'elles ont.

Le traité de Grotius, de jure belli et pacis, qui, suivant ce titre, semble n'annoncer que les lois de la guerre, lesquelles en font en effet le principal objet, ne laisse pas de renfermer aussi les principes du droit naturel et ceux du droit des gens. Il y traite du droit en général, des droits communs à tous les hommes, des différentes manières d'acquérir, du mariage, du pouvoir des pères sur leurs enfants, de celui des maîtres sur leurs esclaves, et des souverains sur leurs sujets, des promesses, contrats, serments, traités publics, du droit des ambassadeurs, des droits de sépulture ; des peines, et autres matières qui sont du droit des gens. Les lois même de la guerre et de la paix en font partie ; c'est pourquoi il examine ce que c'est que la guerre, en quel cas elle est juste ; ce qu'il est permis de faire pendant la guerre, et comment on doit garder la foi promise aux ennemis, de quelle manière on doit traiter les vaincus.

Mais quoique cet ouvrage contienne d'excellentes choses sur le droit des gens, on ne peut le regarder comme un traité méthodique de ce droit en général ; et c'est sans doute ce qui a engagé Puffendorf à composer son traité de jure naturae et gentium, dans lequel il a observé plus d'ordre pour la distribution des matières. Ce traité a été traduit en français, comme celui de Grotius, par Barbeyrac, et accompagné de notes très-utiles : on en Ve faire ici une courte analyse, rien n'étant plus propre à donner une juste idée des matières qu'embrasse le droit des gens.

L'auteur (Puffendorf) dans le premier livre cherche d'abord la source du droit naturel et des gens dans l'essence des êtres moraux, dont il examine l'origine et les différentes sortes. Il appelle êtres moraux certains modes que les êtres intelligens attachent aux choses naturelles ou aux mouvements physiques : en vue de diriger et de restraindre la liberté des actions volontaires de l'homme, et pour mettre quelqu'ordre, quelque convenance et quelque beauté dans la vie humaine, il examine ce que l'on doit penser de la certitude des Sciences morales, comment l'entendement humain et la volonté sont des principes des actions morales : il traite ensuite des actions morales en général, et de la part qu'y a l'agent, ou ce qui fait qu'elles peuvent être imputées ; de la règle qui dirige les actions morales, et de la loi en général ; des qualités des actions morales, de la quantité ou de l'estimation de ces actions, et de leur imputation actuelle.

Après ces préliminaires sur tout ce qui a rapport à la morale, l'auteur, dans le livre second, traite de l'état de nature, et des fondements généraux de la loi naturelle même. Il établit qu'il n'est pas convenable à la nature de l'homme de vivre sans quelque loi ; puis il examine singulièrement ce que c'est que l'état de nature, et ce que c'est que la loi naturelle en général ; quels sont les devoirs de l'homme par rapport à lui-même, tant pour ce qui regarde le soin de son âme, que pour ce qui concerne le soin de son corps et de sa vie ; jusqu'où s'étendent la juste défense de soi-même, et les droits et privilèges de la nécessité.

Jusqu'ici il ne s'agit que du droit naturel ; mais dans le livre troisième l'auteur parait avoir en vue le droit des gens : en effet, il traite en général des devoirs absolus des hommes les uns envers les autres, et des promesses ou des conventions en général. Les principes qu'il établit, sont qu'il ne faut faire du mal à personne ; que si l'on a causé du dommage, on doit le réparer ; que tous les hommes doivent se regarder les uns les autres comme naturellement égaux, et à cette occasion il explique les devoirs communs de l'humanité ; avec quelle fidélité inviolable on doit tenir sa parole, et accomplir les différentes sortes d'obligations ; qu'elle est la nature des promesses et des conventions en général, ce qui en fait la matière, et quel consentement y est requis ; les conditions et autres clauses que l'on peut ajouter aux engagements, et comment on peut contracter par procureur.

Le quatrième livre parait se rapporter à deux principaux objets ; l'un est l'obligation qui concerne l'usage de la parole et l'usage du serment : il traite aussi à cette occasion de la nature du mensonge. L'autre objet est le droit de propriété, et les différentes manières d'acquérir : il explique à ce sujet les droits des hommes sur les choses, l'origine de la propriété des biens, les choses qui peuvent entrer en propriété, l'acquisition qui se fait par droit de premier occupant, celle des accessoires ; le droit que l'on peut avoir sur le bien d'autrui, les différentes manières d'aliéner, les dispositions testamentaires, les successions ab intestat, les règles de la prescription, enfin les devoirs qui résultent de la propriété des biens considérée en elle-même, et surtout à quoi est tenu un possesseur de bonne foi.

Puffendorf traite ensuite dans le Ve livre, du prix des choses, des contrats en général ; de l'égalité qu'il doit y avoir dans ceux qu'il appelle intéressés de part et d'autre, c'est-à-dire qui sont synallagmatiques ; des contrats qui contiennent quelque libéralité ; de l'échange et de la vente, qui sont les deux premières sortes de contrats synallagmatiques ; du louage, du prêt à consomption, qui est celui que l'on appelle en droit, mutuum, et des intérêts de la société ; des contrats aléatoires, des conventions accessoires ; comment on est dégagé des engagements où l'on est entré personnellement ; de quelle manière on doit interprêter les conventions et les lais, et comment se vident les differends survenus entre ceux qui vivent dans l'état de liberté naturelle.

Le sixième livre concerne le mariage, le pouvoir paternel, et le pouvoir des maîtres sur leurs serviteurs ou sur leurs esclaves.

Le septième traite des motifs qui ont porté les hommes à former des sociétés civiles, de la constitution intérieure des états, de l'origine et des fondements de la souveraineté, de ses parties et de leur liaison naturelle, des diverses formes de gouvernement, des caractères propres et des modifications de la souveraineté, des différentes manières de l'acquérir, enfin des droits et devoirs du souverain.

Dans le huitième et dernier livre l'auteur explique le pouvoir législatif qui appartient aux souverains, celui qu'ils ont sur la vie de leurs sujets à l'occasion de la défense de l'état, et celui qu'ils ont sur la vie et les biens de leurs sujets pour la punition des crimes et délits. Il traite aussi de l'estime en général, et du pouvoir qu'ont les souverains de régler le degré d'estime et de considération où doit être chaque citoyen ; en quel cas ils peuvent disposer du domaine de l'état et des biens des particuliers. Le droit de la guerre, qui fait aussi un des objets de ce livre, fait seul la matière du traité de Grotius. Les conventions que l'on fait avec les ennemis pendant la guerre, celles qui tendent à rétablir la paix, sont aussi expliquées par Puffendorf. Il termine ce livre par ce qui concerne les alliances et les conventions publiques faites sans ordre du souverain, les contrats et autres conventions ou promesses des rois ; comment on cesse d'être citoyen ou sujet d'un état, enfin des changements et de la destruction des états.

Tel est le système de Puffendorf, et l'ordre qu'il a suivi dans son traité ; ouvrage rempli d'érudition, et sans contredit fort utile, mais dans lequel il y a plusieurs choses qui ne conviennent point à nos mœurs, comme ce qu'il dit du droit du premier occupant par rapport à la chasse ; et sur le mariage, singulièrement sur le divorce, à l'égard duquel il parait beaucoup se relâcher.

M. Burlamaqui, dans ses principes du droit naturel, touche aussi quelque chose du droit des gens, et singulièrement dans le chapitre VIe de la seconde partie, où il examine comment se forment les sociétés civiles, et fait voir que l'état civil ne détruit pas l'état naturel ; qu'il ne fait que le perfectionner. Il explique ce que c'est que le droit des gens, la certitude de ce droit. Il distingue deux sortes de droit des gens, l'un de nécessité et obligatoire par lui-même, l'autre arbitraire et conventionnel. Il discute aussi le sentiment de Grotius par rapport au droit des gens. On parlera plus au long ci-après de ce traité, par rapport au droit naturel. Voyez aussi le codex juris gentium diplomaticus de Leibnitz, et ci-après DROIT PUBLIC. (A)

DROIT HUMAIN, est celui que les hommes ont établi, à la différence du droit divin, qui vient de Dieu. Il est plus ou moins général, selon l'autorité qui l'a établi, et le consentement de ceux qui l'ont reçu. Lorsqu'il est rédigé par écrit et par autorité publique, il porte le titre de loi ou constitution : celui qui n'est pas écrit, s'appelle coutume ou usage.

Ce n'est pas seulement le droit civil qui est humain, il y a un droit ecclésiastique que l'on appelle droit humain et positif, pour le distinguer du droit ecclésiastique divin.

Le droit divin naturel est immuable, le droit humain positif est sujet à changer. Voyez l'institut. au droit ecclés. de M. Fleury, tome I. ch. IIe Voyez aussi ci-devant DROIT DIVIN, DROIT DES GENS, et ci-apr. DROIT NATUREL. (A)

DROIT D'ITALIE : les lois romaines forment le droit commun des différents états qui composent l'Italie ; mais outre ce droit principal, il n'y a presque point d'état qui n'ait ses constitutions particulières, telles que celles du royaume de Naples et Sicile, celles de Sardaigne et de Savoie, les statuts des républiques de Genèse Venise, Lucques : il y a même beaucoup de villes qui ont des coutumes et statuts qui leur sont propres, tels que les statuts de la ville de Rome, ceux de Bénevent, de Padoue, de Vicence, de Ferrare, Boulogne, et beaucoup d'autres. (A)

DROIT DE LORRAINE ET BARROIS. Sans nous jeter dans une longue discussion sur le droit qui a pu être observé dans ces pays avant que leur gouvernement eut pris la forme à laquelle il se trouve réduit présentement, nous nous contenterons d'observer que sous la première race des rois de France, lors des partages faits entre les enfants de Clovis et de Clotaire, la Lorraine fit partie du royaume d'Austrasie, et fut par conséquent sujette aux mêmes lais. Sous la seconde race la Lorraine forma pendant quelque temps un royaume particulier : elle revint ensuite sous la domination de Charles-le-Simple ; puis l'empereur Henri s'en empara, et la divisa en deux duchés dont l'empereur donnait l'investiture ; ce qui dura environ jusques vers le temps de Philippe-le-Bel, que les ducs de Lorraine s'exemptèrent de la foi et hommage qu'ils devaient à l'empereur.

Depuis ce temps les ducs de Lorraine eurent seuls le pouvoir de faire des lois dans leurs états.

Les lois ecclésiastiques de ce pays ne sont ni bien fixes, ni les mêmes par-tout ; la différence des ressorts des diocèses et des usages, les font varier (mém. sur la Lorr.) Nous observerons seulement que dans la disposition des bénéfices la Lorraine ne s'est jamais gouvernée par le concordat germanique ; qu'elle a reçu pour la discipline le concîle de Trente dans toute son étendue, comme il parait par le troisième arrêt rapporté au second tome du recueil de M. Augeard.

Les lois civiles sont, 1°. les ordonnances du souverain : le feu duc Léopold fit imprimer les siennes en 1701, voyez ce qu'on en a dit au mot CODE LEOPOLD ; 2°. les différentes coutumes municipales ; 3°. la jurisprudence des tribunaux supérieurs ; 4°. dans quelques endroits on suit le droit romain, comme dans le pays toulais.

La forme judiciaire est peu différente de celle de France.

Les coutumes qui forment le principal droit de la Lorraine, sont de trois sortes ; les unes pour la Lorraine, les autres pour le Barrais, d'autres pour les trois évêchés de Metz, Toul et Verdun.

La coutume de Lorraine est intitulée coutume générale du duché de Lorraine. L'ancienne coutume fut réformée par le duc Charles III. dans les états assemblés à Nanci, le premier Mars 1594. Ce prince et le duc Léopold y ont fait depuis plusieurs changements ; elle a été commentée par Canon et par Florentin Thiriat, sous le nom de Fabert. Brayé a traité des donations et des fiefs ; d'autres ont aussi écrit sur la coutume de Lorraine, et l'on assure que l'on travaille présentement à refondre tous ces commentaires en un seul.

Il y avait autrefois une coutume particulière à Remiremont, mais elle a été abrogée depuis la rédaction de celle de Lorraine, que l'on suit dans tout le Bailliage de Remiremont ; il y a néanmoins dans ce bailliage une coutume locale pour la seigneurie et justice de la Bresse : les habitants de ce canton se gouvernent par des coutumes qui sont l'image des anciens temps. Le duc Charles III. ordonna en 1595 qu'on les mit par écrit, et les homologua le 26 Février 1603 ; le duc Charles IV. les confirma en 1661, Léopold en 1699, François III. en 1730, et le roi Stanislas le 23 Mai 1749. Les habitants de la Bresse, à l'occasion d'un édit du roi Stanislas, du mois de Juin 1751, portant suppression des anciens bailliages, et création d'autres nouveaux, obtinrent le premier Juillet 1752 arrêt au conseil de Lunéville, portant qu'ils continueront de faire rendre la justice par leurs maire et échevins, suivant l'arrêt du même conseil du 7 Avril 1699, sauf les cas royaux et privilégiés, qui sont réservés au bailliage de Remiremont, de même que l'appel des jugements de ces maire et échevins.

Les coutumes du bailliage de Saint-Mihiel furent rédigées et examinées à la cour des grands-jours et dans les états de 1571, en présence de Jean de Lenoncourt bailli de Saint-Mihiel, et en 1598 devant le bailli Théodore de Lenoncourt. Les trois états de ce bailliage ayant fait des représentations au duc Charles III. sur leurs coutumes, il ordonna le 5 Septembre 1607 à Théodore de Lenoncourt de les convoquer encore à ce sujet. Le 25 du même mois, ce qui ne fut pourtant fait que le 26 et jours suivants, les coutumes y furent réformées ; mais le grand duc Charles étant mort en 1608, elles ne furent confirmées que le 23 Juillet 1609 par Henri-le-Bon son successeur. Henri Bousmard qui avait exercé pendant vingt ans la profession d'avocat en la cour souveraine de Lorraine ; s'étant ensuite établi à Saint-Mihiel, y travailla au commentaire de la coutume de ce bailliage. Voyez ce qui en est dit dans l'hist. de Verdun, p. 65.

Le Blamontais a ses coutumes particulières, homologuées par le duc Charles III. le 19 Mars 1596. On les avait tellement négligées, que les praticiens même des lieux les ignoraient ; mais par arrêt du conseil de Lunéville, du 22 Mars 1743, sur la requête du procureur général de la cour souveraine de Nanci, le roi Stanislas ordonna que ces coutumes seraient suivies et observées dans le comté de Blamont : il y a cependant quelques villages qui sont sous la coutume de Lorraine.

La coutume de Chaumont en Bassigni fut réformée dans le château de la Mothe en 1680 par les états de Bassigni, qui s'y étaient assemblés sur une ordonnance du grand-duc Charles, du premier Octobre de la même année, et vérifiée au parlement de Paris en 1685 ; elle est pour tout le Bassigni barrisien : mais le bailliage de Bourmont étant sous le ressort de la cour souveraine de Lorraine, et le surplus du Bassigni sous celui du parlement de Paris, ces deux cours expliquent chacune suivant leurs principes, les difficultés qui s'élèvent sur cette loi municipale.

Les anciens bailliages de Lorraine ont été supprimés par édit du roi Stanislas, du mois de Juin 1751, par lequel il a créé trente-cinq nouveaux bailliages royaux qui ont chacun un bailli d'épée par commission. Ces bailliages sont Nanci, Rozières, Châteausalin, Nomeni, Lunéville, Blamont, Saint-Diez, Vezelize, Commerci, Neuf-château, Mirecourt, Charme, Chaté, Epinal, Bruyeres, Remiremont, Darnei, Sarguemines, Dieuze, Boulai, Bouzonville, Bitche, Lixhein, Schambourg, Fenetrange, Bar-la-Marche, Bourmont, et Saint-Mihiel.

Il y a eu aussi sept prevôtés royales créées par le même édit, savoir Radonvilles, bailliage de Luneville ; Sainte-Marie aux Mines et Saint-Hippolyte, bailliage de Saint-Diez ; Dompaire, bailliage de Darnei ; Sarable et Boucquenon, bailliage de Sarguemines ; Lignes, bailliage de Bar.

Le Barrais n'a pas toujours été sous la même domination que la Lorraine, et a été pendant longtemps soumis à des comtes et ducs particuliers. On le distingue présentement en Barrais mouvant, et Barrais non mouvant : le premier, composé des bailliages de Bar et de la Marche, et de la prevôté de Lignes, est sous le ressort du parlement de Paris : le Barrais non mouvant, dans le ressort duquel est enclavé le bailliage de Bourmont, est sous le ressort de la cour souveraine de Lorraine.

Depuis le traité de Bruges, en 1301, les comtes et ducs de Bar ont toujours fait la foi et hommage à la France pour le Barrais ; ils ont cependant conservé sur ce pays tous les droits régaliens, du nombre desquels est le pouvoir législatif.

Lorsque le roi Jean érigea le comté de Bar en duché, en 1364, il confirma aux seigneurs de ce pays tous les droits royaux qui leur avaient été conservés par le traité de Bruges.

Louis XII, François I, Henri II, et François II, en usèrent de même.

Cependant, en 1555, lorsqu'on rédigea la coutume de Sens, le duc Charles y fut compris pour son duché de Bar : il en porta ses plaintes à Charles IX. cela fit la matière d'un grand procès au parlement de Paris ; et cette dispute fameuse fut terminée par un concordat que le roi fit avec le duc Charles, le 25 Janvier 1571, par lequel le roi stipula, tant pour lui que pour ses successeurs, que le duc Charles et ses descendants pourraient jouir et user librement de tous droits de régale et de souveraineté sur le Barrais, à la charge seulement de l'hommage et du ressort.

Ce concordat fut enregistré au parlement le 21 Mars 1571 ; mais comme il était conçu en termes trop généraux, il s'éleva de nouvelles difficultés par rapport aux droits régaliens sur le comté de Bar : ce qui engagea Henri III. à donner une déclaration le 8 Aout 1575, qui fut enregistrée au parlement de Paris le 17 du même mois, par laquelle le roi déclara, que sous la réserve de fief et de ressort portée au concordat de 1571, les rois de France ne prétendent autres droits que la féodalité et la connaissance des causes d'appel seulement, sans vouloir entreprendre sur les droits, us, styles, et coutumes du bailliage de Bar, et autres de la mouvance ; que leur volonté et intention est que les ducs de Bar, leurs officiers, vassaux, et sujets, soient conservés en leur liberté, franchise, et immunité ; et qu'au moyen du concordat de 1571, le duc de Bar jouisse sur ses sujets de tous droits de régale et de souveraineté ; et qu'il lui soit loisible de faire en son bailliage de Bar et terres de la mouvance, toutes lais, ordonnances, et constitutions, pour lier et obliger ses sujets ; d'établir coutumes générales, locales, et particulières, us, et styles judiciaires, suivant lesquels les procès et causes de lui et de ses sujets, seront jugés et terminés, à peine de nullité ; qu'il puisse faire et donner règlements à ses officiers, justices et juridictions ; convoquer états, imposer tailles et subsides, accorder lettres de grâce et de justice, donner les amortissements, créer les nobles, et généralement qu'il puisse jouir de tous les droits qui sont l'attribut de la souveraineté.

Les ducs de Lorraine et de Bar ont été confirmés dans tous leurs droits par tous les traités postérieurs, et notamment par les lettres patentes du roi du 7 Avril 1718 ; l'arrêt d'enregistrement de ces lettres portant la clause, que c'est sans préjudice des droits appartenans aux ducs de Bar, en vertu des concordats de 1571 et 1575.

Quoique cette question semble aujourd'hui moins intéressante pour la France, attendu que la Lorraine et le Barrais y doivent être un jour réunis, on a cru cependant devoir observer ici ce qui s'est passé par rapport au pouvoir législatif dans le Barrais, afin que l'on n'applique point au Barrais les lois de France avant le temps où elles pourront commencer à y être observées.

C'est en conséquence du pouvoir législatif des ducs de Bar, que la coutume de Bar-le-Duc fut rédigée de leur autorité : cette coutume fut formée vraisemblablement sur celle de Sens, présidial, où cette partie du Barrais ressortissait avant l'établissement de celui de Châlons. Les anciennes coutumes de Bar furent rédigées dès 1506, par ordonnance des gens des trois états. Charles III. les fit réformer en 1579, en l'assemblée des états tenue devant le bailli René de Florainville. Le procureur général du parlement de Paris ayant appelé de cette rédaction, la cour ordonna par arrêt du 4 Décembre 1581, que les coutumes du bailliage de Bar seraient reçues et mises en son greffe, ainsi que les coutumes qui sont arrêtées par l'ordonnance et sous l'autorité du roi. Elles ont été commentées par Jean le Paige, maître des comptes du Barrais, qui fit imprimer son ouvrage d'abord à Paris en 1698, et depuis, avec des augmentations, à Bar même en 1711.

L'étroite alliance qui se trouve présentement entre le roi de France, et le roi de Pologne duc de Lorraine et de Bar, a donné lieu à plusieurs édits et déclarations de chacun des deux souverains, en faveur des sujets de l'autre ; notamment un édit du roi Stanislas du 30 Juin 1738, et un du roi de France du mois de Juillet suivant, qui déclarent leurs sujets regnicoles de part et d'autre : le même édit du roi de France ordonne que les contrats passés en Lorraine, emporteront hypothèque sur les biens de France, et que les jugements de Lorraine seront exécutés en France. Le roi Stanislas par une déclaration du 27 Juin 1746, et le roi de France par une déclaration du 9 Avril 1747, ont aussi ordonné que la discussion des biens d'un débiteur qui aura du bien en France et en Lorraine, sera faite pour le tout devant le juge du domicîle du débiteur.

Les coutumes qui s'observent dans les trois évêchés de Metz, sont celle de Metz, celle de l'évêché, et celle de Remberviller qui en est locale, quoique Remberviller soit dans la souveraineté de Lorraine.

La coutume de Verdun comprend quelques endroits qui sont de Lorraine. L'original de cette coutume ayant été perdu, les gens de loi en rassemblèrent, et restituèrent de mémoire les dispositions. On l'imprima en 1678 : elle n'avait alors aucune authenticité, ni date certaine, et ne tirait son autorité que du privilège d'imprimer accordé par Louis XIV. en 1677. Louis XV, en 1741, ordonna qu'elle serait réformée : ce qui a été fait au mois de Février 1743, par un conseiller du parlement de Metz, en l'assemblée des trois états. Cette rédaction approuvée par lettres patentes du roi de France en 1747, est présumée inconnue en Lorraine, où les changements qui furent faits alors, ne sont point encore reçus : on y suit l'ancienne coutume. Voyez les commentateurs des coutumes de Lorraine, et les nouveaux mémoires sur la Lorraine et le Barrais.

DROIT MARITIME, ce sont les lais, règles, et usages que l'on suit pour la navigation, le commerce par mer, et en cas de guerre par mer.

Ce droit est public ou privé.

Le premier est celui qui regarde l'intérêt de la nation ; et si son objet s'étend jusqu'aux autres nations, alors il fait partie du droit des gens.

Le plus ancien règlement que l'on trouve pour la marine de France, est un édit de François I. du mois de Juillet 1517, concernant la juridiction de l'amiral.

Il y a eu depuis quelques édits et déclarations, portant règlement pour les fonctions de différents officiers de la Marine.

Mais la première ordonnance générale sur cette matière, est celle de Louis XIV. du 10 Décembre 1680, qu'on appelle l'ordonnance de la Marine : elle est divisée en cinq livres, et chaque livre en plusieurs titres, contenant différents articles.

Le premier livre traite des officiers de l'amirauté et de leur juridiction : le second, des gens et bâtiments de mer : le troisième, des contrats maritimes : le quatrième, de la police des ports, côtes, rades, et rivages de la mer : et le cinquième, de la pêche qui se fait en mer.

Il y a encore une autre ordonnance pour la marine du 15 Avril 1689 ; mais celle-ci concerne les armées navales.

Outre ces deux grandes ordonnances, il y a encore eu depuis divers édits et déclarations sur cette matière, qui sont indiqués dans le dictionnaire de Dechales au mot Marine, et dont plusieurs sont rapportés dans le recueil des édits et déclarations registrés au parlement de Dijon. Voyez aussi ce qui a été dit au mot CONSEIL DES PRISES. (A)

DROIT DE LA NATURE, ou DROIT NATUREL, dans le sens le plus étendu, se prend pour certains principes que la nature seule inspire, et qui sont communs à tous les animaux, aussi bien qu'aux hommes : c'est sur ce droit que sont fondés l'union du mâle et de la femelle, la procréation des enfants, et le soin de leur éducation ; l'amour de la liberté, la conservation de son individu, et le soin que chacun prend de se défendre contre ceux qui l'attaquent.

Mais c'est abusivement que l'on appelle droit naturel, les mouvements par lesquels se conduisent les animaux ; car n'ayant pas l'usage de la raison, ils sont incapables de connaître aucun droit ni justice.

On entend plus souvent par droit naturel, certaines règles de justice et d'équité, que la seule raison naturelle a établies entre tous les hommes, ou pour mieux dire, que Dieu a gravées dans nos cœurs.

Tels sont ces préceptes fondamentaux du droit et de toute justice, de vivre honnêtement, de n'offenser personne, et de rendre à chacun ce qui lui appartient. De ces préceptes généraux dérivent encore beaucoup d'autres règles particulières, que la nature seule, c'est-à-dire la raison et l'équité, suggèrent aux hommes.

Ce droit naturel étant fondé sur des principes si essentiels, est perpétuel et invariable : on ne peut y déroger par aucune convention, ni même par aucune loi, ni dispenser des obligations qu'il impose ; en quoi il diffère du droit positif, c'est-à-dire des règles, qui n'ont lieu que parce qu'elles ont été établies par des lois précises. Ce droit positif étant sujet à être changé de la même autorité qu'il a été établi, les particuliers peuvent même y déroger par une convention expresse, pourvu que la loi ne soit pas prohibitive.

Quelques-uns confondent mal-à-propos le droit naturel avec le droit des gens : celui-ci est bien aussi composé en partie des règles que la droite raison a établies entre tous les hommes ; mais il comprend de plus, certains usages dont les hommes sont convenus entr'eux contre l'ordre naturel, tels que les guerres, les servitudes : au lieu que le droit naturel n'admet rien que de conforme à la droite raison et à l'équité.

Les principes du droit naturel entrent donc dans le droit des gens, et singulièrement dans celui qui est primitif ; ils entrent aussi dans le droit public et dans le droit privé : car les préceptes de droit naturel que l'on a rapportés, sont la source la plus pure, et la base de la plus grande partie du droit public et privé. Mais les droits public et privé renferment aussi d'autres règles qui sont fondées sur des lois positives. Voyez DROIT DES GENS, DROIT POSITIF, DROIT PUBLIC, DROIT PRIVE.

De ces idées générales que l'on vient de donner sur le droit naturel, il résulte que ce droit n'est proprement autre chose que la science des mœurs qu'on appelle morale.

Cette science des mœurs ou du droit naturel, n'a été connue que très-imparfaitement des anciens ; leurs sages même et leurs philosophes n'en ont parlé la plupart que très-superficiellement ; ils y ont mêlé beaucoup d'erreurs et de vices. Pythagore fut le premier qui entreprit de traiter de la vertu. Après lui, Socrate le fit plus exactement et avec plus d'étendue : mais celui-ci n'écrivit rien ; il se contenta d'instruire ses disciples par des conversations familières : on le regarde néanmoins comme le père de la philosophie morale. Platon disciple de Socrate, a renfermé toute sa morale en dix dialogues, dont plusieurs ont singulièrement pour objet le droit naturel et la politique : tels que son traité de la république, celui des lais, celui de la politique, etc. Aristote, le plus célèbre des disciples de Platon, est le premier philosophe de l'antiquité qui ait donné un système de morale un peu méthodique ; mais il y traite plutôt des devoirs du citoyen, que de l'homme en général, et des devoirs réciproques de ceux qui sont citoyens de divers états.

Le meilleur traité de morale que nous ayons de l'antiquité, est le livre des offices de Cicéron, qui contient en abrégé les principes du droit naturel. Il y manque cependant encore bien des choses, que l'on aurait peut-être trouvées dans son traité de la république, dont il ne nous reste que quelques fragments. Il y a aussi de bonnes choses dans son traité des lais, où il s'attache à prouver qu'il y a un droit naturel indépendant de l'institution des hommes, et qui tire son origine de la volonté de Dieu. Il fait voir que c'est-là le fondement de toutes les lois justes et raisonnables ; il montre l'utilité de la religion dans la société civile, et déduit au long les devoirs réciproques des hommes.

Les principes de l'équité naturelle n'étaient pas inconnus aux jurisconsultes romains : quelques-uns d'entr'eux faisaient même profession de s'y attacher, plutôt qu'à la rigueur du droit ; telle était la secte des Proculéiens : au lieu que les Sabiniens s'attachaient plus à la lettre de la loi qu'à l'équité. Mais dans ce qui nous est resté des ouvrages de ce grand nombre de jurisconsultes, on ne voit point qu'aucun d'eux eut traité ex professo du droit naturel, ni du droit des gens.

Les livres mêmes de Justinien, à peine contiennent-ils quelques définitions et notions très-sommaires du droit naturel et des gens ; c'est ce que l'on trouve au digeste de justitiâ et jure, et aux institutes de jure naturali, gentium et civili.

Entre les auteurs modernes, Melancthon, dans sa morale, a donné une ébauche du droit naturel. Benedict Wincler en touche aussi quelque chose dans ses principes du droit : mais il y confond souvent le droit positif avec le droit naturel.

Le célèbre Grotius est le premier qui ait formé un système du droit naturel, dans un traité intitulé de jure belli et pacis, divisé en trois livres. Le titre de cet ouvrage n'annonce qu'une matière du droit des gens ; et en effet la plus grande partie de l'ouvrage roule sur le droit de la guerre : mais les principes du droit naturel se trouvent établis, tant dans le discours préliminaire sur la certitude du Droit en général, que dans le chapitre premier, où, après avoir annoncé l'ordre de tout l'ouvrage, et défini ce que c'est que la guerre, les différentes choses que l'on entend par le terme de droit, il explique que le droit pris pour une certaine règle, se divise en droit naturel et arbitraire. Le droit naturel consiste, selon lui, dans certains principes de la droite raison, qui nous font connaître qu'une action est moralement honnête ou déshonnête, selon la convenance ou disconvenance nécessaire qu'elle a avec une nature raisonnable et sociable ; et par conséquent que Dieu qui est l'auteur de la nature, ordonne ou défend une telle action. Il examine combien il y a de sortes de droit naturel, et comment on peut le distinguer d'avec certaines choses auxquelles on donne ce nom improprement. Il soutient que ni l'instinct commun à tous les animaux, ni même celui qui est particulier à l'homme, ne constituent point un droit naturel proprement dit. Il examine enfin de quelle manière on peut prouver les maximes du droit naturel.

Le surplus de cet ouvrage concerne principalement les lois de la guerre, et par conséquent le droit des gens et la politique. Il y a cependant quelques titres qui peuvent avoir aussi rapport au droit naturel ; comme de la juste défense de soi-même, des droits communs à tous les hommes, de l'acquisition primitive des choses, et des autres manières d'acquérir ; du pouvoir paternel, du mariage, des corps ou communautés, du pouvoir des souverains sur leurs sujets, et des maîtres sur leurs esclaves ; des biens des souverainetés, et de leur aliénation ; des successions ab intestat, des promesses et contrats ; du serment, des promesses et serments des souverains, des traités publics faits par le souverain lui-même, ou sans son ordre, du dommage causé injustement, et de l'obligation qui en résulte ; du droit des ambassades, du droit de sépulture, des peines, et comment elles se communiquent d'une personne à l'autre.

Quelque temps après que le traité de Grotius eut paru, Jean Selden, célèbre jurisconsulte anglais, fit un système de toutes les lois des Hébreux qui concernent le droit naturel ; il l'intitula de jure naturae et gentium apud Hebraeos. Cet ouvrage est rempli d'érudition, mais sans ordre, et écrit d'un style obscur : d'ailleurs cet auteur ne tire pas les principes naturels des seules lumières de la raison ; il les tire seulement des sept préceptes prétendus donnés à Noé, dont le nombre est fort incertain, et qui ne sont fondés que sur une tradition fort douteuse ; il se contente même souvent de rapporter les décisions des rabbins, sans examiner si elles sont bien ou mal fondées.

Thomas Hobbes, un des plus grands génies de son siècle, mais malheureusement trop prévenu par l'indignation qu'excitaient en lui les esprits séditieux qui brouillaient alors l'Angleterre, publia à Paris en 1642, un traité du citoyen, où entr'autres opinions dangereuses, il s'efforce d'établir, suivant la morale d'Epicure, que le principe des sociétés est la conservation de soi-même, et l'utilité particulière ; il conclut de-là que tous les hommes ont la volonté, les forces, et le pouvoir de se faire du mal les uns aux autres, et que l'état de nature est un état de guerre contre tous ; il attribue aux rois une autorité sans bornes, non-seulement dans les affaires d'état, mais aussi en matière de religion. Lambert Verthuisen, philosophe des Provinces-unies, fit une dissertation pour justifier la manière dont les lois naturelles sont présentées dans le traité du citoyen ; mais ce ne fut qu'en abandonnant les principes d'Hobbes, ou en tâchant d'y donner un sens favorable. Hobbes donna encore au public un autre ouvrage intitulé leviathan, dont le précis est que sans la paix il n'y a point de sûreté dans un état ; que la paix ne peut subsister sans le commandement, ni le commandement sans les armes ; que les armes ne valent rien, si elles ne sont mises entre les mains d'une personne, etc. Il soutient ouvertement, que la volonté du souverain fait non-seulement ce qui est juste ou injuste, mais même la religion ; qu'aucune révélation divine ne peut obliger la conscience, que quand le souverain, auquel il attribue une puissance arbitraire, lui a donné force de loi.

Spinoza a eu depuis les mêmes idées de l'état de nature, qu'il fonde sur les mêmes principes.

On ne s'engagera pas ici à refuter le système pernicieux de ces deux philosophes, dont on aperçoit aisément les erreurs.

Le baron de Puffendorf ayant conçu le dessein de former un système du droit de la nature et des gens, suivit l'esprit et la méthode de Grotius ; il examina les choses dans leurs sources, et profita des lumières de ceux qui l'avaient précédé ; il y joignit ses propres découvertes, et donna d'abord un premier traité sous le titre d'éléments de jurisprudence universelle. Cet ouvrage, quoiqu'encore imparfait, donna une si haute idée de l'auteur, que l'électeur palatin Charles-Louis l'appela l'année suivante dans son université d'Heidelberg, et fonda pour lui une chaire de professeur en droit de la nature et des gens.

M. de Barbeyrac, dans la préface qu'il a mise en tête de la traduction du traité du droit de la nature et des gens de Puffendorf, fait mention d'un autre professeur allemand, nommé Buddaeus, qui avait été professeur en droit naturel et en morale à Hall en Saxe, et qui est auteur d'une histoire du droit naturel.

M. Burlamaqui auteur des principes du droit naturel, dont on parlera dans un moment, était auparavant professeur en droit naturel et civil à Geneve ; ce qui donne lieu de remarquer en passant que, dans plusieurs états d'Allemagne et d'Italie, on a reconnu l'utilité qu'il y avait d'établir une école publique du droit naturel et des gens, qui est la source du droit civil, public, et privé : il serait à souhaiter que l'étude du droit naturel et des gens, et celle du droit public, fussent partout autant en recommandation : revenons à Puffendorf que nous avions quitté pour un moment.

Les éléments de jurisprudence universelle ne sont pas son seul ouvrage sur le droit naturel ; il donna deux ans après son traité du droit de jure naturae et gentium, qui a été traduit par Barbeyrac, et accompagné de notes ; Puffendorf a aussi donné un abrégé de ce traité, intitulé des devoirs de l'homme et du citoyen. Quoique son grand traité soit également intitulé du droit de la nature et des gens, il s'étend néanmoins beaucoup plus sur le droit des gens que sur le droit naturel : on en a déjà donné l'analyse au mot DROIT DES GENS, auquel nous renvoyons le lecteur.

L'ouvrage le plus récent, le plus précis, et le plus méthodique que nous ayons sur le droit naturel, est celui que nous avons déjà annoncé de J. J. Burlamaqui conseiller d'état, et ci-devant professeur en droit naturel et civil à Geneve, imprimé à Geneve en 1747, in-4°. Il est intitulé principes du droit naturel, divisés en deux parties.

La première a pour objet les principes généraux du droit ; la seconde les lois naturelles : chacune de ces deux parties est divisée en plusieurs chapitres, et chaque chapitre en plusieurs paragraphes.

Dans la première partie, qui concerne les principes généraux du droit, après avoir défini le droit naturel, il cherche les principes de cette science dans la nature et l'état de l'homme ; il examine ses différentes actions, et singulièrement celles qui sont l'objet du droit ; il explique que l'entendement est naturellement droit, que sa perfection consiste dans la connaissance de la vérité, que l'ignorance et l'erreur sont deux obstacles à cette connaissance.

De-là il passe à la volonté de l'homme, à ses instincts, inclinations, passions, à l'usage qu'il fait de sa liberté par rapport au vrai et aux choses mêmes évidentes, par rapport au bien et au mal, et aux choses indifférentes.

L'homme est capable de direction dans sa conduite ; il est comptable de ses actions, elles peuvent lui être imputées.

La distinction des divers états de l'homme entre aussi dans la connaissance du droit naturel : il faut considérer son état primitif par rapport à Dieu, par rapport à la société ou à la solitude ; à l'égard de la paix et de la guerre, certains états sont accessoires et adventifs, tels que ceux qui résultent de la naissance et du mariage. L'état de faiblesse où l'homme est à sa naissance, met les enfants dans la dépendance naturelle de leurs père et mère : la position de l'homme par rapport à la propriété des biens et par rapport au gouvernement, lui constituent encore divers autres états accessoires.

Il ne serait pas convenable que l'homme vécut sans aucune règle : la règle suppose une fin ; celle de l'homme est de tendre à son bonheur ; c'est le système de la providence ; c'est un désir essentiel à l'homme et inséparable de la raison, qui est la règle primitive de l'homme.

Les règles de conduite qui en dérivent, sont de faire un juste discernement des biens et des maux ; que le vrai bonheur ne saurait consister dans des choses incompatibles avec la nature et l'état de l'homme ; de comparer ensemble le présent et l'avenir ; de ne pas rechercher un bien qui apporte un plus grand mal ; de souffrir un mal leger lorsqu'il est suivi d'un bien plus considérable ; donner la préférence aux biens les plus parfaits ; dans certains cas se déterminer par la seule possibilité, et à plus forte raison par la vraisemblance ; enfin prendre le goût des vrais biens.

Pour bien connaître le droit naturel, il faut entendre ce que c'est que l'obligation considérée en général. Le droit pris entant que faculté produit obligation : les droits et obligations sont de plusieurs sortes ; les uns sont naturels, les autres sont acquis, quelques-uns sont tels que l'on ne peut en user en toute rigueur, d'autres auxquels on ne peut renoncer : on les distingue aussi par rapport à leurs objets ; savoir, le droit que nous avons sur nous-mêmes, qui est ce que l'on appelle liberté ; le droit de propriété ou domaine sur les choses qui nous appartiennent ; le droit que l'on a sur la personne et sur les actions des autres, qui est ce qu'on appelle empire ou autorité ; enfin le droit que l'on peut avoir sur les choses appartenantes à autrui, qui est aussi de plusieurs sortes.

L'homme étant de sa nature un être dépendant, doit prendre pour règle de ses actions la loi, qui n'est autre chose qu'une règle prescrite par le souverain : les véritables fondements de la souveraineté sont la puissance, la sagesse, et la bonté jointes ensemble. Le but des lois n'est pas de gêner la liberté, mais de diriger convenablement toutes les actions des hommes.

Tels sont en substance les objets que M. Burlamaqui envisage dans la première partie de son traité ; dans la seconde, qui traite spécialement des lois naturelles, il définit la loi naturelle une loi que Dieu impose à tous les hommes, qu'ils peuvent découvrir et connaître par les seules lumières de leur raison, en considérant avec attention leur nature et leur état.

Le droit naturel est le système, l'assemblage, ou le corps de ces mêmes lais.

La jurisprudence naturelle est l'art de parvenir à la connaissance des lois de la nature, de les développer, et de les appliquer aux actions humaines.

On ne peut douter qu'il y ait des lois naturelles, puisque tout concourt à nous prouver l'existence de Dieu ; lequel ayant droit de prescrire des lois aux hommes, c'est une suite de sa puissance, de sa sagesse, et de sa bonté, de leur donner des règles pour se conduire.

Les moyens qui servent à distinguer ce qui est juste ou injuste, ou ce qui est dicté par la loi naturelle, sont 1°. l'instinct ou un certain sentiment intérieur qui porte à de certaines actions ou qui en détourne : 2°. la raison qui sert à vérifier l'instinct ; elle développe les principes, et en tire les conséquences : 3°. la volonté de Dieu, laquelle étant connue à l'homme devient sa règle suprême.

L'homme ne peut parvenir à la connaissance des lois naturelles, qu'en examinant sa nature, sa constitution, et son état.

Toutes les lois naturelles se rapportent à trois objets ; à Dieu, à soi, ou à autrui.

La religion est le principe de celles qui se rapportent à Dieu.

L'amour de soi-même est le principe des lois naturelles, qui nous concernent nous-mêmes.

L'esprit de société est le fondement de celles qui se rapportent à autrui.

Dieu a suffisamment notifié aux hommes les lois naturelles ; les hommes peuvent encore s'aider les uns les autres à les connaître. Ces lois sont l'ouvrage de la bonté de Dieu, elles ne dépendent point d'une institution arbitraire ; leur effet est d'obliger tous les hommes à s'y conformer ; elles sont perpétuelles et immuables, et ne souffrent aucune dispense.

Pour appliquer les lois naturelles aux actions, c'est-à-dire en porter un jugement juste, on doit consulter sa conscience, qui n'est autre chose que la raison ; et lorsqu'il s'agit d'imputer à quelqu'un les suites d'une mauvaise action, il faut qu'il ait eu connaissance de la loi et du fait, et qu'il n'ait pas été contraint par une force majeure à faire ce qui était contraire au droit naturel.

L'autorité des lois naturelles vient de ce qu'elles ont Dieu pour auteur ; la fonction de ces mêmes lais, c'est-à-dire ce qui tend à obliger les hommes de s'y soumettre, est que l'observation de ces lois fait le bonheur de l'homme et de la société ; c'est une vérité que la raison nous démontre, et dans le fait il est constant que la vertu est par elle-même le principe d'une satisfaction intérieure, comme le vice est un principe d'inquiétude et de trouble ; il est également certain que la vertu produit de grands avantages extérieurs, et le vice de grands maux.

La vertu n'a cependant pas toujours extérieurement des effets aussi heureux qu'elle devrait avoir pour celui qui la pratique : on voit souvent les biens et les maux de la nature et de la fortune distribués inégalement, et non selon le mérite de chacun, les maux produits par l'injustice tomber sur les innocens comme sur les coupables, et quelquefois la vertu même attirer la persécution.

Toute la prudence humaine ne suffit pas pour remédier à ces désordres : il faut donc qu'une autre considération engage encore les hommes à observer les lois naturelles ; c'est l'immortalité de l'âme et la croyance d'un avenir, où ce qui peut manquer dans l'état présent à la sanction des lois naturelles s'exécutera dans la suite, si la sagesse divine le trouve à-propos.

C'est ainsi que notre auteur établit l'autorité du droit naturel sur la raison et la religion, qui sont les deux grandes lumières que Dieu a données à l'homme pour se conduire.

L'avertissement qui est en tête de l'ouvrage, annonce que ce traité n'est que le commencement d'un ouvrage plus étendu, ou d'un système complet sur le droit de la nature et des gens, que l'auteur se proposait de donner au public ; mais qu'ayant été traversé dans ce dessein par d'autres occupations et par la faiblesse de sa santé, il s'est déterminé à publier ce premier morceau. Quoique ce soit un précis excellent du droit naturel, on ne peut s'empêcher de désirer que l'auteur acheve le grand ouvrage qu'il avait commencé, où l'on verrait la matière traitée dans toute son étendue.

On peut encore voir sur cette matière, ce que dit l'auteur de l'esprit des lois en plusieurs endroits de son ouvrage, qui ont rapport au droit naturel. (A)

DROIT PAPYRIEN, est la même chose que le code Papyrien. Voyez au mot CODE.

DROIT PARTICULIER, est opposé au droit commun et général ; ainsi les coutumes locales ou les statuts d'une ville ou d'une communauté forment leur droit particulier.

DROIT PERPETUEL, jus perpetuum, est le nom que les empereurs Dioclétien et Maximien donnèrent à l'édit perpétuel ou collection des édits des préteurs faite par Salvius Julianus. Voyez EDIT PERPETUEL. (A)

DROIT POLITIQUE, qu'on appelle aussi quelquefois politique simplement, ce sont les règles que l'on doit suivre pour le gouvernement d'une ville, d'une province, ou d'un état, ce qui rentre dans l'idée du droit public. Voyez DROIT PUBLIC et DROIT DES GENS. (A)

DROIT DE POLOGNE, est composé de trois sortes de lois ; savoir, 1°. des lois particulières du pays, qui ont été faites par Casimir le Grand, Ladislas Jagello, Sigismond I. et Sigismond II. rois de Pologne ; il y a aussi quelques statuts et coutumes particulières pour certaines provinces ou villes. 2°. Au défaut de ces lois municipales on a recours au droit saxon. 3°. S'il s'agit d'un cas qui ne soit pas prévu par le droit saxon, ou sur lequel ce droit ne s'explique pas clairement, les juges n'ont pas le pouvoir de décider selon leurs lumières, ils sont obligés de se conformer au droit romain. Voyez l'histoire de la Jurisprudence romaine, par M. Terrasson, et ci-après DROIT SAXON, LOI DES SAXONS. (A)

DROIT DE PORTUGAL, est de deux sortes ; savoir, le droit royal composé des ordonnances des rois de Portugal, et le droit romain auquel on a recours pour suppléer ce que les lois du pays n'ont pas prévu. (A)

DROIT POSITIF, est celui qui est fondé sur une loi qui depend absolument de la volonté de celui dont elle est émanée : on l'appelle ainsi par opposition au droit naturel propre aux hommes, lequel n'est autre chose que la lumière de la droite raison sur ce qui regarde la justice, ou qui consiste dans une loi fondée sur la raison ; ainsi sous la loi écrite la défense de manger certains animaux était de droit positif, au lieu que le commandement d'honorer son père et sa mère est de droit naturel. Le droit positif est sujet à changement ; mais le droit naturel est invariable, étant fondé sur la raison et la justice, qui sont immuables de leur nature.

Le droit positif est de deux sortes, savoir divin et humain.

On appelle droit positif divin, ce qu'il a plu à Dieu de commander aux hommes, soit qu'il leur en ait déclaré la raison, ou non. Pour qu'on puisse le qualifier droit divin, il faut que la révélation soit certaine, comme pour les autres points de morale et les articles de foi. Voyez DROIT DIVIN.

Le droit positif humain est ce qu'il a plu aux hommes d'établir entr'eux, soit avec raison, ou non ; mais étant établi il est raisonnable de l'observer, à moins qu'il ne fût contraire au droit naturel ou au droit divin.

On distingue deux sortes de droit positif humain : savoir celui qui est établi du consentement de plusieurs peuples, lequel forme un droit des gens, comme ce qui regarde le commerce, la navigation, la guerre ; et le droit positif humain particulier à un peuple, lequel forme un droit civil, et doit être établi par la puissance publique, souveraine du même peuple, après quoi tous les particuliers y sont obligés : tels sont les droits des mariages, des successions, des jugements. Ces droits, quoi que communs à la plupart des peuples, sont réglés différemment par chacun d'eux. Voyez DROIT DES GENS et DROIT NATUREL. (A)

DROIT PRETORIEN, chez les Romains était une jurisprudence fondée sur les édits des préteurs. On comprenait aussi quelquefois sous ce terme les édits des édiles-curules, à cause que ces officiers étaient aussi qualifiés de préteurs. Les préteurs et les édiles accordaient par leurs édits certaines actions et privilèges que le droit civil refusait ; en sorte que le droit prétorien était opposé au droit civil : par exemple, ceux qui ne pouvaient succéder comme héritiers, suivant le droit civil, prenaient en certains cas, en vertu du droit prétorien, la possession des biens, appelée en droit bonorum possessio.

Comme la fonction des préteurs était annale, leurs édits ne duraient aussi qu'un an, de même que les actions qui dérivaient de ces édits. Chaque nouveau préteur annonçait par un nouvel édit gravé sur un carton blanc appelé album praetoris, qui était exposé au-dessus de sa porte, la manière dont il exercerait sa juridiction pendant son année. Le jurisconsulte Julien fit, par ordre de l'empereur Adrien, une compilation de tous ces édits, pour servir dorénavant de règle aux préteurs dans l'administration de la justice. Cette compilation fut appelée édit perpétuel. Voyez ci-apr. EDIT DES EDILES, EDIT PERPETUEL, et EDIT DU PRETEUR. (A)

DROIT PRIVE, est celui qui a directement pour objet l'intérêt des particuliers, considérés chacun séparément, et non collectivement.

Il est composé en partie du droit naturel, en partie du droit des gens, et du droit civil.

Ses dispositions s'étendent sur les personnes, sur les biens, sur les obligations et les actions. Voyez ce qui en est dit au digeste de justitiâ et jure, et aux institutes, eodem tit. Voyez aussi ce qui est dit du droit aux articles qui précèdent et à ceux qui suivent. (A)

DROIT PUBLIC, est celui qui est établi pour l'utilité commune des peuples considérés comme corps politique, à la différence du droit privé, qui est fait pour l'utilité de chaque personne considérée en particulier et indépendamment des autres hommes.

Le droit public est général ou particulier.

On appelle droit public général, celui qui règle les fondements de la société civile, commune à la plupart des états, et les intérêts que ces états ont les uns avec les autres.

Quelques-uns confondent le droit public général avec le droit des gens, ce qui n'est pourtant pas juste, du moins indistinctement ; car le droit des gens ayant, comme tout le droit en général, deux objets, l'utilité publique et celle des particuliers, se divise en droit public des gens et droit privé des gens : ainsi le droit public général est bien une partie du droit des gens, et la même chose que le droit public des gens ; mais il ne comprend pas tout le droit des gens, puisqu'il ne comprend pas le droit privé des gens. Voyez ci-devant DROIT DES GENS.

Le droit public particulier est celui qui règle les fondements de chaque état ; en quoi il diffère et du droit public général, qui concerne les liaisons que les différents états peuvent avoir entr'eux, et du droit privé ou particulier simplement, qui concerne chacun des membres d'un état séparément.

Ce droit public particulier est composé en partie des préceptes du droit divin et du droit naturel, qui sont invariables ; en partie du droit des gens, qui change peu, si ce n'est par une longue suite d'années ; et enfin il est encore composé d'une partie du droit civil de l'état qu'il concerne, c'est-à-dire de la partie de ce droit qui a pour objet le corps de l'état : ainsi une partie du droit public particulier est fondée sur les anciennes coutumes écrites ou non écrites, sur les lais, ordonnances, édits, déclarations, chartres, diplomes, etc. Cette partie du droit public particulier étant fondée sur un droit positif humain, peut être changée, selon les temps et les conjonctures, par ceux qui ont la puissance publique.

L'objet du droit public particulier de chaque état, est en général d'établir et de maintenir cette police générale, nécessaire pour le bon ordre et la tranquillité de l'état ; de procurer ce qui est de plus avantageux à tous les membres de l'état, considérés collectivement ou séparément, soit pour les biens de l'âme, soit pour les biens du corps, ou pour les biens de la fortune.

La destination des hommes dans l'ordre de la providence, est de cultiver la terre, et d'aspirer au souverain bien. Les hommes qui habitent un même pays ayant senti la nécessité qu'ils avaient de se prêter un mutuel secours, se sont unis en société : c'est ce qui a formé les différents états.

Pour maintenir le bon ordre dans chacune de ces sociétés ou états, il a fallu établir une certaine forme de gouvernement ; et pour faire observer cette forme ou police générale, les membres de chaque société ou état ont été obligés d'établir au-dessus d'eux une puissance publique.

Cette puissance a été déférée à un seul homme ou à plusieurs, ou à tous ceux qui composent l'état, et en quelques endroits elle est perpétuelle ; dans d'autres ceux qui en sont revêtus, ne l'exercent que pendant un certain temps fixé par les lois : de-là vient la distinction des états monarchiques, aristocratiques, et démocratiques ou populaires.

Les droits de la puissance publique sont le pouvoir législatif ; le droit de faire exécuter les lais, ou d'en dispenser ; de rendre et faire rendre la justice ; d'accorder des grâces, distribuer les emplois et honneurs ; instituer des officiers et les destituer, avoir un fisc ou patrimoine public, mettre des impositions, faire battre monnaie, permettre à certaines personnes de former ensemble un corps politique, régler les états, faire avec les étrangers des traités d'alliance, de navigation et de commerce ; faire fortifier les places, lever des troupes et les licencier, faire la guerre et la paix.

Ces droits s'étendent non-seulement sur ceux qui sont membres d'un état ; mais la plupart de ces mêmes droits s'étendent aussi sur les étrangers, lesquels sont soumis aux lois générales de police de l'état pendant tout le temps qu'ils y demeurent et pour les biens qu'ils y possèdent, quand même ils n'y demeureraient pas.

Les engagements de celui ou ceux auxquels la puissance publique est déférée, sont de maintenir le bon ordre dans l'état.

Les membres de l'état doivent de leur part être soumis à la puissance publique, et aux personnes qui la représentent dans quelque portion du gouvernement ; ils doivent pareillement être soumis aux lais, et les observer.

Le bien commun et particulier de chacun des membres de l'état, qui forme en général l'objet du droit public particulier, renferme en soi plusieurs objets dépendants de celui ci, et qui en forment quelque portion plus ou moins considérable.

Tout ce qui a rapport au gouvernement ecclésiastique civil, de justice militaire ou des finances, est donc du ressort du droit public.

Ainsi c'est au droit public à régler tout ce qui concerne la religion, à prévenir les troubles que peuvent causer les diverses opinions, faire respecter les lieux saints, observer les fêtes, et autres règles de discipline relatives à la religion ; conserver dans les cérémonies pieuses l'ordre et la décence convenable ; empêcher les abus qui peuvent se commettre à l'occasion des pratiques les plus saintes, et qu'il ne se forme aucuns nouveaux établissements en matière de religion, sans qu'ils soient approuvés de ceux qui ont le pouvoir de le faire. Il faut seulement faire attention que le soin de maintenir la religion dans sa pureté, et d'en faire observer le culte extérieur, est confié aux deux puissances, la spirituelle et la temporelle, chacune selon l'étendue de son pouvoir.

On doit aussi comprendre sous ce même point de vue ce qui concerne le clergé en général, les différents corps et particuliers dont il est composé, soit séculiers ou réguliers, et tout ce qui a quelque rapport à la religion et à la piété, comme les universités, les colléges et académies pour l'instruction de la jeunesse, les hôpitaux, etc.

Le droit public envisage pareillement tout ce qui a rapport aux mœurs, comme le luxe, l'intempérance, les jeux défendus, la décence des spectacles, la débauche, la fréquentation des mauvais lieux, les jurements et blasphèmes, l'Astrologie judiciaire, et les imposteurs connus sous le nom de devins, sorciers, magiciens, et ceux qui ont la faiblesse de se laisser abuser par eux.

Comme le droit public pourvait aux biens de l'âme, c'est-à-dire à ce qui touche la religion et les mœurs, il pourvait aussi aux biens corporels : de-là les lois qui ont pour objet la santé, c'est-à-dire de conserver ou rétablir la salubrité de l'air et la pureté de l'eau, la bonne qualité des autres aliments, le choix des remèdes, la capacité des médecins, chirurgiens ; les précautions que l'on prend contre les maladies contagieuses.

C'est aussi une suite du même objet de pourvoir à ce qui concerne les vivres, comme le pain, le vin, la viande et les autres aliments, tant par rapport à la culture, pour ceux qui en demandent, que pour la garde, transport, vente et préparation que l'on en peut faire, même pour ce qui sert à la nourriture des animaux qui servent à la culture de la terre ou aux voitures.

La distinction des habits selon les états et qualités des personnes, et le soin de réprimer le luxe, sont pareillement des objets du droit public de chaque état.

Les lois contiennent aussi plusieurs règles par rapport aux habillements, comme ce qui concerne la qualité que les étoffes doivent avoir ; la distinction des habits selon les états, et ce qui tend à réprimer le luxe.

Il pourvait encore à ce que les bâtiments soient construits d'une manière solide, et que l'on ne fasse rien de contraire à la décoration des villes ; que les rues et voies publiques soient rendues sures et commodes, et ne soient point embarrassées : ce qui a produit une foule de règlements particuliers, dont l'objet est de prévenir divers accidents qui pourraient arriver par l'imprudence des ouvriers, ou de ceux qui conduisent des chevaux ou voitures, etc.

Un des plus grands objets du droit public de chaque état, c'est l'administration de la justice en général ; mais tout ce qui y a rapport n'appartient pas également au droit public : il faut à cet égard distinguer la forme et le fond, les matières civiles et les matières criminelles.

La forme de l'administration de la justice est du droit public, en matière civîle aussi-bien qu'en matière criminelle ; c'est pourquoi il n'est pas permis aux particuliers d'y déroger.

Mais la disposition des lois au fond pour ce qui touche les particuliers en matière civile, est du droit privé ; ainsi les particuliers y peuvent déroger par des conventions, à moins qu'il n'y ait quelque loi contraire, auquel cas cette loi fait partie du droit public.

Pour ce qui est de la punition des crimes et délits, elle est entièrement du ressort du droit public ; on ne comprend point dans cette classe certains faits qui n'intéressent que des particuliers, mais seulement ceux qui troublent l'ordre public directement ou indirectement, tels que les hérésies, blasphèmes, sacriléges, et autres impiétés ; le crime de lese-majesté, les rebellions à justice, assemblées illicites, ports d'armes, et voies de fait ; les duels, le crime de péculat, les concussions, et autres malversations des officiers ; le crime de fausse monnaie, les assassinats, homicides, empoisonnements, parricides, et autres attentats sur la vie des autres ou sur la sienne ; l'exposition des enfants, les vols et larcins, les banqueroutes frauduleuses, le crime de faux, les attentats faits contre la pudeur, les libelles, et autres actes injurieux au gouvernement, etc.

On conçoit par ce qui vient d'être dit, que ce qui touche les fonctions des officiers de judicature, et autres officiers publics, est pareillement une matière de droit public.

Le droit public de chaque état a encore pour objet tout ce qui dépend du gouvernement des finances, comme l'assiette et levée des impositions, la proportion qui doit être gardée dans la répartition, les abus qui peuvent se glisser dans ces opérations ou dans le recouvrement.

Enfin ce même droit embrasse tout ce qui a rapport à l'utilité commune, comme la navigation et le commerce, les colonies, les manufactures, les sciences, les arts et métiers, les ouvriers de toute espèce, la puissance des maîtres sur leurs serviteurs et domestiques, et la soumission que ceux-ci doivent à leurs maîtres, et tout ce qui intéresse la tranquillité publique, comme les règlements faits pour le soulagement des pauvres, pour obliger les mendiants valides de travailler, et renfermer les vagabonds et gens sans aveu.

Toutes ces matières seraient fort curieuses à détailler ; mais comme on ne le pourrait faire sans répéter une partie de ce qui fait la matière des articles CRIME, GOUVERNEMENT, PUISSANCE PUBLIQUE, et autres semblables, on se contentera de renvoyer à ces articles. (A)

DROIT PUBLIC ECCLESIASTIQUE, se sont les lois qui ont pour objet le gouvernement général de l'Eglise universelle, ou du moins le gouvernement de l'église d'un certain état : par exemple, le droit public ecclésiastique français est celui que l'on suit pour le gouvernement de l'église gallicane.

Ce droit public ecclésiastique est opposé au droit particulier ecclésiastique, qui a bien aussi pour objet ceux qui font partie de l'Eglise, mais qui les considère chacun séparément, et non pas collectivement.

Ainsi une loi canonique qui prescrit quelque règle pour les résignations des bénéfices, est un droit particulier ecclésiastique qui est fait pour décider des intérêts respectifs d'une ou deux personnes ; au lieu que les lois qui règlent la forme des conciles, ou quelque autre point de discipline, sont pour l'Eglise un droit public, de même que les lois civiles de police font un droit public pour l'état en général.

Le droit public ecclésiastique de France n'est point recueilli séparément du reste du droit canonique ou ecclésiastique ; il se trouve à la vérité quelques lois canoniques du nombre de celles qui sont observées en France, qui concernent principalement le gouvernement général de l'Eglise ; mais il s'en trouve aussi beaucoup qui concernent en même temps les intérêts particuliers des membres de l'Eglise, soit que le même acte contienne plusieurs dispositions, les unes générales dans leur objet, les autres particulières, soit que la même disposition envisage tout à la fois la police générale de l'Eglise, et les intérêts des particuliers.

On ne doit pas confondre les libertés de l'église gallicane avec le droit public ecclésiastique de France. En effet les libertés de l'église gallicane consistant dans l'observation d'un grand nombre de points de l'ancienne discipline ecclésiastique que l'église gallicane a toujours suivis, il s'en trouve beaucoup à la vérité qui s'appliquent au gouvernement général de l'église de France ; mais il y en a aussi plusieurs qui n'ont pour objet que le droit des particuliers ; ces libertés d'ailleurs ne forment pas seules tout notre droit canonique ou ecclésiastique ; et le droit public se trouve répandu dans les autres lais, aussi-bien que dans nos libertés. (A)

DROIT PUBLIC FRANÇOIS, est une jurisprudence politique résultante des lois qui concernent l'état en général, à la différence de celles qui ne touchent que l'intérêt de chaque particulier considéré séparément.

Ce qui a été dit ci-devant du droit public en général, doit déjà servir à donner une idée de ce qu'est le droit public de la France, du moins pour ce qui lui est commun avec la plupart des autres états policés ; c'est pourquoi l'on indiquera seulement ici ce qui parait propre à ce droit.

On doit d'abord mettre dans cette classe certaines lois fondamentales du royaume aussi anciennes que la monarchie, qui touchent la constitution de l'état et la forme essentielle du gouvernement.

L'application que l'on a faite de la loi salique, par rapport à la succession à la couronne, fait aussi un point capital de notre droit public.

Les minorités de nos rois et les régences, les privilèges de leur domaine, les règles que l'on observe pour les conventions matrimoniales des reines, pour les apanages des enfants et petits-enfants de France, pour les dots des filles, et pour les mariages des princes et princesses du sang, sont autant d'objets de ce même droit public.

Mais comme chacune de ces matières est traitée en son lieu, il serait superflu de s'étendre davantage à ce sujet. Voyez APANAGE, DOT, DOUAIRE, MAJORITE, REGENCE, etc. (A)

DROIT ROMAIN, dans un sens étendu comprend toutes les lois civiles et criminelles faites pour le peuple romain ; on comprend aussi quelquefois sous cette même dénomination le droit canonique romain ; mais plus communément on n'entend par le terme de droit romain simplement, que les dernières lois qui étaient en vigueur chez les Romains, et qui ont été adoptées par la plupart des différentes nations de l'Europe, chez lesquelles ces lois ont encore un usage plus ou moins étendu.

L'idée que l'on vient de donner du droit romain en général, annonce que l'on doit distinguer l'ancien droit romain de celui qui forme le dernier état ; et l'on verra que dans ses progrès il a souffert bien des changements.

Romulus, fondateur de Rome, après avoir dompté ses ennemis, fit différentes lois pour régler tout ce qui concernait l'exercice de la religion, la police publique, et l'administration de la justice ; il permit au peuple étant assemblé de faire aussi des lais.

Les successeurs de Romulus firent aussi plusieurs lois ; mais comme toutes ces lois n'étaient point écrites, elles tombèrent dans l'oubli sous le règne de Tarquin l'ancien, qui se mit peu en peine de les faire observer.

Servius Tullius son successeur s'appliqua au contraire à les faire revivre, et y en ajouta de nouvelles qui furent ensuite transcrites dans le code papyrien.

Sous Tarquin le Superbe, le sénat et le peuple concoururent à faire rédiger par écrit et à rassembler en un même volume les lois royales qui avaient été faites jusqu'alors ; Sextus Papyrius qui était de race patricienne, fut chargé de faire cette collection, ce qui lui fit donner le nom de code papyrien ou de droit civil papyrien. On ne voit point si les lois qui avaient été faites par le peuple dans les comices, furent admises dans cette collection, à moins qu'elles ne fussent aussi comprises sous le nom de lois royales, comme prenant leur autorité de la permission que le roi donnait au peuple de s'assembler pour faire ces lais.

Quoi qu'il en sait, peu de temps après que le code papyrien fut fait, il cessa d'être observé : ce qui donna lieu à un autre Papyrius surnommé Caïus, qui était souverain pontife, de remettre en vigueur les lois que Numa Pompilius avait faites concernant les sacrifices et la religion ; mais cette collection particulière ne doit point être confondue avec le code papyrien, qui était beaucoup plus ample, puisqu'il comprenait toutes les lois royales.

Ce code papyrien n'étant point parvenu jusqu'à nous, non plus que le commentaire de Granius Flaccus sur ce code, plusieurs jurisconsultes modernes ont essayé de rassembler quelques fragments des lois qui étaient comprises dans le code papyrien. Baudouin en a rapporté dix-huit ; mais Cujas a fait voir que ce n'est point l'ancien texte ; et il en est évidemment de même des six autres que Prateius y a ajoutés.

Mr. Terrasson en son histoire de la jurisprudence romaine, a donné une compilation des fragments du code papyrien beaucoup plus grande que toutes celles qui avaient encore paru ; elle comprend quinze lois dont il rapporte l'ancien texte en langue osque, avec la traduction latine à côté, et vingt-une autres lois dont nous n'avons plus que le sens : ce qui fait en tout trente-six lois qu'il a divisées en quatre parties : la première contenant celles qui concernent la religion, les fêtes et les sacrifices ; la seconde, les lois qui ont rapport au droit public et à la police ; la troisième, les lois concernant les mariages et la puissance paternelle ; la quatrième partie contient les lois sur les contrats, la procédure, et les funérailles.

Après l'expulsion des rois de Rome, les consuls qui leur succédèrent ne laissèrent pas de faire observer les anciennes lois ; ils en firent aussi de leur part quelques-unes. Les tribuns du peuple s'arrogèrent une telle autorité, qu'au lieu que les plébiscites n'avaient eu jusqu'alors force de loi, qu'après avoir été ratifiées par le sénat, les décisions du sénat n'eurent elles-mêmes force de sénatusconsultes, qu'après avoir été confirmées par les tribuns.

Les contestations qui s'élevèrent entre le sénat et les tribuns sur l'étendue de leur pouvoir respectif, furent cause que pendant plusieurs années on ne suivit aucun droit certain. On s'accorda enfin à former un nouveau corps de lais, comme le peuple l'avait demandé ; et pour cet effet l'on envoya dans les principales villes de Grèce dix députés, qui au bout de deux années rapportèrent une ample collection de lais.

A leur retour on supprima les consuls, et l'on créa dix magistrats qui furent appelés decemvirs, et que l'on chargea de rédiger ces lais. Ils les arrangèrent en dix tables, qui furent d'abord gravées sur des planches de chêne, et non sur des tables d'ivoire, comme quelques-uns l'ont cru. On y ajouta l'année suivante encore deux tables pour suppléer ce qui avait été omis dans les premières. Toutes ces tables furent gravées sur l'airain ; et ce fut ce qui forma cette fameuse loi appelée la loi des douze tables.

La plus grande partie de ces tables ayant été consumée dans l'incendie de Rome qui arriva peu de temps après, les lois qu'elles contenaient furent rétablies, tant sur les fragments qui avaient échappé aux flammes, que sur les copies que l'on en avait tirées. On craignait tant de les perdre encore, que pour prévenir cet inconvénient, on les faisait apprendre de mémoire aux enfants. Elles subsistaient encore peu de temps avant Justinien ; mais elles furent perdues quelque temps après, aussi-bien que les Commentaires que Caïus et quelques autres jurisconsultes avaient fait sur cette loi. On croit que cela arriva lors de l'invasion des Goths.

Ces fragments, que Denis d'Halicarnasse, Tite-Live, Pline, Cicéron, Festus, et Aulugelle, nous ont conservés des lois qui étaient comprises dans ces douze tables, ont été recueillis et commentés par plusieurs jurisconsultes : tels que Rivallius, Obdendorp, Forster, Baudouin, Contius, Hotman, Denis et Jacques Godefroi, et autres. M. Terrasson, loc. cit. donne le projet d'une nouvelle compilation de ces fragments, où il rassemble 105 lais, qu'il rapporte chacune à leur table. Nous aurons occasion d'en parler plus amplement au mot LOI.

Les décemvirs qui s'étaient rendus odieux au peuple, ayant été destitués, on créa de nouveau des consuls, qui firent quelques nouvelles lois ; on dressa des formules appelées legis actiones, dont l'objet était de fixer la manière de mettre les lois en pratique, principalement pour les contrats, affranchissements, émancipations, adoptions, cessions, et dans tous les cas où il s'agissait de stipulation ou d'action. Ces formules étaient un mystère pour le peuple ; mais Cnaeus Flavius les ayant publiées avec la table des fastes, ce recueil fut appelé le droit flavien. Voyez ci-devant DROIT FLAVIEN.

Les nouvelles formules que les praticiens inventèrent encore, furent aussi publiées par Sextus Aelius ; ce qui fut appelé droit aelien. Voyez ci-dev. DROIT AELIEN.

Ces compilations, appelées droit flavien et droit aelien, ne sont point parvenues jusqu'à nous ; les formules qu'elles renfermaient, et celles que les jurisconsultes y avaient ajoutées, tombèrent peu-à-peu en non usage du temps des empereurs. Théodose le jeune les abrogea entièrement. Plusieurs savants en ont rassemblé les fragments. Celui qui a le plus approfondi cette matière est le président Brisson, en son ouvrage de formulis et solennibus populi romani verbis.

Outre les lois et les plébiscites, les Romains avaient encore d'autres règlements ; savoir les édits de leurs préteurs, et ceux de leurs édiles : les premiers formaient ce que l'on appelait le droit prétorien. Voyez ci-devant DROIT PRETORIEN, et ci-après EDITS DES EDILES, EDITS DU PRETEUR, et PRETEUR.

Les senatusconsultes, c'est-à-dire les decrets et décisions du sénat, faisaient aussi partie du droit romain. Ils n'acquéraient d'abord force de loi, que du consentement exprès ou tacite du peuple ; mais sous l'empire de Tibere, ils commencèrent à avoir par eux-mêmes force de loi, étant considérés comme faits sous l'autorité du prince, et en son nom. Voyez SENATUSCONSULTE.

Enfin les réponses des jurisconsultes qui avaient permission de décider les questions de droit, appelées responsa prudentum, firent encore une grande partie de la jurisprudence romaine. Voyez REPONSES DES JURISCONSULTES.

Dans les derniers temps de la république, trois personnes différentes entreprirent chacune séparément une compilation des lois romaines, savoir Cicéron, Pompée, et Jules César.

L'ouvrage de Cicéron était déjà commencé, car Aulugelle cite un livre de lui sur cette matière.

Pompée avait formé le même dessein pendant son consulat. Il était lui-même auteur de plusieurs lois ; mais les guerres civiles, la crainte qu'il eut que ses ennemis ne regardassent cet ouvrage avec envie, le lui firent abandonner, comme le remarque Isidore.

Jules César, auteur de plusieurs excellentes lais, la plupart surnommées de son nom Julia, commença aussi une compilation générale des lais, dans laquelle il avait dessein de faire entrer les meilleures de celles qui avaient été publiées avant lui, ou de son temps ; mais la mort prématurée de ce grand homme l'empêcha aussi d'exécuter ce projet.

Auguste étant demeuré maître de l'empire, le sénat et le peuple lui déférèrent d'abord la puissance tribunicienne, que l'on rendit perpétuelle en sa personne ; et au bout de son onzième consulat, on lui accorda le droit de proposer dans le sénat toutes les lois qu'il voudrait. Enfin par une loi qui fut appelée regia, apparemment parce qu'elle donnait à l'empereur un pouvoir égal à celui des rais, on donna à Auguste le pouvoir de corriger les anciennes lais, et d'en faire de nouvelles. Tous ces règlements et autres que le sénat et le peuple firent en faveur d'Auguste, furent dans la suite renouvellés en faveur de la plupart des empereurs.

En vertu de ce pouvoir législatif, Auguste fit un très-grand nombre de bonnes lois qui furent surnommées Julia, comme celles de César. Ce fut aussi de son temps que furent faites plusieurs lois célèbres, telles que les lois falcidie, papia-poppoea, furia caninia, &c.

Tibere au lieu d'user du pouvoir législatif qui lui avait été décerné de même qu'à ses prédécesseurs, le remit au sénat comme un droit qui lui était à charge.

Sous les empereurs suivants, il y eut aussi différentes lais, faites soit par eux ou par le sénat. L'empereur Claude publia jusqu'à vingt édits en un seul jour ; mais aucune des lois faites jusqu'au temps de l'empereur Adrien, ne se trouve rapportée dans le code de Justinien.

Quoique le pouvoir législatif eut été donné aux empereurs à l'exclusion de toutes autres personnes, on ne laissa pas de suivre encore longtemps les édits que les préteurs et les édiles avaient faits. Le jurisconsulte Offilius avait même commencé du temps de Jules César à rassembler et commenter les édits des préteurs ; mais cet ouvrage ne fut point revêtu de l'autorité publique. Sulpitius avait aussi déjà commencé un ouvrage fort succinct sur la même matière. Il y en a un fragment dans le digeste de inst. act.

Du reste, les jurisconsultes qui jusqu'alors semblaient n'avoir eu qu'un même esprit, commencèrent sous le règne d'Auguste à se diviser d'opinions, et formèrent deux sectes, qui prirent les noms de leurs chefs, qui firent beaucoup de bruit dans la jurisprudence : l'une commencée par Labeo, et renouvellée par Proculus, et ensuite par Pegasus, fut appelée la secte des Proculéiens ou des Pégasiens ; l'autre formée d'abord par Atteius Capito, et renouvellée par deux de ses disciples successivement, fut appelée Sabinienne ou Cassienne.

Adrien étant parvenu à l'empire, commença par faire un grand nombre de bonnes lois ; il fit ensuite recueillir en un corps d'ouvrage tout ce qu'il y avait de plus équitable dans les édits des préteurs. Cette compilation fut appelée édit perpétuel, pour la distinguer des édits qui n'étaient par eux-mêmes que des lois annuelles. Voyez ci-après EDIT PERPETUEL.

Un auteur dont le nom n'est pas connu, fit une autre compilation appelée édit provincial, c'est-à-dire à l'usage des provinces : c'était à peu-près la même chose que l'édit perpétuel, si ce n'est que l'auteur en ôta ce qui ne convenait qu'à la ville de Rome, et ajouta plusieurs règlements particuliers pour les provinces.

Ces deux compilations ne subsistent plus ; on en trouve seulement quelques fragments dans le digeste.

Les lois n'ayant pas prévu tous les cas qui se présentaient, Adrien introduisit une nouvelle forme pour les décider : c'était par des rescrits ou lettres par lesquels il marquait sa volonté. Ces rescrits rendirent le droit fort arbitraire.

Quelquefois au lieu d'un simple rescrit, les empereurs donnaient un jugement appelé decret. Ils faisaient aussi de leur propre mouvement de nouvelles lais, qui furent appelées édits ou constitutions, constitutiones principum. Ce nom de constitutions fut dans la suite commun à toutes les décisions émanées des empereurs.

Les empereurs manifestaient encore leurs volontés en plusieurs autres manières, selon les différentes occasions ; savoir, par des discours, orationes principum, qu'ils prononçaient à leur avênement, ou lorsqu'ils proposaient quelque chose au sénat ; par des pragmatiques, pragmaticae sanctiones,, qui étaient des règlements ou statuts accordés à la prière d'une communauté, d'une ville, ou d'une province ; par des lettres signées du prince, appelées sacrae adnotationes, qui contenaient quelque grâce ou libéralité en faveur d'un particulier ; enfin par des lettres appelées mandata principum, que le prince adressait de son propre mouvement aux gouverneurs et magistrats des provinces, à la différence des rescrits qui étaient des réponses aux lettres de ces officiers.

Quoique les empereurs usassent ainsi en plusieurs manières du droit de législation, cela n'empêche pas que l'on ne fit encore quelquefois des senatusconsultes. On en trouve trois remarquables du temps d'Adrien ; savoir les senatusconsultes Apronien, Julien, et Tertullien. Il en fut fait aussi plusieurs sous les successeurs d'Adrien.

Ces princes ne s'appliquèrent pas tous également à faire des lois : cela dépendit beaucoup de la durée et de la tranquillité de leur règne, et du goût qu'ils avaient pour la justice.

Antonin le Pieux fit plusieurs constitutions, dont quelques-unes sont rapportées dans le code, d'autres citées dans le digeste et dans les institutes.

Marc-Aurele et Lucius-Verus qui regnèrent conjointement, firent beaucoup de lais, lesquelles furent rassemblées en vingt livres par Papyrius Justus, du temps de Marc-Aurele ; mais il ne nous en reste que quatre, rapportées dans le code. Il y en a quelques autres citées dans le digeste.

C'est du temps de Marc-Aurele que vivait le célèbre Gaïus ou Caïus : ce jurisconsulte fut auteur d'un grand nombre d'ouvrages sur le droit, dont aucun n'est parvenu en entier jusqu'à nous ; on en trouve seulement plusieurs fragments dans le digeste. Il fit entr'autres choses des institutes, que l'on donnait à lire à ceux qui voulaient s'initier dans la science du Droit : ce fut peut-être ce qui donna à Justinien l'idée de faire ses institutes, dans lesquels il a employé plusieurs endroits de ceux de Caïus. La plus grande partie de ces derniers se trouve perdue. Nous n'en avons que ce qui fut conservé dans l'abrégé qu'en fit Anien par ordre d'Alaric, roi des Visigoths en Espagne, et ce qu'un jurisconsulte moderne, nommé Jacques Oiselius, en a recherché dans le digeste et ailleurs. Voyez INSTITUTES.

Le célèbre Papyrien vécut sous l'empire de Septime Sevère, et sous celui de Caracalla et Geta. Ses ouvrages furent tant estimés, que Théodose le jeune voulut que les juges donnassent la préférence aux décisions de ce jurisconsulte, lorsque les autres seraient partagés entr'eux. On trouve plusieurs fragments de ses ouvrages dans le digeste.

On y en trouve aussi plusieurs d'Ulpien, l'un des principaux disciples de Papyrien, et du jurisconsulte Paulus qui vivait dans le même temps qu'Ulpien. Le surplus des ouvrages de Paulus qui étaient en grand nombre, n'est point parvenu jusqu'à nous, à l'exception de celui qui a pour titre, receptarum sententiarum libri quinque.

Nous ne parlerons pas ici de ce qui peut être personnel aux autres jurisconsultes Romains, soit parce qu'on en a déjà fait mention à l'article du digeste, soit parce que l'on aura encore occasion d'en parler à l'article des réponses des jurisconsultes.

Nous ne ferons pas non plus mention ici de quelques constitutions faites par les autres empereurs, qui régnèrent jusqu'à Constantin, quoiqu'il y ait quelques-unes de ces constitutions insérées dans le code, ces lois ne formant qu'une légère partie du droit romain, si l'on excepte celle de Maximien, dont il y a près de six cent constitutions insérées dans le code.

L'empereur Constantin fit aussi un très-grand nombre de constitutions, dont il y en a environ 200 insérées dans le code de Justinien.

Mais avant la confection de ce code, il en fut fait deux autres du temps de Constantin par deux jurisconsultes nommés Grégorius et Hermogénien, d'où ces deux compilations furent appelées codes grégorien et hermogénien. Ces deux codes comprenaient les constitutions des empereurs, depuis Adrien jusqu'à Dioclétien et Maximien ; mais ces compilations ne furent point revêtues de l'autorité publique.

Les successeurs de Constantin firent la plupart diverses lais. Théodose le jeune est celui dont il est parlé davantage par rapport au nouveau code qu'il fit publier en 438, et qui fut appelé de son nom code théodosien. On y distribua en seize livres les constitutions des empereurs sur les principales matières du droit. L'empereur ordonna qu'il ne serait fait aucune autre loi à l'avenir, même par Valentinien III. son gendre : ce qui ne fut pourtant pas exécuté.

En effet depuis la publication de son code, il donna lui-même plusieurs nouvelles constitutions, pour suppléer ce qui n'avait pas été prévu dans le code ; elles furent appelées novelles, du latin novellae constitutiones. Cujas en a rassemblé jusqu'à 51, qu'il a mises en tête du code théodosien.

Valentinien III. gendre de Théodose, fit aussi quelques novelles, une entr'autres pour confirmer celles de Théodose. Il avait déjà fait un grand nombre de constitutions, conjointement avec Théodose : mais elles précédèrent. Il y a aussi quelques novelles de Marcien.

Le code théodosien et les novelles dont on vient de parler, furent donc la principale loi, observée dans tout l'empire jusqu'à la publication des livres de Justinien.

Alors ce code ayant cessé d'être observé, se perdit ; et il n'a été recouvré et rétabli dans la suite, que sur l'abrégé qu'Anien en avait fait, et par le moyen des recherches de différents jurisconsultes.

Nous voici enfin parvenus au dernier état du droit romain, c'est-à-dire aux compilations des lois faites par ordre de Justinien, et par les soins de Tribonien et autres jurisconsultes.

La première de ces compilations qui parut en 528, fut le code, lequel fut formé des trois codes précédents, grégorien, hermogénien, et théodosien : cette édition du code fut depuis appelée codex primae praelectionis, à cause d'une autre rédaction qui en fut faite quelques années après.

En 533, on publia les institutes de Justinien, divisés en quatre livres, qui sont un précis de toute la jurisprudence romaine.

L'année suivante, on publia le digeste ou pandectes, qui sont une compilation de toutes les décisions des anciens jurisconsultes, dont les ouvrages composaient plus de 2000 volumes. Voyez DIGESTE et PANDECTES.

En 534, Tribonien donna une nouvelle rédaction du code, qui fut appelé codex repetitae praelectionis. Voyez ce qui en est dit au mot CODE.

Justinien pourvut aux cas qui n'avaient pas été prévus dans le code ni dans le digeste par des constitutions particulières appelées novelles, dont le nombre est controversé entre les auteurs : quelques-uns en comptent jusqu'à 168.

Ces novelles ayant été la plupart composées en grec, un auteur dont le nom est inconnu, en fit une traduction, latine qui fut surnommée l'authentique, comme étant la version des véritables novelles.

On a aussi donné le nom d'authentiques à des extraits des novelles, qu'Irnérius a insérés en différents endroits du code auxquels ces extraits ont rapport.

Un auteur inconnu a changé l'ordre des novelles, et les a divisées en neuf collections, ce qui a gâté les novelles plutôt que de les éclaircir. Voyez NOVELLES.

Justinien donna aussi treize édits, qui se trouvent à la suite des novelles dans la plupart des éditions du corps de droit ; mais comme c'étaient des règlements particuliers pour la police de quelques provinces de l'empire, ces édits ne sont proprement d'aucun usage parmi nous.

Théodose le jeune et Valentinien III. avaient établi une école de droit à Constantinople. Justinien, pour faciliter l'étude du droit, établit encore deux autres écoles, une à Rome, et l'autre à Beryte.

Les compilations faites par Justinien, furent suivies avec quelques novelles qu'y ajoutèrent Justin II. et Tibere II. son successeur.

Mais Phocas ayant ordonné que l'on se servit de la langue grecque dans les écoles et les tribunaux, fit traduire en grec les livres de Justinien. Les institutes furent traduits par Théophîle en forme de paraphrase, et l'on n'enseigna plus d'autres institutes.

L'empereur Basîle fit commencer un abrégé du corps de droit de Justinien, divisé par livres et par titres, mais sans diviser les titres par lois : il n'y en eut que quarante livres faits de son temps. Léon son fils, surnommé le Philosophe, fit continuer ce travail, et le publia en 60 livres sous le titre de basiliques. L'ouvrage fut revu et mis dans un meilleur ordre par Constantin Porphyrogenete, qui le publia de nouveau en 910 ; et depuis ce temps les lois de Justinien cessèrent d'être suivies, et les basiliques furent le droit observé dans l'empire d'Orient jusqu'à sa destruction. Ces basiliques n'étant point parvenues jusqu'à nous en entier, les jurisconsultes du seizième siècle, entr'autres Cujas, ont travaillé à les rassembler ; et en 1647, Fabrot en a donné une édition en 7. volumes in-folio, contenant le texte grec, avec une traduction latine. Il y a cependant encore plusieurs lacunes considérables, qui n'ont pu être remplies.

L'usage du droit romain fut entièrement aboli dans l'empire d'orient, lorsque Mahomet II. se fut emparé de Constantinople en 1453.

Pour ce qui est de l'empire d'occident, les incursions des Barbares avaient empêché le droit de Justinien de s'établir en Italie et dans les Gaules, même du temps de Justinien ; le droit romain que l'on y suivait était composé du code théodosien, des institutes de Caïus, des fragments d'Ulpien, et des sentences de Paul.

Charlemagne étant devenu empereur d'occident, ordonna que l'on suivrait le code théodosien en Italie et en Allemagne, et dans les provinces de France où on était dans l'usage de suivre le droit romain.

Le code théodosien et les autres ouvrages qui composaient ce que l'on appelait alors la loi romaine, perdirent beaucoup de leur autorité sous la seconde race de nos rois à cause des capitulaires, et ce fut sans doute alors que ces lois qui n'étaient plus observées se perdirent.

Les compilations de Justinien étaient pareillement perdues, ou du moins presqu'entièrement oubliées.

Les pandectes de Justinien ayant été retrouvées dans le pillage de la ville d'Amalfi, vers le milieu du XIIe siècle, l'empereur Lothaire en fit présent aux habitants de Pise, et ordonna que ces pandectes seraient suivies dans tout l'empire.

Au commencement du XVe siècle, les Florentins s'étant rendus maîtres de la ville de Pise, et ayant compris dans leur butin les pandectes, elles furent depuis ce temps surnommées pandectes florentines.

Dès que le digeste eut été retrouvé à Pise, Irnerius que Lothaire avait nommé professeur de droit à Boulogne, obtint de l'empereur que tous les ouvrages de Justinien seraient cités dans le barreau, et auraient force de loi dans l'empire au lieu du code théodosien.

A-peu-près dans le même temps les lois de Justinien furent aussi adoptées en France au lieu du code théodosien, dans les provinces qui suivent le droit écrit ; en effet, on voit que dès le temps de Louis le Jeune il fut fait une traduction française du code de Justinien, et Placentin enseignait à Montpellier les compilations du même empereur.

Il y a apparence qu'on les enseignait aussi dès-lors dans d'autres villes, car on voit qu'un grand nombre d'ecclésiastiques et de religieux quittaient la théologie pour étudier la loi mondaine ; c'est ainsi qu'on appelait alors le droit civil, tellement que le concîle de Tours, en 1180, défendit aux religieux profès de sortir de leurs cloitres pour étudier en Médecine ou en Droit civil.

Cette défense n'ayant pas été observée, Honorius III. la renouvella en 1225 par la decrétale semper specula, qui défend à toutes personnes d'enseigner ni écouter le droit civil à Paris, ni dans les villes et autres lieux aux environs. Les motifs allégués dans cette decrétale sont qu'en France et dans quelques provinces, les laïcs ne se servaient point des lois romaines, et qu'il se présentait peu de causes ecclésiastiques qui ne pussent être décidées par les canons.

Nous avons déjà remarqué en parlant des docteurs en droit, que cette decrétale ne fut pas d'abord observée ; que quoique le crédit des ecclésiastiques eut beaucoup fait prévaloir le droit canon, cependant il y avait plusieurs universités où l'on enseignait le droit civil ; qu'à Paris il y eut beaucoup de variations à ce sujet ; que l'ordonnance de Blais réitéra les défenses de graduer en droit civil à Paris ; enfin que l'étude de ce droit n'y fut rétablie ouvertement que par la déclaration du mois d'Avril 1679. Voyez CORPS DE DROIT, DOCTEUR EN DROIT, ECOLE DE DROIT, ETUDIANT EN DROIT, FACULTE DE DROIT, PROFESSEUR EN DROIT.

C'est une question fort controversée entre les auteurs, de savoir si le droit romain est le droit commun de la France, auquel on doit avoir recours au défaut des coutumes, ou si c'est à la coutume de Paris ; M. Bretonnier et plusieurs autres auteurs ont fait de savantes dissertations sur cette matière. Comme la discussion des raisons pour et contre nous menerait trop loin, nous nous contenterons d'observer que le droit romain est la loi municipale des provinces appelées pays de droit écrit ; qu'à l'égard des pays coutumiers on ne doit y avoir recours que comme à une raison écrite au défaut des coutumes, et lorsqu'elles ne peuvent être interprétées les unes par les autres, ou qu'il s'agit de matières qu'elles n'ont point du tout prévues. Voyez PAYS DE DROIT ECRIT.

Le droit romain est encore le droit commun et général de presque tous les états d'Italie, d'Allemagne, d'Espagne, et de Portugal : on y a aussi quelquefois recours au défaut des lois du pays, en Pologne, en Angleterre, et en Danemark. A l'égard de la Suède, quoique le droit romain n'y soit pas inconnu, il ne parait pas y être beaucoup suivi.

Toutes les nations policées, mêmes celles qui ont des lois particulières, ont toujours regardé le droit romain comme un corps de principes fondés sur la raison et sur l'équité, c'est pourquoi on y a recours au défaut des lois particulières du pays.

Il faut néanmoins convenir que malgré toutes les beautés du droit romain, il a de grands défauts ; en effet, le digeste n'est qu'un assemblage de fragments tirés de différents livres des jurisconsultes, et le code n'est de même composé que de fragments de différentes constitutions des empereurs. Quelque soin que l'on ait pris pour ajuster ensemble tous ces morceaux détachés, ils ne peuvent avoir entr'eux une suite bien juste ; aussi trouve-t-on plusieurs lois entre lesquelles il parait une espèce de contradiction.

Un autre défaut de ces lais, est que la plupart, au lieu de contenir des décisions générales, ne sont que des espèces singulières ; et le tout ensemble ne forme point un système méthodique de jurisprudence, si l'on en excepte les institutes, mais qui sont trop abrégés pour renfermer tous les principes du droit.

Il se trouve d'ailleurs dans le digeste des lois qui ont été reformées par le code ; l'un et l'autre renferment des lois qui ont été abrogées par les novelles, et les dernières novelles ont dérogé sur plusieurs points à quelques-unes des précédentes.

Enfin le droit romain renferme beaucoup de choses qui ne conviennent point à nos mœurs, par exemple, tout ce qui regarde le gouvernement politique et l'administration de la justice, les offices, les formules des actions, et autres actes, les esclaves, les adoptions. etc.

Mais malgré tous ces inconvéniens, il faut aussi convenir que le droit romain est la meilleure source où l'on soit à portée de puiser la science des lais, et qu'un jurisconsulte qui se bornerait à étudier les lois particulières de son pays, sans y joindre la connaissance du droit romain, ne serait jamais qu'un homme superficiel ; disons plutôt qu'il ne mériterait point le nom de jurisconsulte, et qu'il ne ferait au plus qu'un médiocre praticien.

Irnerius fut le premier qui mit de petites scholies en tête des textes du droit romain ; ce qui a donné ensuite à d'autres jurisconsultes l'idée de faire des notes, des gloses, des commentaires : d'autres ont fait des paratitles ou abrégés. L'Italie, la France, l'Allemagne et l'Espagne ont produit un grand nombre de jurisconsultes, qui ont fait divers traités sur le droit romain ou sur quelqu'une de ses parties. Voyez JURISCONSULTE. (A)

DROIT DE SARDAIGNE : les états du roi de Sardaigne duc de Savoie, ne se gouvernent point par les constitutions impériales, mais par des lois particulières faites par les ducs de Savoie. Victor Amedée II. du nom, fit faire un code ou compilation des ordonnances de ses prédécesseurs et des siennes dans le goût du code de Justinien, où l'on a marqué en marge les anciennes ordonnances dont plusieurs articles ont été tirés. Ce code fut publié pour la première fois en 1723. sous le titre de legi e constitutioni di S. M. etc. Il a depuis été revu et augmenté d'un sixième livre ; le tout est imprimé à deux colonnes ; d'un côté le texte est italien, de l'autre la traduction française. Il est divisé en six livres : le premier traite de la Religion, et contient plusieurs titres qui concernent les Juifs : le second traite des fonctions de tous les officiers de justice ; les derniers titres de ce livre regardent les juridictions consulaires et le commerce : le troisième traite de la procédure en matière civîle : le quatrième, des crimes et de la procédure en matière criminelle : le cinquième, des successions, testaments, inventaires, biens de mineurs, donations, des droits des femmes, des ventes forcées, hypothèques, emphitéoses, cens et servis, redevances, lods, commise, transactions, prescriptions, des bâtiments et des eaux, des notaires et des insinuations : le sixième traite des matières du domaine et féodales, de l'allodialité des biens, etc. Ce code est la loi générale de tous les états du roi de Sardaigne, et au surplus n'a point dérogé aux usages et coutumes du duché d'Aoste. Voyez codex Fabrianus. (A)

DROIT DE SAVOIE. Voyez ci-devant DROIT DE SARDAIGNE.

DROIT DE SUEDE ; suivant le témoignage des historiens, ce fut Zamolxis disciple de Pythagore, qui fut le premier auteur des lois de ce pays. Le roi Ingon II. y fit quelques changements en 900, Canut en fit aussi en 1168, Jerlerus les corrigea en 1251 : tous ces changements furent faits à ces lois pour les accommoder à la religion Chrétienne : ces mêmes lois furent encore réformées par le Roi Birgerus en 1295 ; enfin le roi Christophle, en 1441, fit rassembler toutes les lois suédoises en un seul code, qui fut confirmé en 1581. Le droit romain est peu cité en Suède. Pour donner quelque idée de l'esprit des lois du pays, on remarquera que pour la sûreté des acquéreurs l'on tient registre de toutes les ventes et aliénations, aussi-bien que de tous les actes obligatoires. Les biens d'acquêts et de patrimoine passent aux enfants par égale portion ; le garçon en a deux et la fille une. Les parents ne peuvent disposer de leurs biens au préjudice de cette loi, à laquelle on ne peut déroger qu'en vertu d'une sentence judiciaire fondée sur la desobéissance des enfants ; ils peuvent seulement donner un dixième de leurs acquêts aux enfants ou autres qu'ils veulent avantager. Lorsque la succession se trouve chargée de dettes, l'héritier a deux ou trois mois pour délibérer s'il acceptera ou non ; et s'il renonce, la justice s'empare de la succession. Dans les matières criminelles, quand le fait n'est pas de la dernière évidence, le défendeur est reçu à se purger par serment, auquel on ajoute souvent celui de six ou douze hommes qui répondent tous de son intégrité. Ceux qui sont coupables de trahison, de meurtre, de double adultère, les incendiaires, et autres chargés de crimes odieux, sont punis de mort ; les hommes sont pendus, les femmes ont la tête tranchée ; quelquefois on les brule vifs ou on les écartelle, ou on les pend enchainés selon la nature des crimes. Les gentils-hommes qui ont commis de grands crimes ont la tête cassée à coups de fusil. Le larcin était autrefois puni de mort, mais depuis quelque temps le coupable est condamné à une espèce d'esclavage perpétuel : on le fait travailler, pour le roi, aux fortifications ou autres ouvrages serviles ; et de peur qu'il ne s'échappe, il a un collier de fer auquel tient une clochette qui sonne à mesure qu'il marche. Le duel entre gentils-hommes est puni de mort en la personne de celui qui survit ; si personne n'est tué, les combattants sont condamnés à deux ans de prison au pain et à l'eau, et en outre en mille écus d'amende, ou un an de prison et deux mille écus d'amende. La justice est administrée en première instance par des jurés, et en dernier ressort par quatre parlements ou cours nationales. (A)