(Jurisprudence) est la première dignité de l'état ; les pairs sont les grands du royaume et les premiers officiers de la couronne : ce sont eux qui composent la cour du roi, que par cette raison l'on appelle aussi la cour des pairs.

L'origine des pairs en général, est beaucoup plus ancienne que celle de la pairie, laquelle n'a commencé d'être réelle de nom et d'effet, que quand les principaux fiefs de la couronne commencèrent à devenir héréditaires.

Sous la première et la seconde race, on entendait par le terme pares, des gens égaux et de même condition, des confrères.

Il est parlé de pairs dans la loi des Allemands rédigée sous Clotaire.

Dagobert I. donne le nom de pair à des moines.

Le nom de pairs est aussi usité dans les formules de Marculphe, lequel vivait en 660. On lit dans cet auteur ces mots : qui cum reliquis paribus qui eum secuti fuerant interfecit.

Godegrand évêque de Metz, du temps de Charlemagne, appelle pares, des évêques et des abbés.

Tassillon roi de Bavière, fut jugé au parlement de l'an 788, et les pairs, c'est-à-dire les seigneurs assemblés, le jugèrent digne de mort ; il fut par ordre du roi enfermé dans un monastère.

Les enfants de Louis le Débonnaire s'appelèrent de même pares, dans une entrevue de l'an 851.

Au Xe siècle, le terme de pair commença à s'introduire dans le langage gallo-tudesque que l'on parlait en France ; les vassaux d'un même seigneur s'accoutumèrent à s'appeler pairs, c'est-à-dire, qu'ils étaient égaux entr'eux, et non pas qu'ils fussent égaux à leur seigneur. C'était un usage chez les Francs, que chacun avait le droit d'être jugé par ses pairs ; dans les premiers temps de la monarchie, ce droit appartenait à tout citoyen libre ; mais il appartenait plus particulièrement aux grands de l'état, que l'on appelait alors principes, parce qu'indépendamment de la peine capitale qui ne se prononçait que dans une assemblée du parlement, leur sort formait toujours une de ces causes majeures que les rois ne devaient juger qu'au parlement ; et comme le roi y présidait, c'est de-là que dans les causes criminelles des pairs, il est encore d'usage au parlement d'inviter le roi d'y venir prendre place.

Chacun dans son état était jugé par des personnes de même grade ; le comte était jugé par d'autres comtes, le baron par des barons, un évêque par des évêques, et ainsi des autres personnes. Les bourgeois eurent aussi leurs pairs, lorsqu'ils eurent obtenu le droit de commune. La loi des Allemands, rédigée sous Clotaire I. porte chap. xlv. que pour se venger d'un homme on assemble ses pairs, si mittunt in vicino et congregant pares.

Cela s'observait encore même pour le civil sous la seconde race.

Dans le XIe siècle Geoffroy Martel, comte d'Anjou, fit faire ainsi le procès à Guerin de Craon, parce qu'il avait fait hommage de la baronie de Craon à Conan duc de Bretagne, et Conan fut condamné quoique absent.

Matthieu Paris, (année 1226) dit : nullus in regno Francorum debet ab aliquo jure spoliari, nisi per judicium parium.

On verra néanmoins dans la suite, que l'on ne tarda pas longtemps à mettre des bornes à ce privilège.

Les Anglais qui ont emprunté une grande partie de leurs lois et de leurs usages de notre ancien droit français, pratiquent encore la même chose. La grande charte n°. 29. dit : nec super eum (liberum hominem) ibimus, nec super eum mittemus nisi per legale judicium parium suorum. Tous accusés y sont encore jugés par leurs pairs, c'est-à-dire, par des personnes de même état et condition, à la réserve des bourreaux et Bouchers, qui par rapport à la dureté de leur métier ne sont point juges. Cet usage ne vint pas, comme quelques-uns l'ont cru, de la police féodale qui devint universelle à la fin de la seconde race. Elle ne fit qu'affermir le droit de pairie, surtout au criminel ; le supérieur ne peut être jugé par l'inférieur ; c'est le principe annoncé dans les capitulaires et puisé dans la nature même.

Au commencement de la monarchie, les distinctions personnelles étaient les seules connues ; les tribunaux n'étaient pas établis ; l'administration de la justice ne formait point un système suivi, sur lequel l'ordre du gouvernement fût distribué ; le service militaire était l'unique profession des Francs ; les dignités, les titres acquis par les armes, étaient les seules distinctions qui pussent déterminer entr'eux l'égalité ou la supériorité. Tel fut d'abord l'état de la pairie, ce que l'on peut appeler son premier âge.

Le choix des juges égaux en dignité à celui qui devait être jugé, ne pouvait être pris que sur le titre personnel ou grade de l'accusé.

L'établissement des fiefs ne fit qu'introduire une nouvelle forme dans un gouvernement, dont l'esprit général demeura toujours le même ; la valeur militaire fut toujours la base du système politique ; la distribution des terres et des possessions ; l'ordre de la transmission des biens, tout fut réglé sur le plan d'un système de guerre ; les titres militaires furent attachés aux terres mêmes, et devinrent avec ces terres la récompense de la valeur ; chacun ne pouvait être jugé que par les seigneurs de fief du même degré.

La pairie était alors une dignité attachée à la possession d'un fief, qui donnait droit d'exercer la justice conjointement avec ses pairs ou pareils dans les assises du fief dominant, soit pour les affaires contentieuses, soit par rapport à la féodalité.

Tout fief avait ses pairies, c'est-à-dire, d'autres fiefs mouvants de lui, et les possesseurs de ces fiefs servants qui étaient censés égaux entr'eux, composaient la cour du seigneur dominant, et jugeaient avec lui ou sans lui toutes les causes dans son fief.

Il fallait quatre pairs pour rendre un jugement.

Si le seigneur en avait moins, il en empruntait de son seigneur suzerain.

Dans les causes où le seigneur était intéressé, il ne pouvait être juge, il était jugé par ses pairs.

C'est de cet usage de la pairie, que viennent les hommes de fief en Hainaut, Artais, et Picardie.

On trouve dès le temps de Lothaire un jugement rendu en 929, par le vicomte de Thouars avec ses pairs, pour l'église de saint Martin de Tours.

Le comte de Champagne avait sept pairs, celui de Vermandais six ; le comte de Ponthieu avait aussi les siens, et il en était de même dans chaque seigneurie. Cette police des fiefs forme le second âge du droit de pairie, laquelle depuis cette époque, devint réelle, c'est-à-dire, que le titre de pair fut attaché à la possession d'un fief de même valeur que celui des autres vassaux.

Il se forma dans la suite trois ordres ou classes ; savoir, de la religion, des armes, et de la justice : tout officier royal devint le supérieur et le juge de tous les sujets du roi, de quelque rang qu'ils fussent ; mais dans chaque classe, les membres du tribunal supérieur conservèrent le droit de ne pouvoir être jugés que par leurs confrères, et non par les tribunaux inférieurs qui ressortissent devant eux. De-là vient cette éminente prérogative qu'ont encore les pairs de France, de ne pouvoir être jugés que par la cour de parlement suffisamment garnie de pairs.

Il reste encore quelques autres vestiges de cet ancien usage des Francs, suivant lequel chacun était jugé par ses pairs. De-là vient le droit que la plupart des compagnies souveraines ont de juger leurs membres : telle est aussi l'origine des conseils de guerre, du tribunal des maréchaux de France. Delà vient encore la juridiction des corps-de-ville, qui ont porté longtemps le nom de pairs bourgeois. Enfin, c'est aussi de-là que vient la police que tous les ordres du royaume exercent sur leurs membres ; ce qui s'étend jusques dans les communautés d'arts et métiers.

Le troisième âge de la pairie, est celui où les pairs de France commencèrent à être distingués des autres barons, et où le titre de pair du roi cessa d'être commun à tous les vassaux immédiats du roi, et fut réservé à ceux qui possédaient une terre à laquelle était attaché le droit de pairie.

Les pairs étaient cependant toujours compris sous le terme général de barons du royaume ; parce qu'en effet tous les pairs étaient barons du royaume ; mais les barons ne furent plus tous qualifiés de pairs : le premier acte authentique où l'on voie la distinction des pairs d'avec les autres barons, est une certification d'arrêt fait à Melun l'an 1216, au mois de Juillet. Les pairs nommés sont l'archevêque de Rheims, l'évêque de Langres, l'évêque de Châlons, celui de Beauvais : l'évêque de Noyon, et Eudes duc de Bourgogne ; ensuite sont nommés plusieurs autres évêques et barons.

Anciens pairs. Dans l'origine tous les Francs étaient pairs ; sous Charlemagne tous les seigneurs et tous les grands l'étaient encore. La pairie dépendant de la noblesse du sang était personnelle ; l'introduction des grands fiefs fit les pairies réelles, et les arriere-fiefs formèrent des pairies subordonnées ; il n'y eut plus de pairs relativement à la couronne du roi, que les barons du roi, nommés barons du royaume, ou pairs de France : mais il y en avait bien plus de douze, et chaque baron, comme on l'a dit, avait lui-même ses pairs.

Les plus anciens pairs sont donc ceux auxquels on donnait cette qualité du temps de la première et de la seconde race, et même encore au commencement de la troisième ; temps auquel la pairie était encore personnelle : on les appelait alors principes, ou primates, magnates, procères, barones ; ces différentes dénominations se trouvent employées indifféremment dans plusieurs chartes et anciennes ordonnances, notamment dans un acte où Eudes, comte de Chartres, se plaignant au roi Robert de Richard duc de Normandie, se sert des termes de pair et de prince en un même sens. Boulainvilliers, de la Pairie.

L'origine de la pairie réelle remonte aussi loin que celle des fiefs ; mais les pairies ne devinrent héréditaires, que comme les fiefs auxquels elles étaient attachées ; ce qui n'arriva que vers la fin de la seconde race, et au commencement de la troisième.

M. de Boulainvilliers, en son histoire de la Pairie, prétend que du temps de Hugues Capet, ceux que l'on appelait pairs de France, n'étaient pas pairs du roi ; que c'étaient les pairs de Hugues Capet, comme duc de France ; qu'ils étaient pairs de fiefs, et ne se mêlaient que du domaine du roi et non du reste de l'état ; le duc de Bourgogne, les comtes de Flandres et de Champagne, ayant de même leurs pairs.

Quoi qu'il en soit de cette opinion, on entend communément par le terme d'anciens pairs de France, les douze barons auxquels seuls le titre de pairs de France, appartenait du temps de Louis VII. dit le Jeune.

L'institution de ces douze anciens pairs ne doit point être attribuée à Charlemagne ; c'est une fable qui ne mérite pas d'être refutée sérieusement.

Viguier dit qu'avant Louis le Begue, presque toutes les terres du royaume étaient du domaine royal ; le roi en faisant la part à ses sujets comme bon lui semblait ; mais sous Charles III. dit le Simple, le royaume fut distribué en sept grandes et principales provinces, et en plusieurs moindres et petites comtés, qui dépendaient des grandes seigneuries.

Ces sept principales seigneuries furent données aux maisons les plus puissantes de l'état.

Tel était encore l'état du royaume à l'avenement de Hugues Capet à la couronne ; il n'y avait en tout que sept pairies qui étaient toutes laïques ; savoir, le duché de France, qui était le domaine de Hugues Capet, les duchés de Bourgogne, de Normandie, et de Guyenne, et les comtés de Champagne, de Flandres, et de Toulouse. La pairie de France ayant été réunie à la couronne, il ne resta plus que les six autres pairs.

Favin et quelques autres pensent que la pairie fut instituée par le roi Robert, lequel établit un conseil secret d'état, composé de six ecclésiastiques et de six laics qu'il honora du titre de pairs. Il fixe cette époque à l'an 1020, qui était la vingt-quatrième année du règne de ce prince ; mais cet auteur ne s'appuie d'aucune autorité ; il n'a pas fait attention qu'il n'y avait pas alors six pairs ecclésiastiques : en effet, l'évêque de Langres relevait encore du duc de Bourgogne sous Louis VII. lequel engagea le duc de Bourgogne à unir le comté de Langres à l'évêché, afin que l'évêque relevât du roi ; ce prince étant alors dans le dessein de faire sacrer son fils Philippe-Auguste, et de rendre cette cérémonie mémorable par la convocation des douze pairs.

Ainsi l'évêque de Langres n'étant devenu propriétaire du comté de Langres qu'en l'année 1179 il est certain que l'époque où on le comptait pair, ne peut être antérieure à cette époque, soit que Louis VII. ait institué les douze anciens pairs, ou qu'il ait seulement réduit le nombre des pairs, à douze.

Plusieurs tiennent que ce fut Louis VII. qui institua les douze anciens pairs ; ce qui n'est fondé que sur ce que les douze plus anciens pairs connus, sont ceux qui assistèrent sous Louis VII. au sacre de Philippe-Auguste, le premier Novembre 1179, et qui sont qualifiés de pairs ; savoir Hugues III. duc de Bourgogne ; Henri le jeune roi d'Angleterre, duc de Normandie ; Richard d'Angleterre son frère, duc de Guyenne, Henri I. comte de Champagne ; Philippe d'Alsace, comte de Flandres ; Raymond vicomte de Toulouse ; Guillaume de Champagne, archevêque duc de Rheims, Roger de Rosay, évêque duc de Laon ; Manassés de Bar, évêque duc de Langres ; Barthélemi de Montcornet, évêque comte de Beauvais ; Gui de Joinville, évêque comte de Châlons ; Baudouin, évêque et comte de Noyon.

Mais on ne peut pas prétendre que ce fut Louis VII. qui eut institué ces douze pairs ; en effet, toutes les anciennes pairies laïques avaient été données en fief longtemps avant le règne de Louis VII. savoir le comté de Toulouse en 802, le duché d'Aquittaine en 844, le comté de Flandres en 864, le duché de Bourgogne en 890, celui de Normandie en 912, le comte de Champagne en 999. Il ne faut pas croire non plus que Louis le jeune eut fixé ou réduit les pairs au nombre de douze, si ce n'est que l'on entende par-là qu'aux onze pairs qui existaient de son temps, il ajouta l'évêque de Langres qui fit le douzième ; mais le nombre des pairs n'était pas pour cela fixé ; il y en avait autant que de vassaux immédiats de la couronne ; la raison pour laquelle il ne se trouvait alors que douze pairs, est toute naturelle ; c'est qu'il n'y avait dans le domaine de nos rois que six grands vassaux laïques, et six évêques aussi vassaux immédiats de la couronne, à cause de leurs baronies.

Lorsque dans la suite il revint à nos rois d'autres vassaux directs, ils les admirent aussi dans les conseils et au parlement, sans d'autre distinction que du rang et de la qualité de pair, qui appartenait primitivement aux anciens. Traité de la Pairie de Boulainvilliers.

Quoi qu'il en sait, ces anciennes pairies parurent avec éclat sous Philippe-Auguste ; mais bien-tôt la plupart furent réunies à la couronne ; en sorte que ceux qui attribuent l'institution des douze pairs à Louis VII. ne donnent à ces douze pairs qu'une existence pour ainsi dire momentanée. En effet, la Normandie fut confisquée sur Jean sans Terre, par Philippe-Auguste ; ensuite usurpée par les Anglais sous Charles VI. et reconquise par Charles VII.

L'Aquittaine fut aussi confisquée en 1202, sur Jean sans Terre, et en 1259, saint Louis en donna une partie à Henri roi d'Angleterre, sous le titre de duché de Guyenne. Le comté de Toulouse fut aussi réuni à la couronne sous saint Louis en 1270, par le décès d'Alphonse son frère sans enfants ; le comté de Champagne fut réuni à la couronne en 1284, par le mariage de Philippe le Bel, avec Jeanne reine de Navarre et comtesse de Champagne.

Lettres d'érection. Les anciens pairs n'avaient point de lettres d'érection de leur terre en pairie, soit parce que les uns se firent pairs eux-mêmes, soit parce que l'on observait alors peu de formalités dans la concession des titres et dignités ; on se passa même encore longtemps de lettres, après que la pairie eut été rendue réelle. Les premières lettres que l'on trouve d'érection en pairie sont celles qui furent données en 1002 à Philippe le Hardi, chef de la seconde maison de Bourgogne. Le roi Jean son père le créa pair de ce duché.

Plusieurs des anciennes pairies laïques étant réunies à la couronne, telles que le comté de Toulouse, le duché de Normandie, et le comté de Champagne, on en créa de nouvelles, mais par lettres-patentes.

Ces nouvelles érections de pairies ne furent d'abord faites qu'en faveur des princes du sang. Les deux premières nouvelles pairies furent le comté d'Artais et le duché de Bretagne, auxquels Philippe le Bel attribua le titre de pairie en 1297, en faveur de Robert d'Artais, et de Jean duc de Bretagne.

Ce qui est remarquable dans l'érection du duché de Bretagne en pairie, c'est que la Bretagne n'était pas contente de cette érection, craignant que ce ne fût une occasion au roi de s'emparer de ce pays ; tellement que le roi donna une déclaration à Yolande de Dreux, veuve du duc Artus, que l'érection en pairie ne préjudicierait à elle, ni à ses enfants, ni aux pays et coutumes. Boulainv. Histoire des parlements, tom. I. p. 226.

On érigea dans la suite plusieurs autres nouvelles pairies en faveur des princes du sang, notamment le duché de Normandie, qui fut rétabli par le roi Jean en 1355, en faveur de Charles son fils, dauphin de France, qui fut depuis le roi Charles V.

On érigea de même successivement en pairies pour divers princes de la maison de France, le duché d'Alençon en 1268, celui de Bourbon en 1308, celui d'Orléans en 1345, celui de Normandie, qui fut rétabli en 1355. Il y en eut encore d'autres par la suite. Les princes du sang ne jouissaient point alors du titre ni des prérogatives de la pairie, à moins qu'ils ne possédassent quelque terre érigée en pairie. Les princes non pairs étaient précédés par les pairs, soit que ceux-ci fussent princes ou non, et les princes mêmes qui avaient une pairie, n'avaient à la cour et au parlement d'autre rang que celui de leur pairie ; mais présentement tous les princes sont pairs nés, sans qu'ils aient besoin de posséder de pairie ; ils précédent tous les autres pairs, ils jouissent tous du titre de pair et des prérogatives qui y sont attachées, quoiqu'ils ne possédent point de terre érigée en pairie ; ce fut Henri III. qui leur donna ce titre de pair né. Ce sont les seuls pairs nés que l'on connaisse parmi nous. Voyez l'hist. de la pairie par Boulainv. tom. I. pag. 58.

Lorsque l'on érigea de nouvelles pairies pour des princes du sang, il subsistait encore quatre des anciennes pairies laïques ; mais sous Charles VII. il y en eut trois qui furent réunies à la couronne ; savoir, le duché de Normandie en 1465, celui de Bourgogne en 1467, et celui de Guienne en 1468 ; de sorte qu'il ne resta plus que le comté de Flandres qui dans la suite des temps a été partagé entre plusieurs souverains, et la portion qui en est demeurée à la France, a été réunie à la couronne ; c'est pourquoi lors du second procès qui fut fait au duc d'Alençon, Louis XI. créa de nouveaux pairs pour représenter la pairie de France assemblée.

Il ne subsiste plus présentement aucune des six anciennes pairies laïques, et conséquemment les six pairies ecclésiastiques sont sans contredit les plus anciennes de toutes les pairies qui subsistent présentement.

Long-temps après les nouvelles créations de pairies faites pour des princes du sang, on en fit aussi en faveur de princes étrangers ; le premier qui obtint cette faveur fut le duc de Nevers en 1549.

Enfin on en créa aussi en faveur d'autres seigneurs, qui n'étaient ni princes du sang, ni princes étrangers.

La première qui fut érigée pour un autre qu'un prince, fut celle de Roannes par François I. en Avril 1519, pour Artus de Gouffier, seigneur de Boissy ; mais comme il mourut au mois de Mai suivant, l'érection n'eut pas lieu ; ce qui a fait dire à plusieurs que Guise était la première terre érigée en pairie en faveur d'un autre que d'un prince du sang, quoique son élection ne soit que de 1527. Mais l'érection du duché de Guise en pairie était en faveur d'un prince étranger, et même issu originairement du sang de France. La première érection de pairie qui eut lieu en faveur d'un simple seigneur non prince, fut, selon quelques-uns, celle de la baronie de Montmorency en 1551 (Henault) ; mais il s'en trouve une plus ancienne, qui est celle du duché de Nemours, en faveur de Jacques d'Armagnac en 1462. Le parlement n'enregistra ses lettres qu'après plusieurs jussions. Duclos, hist. de Louis XI.

Depuis ce temps, les érections de duchés-pairies en faveur de simples seigneurs non princes, ont été multipliées à mesure que nos rois ont voulu illustrer quelques-uns des seigneurs de leur cour.

Présentement les pairs de France sont :

1°. Les princes du sang, lesquels sont pairs nés lorsqu'ils ont atteint l'âge de 20 ans, qui est la majorité féodale.

2°. Les princes légitimés, lesquels sont aussi pairs nés.

3°. Les pairs ecclésiastiques, qui sont présentement au nombre de sept ; savoir, les six anciens pairs, et l'archevêque de Paris, duc de S. Cloud ; mais le rang de cette pairie se règle par celui de son érection, qui n'est que de 1622.

4°. Les ducs et pairs laïques : ces pairs, suivant la date de leur érection, et l'ordre de leur séance au parlement, sont :

Il y a en outre quelques ducs héréditaires vérifiés au parlement, et quelques ducs par simple brevet, mais les uns et les autres n'ont point le titre de pair, ni aucune des prérogatives attachées à la pairie.

Pairs ecclésiastiques, sont des archevêques et évêques qui possèdent une terre érigée en pairie, et attachée à leur bénéfice. Le roi est le seul en France qui ait jamais eu des pairs ecclésiastiques ; les autres seigneurs avaient chacun leurs pairs, mais tous ces pairs étaient laïcs.

Les six anciens pairs ecclésiastiques sont présentement les plus anciens de tous les pairs : il n'y a eu aucun changement à leur égard, soit pour le titre de leurs pairies, soit pour le nombre.

L'article 45. de l'édit de 1695 maintient les pairs ecclésiastiques dans le rang qui leur a été donné jusqu'à présent auprès de la personne du roi dans le conseil, et dans les parlements.

Pairie mâle, est celle qui ne peut être possédée que par des mâles, à la différence de la pairie femelle, qui est érigée en faveur de quelque femme ou fille, ou qui est créée avec faculté de pouvoir être possédée par les femelles au défaut des mâles.

Pair femelle. Anciennement les femelles étaient exclues des fiefs par les mâles, mais elles y succédaient à leur défaut, ou lorsqu'elles étaient rappelées à la succession par leurs père et mère ; elles succédaient même ainsi aux plus grands fiefs, et en exerçaient toutes les fonctions.

En effet, dans une charte de l'an 1199, qui est au trésor des chartes, donnée par Alienor reine d'Angleterre, pour la confirmation des immunités de l'abbaye de Xaintes, cette princesse prend aussi la qualité de duchesse de Normandie et d'Aquittaine, et de comtesse d'Anjou.

Blanche, comtesse de Troie., prenait aussi la qualité de comtesse palatine.

Mahault ou Mathilde, comtesse d'Artais, nouvellement créée pair de France, signa en cette qualité l'ordonnance du 3 Octobre 1303 ; elle assista en personne au parlement en 1314, et y eut séance et voix délibérative comme les autres pairs de France, dans le procès criminel fait à Robert, comte de Flandres ; elle fit aussi en 1316, les fonctions de pair au sacre de Philippe le Long, où elle soutint avec les autres pairs la couronne du roi son gendre.

Une autre comtesse d'Artais fit fonction de pair en 1364, au sacre de Charles V.

Jeanne, fille de Raimond comte de Toulouse, prêta le serment, et fit la foi et hommage au roi de cette pairie.

Jeanne, fille de Baudouin, fit le serment de fidélité pour la pairie de Flandres ; Marguerite sa sœur en hérita, et assista, comme pair, au célèbre jugement des pairs de France donné pour le comte de Clermont en Beauvaisis.

Au parlement tenu le 9. Decembre 1378, pour le duc de Bretagne, la duchesse d'Orléans s'excusa par lettres, de ce qu'elle ne s'y trouvait pas. Traité de la pairie, pag. 131.

Mais depuis longtemps les pairs femelles n'ont plus entrée au parlement. On a distingué avec raison la possession d'une pairie, d'avec l'exercice des fonctions de pairs : une femme peut posséder une pairie, mais elle ne peut exercer l'office de pair, qui est un office civil, dont la principale fonction consiste en l'administration de la justice.

Ainsi mademoiselle de Montpensier, Anne-Marie-Louise, duchesse de Montpensier, comtesse d'Eu, etc. prenait le titre de premier pair de France, mais elle ne siégeait point au parlement. Voyez le Gendre, des mœurs des François ; lettres historiques sur le parlement.

En Angleterre il y a des pairies femelles, mais les femmes qui les possédent n'ont pas non plus entrée au parlement. Voyez le traité de la pairie d'Angleterre, pag. 343.

Premier pair de France. Avant que les princes du sang eussent été déclarés pairs nés, c'était le premier pair ecclésiastique qui se disait premier pair de France. On voit qu'en 1360, l'archevêque de Rheims se qualifiant premier pair de France, présenta requête au parlement de Paris ; le duc de Bourgogne se qualifiait doyen des pairs de France au mois d'Octobre 1380 ; il eut en cette qualité la préséance au sacre de Charles VI. sur son frère ainé duc d'Anjou. On conserve au trésor des chartes un hommage par lui fait au roi le 23 Mai 1404, où il est dit qu'il a fait foi et hommage lige de la pairie et doyenné des pairs de France, à cause dudit duché. Il prit la même qualité de doyen des pairs dans un autre hommage de 1419. Chassanée, en son ouvrage intitulé, catalogus gloriae mundi, lui donne le titre de primus par regni Franciae ; et en effet, dans des lettres de Louis XI. du 14. Octobre 1468, il est dit que le duché de Bourgogne est la première pairie, et qu'au moyen d'icelle, le duc de Bourgogne est le premier pair et doyen des pairs ; dans d'autres du même jour, il est dit que, comme premier pair et doyen des pairs de France, il a une chancellerie dans son duché, et un scel authentique en sa chancellerie pour ses contrats, et le roi veut que ce scel emporte garnison de mairs ; mais depuis par une déclaration donnée à Blais par Henri III. au mois de Décembre 1576, registrée le 8 Janvier 1577, il a été réglé que les princes précéderont tous les pairs, soit que ces princes ne soient pas pairs, soit que leurs pairies soient postérieures à celles des autres pairs ; au moyen de quoi le premier prince du sang, autre que ceux de la famille royale, a présentement seul droit de se qualifier premier pair de France : une princesse du sang peut prendre cette qualité, lorsqu'elle a le premier rang entre les princes. C'est ainsi que mademoiselle de Montpensier se qualifiait premier pair de France. Cependant l'archevêque de Rheims, qui est le premier pair ecclésiastique, se qualifie encore premier duc et pair de France. Anselme, tom. II. p. 1. et 47.

Doyen des pairs. C'était autrefois le duc de Bourgogne qui était le doyen des pairs. Il joignait cette qualité de doyen avec celle de premier pair, parce que son duché était le plus ancien, ayant été institué dès le temps de Charles le Chauve, au festin qui suivit le sacre de Charles VI. encore mineur. Le duc de Bourgogne, doyen des pairs, se mit de fait et de force en possession de la première place au-dessous du roi, avant le duc d'Anjou son frère ainé, qui était régent du royaume. Histoire de la pairie par Boulainv. tom. I. pag. 103.

Hommage. Les pairs faisaient autrefois deux hommages au roi, un pour le fief auquel était attaché la pairie, à cause du royaume, l'autre pour la pairie, et qui avait rapport à la royauté. Il y a de ces anciens hommages à la chambre des comptes ; mais depuis longtemps le fief et la pairie sont unis, et les pairs ne font plus qu'un seul hommage pour l'un et l'autre. Boulainv. Les rois et autres princes étrangers ne sont pas dispensés de l'hommage pour les pairies qu'ils possèdent en France.

Jean Sans-Terre, roi d'Angleterre et duc de Normandie et de Guienne, et à cause de ces deux duchés pair de France, refusant de prêter la foi et hommage à Philippe-Auguste, et étant accusé d'avoir fait perdre la vie à Artus, comte de Bretagne son neveu, ayant été ajourné plusieurs fais, sans qu'il eut aucunement comparu, fut en 1202 condamné à mort par jugement des pairs de France, qui déclarent la Guyenne et la Normandie confisquées sur lui.

Le duché de Guyenne étant retourné depuis au pouvoir du roi d'Angleterre, celui-ci en fit hommage lige et serment de fidélité au roi saint Louis en 1259. Edouard fit pareillement hommage en 1282 pour ce duché, lequel fut confisqué sur lui en 1286. Edouard étant rentré dans ce duché en 1303, fut poursuivi pour la foi et hommage ; on lui donna pour cet effet un sauf-conduit en 1319. Il fit la foi à Amiens la même année, et le 30 Mars 1331 il reconnut que la foi et hommage qu'il devait à cause de son duché-pairie de Guyenne, était un hommage lige ; enfin la Guyenne ayant encore été confisquée en 1378, et donnée à Louis de France, dauphin de Viennais, il en fit hommage au roi le dernier Février 1401.

On voit dans la chronique de Flandre, la forme de l'hommage que le comte de Flandre rendait au roi ; ce prince s'asseyait dans sa chaise royale, il était autrefois accompagné des pairs de France, et depuis de tels que bon lui semblait ; le comte marchait vers lui la tête nue et déceint, et se mettait un genou en terre si le roi le permettait ; le roi assis mettait ses mains en celles du comte, et le chancelier, ou autre que le roi, à ces fins ordonnait, s'adressant au comte lui parlait de cette sorte : " Vous devenez homme lige du roi votre souverain seigneur, pour raison de la pairie et comté de Flandre, et de tout ce que vous levez et tenez de la couronne de France, et lui promettez foi et hommage, et service contre tous jusqu'à la mort inclusivement, sauf au roi ses droits en autre chose, et l'autrui en toutes ". Le comte répondait, oui sire, je le promets. Ainsi cela dit, il se levait et baisait le roi en la joue ; le comte ne donnait rien pour relief, mais les hérauts et sergens à marche du roi butinaient la robe du comte, son chapeau et bonnet, sa ceinture, sa bourse, son épée, etc.

On doit surtout voir le procès-verbal de l'hommage fait à Louis XII. en 1499 par Philippe, archiduc d'Autriche, pour son comté de Flandre ; l'archiduc vint jusqu'à Arras, où le chancelier de France vint pour recevoir son hommage. Le chancelier étant assis dans une chaise à bras, l'archiduc nue tête se présente à lui disant : " Monseigneur, je suis venu devers vous pour faire l'hommage que tenu suis faire à monseigneur le roi touchant mes pairies de Flandre, comtés d'Artais et de Charolais, lesquelles tiens de monseigneur le roi à cause de sa couronne ". M. le chancelier assis et couvert lui demanda, s'il avait ceinture, bague ou autre bague ; l'archiduc en levant sa robe qui était sans ceinture, dit que non. Cela fait, M. le chancelier mit les deux mains entre les siennes, et les tenant ainsi jointes, l'archiduc voulut s'incliner, le chancelier ne le voulant souffrir, et le soulevant par ses mains qu'il tenait, lui dit ces mots : il suffit de votre bon vouloir ; puis M. le chancelier lui tenant toujours les mains jointes, et l'archiduc ayant la tête nue, et s'efforçant toujours de se mettre à genoux, le chancelier lui dit : " Vous devenez homme du roi votre souverain seigneur, et lui faites foi et hommage lige pour raison des pairie et comté de Flandre et aussi des comtés d'Artais et de Charolais, et de toutes autres terres que tenez et qui sont mouvants et tenus du roi à cause de sa couronne, lui promettez de la servir jusqu'à la mort inclusivement, envers et contre tous ceux qui peuvent vivre et mourir sans nul réserver, de procurer son bien et éviter son dommage, et vous conduire et acquitter envers lui comme envers votre souverain seigneur, " A quoi fut par l'archiduc répondu : " Par ma foi ainsi le promets et ainsi le ferai ". Ensuite M. le chancelier lui dit : " Je vous y reçais, sauf le droit du roi en autre chose et l'autrui en toutes " ; puis l'archiduc tendit la joue en laquelle M. le chancelier le baisa, et il demanda à M. le chancelier lettres de cet hommage.

Réception des Pairs. Depuis l'arrêt du 30 Avril 1643, qui fut rendu les chambres assemblées, pour être reçu en l'office de pair, il faut être âgé au-moins de 25 ans.

Il faut aussi faire profession de la foi et religion catholique, apostolique et romaine.

Un ecclésiastique peut posséder une pairie laïque, mais un religieux ne peut être pair.

On voit dans les registres du parlement, sous la date du 11 Septembre 1557, que les grand-chambre et tournelle assemblées firent difficulté de recevoir l'évêque de Laon pair de France, parce qu'il avait fait profession monastique en l'ordre de saint Benait, il fut néanmoins reçu suivant que le roi le désirait.

Le nouveau pair n'est reçu qu'après information de ses vie et mœurs.

Il est reçu par la grand-chambre seule ; mais lorsqu'il s'agit d'enregistrer des lettres d'érection d'une nouvelle pairie, elles doivent être vérifiées toutes les chambres assemblées.

Le récipiendaire est obligé de quitter son épée pour prêter serment ; il la remet entre les mains du premier huissier, lequel la lui remet après la prêtation de serment.

Serment des Pairs. Il parait qu'anciennement le serment des pairs n'était que conditionnel, et relatif aux engagements réciproques du seigneur et du vassal. En effet dans un traité fait au mois d'Avril 1225, entre le roi saint Louis et Ferrand, comte de Flandre, ce comte promet au roi de lui être fidèle tant que le roi lui fera droit en sa cour par jugement de ses pairs, quamdiu dominus rex velit facère nobis jus in curiâ suâ per judicium parium nostrorum ; mais il y a apparence qu'à mesure qu'on est venu plus éclairé, on a senti qu'il ne convenait pas à un sujet d'apposer une telle restriction vis-à-vis de son souverain. On trouve des exemples du serment des pairs dès l'an 1407, dans les registres du parlement, où il est dit, que le 9 Septembre de ladite année, Jean duc de Bourgogne, prêta serment comme pair. La forme du serment qu'ils prêtaient autrefois au parlement, est exprimée dans celui qu'y fit Charles de Genlis, évêque et comte de Noyon, le 16 Janvier 1502 ; il est dit qu'il a fait avec la cour de céans le serment qu'il est tenu de faire à cause de sa dignité de pair, à savoir de s'acquitter en sa conscience ès jugements des procès où il se trouvera en ladite cour sans acception de personne, ni révéler les secrets de ladite cour, obéir et porter honneur à icelle.

Pierre de Gondy, évêque et duc de Langres, prêta serment le 13 Aout 1566 ; mais les registres du parlement disent seulement, que la main mise au pis (id est ad pectus comme ecclésiastique), il a fait et prêté le serment accoutumé de pair de France.

Pendant longtemps la plupart des pairs ont prêté serment comme conseillers de la cour. François de Bourbon, roi de Navarre, dit qu'il était conseiller né au parlement.

Ce ne fut que du temps de M. le premier président de Harlay que l'on établit une formule particulière pour le serment des pairs.

Jusqu'au temps de M. de Harlay, premier président, il y a la moitié des serments des pairs qui sont conçus dans les mêmes termes que ceux des conseillers.

Présentement ils jurent de se comporter comme un sage et magnanime duc et pair, d'être fidèle au roi, et de le servir dans ses très-hautes et très-puissantes affaires.

Ils prêtent serment derrière le premier barreau, après avoir ôté leur épée, qui reste pendant cette cérémonie entre les mains du premier huissier.

Présentation des roses. Anciennement les pairs présentaient chacun en leur rang des roses et chapeaux à Mrs. du parlement ; cette présentation se faisait dans les mois de Mai et de Juin ; chaque pair avait son jour pour cette cérémonie suivant son ancienneté. Il est fait mention de ces présentations de roses dans les registres du parlement jusqu'en 1586. Voyez aussi le Recueil du père Anselme, tom. III. p. 525. et 536.

Fonctions des pairs. Les pairs de France ont été créés pour soutenir la couronne, comme les électeurs furent établis pour le soutien de l'empire ; c'est ainsi que le procureur général s'en expliqua les 19 et 26 Fevrier 1410, en la cause des archevêque et archidiacre de Rheims.

Aussi dans une cause plaidée au parlement contre l'évêque de Châlons le 3 Février 1364, le procureur général dit que, " plus les pairs de France sont près du roi, et plus ils sont grands dessous lui de tant ils sont tenus et plus astraints de garder les droits et l'honneur de leur roi et de la couronne de France, et de ce ils font serment de fidélité plus espéciale que les autres sujets du roi ; et s'ils font ou attentent à faire au contraire, de tant sont-ils plus à punir ".

Au sacre du roi les pairs font une fonction royale, ils y représentent la monarchie, et y paraissent avec l'habit royal et la couronne en tête, ils soutiennent tous ensemble la couronne du roi, et ce sont eux qui reçoivent le serment qu'il fait d'être le protecteur de l'Eglise et de ses droits, et de tout son peuple. Boulainv. tom. I. on a même conservé dans cette cérémonie, suivant l'ancien usage, la forme et les termes d'une élection, ainsi qu'on le peut voir dans du Tillet ; mais aussi-tôt après cette action les pairs rentrent dans le devoir de véritables sujets ; en sorte que leur fonction au sacre est plus élevée que celle des électeurs, lesquels font simplement la fonction de sujets au couronnement de l'empereur. Boulainv.

Outre ces fonctions qui sont communes à tous les pairs, ils en ont encore chacun de particulières au sacre.

L'archevêque de Rheims a la prérogative d'oindre, sacrer, et couronner le roi ; ce privilège a été confirmé aux archevêques de Rheims par le pape Sylvestre II. et par Alexandre III. l'évêque de Laon et celui de Beauvais accompagnent l'archevêque de Rheims lorsqu'il Ve recevoir sa majesté à la porte de l'église la veille de la cérémonie ; et le lendemain ces deux évêques sont toujours députés, l'un comme duc, et l'autre comme premier comte ecclésiastique, pour aller querir le roi au palais archiépiscopal, le lever de dessus son lit et l'amener à l'église, enfin d'accompagner sa majesté dans toute la cérémonie de l'onction sacrée ; et dans la cérémonie l'évêque de Laon porte la sainte ampoule, celui de Langres le sceptre, et il a la prérogative de sacrer le roi en l'absence de l'archevêque de Rheims ; celui de Beauvais porte et présente le manteau royal ; l'évêque de Châlons porte l'anneau royal ; l'évêque de Noyon la ceinture ou baudrier. Les six anciens pairs laïcs sont représentés dans cette cérémonie par d'autres pairs que le roi commet à cet effet ; le duc de Bourgogne porte la couronne royale et ceint l'épée au roi ; le duc de Guyenne porte la première bannière carrée ; le duc de Normandie porte la seconde ; le comte de Toulouse les éperons ; le comte de Champagne la bannière royale où est l'étendart de la guerre ; le comte de Flandres l'épée du roi.

Anciennement les pairs étaient appelés aux actes publics de leur seigneur pour les rendre plus authentiques par leur souscription, et c'était comme pairs de fief, et comme gardiens du droit des fiefs que leur présence y était requise, afin que le seigneur ne le dissipât point ; tellement que pour rendre valable une aliénation, un seigneur empruntait quelquefois des pairs d'un autre seigneur pour l'assister en cette occasion.

Le roi faisait de même signer des chartes et ordonnances par ses pairs, soit pour les rendre plus authentiques, soit pour avoir leur consentement aux dispositions qu'il faisait de son domaine, et aux règlements qu'il faisait, lorsque son intention était que ces règlements eussent aussi leur exécution dans les terres de ses barons ou pairs.

Ce fut sans doute par une suite de cet ancien usage, qu'au traité d'Arras en 1482, l'empereur Maximilien demanda à Louis XI. pour garantie de ce traité l'engagement des princes du sang, subrogés, est-il dit, au lieu des pairs.

Les pairs sont aussi près du roi lorsqu'il tient ses états-généraux.

Mais la principale cause pour laquelle les pairs de France ont été institués, a été pour assister le roi de leurs conseils dans ses affaires les plus difficiles, et pour lui aider à rendre la justice dans sa cour, de même que les autres pairs de fiefs y étaient obligés envers leur seigneur : les pairs de France étaient juges naturels des nobles du royaume en toutes leurs causes réelles et personnelles.

Charles V. dans des lettres de 1359, portant érection du comté de Mâcon en pairie, ad consilium et juramentum rei publicae duodecim pares qui regni Franciae in arduis consiliis et judiciis assisterint et statuerint.

Tous les pairs en général étaient obligés de juger dans la cour du seigneur, sous peine de saisie de leurs fiefs, et d'établissement de garde, se ainsi n'était (disent les assises de Jérusalem) le seigneur ne pourrait cour tenir telle comme il doit, ne les gens avoir leur raison, &c.

Ces pairs de fiefs étaient les juges du seigneur ; il en fallait au moins deux avec lui pour juger, Henault. C'est peut-être de-là que quand le parlement eut été rendu sédentaire à Paris, et que le roi eut commis des gens de loi pour tenir ordinairement le parlement, il fut néanmoins ordonné qu'il y aurait toujours au moins deux barons ou pairs au parlement.

Personne, dit Beaumanoir, pour tel service qu'il eut, n'était excusé de faire jugement en la cour ; mais s'il avait loyale exoine, il pouvait envoyer un homme qui, selon son état, put le représenter.

Mais ce que dit ici Beaumanoir des pairs de fief, n'a jamais eu lieu pour les pairs de France, lesquels ne peuvent envoyer personne pour les représenter, ni pour siéger et opiner en leur place, ainsi qu'il fut déclaré dans un arrêt du parlement du 20 Avril 1458.

Séance au parlement. Les pairs étant les plus anciens et les principaux membres de la cour, ont entrée, séance et voix délibérative en la grand'chambre du parlement et aux chambres assemblées, toutes les fois qu'ils jugent à propos d'y venir, n'ayant pas besoin pour cela de convocation ni d'invitation.

La place des pairs aux audiences de la grand'chambre est sur les hauts sieges, à la droite du premier président ; les princes occupent les premières places ; après eux sont les pairs ecclésiastiques, ensuite les pairs laïcs, suivant l'ordre de l'érection de leurs pairies.

Lorsque le premier banc ne suffit pas pour contenir tous les pairs, on forme pour eux un second rang avec des banquettes couvertes de fleurs-de-lis.

Le doyen des conseillers laïcs, ou autre plus ancien, en son absence, doit être assis sur le premier banc des pairs, pour marquer l'égalité de leurs fonctions ; le surplus des conseillers laïcs se place après le dernier des pairs laïcs.

Lorsque la cour est au conseil, ou que les chambres sont assemblées, les pairs sont sur les bas siéges.

Aux lits de justice, les pairs laïcs précédent les évêques pairs ; les laïcs ont la droite : les ecclésiastiques furent obligés au lit de justice de 1610, de la laisser aux laïcs. M. de Boulainv. croit que cela vient de ce que les laïcs avaient entrée aux grandes assemblées avant que les évêques y fussent admis.

Aux séances ordinaires du parlement, les pairs n'opinent qu'après les présidents et les conseillers clercs, mais aux lits de justice ils opinent les premiers.

Autrefois les pairs quittaient leur épée pour entrer au parlement ; ce ne fut qu'en 1551 qu'ils commencèrent à en user autrement malgré les rémontrances du parlement, qui représenta au roi que de toute antiquité cela était réservé au roi seul, en signe de spéciale prérogative de sa dignité royale, et que le feu roi François I. étant dauphin, et messire Charles de Bourbon y étaient venus laissant leur épée à la porte. Voyez le président Henault, à l'an 1551.

Cour des pairs, appelée aussi la cour de France, ou la cour du roi, est le tribunal où le roi, assisté des pairs, juge les causes qui concernent l'état des pairs, ou les droits de leurs pairies.

Dès le commencement de la monarchie, le roi avait sa cour qui était composée de tous les francs qui étaient pairs ; dans la suite ces assemblées devenant trop nombreuses, furent réduites à ceux qui étaient chargés de quelque partie du gouvernement ou administration de l'état, lesquels furent alors considérés comme les plus grands du royaume ; ce qui demeura dans cet état jusques vers la fin de la seconde race de nos rais, auquel temps le gouvernement féodal ayant été introduit, les vassaux immédiats du roi furent obligés de se trouver en la cour du roi pour y rendre la justice avec lui, ou en son nom : ce fut une des principales conditions de ces inféodations ; la cour du roi ne fut donc plus composée que des vassaux immédiats de la couronne, qui prirent le nom de barons et de pairs de France, et la cour de France, ou cour du roi prit aussi le nom de cour des pairs ; non pas que ce fut la cour particulière de ces pairs, mais parce que cette cour était composée des pairs de France.

Cette cour du roi était au commencement distincte des parlements généraux, auxquels tous les grands du royaume avaient entrée ; mais depuis l'institution de la police féodale, les parlements généraux ayant été réduits aux seuls barons et pairs, la cour du roi ou des pairs et le parlement furent unis et confondus ensemble, et ne firent plus qu'un seul et même tribunal ; c'est pourquoi le parlement a depuis ce temps été qualifié de cour de France, cour du roi, ou cour des pairs.

Quelque temps après se firent plusieurs réunions à la couronne, par le moyen desquelles les arriere-vassaux du roi devenant barons et pairs du royaume, eurent entrée à la cour du roi comme les autres pairs.

C'était donc la qualité de vassal immédiat du roi qui donnait aussi la qualité de baron ou pair, et qui donnait conséquemment l'entrée à la cour du roi, ou cour des pairs ; tellement que sous Lothaire en 964, Thibaud le Trichard, comte de Blais, de Chartres et de Tours, fut exclu d'un parlement, quelque considérables que fussent les terres qu'il possédait, parce qu'il n'était plus vassal du roi, mais de Hugues duc de France.

La cour des pairs fut plus ou moins nombreuse, selon que le nombre des pairs fut restreint ou multiplié ; ainsi lorsque le nombre des pairs fut réduit aux six anciens pairs laïques, et aux six pairs ecclésiastiques, eux seuls eurent alors entrée, comme pairs à la cour du roi ou parlement, avec les autres personnes qui étaient nommées pour tenir le parlement.

Depuis que le parlement et la cour du roi ont été unis ensemble, le parlement a toujours été considéré comme la cour des pairs, c'est-à-dire, comme le tribunal où ils ont entrée, séance et voix délibérative ; ils sont toujours censés y être présents avec le roi dans toutes les causes qui s'y jugent ; c'est aussi le tribunal dans lequel ils ont droit d'être jugés, et auquel ressortit l'appel de leurs justices pairies lorsqu'elles sont situées dans le ressort du parlement.

Le parlement est ainsi qualifié de cour des pairs dans plusieurs ordonnances, édits et déclarations, notamment dans l'édit du mois de Juillet 1644, registré le 9 Aout suivant, " laquelle cour, porte cet édit, a rendu de tout temps de grands et signalés services aux rais, dont elle fait régner les lais, et reconnaître l'autorité et la puissance légitime.

Il est encore qualifié de même dans la déclaration du 28 Décembre 1724, registrée le 29 qui porte telle que le parlement est encore aujourd'hui, la cour des pairs, et la première et la principale du royaume.

Anciennement les pairs avaient le privilège de ne répondre qu'au parlement pour toutes leurs causes civiles ou criminelles ; mais depuis ce privilège a été restreint aux causes où il s'agit de leur état, ou de la dignité et des droits de leur pairie.

Les pairs ayant eu de tout temps le privilège de ne pouvoir être jugés que par leurs pairs ; c'est surtout lorsqu'il s'agit de juger un pair, que le parlement est considéré comme la cour des pairs, c'est-à-dire le tribunal seul compétent pour le juger.

C'est surtout dans ces occasions que le parlement est qualifié de cour des pairs.

Le père Labbé en ses mémoires rapporte un arrêt de 1224, rendu en la cour des pairs contre une comtesse de Flandres ; le chancelier, les grands bouteiller et chambellan, le connétable et autres officiers de l'hôtel du roi y étaient.

Fraissard, ch. cclxvij., dit que le prince de Galles, fils d'Edouard III. roi d'Angleterre, ayant voulu exiger du Languedoc un subside considérable, la province en appela à la cour des pairs, où le prince fut cité ; et que n'étant point comparu, il fut réassigné : il y eut en 1370 un arrêt rendu contre lui par défaut, qui confisqua la Guyenne et toutes les terres que la maison d'Angleterre possédait en France.

Un autre exemple plus récent où il est fait mention de la cour des pairs, est celui d'Henri IV. lequel s'opposant à l'excommunication qui avait été prononcée contre lui, en appela comme d'abus à la cour des pairs de France, desquels il avait, disait-il, cet honneur d'être le premier.

On peut voir dans le recueil du père Anselme, tome III. les différents exemples de la juridiction exercée par la cour des pairs sur ses membres, et ses prérogatives expliquées ci-après au mot PARLEMENT.

Il ne faut pas confondre la cour des pairs, ou cour commune des pairs, avec la cour particulière de chaque pair : en effet, chaque pair avait anciennement sa cour qui était composée de ses vassaux, ou pairs appelés pares, parce qu'ils étaient égaux entr'eux : on appelait aussi quelquefois simplement franci, francs, les juges qui tenaient la cour d'un pair, comme il se voit en l'ordonnance de Philippe de Valais, du mois de Décembre 1344.

Présentement ces cours particulières des pairs sont ce que l'on appelle les justices des pairies ; voyez ci-après l'art. JUSTICE DES PAIRIES.

Cour suffisamment garnie de pairs, n'est autre chose que le parlement ou la cour des pairs, lorsqu'il s'y trouve au moins douze pairs, qui est le nombre nécessaire pour juger un pair, lorsqu'il s'agit de son état.

On en trouve des exemples dès le XIe siècle.

Richard, comte de Normandie, dit, en parlant du différend d'Eudes de Chartres avec le roi Robert, en 1025, que le roi ne pouvait juger cette affaire, sine consensu parium suorum.

Le comte de Flandres revendiqua de même en 1109 le droit d'être jugé par ses pairs, disant que le roi devait le faire juger par eux, et hoc per pares suos qui eum judicare debent.

Jean sans Terre, roi d'Angleterre, fut jugé en 1202, par arrêt du parlement suffisamment garni de pairs. Du Tillet, Matthieu Paris, à l'an 1216, dit, en parlant du jugement rendu contre ce prince, pro quo facto condemnatus fuit ad mortem in curiâ regis Francorum per judicium parium suorum.

On voit dans les registres du parlement, que quand on convoquait les pairs, cela s'appelait fortifier la cour de pairs, ou garnir la cour de pairs : curiam vestram parisius Franciae vultis habere munitam, 1312 ; curia est sufficienter munita, 1315.

Au procès de Robert d'Artais en 1331, Philippe VI. émancipa son fils Jean, duc de Normandie, et le fit pair, afin que la cour fût suffisamment garnie de pairs ; ce qui prouve que les pairs n'étaient pas seuls juges de leurs pairs, mais qu'ils étaient jugés par la cour, et conséquemment par tous les membres dont elle était composée, et qu'il fallait seulement qu'il y eut un certain nombre de pairs ; en effet, dans un arrêt solennel rendu en 1224, par le roi en sa cour des pairs en faveur des grands officiers contre les pairs de France, il est dit " que, suivant l'ancien usage et les coutumes observées dès longtemps, les grands officiers de la couronne, savoir les chancelier, bouteillier, chambrier, etc. devaient se trouver au procès qui se ferait contre un des pairs, pour le juger avec les autres pairs, et en conséquence ils assistèrent au jugement de la comtesse de Flandres. " Henault.

Les pairs ont quelquefois prétendu juger seuls leurs pairs, et que le roi ne devait pas y être présent, surtout lorsqu'il y avait intérêt pour la confiscation. Ils firent des protestations à ce sujet en 1378 et 1386 ; mais cette prétention n'a jamais été admise : car quant au jugement unique de 1247, où trois pairs paraissent juger seuls, du Tillet remarque que ce fut par convention expresse portée dans le traité du comte de Flandres ; en effet la règle, l'usage constant s'y opposaient.

Il a toujours été pareillement d'usage d'inviter le roi à venir présider au parlement pour les procès des pairs, au moins quand il s'agit d'affaires criminelles, et nos rois y ont toujours assisté jusqu'à celui du maréchal de Biron, auquel Henri IV. ne voulut pas se trouver. Lettres historiques sur le parlement, tome II. On observe encore la même chose présentement, et dans ce cas le dispositif de l'arrêt qui intervient, est conçu en ces termes : la cour suffisamment garnie de pairs ; au lieu que dans d'autres affaires où la présence des pairs n'est pas absolument nécessaire, lorsque l'on fait mention qu'ils ont assisté au jugement, on met seulement dans le dispositif, la cour, les princes et les pairs présents, &c.

L'origine de cette forme qui s'observe pour juger la personne d'un pair, vient de ce qu'avant l'institution des fiefs, il fallait au moins douze échevins dans les grandes causes ; l'inféodation des terres ayant rendu la justice féodale, on conserva le même usage pour le nombre des juges dans les causes majeures ; ainsi comme c'étaient alors les pairs ou barons qui jugeaient ordinairement, il fallut douze pairs pour juger un pair, et la cour n'était pas réputée suffisamment garnie de pairs, quand ils n'étaient pas au moins douze.

Lors du différend entre le roi Louis Hutin et Robert, comte de Flandres, les pairs de France assemblés ; savoir, l'archevêque de Rheims, Charles, comte de Valais et d'Anjou, et Mahaut, comtesse d'Artais, firent savoir qu'à jour assigné ils tiendraient cour avec douze autres personnes, ou prélats, ou autres grands ou hauts hommes. Voyez du Cange, verbo pares, et M. Bouque, tome I. p. 183.

Robert d'Artais, en présence du roi, de plusieurs prélats, barons et autres suffisans conseillers, dit contre Mahaut, comtesse de Flandres, qu'il n'était pas tenu de faire ses demandes, que la cour ne fût suffisamment garnie de pairs ; il fut dit par arrêt qu'elle l'était, quod absque vocatione parium Franciae, quantum ad praesens, curia parlamenti, maxime domino rege ibidem existente cum suis praelatis, baronibus et aliis ejus consiliariis, sufficienter erat munita. Robert d'Artais n'ayant pas voulu procéder, Mahaut obtint congé. Voyez les registres olim.

Mais pour juger un pair il suffit que les autres pairs soient appelés ; quand même ils n'y seraient pas tous, ou même qu'il n'y en aurait aucun qui fut présent, en ce cas les pairs sont représentés par le parlement qui est toujours la cour des pairs, soit que les pairs soient présents ou absens.

Causes des pairs. Anciennement les pairs avaient le droit de ne plaider, s'ils voulaient, qu'au parlement, soit dans les procès qu'ils avaient en leur nom, soit dans ceux où leur procureur fiscal se voulait adjoindre à eux, se rendre partie, ou prendre l'aveu, garantie et défense : il est fait mention de cette jurisprudence dans les ordonnances du Louvre, tom. VII. p. 30.

Ce privilège avait lieu tant en matière civîle que criminelle ; on en trouve des exemples dès le temps de la seconde race : les plus mémorables sont le jugement rendu par la cour des pairs contre Tassillon, roi de Bavière en 788. Le jugement rendu contre un bâtard de Charlemagne en 792. Celui de Bernard, roi d'Italie en 818. Celui de Carloman, auquel on fit le procès en 871, pour cause de rebellion. Celui de Jean sans Terre, roi d'Angleterre, lequel en 1202 fut déclaré criminel de lesse-majesté, et sujet à la loi du royaume. Le jugement rendu contre le roi Philippe le Hardi, et Charles, roi des deux Siciles, pour la succession d'Alphonse, comte de Poitiers. Celui qui intervint entre Charles le Bel, et Eudes, duc de Bourgogne, au sujet de l'apanage de Philippe le Long, dont Eudes prétendait que sa femme, fille de ce roi, devait hériter en 1316 et en 1328, pour la succession à la couronne, en faveur de Philippe le Long et de Philippe de Valais. Le jugement de Robert d'Artais en 1331. Celui de Charles, roi de Navarre, en 1349. Celui qui intervint entre Charles V. et Philippe, duc d'Orléans.

Jean, duc d'Alençon, fut condamné deux fois à mort par les pairs, pour crime de lesse-majesté, savoir le 10 Octobre 1458, et le 14 Juillet 1474 ; l'exécution fut chaque fois remise à la volonté du roi, lequel usa de clémence par respect pour le sang royal.

Il serait facîle d'en rapporter un grand nombre d'autres : on les peut voir dans le recueil du père Anselme ; mais depuis on y a mis quelques restrictions.

On trouve dans les registres olim, qu'en 1259 l'archevêque de Rheims demanda au parlement, où le roi était présent, d'être jugé par ses pairs ; ce qui lui fut refusé. Il y a apparence que l'on jugea qu'il ne s'agissait pas de la dignité de sa pairie, et que dès lors les pairs, même de France, n'avaient plus le droit de plaider au parlement dans toutes sortes de cas ; mais seulement dans les causes qui intéressaient l'honneur et les droits de la pairie.

En matière civile, les causes des pairs, quant au domaine ou patrimoine de leurs pairies, doivent être portées au parlement, comme il fut dit par le procureur-général le 25 Mai 1394, en la cause du duc d'Orléans ; ils y ont toujours plaidé pour ces sortes de matières, lors même qu'ils plaidaient tous en corps, témoin l'arrêt rendu contr'eux en 1224, dont on a déjà parlé ci-devant.

A l'égard de leurs causes en matière criminelle, toutes celles qui peuvent toucher la personne des pairs, comme quand un pair est accusé de quelque cas criminel qui touche ou peut toucher son corps, sa personne, son état, doivent être jugées la cour suffisamment garnie de pairs.

Les pairs ont toujours regardé ce privilège comme un des principaux attributs de la pairie : en effet, au lit de justice du 2 Mars 1386, ils ne réclamèrent d'autre droit que celui de juger leurs pairs ; ce qui leur fut octroyé de bouche, et les lettres commandées, mais non expédiées.

Il est dit dans les registres du parlement, que le duc de Bourgogne, comme doyen des pairs, remontra à Charles VI. au sujet du procès criminel qu'on faisait au roi de Navarre, qu'il n'appartenait qu'aux seuls pairs de France d'être jugés des pairs leurs pareils. Il prouva en plein parlement, par le témoignage d'un chancelier, et d'un premier et second président au même parlement, que le feu roi avait reconnu ce privilège ; et l'affaire mise en délibération, il lui en fut décerné acte, et ordonné qu'il en serait fait registre.

Le premier Décembre 1373, l'évêque de Laon requit d'être renvoyé en parlement, selon le privilège de sa pairie ; ce privilège fut reconnu par l'évêque de Langres le 19 Novembre 1484.

Ce privilège est d'ailleurs confirmé par l'ordonnance du mois de Décembre 1365 ; par celle de 1366 ; celle du mois d'Avril 1453, art. 6. et encore plus récemment par l'édit du mois de Septembre 1610, art. 7. où en parlant des pairs, il est dit que c'est de leur nature et droit que les causes dans lesquelles leur état est intéressé doivent y être introduites et traitées.

Convocation des Pairs. Quoique les pairs aient droit de venir prendre leur place au parlement lorsqu'ils le jugent à propos, néanmoins comme ils y sont moins assidus que les magistrats, il arrive de temps en temps qu'on les convoque, soit pour juger un pair, soit pour quelqu'autre affaire qui intéresse l'honneur et la dignité de la pairie, ou autre affaire majeure pour laquelle il parait à propos de réunir le suffrage de tous les membres de la compagnie.

L'usage de convoquer les pairs est fort ancien, puisqu'ils furent convoqués dès l'an 1202 contre Jean sans Terre, roi d'Angleterre, duc de Normandie et de Guyenne.

Ils furent aussi convoqués à Melun en 1216 sous Philippe-Auguste, pour décider le différend au sujet du comte de Champagne, entre le jeune Thibaut et Erard de Brienne ; les pairs étaient dès lors distingués des autres barons.

Dans le xiv. siècle, ils furent convoqués deux fois pour le procès du duc d'Alençon : en 1378, pour le duc de Bretagne, quoique la pairie lui fût contestée : en 1386, pour faire le procès au roi de Navarre sous Charles VII : en 1458, pour le procès du duc d'Alençon.

On peut voir dans le père Anselme plusieurs exemples de ces convocations ou semonces des pairs faites en divers temps, selon que les occasions se sont présentées.

Une des dernières est celle qui fut faite en 1727 pour le procès du duc de la Force.

Cette convocation des pairs ne se fait plus en matière civile, même pour leur pairie ; mais elle se fait toujours pour leurs affaires criminelles.

Jusqu'au procès du maréchal de Biron, sous Henri IV. les rois ont assisté au jugement des procès criminels des pairs ; c'est pourquoi il est encore d'usage d'inviter le roi de venir prendre place au parlement lorsque l'on convoque les pairs.

Le cérémonial que l'on observe pour convoquer ou semoncer les pairs, est que pour inviter les princes du sang, lesquels sont pairs nés, on envoie un des greffiers de la grand'chambre, qui parle au prince ou à quelque officier principal de sa maison, sans laisser de billet ; à l'égard des autres pairs, le greffier y Ve la première fais, et s'il ne les trouve pas chez eux, il laisse un billet qui contient la semonce ; quand l'affaire dure plusieurs séances, c'est un autre que le greffier qui porte les billets aux pairs. C'est ainsi que l'on en usa dans l'affaire du duc de la Force ; les pairs furent priés de trouver bon qu'on ne fit que leur envoyer les billets, parce que les greffiers ne pouvaient suffire à tant de courses, surtout lorsque les affaires pressaient, ce qui fut agréé par les pairs.

Il y a des occasions, où sans convocation judiciaire, tous les pairs se réunissent avec les autres membres du parlement, comme ils firent le lendemain de la mort de Louis XIV. pour statuer sur le testament de ce prince et sur l'administration du royaume. Lett. hist. sur le parlement.

Ajournement des pairs. C'était autrefois un privilège des pairs de ne pouvoir être ajournés que par deux autres pairs, ce que l'on appelait faire un ajournement en pairie. On tient que cette manière d'ajourner était originairement commune à tous les Francs, qu'elle se conserva ensuite pour les personnes de distinction ; elle subsistait encore au XIIIe siècle en Normandie pour les nobles et pour les évêques.

A l'égard des pairs, cela fut pratiqué diversement en plusieurs occasions.

Sous le roi Robert, par exemple, le comte de Chartres fut cité par celui de Normandie.

Sous Louis le Jeune en 1153, les derniers ajournements furent faits au duc de Bourgogne per nuntium ; mais il n'est pas dit quelle était la qualité de ce député.

Lors du différend que Blanche, comtesse de Champagne, et Thibaut son fils, eurent avec Erard de Brienne et Philippe sa femme, au sujet du comté de Champagne, la comtesse Blanche fut ajournée par le duc de Bourgogne et par deux chevaliers.

Dans un arrêt donné en 1224 contre la comtesse de Flandres, il est dit que c'était un privilège des pairs de ne pouvoir être ajournés que par deux chevaliers.

Ducange dit qu'en 1258 on jugea nécessaire un certain cérémonial, pour assigner un évêque, baron du royaume, quand il s'agissait de sa baronie.

Philippe le Bel fit en 1292 ajourner Edouard I. roi d'Angleterre, à la cour des pairs, par les évêques de Beauvais et de Noyon, tous deux pairs de France.

Ce même Edouard ayant été ajourné en 1295, comme duc de Guyenne, pour assister en personne au procès d'entre Robert, duc de Bourgogne, et Robert, comte de Nevers, touchant le duché de Bourgogne, la publication de l'ajournement fut faite par le sénéchal de Périgord et par deux chevaliers.

Robert d'Artais fut ajourné en 1331 par des chevaliers et conseillers ; cependant l'ordonnance de Philippe VI. du mois de Décembre 1344, porte que quand un pair en ajournait un autre, c'était par deux pairs, comme cela s'était déjà pratiqué ; mais il parait aussi qu'au lieu de pairs, on commettait souvent des chevaliers et conseillers pour ajourner.

En effet, le prince de Galles fut ajourné en 1368, par un clerc de Droit, moult bien enlangagé, et par un moult noble chevalier.

Dans une cause pour l'évêque de Beauvais, le 23 Mars 1373, il fut dit que, suivant les ordonnances et style de la cour, les pairs avaient le privilège de ne pouvoir être ajournés que par deux pairs de lettres ; on entendait apparemment par-là deux chevaliers en lais.

Ces formalités que l'on observait pour ajourner un pair, avaient lieu même dans les affaires civiles des pairs ; mais peu-à-peu elles ne furent pratiquées que pour les causes criminelles des pairs ; encore pour ces causes criminelles les ajournements en pairie ont paru si peu nécessaires, que sous Louis XI. en 1470, le duc de Bourgogne accusé de crime d'état, fut assigné en la cour des pairs par un simple huissier du parlement, d'où est venu le proverbe que sergent du roi est pair à comte ; c'est-à-dire qu'un sergent royal peut ajourner un pair de même que l'aurait fait un comte- pair.

Les pairs sont ajournés en vertu de lettres-patentes, lesquelles sont publiées par cri public : lorsqu'ils font défaut sur le premier ajournement, ils sont réassignés en vertu d'autres lettres ; l'ajournement doit être à long terme, c'est-à-dire que le délai doit être de trois mois, ainsi qu'il est dit dans un traité fait entre le roi Philippe le Bel, et les enfants de Guy, comte de Flandres, et les Flamants.

Rangs des pairs. Autrefois les pairs précédaient les princes non pairs, et entre les simples pairs et les princes qui étaient en même temps pairs, le rang se réglait selon l'ancienneté de leur pairie ; mais par une déclaration donnée à Blais en 1576, en réformant l'ancien usage, il fut ordonné que les princes précéderaient tous les pairs, soit que ces princes ne fussent pas pairs, ou que leurs pairies fussent postérieures à celles des autres pairs, et que le rang des princes qui sont les premiers pairs, se réglât suivant leur proximité à la couronne.

Les nouveaux pairs ont les mêmes droits que les anciens, ainsi que la cour l'observa à Charles VII. en 1458, lors du procès du duc d'Alençon ; et le rang se règle entr'eux, non pas suivant l'ordre de leur réception, mais suivant la date de l'érection de leurs pairies.

L'avocat d'un pair qui plaide en la grand'chambre doit être in loco majorum, c'est-à-dire à la place de l'appelant, quand même le pair pour lequel il plaide serait intimé ou défendeur.

Les ambassadeurs du duc de Bourgogne, premier pair de France, eurent la préséance sur les électeurs de l'Empire au concîle de Basle ; l'évêque et duc de Langres, comme pair, obtint la préséance sur l'archevêque de Lyon, par un arrêt du 16 Avril 1152, auquel l'archevêque de Lyon se conforma ; et à l'occasion d'une cause plaidée au parlement le 16 Janvier 1552, il est dit dans les régistres que les évêques pairs de France doivent précéder au parlement les nonces du pape.

Pair, aliments. Les auteurs qui ont parlé des pairs, tiennent que le Roi serait obligé de nourrir un pair s'il n'avait pas d'ailleurs de quoi vivre, mais on ne trouve pas d'exemple qu'aucun pair ait été réduit à cette extrémité.

Douaire des veuves des pairs. En 1306 Marguerite de Hainaut, veuve de Robert, comte d'Artais, demanda contre Mahaut, qui était alors comtesse d'Artais, que son douaire fût assigné sur les biens de ce comté, suivant la coutume qu'elle alléguait être observée en pareil cas entre les pairs de France, au cas que l'on put vérifier ladite coutume, sinon selon les conventions qui avaient été faites entre les parties ; après bien des faits proposés de part et d'autre, par arrêt donné ès enquêtes, des octaves de la Toussaint 1306, il fut jugé qu'il n'y avait point de preuve suffisante d'aucune loi ni coutume pour les douaires des veuves des pairs, et il fut dit que ladite Marguerite aurait pour son douaire dans les biens du comté d'Artais, 3500 liv. tournois ; ce qui avait été convenu entre les conjoints.

Amortissement. Par une ordonnance faite au parlement, de l'Epiphanie en 1277, il fut permis à l'archevêque de Rheims, et autres évêques pairs de France, d'amortir non pas leur domaine ni les fiefs qui étaient tenus d'eux immédiatement, mais seulement leurs arriere-fiefs ; au lieu qu'il fut défendu aux évêques non pairs d'accorder aucun amortissement.

Mais dans les vrais principes, le roi a seul vraiment le pouvoir d'amortir des héritages dans son royaume ; de sorte que quand d'autres seigneurs, et les pairs même amortissent des héritages pour ce qui les touche, cet amortissement ne doit pas avoir d'effet ; et les gens d'église acquéreurs, ne sont vraiment propriétaires que quand le Roi leur a donné ses lettres d'amortissement, ainsi qu'il résulte de l'ordonnance de Charles V. du 8 Mai 1372.

Extinction de pairie. Lorsqu'il ne se trouve plus de mâles, ou autres personnes habiles à succéder au titre de la pairie, le titre de la pairie demeure éteint ; du reste la seigneurie qui avait été érigée en pairie se règle à l'ordinaire pour l'ordre des successions.

Continuation de pairie. Quoiqu'une pairie soit éteinte, le roi accorde quelquefois des lettres de continuation de pairie en faveur d'une personne qui n'était pas appelée au titre de la pairie ; ces lettres diffèrent d'une nouvelle érection en ce qu'elles conservent à la pairie le même rang qu'elle avait suivant son érection.

Justices des pairies. Suivant un arrêt du 6 Avril 1419, l'archevêque de Rheims avait droit de donner des lettres de committimus dans l'étendue de sa justice.

Les pairs ont droit d'établir des notaires dans tous les lieux dépendants de leur duché.

Suivant la déclaration du 26 Janvier 1680, les juges des pairs doivent être licenciés en Droit, et avoir prêté le serment d'avocat.

Ressort des pairies au parlement. Autrefois toutes les affaires concernant les pairies ressortissaient au parlement de Paris, comme les causes personnelles des pairs y sont encore portées ; et même par une espèce de connexité, l'appel de toutes les autres sentences de leurs juges, qui ne concernaient pas la pairie, y était aussi relevé sans que les officiers royaux ou autres, dont le ressort était diminué, pussent se plaindre. Ce ressort immédiat au parlement causait de grands frais aux justiciables ; mais François I. pour y remédier, ordonna en 1527 que désormais les appels des juges des pairies, en ce qui ne concernait pas la pairie, seraient relevés au parlement du ressort du parlement où la pairie serait située, et tel est l'usage qui s'observe encore présentement.

Mouvance des pairies. L'érection d'une terre en pairie faisait autrefois cesser la féodalité de l'ancien seigneur supérieur, sans que ce seigneur put se plaindre de l'extinction de la féodalité ; la raison que l'on en donnait, était que ces érections se faisaient pour l'ornement de la couronne ; mais ces grâces étant devenues plus fréquentes, elles n'ont plus été accordées qu'à condition d'indemniser les seigneurs de la diminution de leur mouvance.

Sieges royaux ès pairies. Anciennement dans les villes des pairs, tant d'église que laïcs, il n'y avait point de siege de bailliages royaux. Le roi Charles VI. en donna déclaration à l'évêque de Beauvais le 22 Avril 1422 ; et le 10 Janvier 1453, l'archevêque de Rheims, plaidant contre le roi, allégua que l'évêque de Laon, pour endurer audit Laon un siege du Bailli de Vermandais, avait 60 liv. chacun an sur le roi ; mais cela n'a pas continué, et plusieurs des pairs l'ont souffert pour l'avantage de leurs villes. Il y eut difficultés pour savoir s'ils étaient obligés d'y admettre les officiers du grand maître des eaux et forêts, comme le procureur du roi le soutint le dernier Janvier 1459 ; cependant le 29 Novembre 1460, ces officiers furent par arrêt condamnés envers l'évêque de Noyon, pour les entreprises de juridiction qu'ils avaient faites en la ville de Noyon, où l'évêque avait toute justice comme pair de France. Dutillet et Anselme. (A)

PAIRS, (Histoire d'Angleterre) le mot pairs, veut dire citoyens du même ordre. On doit remarquer qu'en Angleterre, il n'y a que deux ordres de sujets, savoir, les pairs du royaume et les communes. Les ducs, les marquis, les comtes, les vicomtes, les barons, les deux archevêques, les évêques, sont pairs du royaume, et pairs entr'eux ; de telle sorte, que le dernier des barons ne laisse pas d'être pair du premier duc. Tout le reste du peuple est rangé dans la classe des communes. Ainsi à cet égard, le moindre artisan est pair de tout gentilhomme qui est au-dessous du rang de baron. Quand donc on dit que chacun est jugé par les pairs, cela signifie que les pairs du royaume sont jugés par ceux de leur ordre, c'est-à-dire par les autres seigneurs, qui sont, comme eux, pairs du royaume. Tout de même un homme du peuple est jugé par des gens de l'ordre des communes, qui sont ses pairs à cet égard, quelque distance qu'il y ait entr'eux par rapport aux biens, ou à la naissance.

Il y a pourtant cette différence entre les pairs du royaume et les gens des communes ; c'est que tout pair du royaume a droit de donner sa voix au jugement d'un autre pair ; au lieu que les gens des communes ne sont jugés que par douze personnes de leur ordre. Au reste, ce jugement ne regarde que le fait : ces douze personnes, après avoir été témoins de l'examen public que le juge a fait des preuves produites pour et contre l'accusé, prononcent seulement qu'il est coupable ou innocent du crime dont on l'accuse : après quoi le juge le condamne ou l'absout, selon les lais. Telle est la prérogative des citoyens anglais depuis le temps du roi Alfred. Peut-être même que ce prince ne fit que renouveller et rectifier une coutume établie parmi les Saxons depuis un temps immémorial.

Le chevalier Temple prétend qu'il y a suffisamment de traces de cette coutume depuis les constitutions mêmes d'Odin, le premier conducteur des Goths asiatiques ou Getes en Europe, et fondateur de ce grand royaume qui fait le tour de la mer Baltique, d'où tous les gouvernements gothiques de nos parties de l'Europe, qui sont entre le nord et l'ouest, ont été tirés. C'est la raison pourquoi cet usage est aussi ancien en Suède, qu'aucune tradition que l'on y ait ; et il subsiste encore dans quelques provinces. Les Normands introduisirent les termes de juré et de verdict, de même que plusieurs autres termes judiciaires ; mais les jugements de douze hommes sont mentionnés expressément dans les lois d'Alfred et d'Ethelred.

Comme le premier n'ignorait pas que l'esprit de domination, dont l'oppression est une suite naturelle, s'empare aisément de ceux qui sont en autorité, il chercha les moyens de prévenir cet inconvénient. Pour cet effet, il ordonne que dans tous les procès criminels, on prendrait douze personnes d'un même ordre, pour décider de la certitude du fait, et que les juges ne prononceraient leur sentence que sur la décision de ces douze.

Ce droit des sujets anglais, dont ils jouissent encore aujourd'hui, est sans doute un des plus beaux et des plus estimables qu'une nation puisse avoir. Un anglais accusé de quelque crime, ne peut être jugé que par ses pairs, c'est-à-dire par des personnes de son rang. Par cet auguste privilège, il se met hors de danger d'être opprimé, quelque grand que soit le crédit de ses ennemis. Ces douze hommes ou pairs, choisis avec l'approbation de l'accusé entre un grand nombre d'autres, sont appelés du nom collectif de jury. (D.J.)

PAIRS BOURGEOIS. Lorsque les villes eurent acquis le droit de commune, et de rendre elles-mêmes la justice à leurs citoyens, elles qualifièrent leurs juges de pairs bourgeois, apparemment à l'instar des pairs de fief, qui y rendaient auparavant la justice pour les seigneurs.

PAIRS DE CHAMPAGNE. L'arrêt du parlement de 1388, rendu entre la reine Blanche et le comte de Joigny, fait mention que le comté de Champagne était décoré de sept comtes pairs et principaux membres de Champagne, lesquels siégeaient avec le comte de Champagne en son palais pour le conseiller. Ces sept pairs étaient les comtes de Joigny, de Rhetel, Brienne, Portier, Grandpré, Roucy, et Brairé, Traité de la Pairie, page 63.

PAIRS DES ECCLESIASTIQUES ; les cardinaux sont les pairs du pape, soit comme évêque de Rome, ou comme souverain.

Les évêques avaient autrefois pour pairs les dignités de leurs chapitres, qui souscrivaient leurs actes, tant pour les statuts de l'Eglise, que pour les grâces qu'ils accordaient.

Pour ce qui regardait le domaine de l'Eglise et les fiefs qui en dépendaient, les évêques avaient d'autres pairs qu'on appelait les barons de l'évêque, ou de l'évêché, lesquels étaient les pairs et les juges des causes des fiefs des autres vassaux laïques des évêques. Voyez l'hist. de la Pairie, par Boulainvilliers : on peut voir aussi l'hist. de Verdun, aux preuves, page 88, où il est parlé des pairs ou barons de l'évêché de Verdun, qui étaient au nombre de quatre.

PAIRS DE HAINAULT. Dumées, titre 6, de sa Jurisprudence du Hainault, dit que leur origine est assez incertaine. L'auteur des annales de la province, tient que ces pairs et autres officiers héréditaires, furent institués par la comtesse Richilde et son fils Baudouin, après l'an 1076, lorsque se voyant dépossédés par Robert le Frison, du comté de Flandres où il y avait des pairs, et voulant faire marcher en même rang leur comté de Hainault, ils instituèrent douze pairs, qui étaient les seigneurs d'Avesnes, Lens, Rœux, Chimay, Barbençon, Rebaix, Longueville, Silly, Walincourt, Baudour, Chièvres, et Quevy. Il y eut dans la suite d'autres terres érigées en pairies, telle que celle de Berlaymont, qui appartient aujourd'hui au comte d'Egmond.

Les princes rendaient autrefois la justice eux-mêmes ; les pairs étaient leur conseil, auquel on associa les prélats, barons et chevaliers.

Les guerres presque continuelles ne permettant pas aux princes et aux seigneurs de vaquer exactement à rendre la justice, on institua certain nombre de conseillers de robe choisis du corps des Avocats.

Cependant les pairs, prélats, barons, et chevaliers, n'ont pas cessé d'être membres du conseil de Hainault, auquel on donna le titre de noble et souveraine cour de Hainault.

C'est de-là que l'art. 30 de la coutume générale de Hainault, dit qu'en matière de grande importance, si les parties plaidantes ou l'une d'elles, insistent au renforcement de cour, et qu'il soit jugé nécessaire, les pairs, prélats, nobles, et autres féodaux, seront convoqués pour y assister et donner leur avis.

PAIR DES MONNOIES REELLES, est le rapport qu'il y a entre les espèces d'or et d'argent d'un état, et celles des états étrangers, ou le résultat de la comparaison faite de leur poids, titre et valeur intrinseque. Toutes les monnaies en général n'ont point de valeur réelle ; leur valeur est de convention, et dépend de la volonté du souverain : on appelle monnaie réelle, la valeur que la monnaie a par rapport à celle d'un autre pays, et ce rapport est le pair des monnaies.

PAIRS ou PRUDHOMMES, quelques coutumes se servent du terme de pairs, pour exprimer des prudhommes ou gentilshommes choisis à l'effet de faire des estimations. Voyez les Institutes, cout. de Laisel, liv. IV. tit. 3. nomb. 13. et les observations de Laurière.

PAIRS DE VERMANDOIS ; les chanoines de Saint-Quentin sont appelés pares Viromandiae, et leur doyen est le douzième des prélats appelés à la consécration de l'archevêque de Rheims.

PAIRS DES VILLES, ce sont les échevins ; ces officiers étant choisis entre les plus notables bourgeois pour être juges de leurs concitoyens, au-moins c'étaient eux qui rendaient autrefois la justice avec les comtes dont ils étaient comme les pairs ou les assesseurs ; et encore actuellement dans plusieurs villes, ils ont conservé quelque portion de l'administration de la justice. Voyez ECHEVINS, et Loiseau, en son Traité des Offices. (A)