S. m. (Jurisprudence) est un droit domanial qui ne se lève sous ce nom que dans la seule province de Flandres. Guypers, Burgunduc, et plusieurs autres jurisconsultes flamands, prétendent que le mot épier qu'ils rendent en latin par le terme spicarium, vient de spica, épi. En effet, cette explication développe très-bien la nature de cette redevance, qui consiste presque toujours en blé, en avoine dure et molle ; quelquefois aussi en chapons, poules, oies ; en œufs, beurre ou fromage. Le tout se paye aujourd'hui en argent, suivant les évaluations du prix actuel de ces denrées.

Quant à l'origine de ce droit, elle nous parait se rapporter à celle que les auteurs français attribuent communément aux droits seigneuriaux. Sans être parfaitement instruits de la véritable forme du gouvernement des Pays-Bas dans les temps qui ont précédé le comte Baudoin gendre de Charles le Chauve, nous savons assez que ces provinces étaient autrefois peu habitables, par la nature du terrain marécageux, sauvage, couvert de vastes forêts ; et de-là le nom de forestiers, dont plusieurs historiens ont gratifié sans preuve les premiers souverains de la Flandres.

La face actuelle de ces mêmes provinces, où les terres sont aujourd'hui cultivées avec le plus grand succès, où les villes multipliées à l'infini, sont peuplées de citoyens qui ne respirent que le travail ; ce coup-d'oeil, disons-nous, ne permet pas de douter que les premiers princes qui les ont gouvernées, n'aient donné toute leur attention à l'agriculture. Mais pour animer et fortifier le zèle de leurs vassaux et sujets, il a fallu leur accorder la propriété des terres qu'ils défricheraient, en se réservant seulement une légère reconnaissance pour marque de la souveraineté.

Des mémoires particuliers assurent que Charlemagne avait chargé les terres de Flandres de la redevance de l'épier, par un édit donné en l'an 709, dont on prétend que l'original se trouve dans les archives de l'abbaye de S. Winocq à Bergues.

Quoi qu'il en sait, il parait que cette redevance ayant été imposée sur toutes les terres du pays, différents chefs de famille, curieux d'en affranchir la plus grande partie de leurs biens, avaient assigné et hypothéqué sur la moindre portion la reconnaissance de l'épier. Les temps ont amené successivement de nouveaux propriétaires. Ceux-ci en ont formé d'autres, et par eux-mêmes, et par les alliances. Les biens des différentes maisons se sont mêlés ; une nouvelle succession les a rendus à d'autres, et les a subdivisés. Tous ces changements ont servi à confondre l'héritage du premier mort ; en sorte que les receveurs de l'épier s'étant uniquement attachés à l'assignation spéciale, perdirent de vue l'hypothéque générale. Ces moindres parties hypothéquées spécialement, ayant été dans la suite surchargées de nouvelles tailles et impositions, les propriétaires voyant que le revenu ne suffisait pas pour acquitter ces charges, voulurent les abandonner, sans faire attention qu'elles payaient un impôt assigné originairement sur la totalité éclipsée.

La difficulté de retrouver les terres qui avaient fait partie de cette totalité, ainsi que les possesseurs ou détempteurs, ne causait pas un médiocre embarras ; elle donnait lieu à une infinité de procès également onéreux au souverain et aux particuliers.

Ce fut pour y mettre fin que les archiducs Albert et Isabelle rendirent le placard du 13. Juillet 1602, par lequel ils ordonnèrent aux receveurs de faire de nouveaux registres, et aux redevables de fournir le dénombrement des reconnaissances par eux dû.s ; leur permettant d'hypothéquer spécialement telles parties de terres qu'ils jugeraient à-propos, et généralement leurs personnes ou leurs autres biens. Voyez l'article 6. de ce placard.

Et par les articles 59, 60, 61, 62 et autres, il est dit que les rentes de l'épier de Flandre seront payables solidairement par l'hoffman, où il y a hofmanie ; et où il n'y en a pas, par le chef de la communauté, ou par les plus grands tenanciers, sauf leur recours contre leurs co-détempteurs. On voit par-là que l'hypothéque générale a été rétablie sur toutes les terres, sans que le souverain ait même voulu s'astreindre à faire la discussion de la spéciale.

Il s'est encore assez récemment élevé des contestations à ce sujet ; mais les particuliers qui les ont formées ont été condamnés par différentes sentences du bureau des finances de Lille, et entr'autres par celles des 6 Aout 1722, 12 Aout 1723, et 2 Décembre 1724. M. Meliand intendant de la province, a rendu ses ordonnances des 8 Avril et 25 Octobre 1726, sur les mêmes principes ; et M. de la Grandville son successeur les a suivies dans une ordonnance du 3 Novembre 1732, par laquelle ce magistrat enjoint aux hofmants de la châtellenie de Bergues de rapporter entre les mains du receveur de l'épier, les rôles des terres et des noms des tenanciers ; et aux greffiers de donner une déclaration des terres chargées de cette redevance. Voyez HOFFMAN.

M. de Ghewiet auteur des institutions au droit belgique, imprimées à Lille en 1736, partie II. titre IIe §. 3. atteste que les redevances de l'épier se lèvent à Gand, Bruges, Ypres, Dixmude, Ruremonde, Courtray, Alost, Harlebeck, Furnes, Bergues-Saint-Winocq, Mont-Cassel, et Geertrudenbergh. Une partie de ces rentes a été engagée ou aliénée en vertu des édits qui ont ordonné l'aliénation des rentes albergues. Voyez RENTES ALBERGUES. Il y a des receveurs de l'épier, dont les offices sont érigés en fiefs relevants directement du souverain ; il y en a d'autres établis par commission. Article de M. DE LA MOTTE-CONFLANS, avocat au parlement.