S. f. (Jurisprudence) du latin carta, ou charta, qui dans le sens littéral signifie le papier ou parchemin, et dans le sens figuré, se prend pour ce qui est écrit sur le papier ou parchemin ; en matière d'histoire et de jurisprudence, se prend aussi pour lettres ou ancien titre et enseignement. Le terme de charte est employé dans ce sens dans les coutumes de Meaux, art. 176. Vitry, art. 119. Nivernais, tit. j. art. 7. en l'ancienne coutume d'Auxerre, art. 76. Hainaut, ch. IIe lxxxjv. et dern. Normandie, ancienne, ch. VIe Xe XVe XVIIIe liij. lxxxjx. cjx. Mais on dit communément chartre, qui n'est cependant venu que par corruption de charte. Sous les deux premières races de nos rais, et au commencement de la troisième, jusqu'au temps du roi Jean, on appelait chartes ou chartres la plupart des titres, et principalement les coutumes, privilèges et concessions, et autres actes innommés. Blanchard, en son recueil chronologique, indique plusieurs chartes depuis Hugues Capet jusqu'en 1232 ; et la dernière charte dont Dutillet fait mention, est du roi Jean, pour le sieur de Baigneux, du 23 Décembre 1354, part. I. p. 87. Depuis ce temps on ne s'est plus servi du terme de charte ou chartre pris dans ce sens, que pour désigner les anciens titres antérieurs à-peu-près à l'époque dont on vient de parler, c'est-à-dire au milieu du XIVe siècle. On se sert encore de ce terme dans les chancelleries, pour désigner certaines lettres qui s'y expédient ; mais on dit aussi chartres et non pas chartes. Voyez CHARTRE. (A)

CHARTE-PARTIE, s. f. (Commerce) c'est un contrat mercantil pour le louage d'un vaisseau.

Ce mot, dans l'ordonnance de la Marine, a deux synonymes, affrettement et nolissement ; le premier est d'usage dans l'Océan ; le second, dans la Méditerranée : mais il semblerait que la charte-partie est plutôt le nom de l'acte par lequel on affrette ou l'on nolise, que l'affrettement ou le nolissement même, dont il n'est pas une partie essentielle, puisque tous les jours on affrette un vaisseau, c'est-à-dire que l'on y charge des marchandises à un prix convenu, sans charte-partie, ou sans convention préliminaire par écrit entre les chargeurs et les propriétaires du bâtiment.

La charte-partie n'est guère d'usage que dans le cas d'un affrettement entier, ou assez considérable pour occasionner l'armement d'un vaisseau. On s'en sert encore pour s'assurer un affrettement dans un pays éloigné, lors du retour d'un vaisseau qu'on y expédie. Un négociant de Bordeaux retient, par exemple, cent milliers de fret sur le retour d'un navire qui part pour Léogane, afin d'être sur du prix du fret qu'il aura à payer, du temps et de la saison du chargement à-peu-près, du vaisseau, du capitaine, enfin des convenances.

Il est réciproquement avantageux aux propriétaires du bâtiment, d'être certains qu'il sera rempli. Dans les cas d'un chargement fortuit, ou d'une petite partie, l'affrettement est la police du chargement même, ou le connaissement. Voyez CONNOISSEMENT.

Lorsqu'un vaisseau a plusieurs propriétaires ou intéressés, ils conviennent ordinairement de donner pouvoir à l'un d'eux pour prendre soin de l'armement ou des préparatifs du voyage. Cet intéressé, appelé l'armateur, est chargé de tous les comptes et des conventions qui regardent le vaisseau : c'est à lui que s'adressent ceux qui veulent l'affretter ou le louer. Dans l'absence des propriétaires, le capitaine ou le maître les représente, et son fait est celui des propriétaires. Voyez MAITRE.

Le contrat qui se passe à l'occasion du louage d'un bâtiment, s'appelle charte-partie. Les propriétaires s'engagent à tenir un vaisseau d'une grandeur spécifiée, en état de naviger dans un temps limité : on a coutume d'y insérer le nombre des matelots, la qualité des agrès, apparaux, et munitions qui paraissent nécessaires pour conduire surement le navire au lieu désigné : on y spécifie toutes les conditions de convenance, réciproques pour les frais et les secours, tant au chargement qu'au déchargement des marchandises, l'espace de temps dans lequel l'un et l'autre doivent être faits ; et ce terme limité est appelé jours de planche. Si le terme est d'un mois, on dit qu'il est accordé trente jours de planche. Voyez JOURS DE PLANCHE.

Si ce terme expire avant le chargement, il sera dû des dédommagements par la partie qui a manqué à la convention, et l'on en convient d'avance.

La charte-partie explique si l'affrettement du vaisseau se fait en partie ou en entier ; pour la moitié d'un voyage, c'est-à-dire, pour aller ou pour revenir seulement ; si c'est pour le voyage entier ; si c'est au mois ; enfin si le voyage doit être fait à la droiture dans un lieu désigné, ou s'il doit passer dans plusieurs ; ce qui s'appelle faire escale. Voyez ESCALE.

Le chargeur s'engage par le même acte à payer le fret ou le louage à un prix fixé, soit par tonneau, soit pour une somme, soit à tant par mois. Voyez FRET.

Les commissionnaires du chargeur le représentent dans son absence, et leur fait est le sien : ils sont dénommés, ou bien le porteur de la charte-partie est reconnu pour le commissionnaire.

Cet acte peut être passé sous signature privée ou devant notaire ; il a la même force sous l'une et l'autre forme.

Il est clair par ce que l'on vient de dire, que cette convention n'est point une police de chargement, comme l'avance le dictionnaire du Commerce, mais une convention préparatoire à la police du chargement, appelée en style de Commerce, connaissement.

Toutes les clauses d'une charte-partie doivent être expliquées avec la dernière précision, pour éviter les discussions.

L'ordonnance de la Marine, et les us et coutumes de la mer, ont pourvu à presque tous les cas ; nous en rapporterons quelques-uns pour faire connaître l'esprit de cette loi.

Une charte-partie, quoique sous signature privée, a, comme tous les autres contrats du commerce, la même force que les actes publics les plus autentiques : l'on ne peut donc les altérer sans blesser la foi publique : cette foi publique est l'âme du commerce ; ce serait le détruire dans ses fondements les plus respectables. Il est d'ailleurs évident que si des circonstances particulières rendent les clauses de ce contrat onéreuses à l'une des parties, ces clauses dans leur principe ont été réciproques ; car si elles ne l'avaient pas été, le contrat n'eut pas été parfait. C'est donc altérer cette égalité de condition entre les contractants, que d'en soulager un par préférence, et dès lors c'est une extrême injustice : l'effet qui en résulterait nécessairement, serait d'arrêter les entreprises du commerce, ou d'introduire dans ses conventions des formalités nouvelles, qui font un art de la bonne-foi. Le commerce est fait pour les simples : il n'est pas sur, s'il faut être subtil pour y réussir.

L'art. 7. tit. j. liv. III. de l'ordonnance, déclare qu'une charte-partie sera résiliée, si la guerre ou autre interdiction de commerce avec le pays auquel elle est destinée, survient avant le départ du vaisseau, et que le chargeur sera tenu de payer les frais du chargement et du déchargement de ses marchandises. Ces frais sont peu de chose en comparaison de ceux de l'armement ; mais enfin toutes choses sont compensées dans ce malheur commun, il y a impossibilité d'exécuter la convention.

Le même article ordonne que la charte-partie subsistera malgré la déclaration de guerre, si c'est avec un autre pays que celui pour lequel le vaisseau est destiné : c'est qu'il n'y a point d'impossibilité à exécuter la convention, que les opérations du commerce ne doivent jamais être suspendues, et que le bien général assujettit les motifs particuliers.

Il y a cependant une grande différence entre la position de l'armateur et celle du chargeur : celui-ci augmentera le prix de ses marchandises du risque qu'elles auront couru, au lieu que l'armateur ne peut augmenter le prix de son fret avec les risques de son vaisseau ; l'assurance qu'il peut faire de son bâtiment, en peut même absorber le capital.

Si la loi n'a rien statué en faveur de l'armateur, elle lui laisse l'espoir d'un dédommagement, lorsqu'une paix inopinée survient. Les chartes-parties faites pendant la guerre subsisteront lorsque ses risques seront passés.

Ce serait donc une injustice de les résilier dans ce dernier cas, si on ne l'a pas fait dans le premier. Il peut arriver que la marchandise chargée ne suffise pas pour payer le fret ; mais c'est la position où s'est trouvé l'armateur, lorsque son fret n'a pu payer la moitié de ses risques.

La raison d'état égale à celle de la nécessité, mais si souvent mal interpretée, n'a point lieu ici ; et si elle pouvait être appliquée, ce serait en faveur de la navigation.

Enfin l'on n'a jamais résilié un contrat de constitution, parce que le prêt qui y a donné lieu, a été employé à l'achat d'une maison que le feu a consumée dès le lendemain. Si une loi actuelle a des inconvénients particuliers, il est aussi sage que facîle de la changer ; mais elle doit conserver son caractère de loi, et maintenir l'égalité entre les contractants.

Une charte-partie ne laisse pas de subsister, quoique le vaisseau soit arrêté dans un port par force majeure, parce que le voyage n'a été entrepris qu'à cause du chargement : la perte est réciproque ; et la circonstance étant imprévue, doit retomber sur tous les deux.

Si l'affrettement est au mois, il ne sera point dû de fret pendant la détention ; mais les gages et la nourriture de l'équipage pendant ce temps seront réputés avaries, grosses ou communes. Si le navire est loué au voyage, il ne sera dû par le chargeur, ni avaries, ni augmentation de fret, parce que l'affrettement pour un voyage entier est une entreprise à forfait de la part de l'armateur, qui comprend tous les risques. Le chargeur même a droit de décharger sa marchandise à ses frais, ou de la vendre, mais en indemnisant l'armateur.

Si l'affrettement d'un navire a été fait pour un voyage entier, et qu'il périsse au retour, il n'est dû aucune partie du fret, parce que le contrat n'est pas rempli : tout est compensé ; l'un perd sa marchandise, l'autre son bâtiment.

La loi ordonne encore qu'en cas de pillage d'une partie du chargement par les ennemis ou par des pirates, la charte-partie sera résiliée respectivement à la portion enlevée, parce que le contrat n'est pas rempli quant à cette portion.

Ces deux pertes sont cependant involontaires, et il semble par les lois civiles que l'acte de Dieu, non plus que celui d'un ennemi, ne peuvent être reprochés dans une action particulière : mais les lois de la mer ont été obligées de punir ces fautes involontaires, pour prévenir celles qui ne le seraient pas, et à cause de la difficulté qu'il y aurait à les distinguer. Ce n'est pas une injustice pour cela, puisque la perte est partagée entre le vaisseau et la marchandise ; c'en serait une au contraire, si un risque qui doit être commun, puisqu'il est forcé, retombait sur une seule partie.

En cas de rachat, la charte-partie a son plein effet, mais le prix du rachat se supporte par la marchandise et par le vaisseau au prorata, comme avarie commune pour le salut de tous. Voyez RACHAT.

C'est dans le même esprit d'égalité que la loi ordonne, que si un vaisseau déjà en route apprend l'interdiction de commerce avec le pays où il va, et qu'il soit obligé de revenir dans le port d'où il est parti, il ne lui sera dû que la moitié du voyage, quand même l'affrettement serait fait pour le voyage entier.

Si les propriétaires, après s'être obligés par une charte-partie de faire route en droiture à l'endroit designé, donnent ordre au maître de faire une relâche, ou si le maître de lui-même en fait une sans nécessité ; les propriétaires du vaisseau, outre les dédommagements du retard qu'ils doivent aux chargeurs, leur seront garants de tous les événements de la mer. Les accidents du Commerce sont si variables, qu'un espace de temps, même très-court, en change toute la face : le retard n'eut-il porté aucun préjudice, il ne serait pas moins juste d'en imputer un ; parce qu'une loi doit être générale, et que toute lésion de contrat doit être punie. La même raison applique cette maxime aux risques de la mer.

Réciproquement un chargeur qui fait changer de route au vaisseau, ou qui le retient, est garant sur la simple opposition du capitaine, de tous frais, risques, dommages et intérêts. Tous contractants y sont assujettis dans le droit et dans le fait ; le souverain même, lorsqu'il fait des conventions avec ses sujets : s'il s'en dispensait, il se priverait de ses ressources dans un besoin urgent ; et il perdrait bien-tôt par l'excès des prix que l'on exigerait de lui, le médiocre profit d'une économie mal entendue. Telle est presque par-tout l'origine du surhaussement du prix des affrettements pour l'état ; et si malgré ce surhaussement il manque encore à sa convention, le prix augmente avec le discrédit.

Si le maître est obligé en route de faire radouber son vaisseau, et qu'il soit prouvé qu'il était hors d'état de naviger avant le départ, les propriétaires sont tenus des risques, dommages et intérêts.

Une charte-partie subsiste, quant au payement, quoique le chargeur n'ait pas rempli la capacité qu'il avait retenu dans le navire, soit qu'il n'ait pas eu assez de marchandises, soit qu'il ait laissé expirer les jours de planche.

Par nos lais, le maître peut en ce cas prendre les marchandises d'un autre, avec le consentement du chargeur. Par les lois anglaises, il peut s'en charger de plein droit, et cette loi est plus favorable au Commerce.

Par les lois rhodiennes, le chargeur était obligé, outre le fret en entier, de payer dix jours de la nourriture et des gages de l'équipage.

Lorsqu'une charte-partie porte que le vaisseau partira au premier bon vent ; quoique cela ne s'exécute pas, si le vaisseau arrive à bon port, le fret est dû. parce que l'acte du départ donne au maître un titre pour le fret : mais il est tenu aux événements de la mer. Si le retard est trop considérable, il est tenu à des dédommagements ; et même le chargeur en pourra prendre un autre.

Une charte-partie n'est pas rompue par la saisie de marchandises prohibées que l'on destinait au chargement : l'armateur n'a point entendu prêter son vaisseau pour contrevenir aux lais, et il l'a armé de bonne foi pour faire son commerce.

Les propriétaires d'un vaisseau doivent un dédommagement au chargeur, si leur navire est déclaré dans la charte-partie de plus d'un quarantième au-dessus de son port véritable.

Enfin le navire, ses agrès et apparaux, le fret et les marchandises chargées, sont respectivement affectés aux conventions de la charte-partie.

On trouvera au mot FRET ce qui le regarde comme prix du loyer d'un vaisseau. On peut consulter sur les chartes-parties l'ordonn. de la Mar. les lois d'Oleron ; les lois Rhodiennes et leurs commentat. comme Vinnius, Balduinus, Peckius, Straccha, de navibus, Joannes Loccenius, de jure maritimo ; enfin le droit maritime de toutes les nations. Cet article nous a été communiqué par M. V. D. F.