ou CHEPTEIL, s. m. (Jurisprudence) bail à cheptel, est un bail de bestiaux dont le profit doit se partager entre le preneur et le bailleur. Ce contrat reçoit différents noms, selon les différentes provinces où il est usité : en Nivernais on dit chaptel ; en Bourbonnais cheptel, et en quelques endroits chepteil ; dans la coutume de Solle on dit capitau, et ailleurs chaptail : toutes ces différentes dénominations viennent d'une même étymologie, qui s'est corrompue selon l'idiome de chaque pays. Ducange et quelques autres croient que cheptel vient de capitale, à cause que le cheptel est composé de plusieurs chefs de bêtes qui forment une espèce de capital : d'autres pensent, avec plus de vraisemblance, que cheptel vient de chatal, vieux mot celtique ou bas-breton, qui signifie un troupeau de bêtes ; en sorte que l'on devrait dire chatal, chaptail, ou chatail ; cependant on dit plus communément cheptel, ce qui a sans-doute été ainsi introduit par adoucissement.

L'origine de ce contrat se trouve dans la loi VIIIe si pascenda, au code de pactis, surquoi il faut voir ce qu'ont dit Mornac et Cujas.

Ce contrat est fort usité dans plusieurs coutumes, et particulièrement dans celles de Bourbonnais, Nivernais, Berri, la Boust, Solle, et Bretagne : il participe du louage et de la société ; du louage, en ce que le maître donne ses bestiaux pour un temps, moyennant une rétribution ; et de la société, en ce que les profits se partagent en nature.

Ces sortes de baux doivent être passés devant notaires, et non sous signature privée, afin d'éviter les fraudes et les antidates, et que l'on sache d'une manière certaine à qui appartiennent les bestiaux. Arrêt du cons. du 11 Mars 1609.

On distingue deux sortes de cheptels ; le simple, et celui de métairie.

Le cheptel simple a lieu quand le propriétaire des bestiaux les donne à un particulier qui n'est point son fermier ou métayer, pour faire valoir les héritages qui appartiennent à ce particulier, ou qu'il tient d'ailleurs à loyer, ferme, ou métairie.

Le cheptel de métairie est lorsque le maître d'un domaine donne à son métayer des bestiaux, à la charge de prendre soin de leur nourriture, pour les garder pendant le bail, et s'en servir pour la culture et amélioration des héritages, à condition de partager le profit et le croit du bétail.

On appelle bail à moitié, en fait de cheptel, quand le bailleur et le preneur fournissent chacun moitié des bestiaux qui sont gardés par le preneur, à condition de partager par moitié les chefs, croit et décroit d'iceux ; et en cas d'exigne, c'est-à-dire de compte, il n'est pas besoin d'estimation, tout se partageant également entre le bailleur et le preneur. Voyez la Thaumassière sur Berri, tit. lxxvij. art. 2.

Le cheptel affranchi, dont parle la coutume de Nivernais : tit. xxj. art. 6 et 14. est lorsque le bailleur a retenu pour lui seul les profits et le croit de la totalité des bestiaux, jusqu'à l'entier payement de son capital, après lequel la moitié du cheptel demeure toujours en propriété au bailleur, ce qui retombe alors dans le cas du bail à moitié. Voyez Despommiers sur Bourbonnais, tit xxxv.

Le bailleur peut donner à son fermier les bestiaux par estimation, à la charge que le preneur en percevra tout le profit pendant son bail, et rendra à la fin des bestiaux de la même valeur ; auquel cas le preneur en peut disposer comme bon lui semble, en rendant d'autres bestiaux de même valeur ; c'est ce qu'on appelle en Berri et ailleurs bêtes de fer, parce qu'elles ne meurent point pour le compte du bailleur, et que la perte tombe sur le preneur seul : il a aussi seul tout le profit, en considération de quoi le prix du bail est ordinairement plus fort.

Dans le simple cheptel, et dans le cheptel de métairie, le preneur ne peut vendre les bestiaux sans le consentement du bailleur, comme il est dit dans la coutume de Berri, tit. XVIIe art. 7. et dans celle de Nivernais, tit. xxj. art. 16. au lieu que dans le bail à moitié et dans le bail affranchi, après le remboursement du capital, le bailleur et le preneur sont également maîtres des bestiaux qui leur appartiennent par moitié.

Au cas que le cheptelier dispose des bestiaux en fraude du bailleur, les coutumes donnent à celui-ci une action pour revendiquer les bestiaux, qu'elles veulent lui être délivrés : la coutume de Berri veut même que ceux qui achetent sciemment des bestiaux tenus à cheptel, soient punis selon raison et droit.

On entend par le croit la multiplication des bestiaux, qui se fait naturellement par génération ; et par le profit, on entend l'augmentation de valeur qui survient, soit par l'âge ou engrais, ou par la cherté du bétail. On comprend aussi sous le terme de profit, la laine, le laitage, le service que rendent les bêtes, et les fumiers et engrais qu'elles fournissent.

Dans le cheptel simple, le croit et le profit se partagent entre le bailleur et le preneur, à la réserve des engrais, labeurs, et laitages des bêtes, qui appartiennent au preneur seul. Cout. de Nivernais, tit. xxj. art. 4. Cela dépend au surplus des conventions portées par le bail.

La coutume de Bourbonnais, art. 555. déclare illicites et nuls tous contrats et convenances de cheptels de bêtes, par lesquels les pertes et cas fortuits demeurent entièrement à la charge des preneurs, et ceux auxquels, outre le cheptel et croit, les preneurs s'obligent de payer une somme d'argent ou du grain, ce que l'on appelle droit de moisson.

Cependant quand les bestiaux sont donnés par estimation, la perte tombe sur le preneur seul ; mais aussi il en est censé dédommagé, parce qu'il a seul tout le profit : il suffit donc qu'il y ait entre le bailleur et le preneur une certaine égalité de profit et de perte, et que la société ne soit pas léonine.

Dans le cheptel à moitié ou affranchi, la perte des bestiaux est supportée par moitié entre le bailleur et le preneur, à moins qu'elle n'arrive par la faute du preneur : dans le cheptel simple, la perte tombe sur le bailleur, à moins que ce ne soit par la faute du preneur. On prétend cependant qu'en Bourbonnais et en Berri le preneur doit aussi supporter sa part de la perte qui est survenue, quand même il n'y aurait pas de sa faute.

L'art. 553. de la coutume de Bourbonnais porte que, quand les bêtes sont exigées et prisées par le bailleur, le preneur a le choix dans huit jours de ladite prisée à lui notifiée et déclarée, de retenir lesdites bêtes, ou icelles bêtes délaisser au bailleur pour le prix que le bailleur les aura prisées, en payant ou baillant par ledit preneur caution fidé-jussoire du prix, qu'autrement elles sont mises en main tierce ; et que le semblable est observé quand elles sont prisées par le preneur : car en ce cas le bailleur a le choix de les retenir ou de les délaisser dans huit jours.

La manière dont s'observe cet article est très-bien expliquée par Despommiers. Voyez les commentateurs des coutumes de Berri, Nivernais, Bourbonnais, Bretagne, la Boust, Solle ; Coquille, en son inst. au droit français, tit. dern. traité des contrats et baux à chaptel de Me Billon, qui est à la fin de son commentaire sur la coutume d'Auxerre ; Legrand, sur l'art. 178. de la coutume de Troie. ; l'arrêt du cons. d'état du 11 Mars 1690. (A)