CULLAGE, ou CULIAGE, s. m. (Jurisprudence) était un droit que certains seigneurs exigeaient autrefois de leurs vassaux et sujets qui se mariaient. Plusieurs seigneurs exerçant dans leurs terres un pouvoir arbitraire et tyrannique, s'étaient arrogé divers droits, même honteux et injustes, à l'occasion des mariages, tels que la coutume infame qui donnait à ces seigneurs la première nuit des nouvelles mariées.

Le seigneur de S. Martin-le-Gaillard dans le Comté d'Eu, était un de ceux qui s'étaient attribué ce prétendu droit, comme on le voit dans un procès-verbal fait par M. Jean Faguier auditeur en la chambre des comptes, en vertu d'arrêt d'icelle du 7 Avril 1507 ; pour l'évaluation du comté d'Eu tombé en la garde du Roi pour la minorité des enfants du comte de Nevers et de Charlotte de Bourbon sa femme. Au chapitre du revenu de la baronie de S. Martin-le-Gaillard, dépendant du comté d'Eu, il est dit : Item, a ledit seigneur, audit lieu de S. Martin, droit de cullage quand on se marie.

Les seigneurs de Sonloire avaient autrefois un droit semblable ; et l'ayant obmis en l'aveu par eux rendu au seigneur de Montlevrier seigneur suzerain, l'aveu fut blâmé : mais par acte de 15 Décembre 1607, le sieur de Montlevrier y renonça formellement, et ces droits honteux ont été par-tout convertis en des prestations modiques.

On tient que cette coutume scandaleuse fut introduite par Even roi d'Ecosse, qui avait permis aux principaux seigneurs d'Ecosse d'en user ainsi ; mais les suites fâcheuses qu'avait ordinairement le ressentiment des maris, dont l'honneur était blessé en la personne de leurs femmes, engagèrent Marcolm III. roi d'Ecosse à abolir cette coutume, et à la convertir en une prestation appelée marcheta, consistant en une somme d'argent ou un certain nombre de vaches, selon la qualité des filles. Voyez Buchanan, liv. IV. de son hist. le 4e. liv. des lois d'Ecosse, c. 31. et ibi Skaeneus.

Les seigneurs de Prelley et de Parsanny en Piémont, jouissaient d'un pareil droit, qu'ils appelaient carragio ; et ayant refusé à leurs vassaux de commuer ce droit en une prestation licite, ce refus injuste les porta à la révolte, et fit qu'ils se donnèrent à Amé sixième du nom, quatorzième comte de Savoie.

On voit encore plusieurs seigneurs en France et ailleurs, auxquels il est dû un droit en argent pour le mariage de leurs sujets ; lequel droit pourrait bien avoir la même origine que celui de culage. Mais il y en a beaucoup aussi qui perçoivent ces droits, seulement à cause que leurs sujets ne pouvaient autrefois se marier sans leur permission, comme sont encore les serfs et mortaillables dans certaines coutumes.

L'évêque d'Amiens exigeait aussi autrefois un droit des nouveaux mariés, mais c'était pour leur donner congé de coucher avec leurs femmes la première, seconde et troisième nuits de leurs nôces. Ce droit fut aussi aboli par arrêt du 19 Mars 1409, rendu à la poursuite des habitants et échevins d'Abbeville. Voyez le gloss. de M. de Laurière, au mot Cullage. (A)