S. f. (Jurisprudence) signifie en général exception, restriction, au moyen de laquelle une chose n'est pas comprise, soit dans la loi, ou dans un jugement ou autre acte.

RESERVE APOSTOLIQUE, ou des bénéfices. Voyez ci-après RESERVE DES BENEFICES.

RESERVE DES BENEFICES ou RESERVE APOSTOLIQUE, est une faculté que le pape prétend avoir de retenir à sa collation les bénéfices qu'il veut, au préjudice des collateurs ordinaires.

Anciennement les papes n'usaient point de réserves ; il n'en est fait aucune mention dans tout le volume du decret.

Clément IV. fut le premier qui introduisit les réserves ; son decret est rapporté dans le sexte. Il pose pour principe que la collation de tous les bénéfices appartient au pape, qu'il peut même donner un droit sur ceux qui ne sont pas encore vacans.

Les successeurs de Clément IV. ne manquèrent pas d'adopter ce système, et firent tant de réserves générales et particulières, qu'il ne restait presque plus aucun bénéfice à la collation des ordinaires. Les constitutions execrabilis et ad regimen faites au sujet de ces réserves par Jean XXII. et Benait XII. soulevèrent tous les collateurs.

Les réserves peuvent procéder de quatre causes différentes : savoir, du lieu, de la personne, de la qualité du bénéfice et du temps.

La réserve ratione loci comprend particulièrement les bénéfices vacans par mort in curiâ.

De toutes les réserves apostoliques générales ou particulières, celle des bénéfices vacans en cour de Rome est la plus ancienne ; elle fut établie par Clément IV. Le concîle de Basle et la pragmatique-sanction laissèrent subsister cette réserve, et abolirent toutes les autres. On a suivi la même chose dans le concordat, en sorte que dans les pays soumis à cette loi on ne connait point d'autre réserve que celle des bénéfices vacans en cour de Rome.

Lorsque le pape ne confère pas ces bénéfices dans le mois de la vacance, le collateur ordinaire peut en disposer, comme s'il n'y avait pas de réserve. Les provisions que l'ordinaire aurait données dans le mois, sont même bonnes, si par l'événement le pape n'a pas conféré dans le mois.

Le collateur ordinaire peut conférer les cures qui vacquent en cour de Rome pendant la vacance du saint siege, ou qui y ont vacqué pendant la vie d'un pape qui n'en a point accordé de provision, la collation de ces sortes de bénéfices étant instante.

Les bénéfices en patronage laïc, et ceux qui doivent être conférés par le roi en vertu du droit de régale, ne sont pas sujets à la réserve des bénéfices vacans en cour de Rome.

A l'égard des bénéfices consistoriaux, cela souffre difficulté. Voyez les lois ecclésiastiques de M. d'Héricourt. Tous autres collateurs et bénéfices sont sujets à cette réserve, à moins qu'ils n'en soient exempts par un privilège spécial émané du saint siege.

La réserve ratione personae regarde les personnes dont le pape s'est voulu réserver les bénéfices, comme de ses familiers, c'est-à-dire de ses domestiques et de ceux des cardinaux et autres officiers de cour de Rome, qui se trouveraient absens de ladite cour.

La réserve ratione qualitatis beneficii est celle par laquelle les papes ont aboli les élections des églises cathédrales, monastères et autres bénéfices vraiment électifs, et s'en sont réservé, et au S. Siege, la disposition absolue par leur règle de chancellerie, pour éviter les abus qui se commettaient dans les élections.

La réserve ratione temporis est celle par laquelle les papes ont ôté aux ordinaires la disposition des bénéfices en certain temps de l'année, prenant pour eux les deux tiers, ou en se réservant la collation alternative.

De toutes ces réserves, il n'y a que la première, savoir, celle des bénéfices vacans in curiâ, qui soit reçue partout en France ; celle de mensibus et alternativâ n'a lieu que dans les pays d'obédience, tels que la Bretagne, et quelques autres provinces, les autres réserves n'ont point du tout lieu parmi nous. Voyez le chap. in praesenti in 6 °. le concîle de Basle, la pragmatique, le concordat, les lois ecclésiastiques de M. d'Héricourt, le traité de l'usage et pratique de cour de Rome de Castel. (A)

RESERVE DE BOIS ou BOIS DE RESERVE, sont les arbres ou parties de bois qui ne doivent point être vendus ni coupés. Les arbres du ressort, tels que ceux de lisières, pieds corniers de ventes, les baliveaux anciens et modernes, et baliveaux sur taillis sont reputés faire partie du fond. Les ecclésiastiques, communautés, et tous gens de main-morte sont obligés de mettre en réserve au moins la quatrième partie de leurs bois pour la laisser croitre en futaie. Voyez l'ordonnance des eaux et forêts. (A)

RESERVE des dépens, dommages et intérêts, c'est lorsque le juge, en rendant quelque jugement préparatoire ou interlocutoire, remet à faire droit sur les dépens, dommages et intérêts, après qu'on aura fait quelque instruction plus ample. Voyez DEPENS.

RESERVE A FAIRE DROIT, c'est lorsque le juge, en rendant un jugement, remet à faire droit sur le fond ou sur quelque branche de l'affaire, après qu'on aura fait quelque instruction qui doit précéder.

RESERVE DES MOIS, voyez REGLE DES MOIS, et le mot RESERVE DES BENEFICES.

RESERVE de pension sur un bénéfice, voyez ci-devant BENEFICE, et le mot PENSION.

RESERVE DU QUART ou quart en réserve, est le quart que les ecclésiastiques et autres gens de mainmorte sont tenus de laisser de leurs bois pour croitre en futaie. Voyez l'ordonnance des eaux et forêts, tit. 24, art. 2.

RESERVE DES SERVITUDES est la clause par laquelle, en vendant une maison ou autre héritage, le vendeur se réserve les servitudes et droits qu'il a sur cet héritage, soit pour lui personnellement, soit pour l'utilité de quelqu'autre héritage à lui appartenant, et voisin de celui qu'il vend.

RESERVE D'USUFRUIT est, lorsqu'en vendant ou donnant la propriété d'un bien meuble ou immeuble, on en retient à son profit l'usufruit. Voyez USUFRUIT. (A)

RESERVES, (Histoire moderne, Droit public) réservata caesarea. C'est ainsi qu'on nomme dans le droit public germanique les prérogatives réservées à l'empereur seul, et qu'il ne partage point avec les états de l'empire. Ces réserves sont presque toujours disputées, et ne valent qu'autant que celui qui les prétend, a le pouvoir de les faire valoir. On distingue ces réserves en ecclésiastiques et en politiques. Parmi les premières, on compte le droit de présenter aux premiers bénéfices vacans après l'avenement au trône ; ce droit s'appelle jus primarium precum, le droit de protéger l'église romaine, le droit de convoquer le concile. Parmi les réserves politiques on compte le droit de légitimer les bâtards ; le droit de réhabiliter, famae restitutio ; le droit d'accorder des dispenses d'âge et des privilèges ; le droit de relever du serment ; le pouvoir d'accorder le droit de citoyen, jus civitatis ; d'accorder des foires, jus nundinarum ; l'inspection générale sur les postes et sur les grands chemins ; le droit d'établir des académies ; le droit de conférer des titres et des dignités, et même de faire des rois ; cependant l'empereur ne peut élever personne au rang des états de l'empire, sans le consentement des autres états ; le droit d'établir des tribunaux dans l'empire ; le droit de faire la guerre dans une nécessité pressante ; enfin le droit d'envoyer et de recevoir des ambassadeurs au nom de l'empire. Voyez Vitriarii jus publicum. Voyez l'article EMPEREUR.

RESERVE, (Art militaire) est une partie de l'armée que le général réserve pour s'en servir où il en est besoin. Les réserves sont sous le commandement d'un officier général subordonné au commandant ; elles ne campent pas ordinairement avec l'armée, mais dans des lieux à portée de la rejoindre si le général le juge à propos. Le poste le plus naturel des réserves est derrière la seconde ligne.

Les réserves sont composées de bataillons et d'escadrons, c'est-à-dire de cavalerie et d'infanterie. On en a Ve jusqu'à trois dans les grandes armées. Dans une bataille, la réserve forme une espèce de troisième ligne ; le général s'en sert pour fortifier les endroits qui ont besoin d'être soutenus.

Le nombre des troupes des réserves n'est pas déterminé ; il dépend de la force de l'armée et de la volonté du général. En 1747, la réserve de l'armée du roi en Flandre, était composée de 99 escadrons et de 30 bataillons.

L'usage de M. le maréchal de Saxe était de mettre ses meilleures troupes à la réserve ; usage fondé sur la pratique et la coutume des Romains, qui plaçaient leurs braves soldats à la troisième ligne, où ils formaient une espèce de réserve. Voyez LEGION et TRIAIRES.

Un général intelligent ne doit jamais faire combattre des troupes sans les faire soutenir par des réserves, parce qu'autrement le moindre désordre dans la première ligne suffit pour la faire battre entièrement. Suivant Végece, l'invention des réserves est due aux Lacédémoniens. Les Carthaginois les imitèrent en cela, et ensuite les Romains. Voyez ARMEE et ORDRE DE BATAILLE.