S. f. (Jurisprudence) en latin gabella, et en basse latinité gablum, gabulum, et même par contraction gaulum, signifiait anciennement toute sorte d'imposition publique. Guichard tire l'étymologie de ce mot de l'hébreu gab, qui signifie la même chose. Ménage, dans ses origines de la langue française, a rapporté diverses opinions à ce sujet. Mais l'étymologie la plus probable est que ce mot vient du saxon gabel, qui signifie tribut.

En France il y avait autrefois la gabelle des vins, qui se payait pour la vente des vins au seigneur du lieu, ou à la commune de la ville ; ce qui a été depuis appelé droits d'aides. On en trouve des exemples dans le spicilège de d'Achery, tom. II. pag. 576. et dans les ordonnances du duc de Bouillon, article 572.

Il y avait aussi la gabelle des draps. Un rouleau de l'an 1332 fait mention que l'on soulait rendre de l'imposition de la gabelle des draps de la sénéchaussée de Carcassonne, 4500 liv. tournois par an, laquelle fut abattue l'an 1333.

L'ordonnance du duc de Bouillon, art. 572, fait mention de la gabelle de tonnieu, ou droit de tonlieu, tributum telonei, que les vendeurs et acheteurs paient au seigneur pour la vente des bestiaux et autres marchandises.

L'édit d'Henri II. du 10 Septembre 1549, veut que les droits de gabelle sur les épiceries et drogueries soient levés et cueillis sous la main du roi, par les receveurs et contrôleurs établis ès villes de Rouen, Marseille et Lyon, chacun en son regard. La déclaration de Charles IX. du 25 Juillet 1566, art. 9, veut que les épiceries et drogueries prises en guerre, soit par terre ou par mer, paient comme les autres les droits de gabelle lorsqu'elles entreront dans le royaume. Voyez RESVE.

Enfin on donna aussi le nom de gabelle à l'imposition qui fut établie sur le sel ; et comme le mot gabelle était alors un terme générique qui s'appliquait à différentes impositions, pour distinguer celle-ci on l'appelait la gabelle du sel.

Dans la suite, le terme de gabelle est demeuré propre pour exprimer l'imposition du sel ; et cette imposition a été appelée gabelle simplement, sans dire gabelle du sel.

L'origine de la gabelle ou imposition sur le sel, ne vient pas des François ; car les lois et l'histoire romaine nous apprennent que chez les Romains les salines furent pendant un certain temps possédées par des particuliers et le commerce libre, suivant la loi forma, §. salinae, ff. de censibus, et la loi 13. ff. de publicanis. Tel était l'état des choses sous les consuls P. Valerius et Titius Lucretius, ainsi que Tite-Live l'a écrit, liv. II. ch. cjx. Mais depuis pour subvenir aux besoins de l'état, les salines furent rendues publiques, et chacun fut contraint de se pourvoir de sel de ceux qui les tenaient à ferme. C'est ce que nous apprenons de la loi inter publica, ff. de verb. signif. et de la loi si quis sine, cod. de vectig. et commiss. Cette police fut introduite par Ancus Marcius, quatrième roi des Romains, et par l'entremise des censeurs Marcus Livius et C. Claudius ; lesquels, au rapport de Tite-Live et Denis d'Halicarnasse, furent appelés de-là salinatores.

Athenée rapporte aussi, que comme en la Troade il était permis à chacun d'enlever librement du sel sans aucun tribut, Lysimaque roi de Thrace y ayant mis un impôt, les salines tarirent et se desséchèrent, comme si la nature eut refusé de fournir matière pour cette imposition ; laquelle ayant été ôtée, les salines revinrent dans leur premier état. Sur quoi Chenu remarque qu'il n'est point arrivé de semblable prodige en France, quoique l'on ait établi par degré plusieurs impositions sur le sel.

On tient communément que la gabelle du sel fut établie en France par Philippe de Valais. Ils se fondent sur ce qu'Edouard III. l'appelait ironiquement l'auteur de la loi salique, à cause qu'il avait fait une ordonnance au sujet du sel. Mais il est constant que le premier établissement de la gabelle du sel est beaucoup plus ancien.

En effet il en est parlé dans les coutumes ou privilèges que S. Louis donna à la ville d'Aigues-mortes en 1246 : sed neque gabellae salis, seu alterius mercimonii possint ibi fieri contra homines villae. Ceci ne prouve pas à la vérité qu'on levât alors une gabelle dans cette ville, la coutume au contraire le défend ; mais cela prouve qu'elle était connue, et qu'apparemment on en levait ailleurs, ou du-moins que l'on en avait levé précédemment.

Il ne parait pas que la gabelle du sel eut lieu du temps de Louis Hutin ; car ce prince, dans des lettres qu'il donna à Paris le 25 Septembre 1315, touchant la recherche et la vente du sel, ne parle d'aucune imposition sur le sel. Il parait que le sel était marchand, et le roi se plaint seulement de ce que quelques particuliers en faisaient des amas considérables : il commet en conséquence certaines personnes pour faire la visite des lieux où il y aura du sel caché, et les autorise à le faire mettre en vente à juste prix.

Avant Philippe-le-Long il y avait en France plusieurs seigneurs particuliers qui avaient mis de leur autorité privée des impositions sur le sel dans leurs terres. Il y en a plusieurs exemples dans les anciennes coutumes de Berri de M. de la Thaumassière ; ce qui était un attentat à l'autorité souveraine.

La première ordonnance que l'on trouve touchant la gabelle du sel, est celle de Philippe V. dit le Long, du 25 Février 1318, que quelques-uns ont mal-à-propos attribuée à Philippe-le-Bel, ne se trouvant dans aucun recueil des ordonnances de ce prince : elle suppose que la gabelle était déjà établie ; car ce prince dit, que comme il était venu à sa connaissance que la gabelle du sel était moult déplaisante à son peuple, il fit appeler devant lui les prélats, barons, chapitres et bonnes villes, pour pourvoir par leur conseil sur ce grief et quelques autres.

Et sur ce que ses sujets pensaient que la gabelle du sel était incorporée au domaine, et devait durer à perpétuité, le roi leur fit dire que son intention n'était pas que cette imposition durât toujours, ni qu'elle fût incorporée au domaine, mais que pour le déplaisir qu'elle causait à son peuple, il voudrait que l'on trouvât quelque moyen convenable pour fournir aux frais de la guerre, et que ladite gabelle fût abattue pour toujours.

On voit par-là que la gabelle était une aide extraordinaire, qui avait été mise à l'occasion de la guerre, et qu'elle ne devait pas durer toujours. On tient que cette première imposition ne fut que de deux deniers pour livre.

Ducange en son glossaire, au mot gabelle, dit que dans un registre de la chambre des comptes de Paris, coté B, commençant en l'année 1330, et finissant en 1340, fol. 156, il y a une ordonnance du roi Philippe (le Long), de l'an 1331, suivant laquelle, pour être en état de fournir aux frais de la guerre, il établit des greniers à sel dans le royaume, dont les juges furent nommés souverains-commissaires, conducteurs et exécuteurs desdits greniers et gabelles.

Mais cette ordonnance ne se trouve point dans le recueil des ordonnances de la troisième race, imprimé au Louvre ; ce qui donne lieu de croire que l'on a voulu parler de celle de Philippe-le-Long en 1318, ou de celle de Philippe de Valais, du 15 Février 1345.

Ces deux ordonnances de 1318 et 1345, contiennent presque mot pour mot la même chose ; ce qui pourrait faire croire que la seconde n'a été qu'un renouvellement de la première.

Mais Philippe de Valais avait dès le 20 Mars 1342 donné des lettres, portant établissement de greniers à sel et de gabelles. Elles sont adressées à Guillaume Pinchon archidiacre d'Avranches, Pierre de Villaines archidiacre de l'église de Paris, Me Philippe de Trye trésorier de Bayeux, maître des requêtes de l'hôtel du roi, et à quelques autres personnes qualifiées. Le roi y annonce que désirant trouver des moyens de résister à ses ennemis, en chargeant ses sujets le moins qu'il était possible, il a ordonné après grande délibération, certains greniers ou gabelles de sel être faits dans le royaume ; et sur ce ordonné certains commissaires ès lieux où il appartient pour lesdits greniers et gabelles, publier, faire exécuter et mettre en ordre. Il leur donne le titre de souverains-commissaires, conducteurs et exécuteurs desdits greniers et gabelles, et de toutes choses qui sur iceux ont été et seront ordonnées et qui leur paraitront nécessaires ; qu'ils pourront demeurer à Paris ou ailleurs, ou expédient leur semblera ; que si plusieurs d'entr'eux s'absentent de Paris, qu'il y en restera au moins toujours deux ; qu'ils pourront au nombre de deux ou trois établir, par lettres scellées de leurs sceaux, tels commissaires, grenetiers, gabelliers, clercs et autres officiers èsdits greniers et gabelles, par-tout où bon leur semblera, et les ôter, changer et rappeler ; de leur taxer et faire payer des gages convenables ; que ces officiers auront la connaissance, correction et punition de tout ce qui concerne le sel : que l'appel de leurs jugements ressortira devant les souverains commissaires, lesquels n'auront à répondre sur ce fait qu'au roi.

Cette ordonnance ne dit pas quelle était l'imposition que l'on percevait alors sur le sel : mais on sait d'ailleurs qu'elle fut portée par ce prince à quatre deniers pour livre ; elle n'était point encore perpétuelle, comme il le déclare par son ordonnance du 15 Février 1345.

Le roi Jean ayant à soutenir la guerre contre les Anglais, fit assembler en 1355 les états de la Languedoïl et du pays coutumier, avec lesquels il fut avisé, suivant ce qui est dit dans une ordonnance du 28 Décembre 1355, que pour fournir aux frais de l'armée il serait imposé dans tout le pays coutumier une gabelle sur le sel, qui serait levée suivant certaines instructions qui seraient faites à ce sujet.

La même ordonnance établit une imposition de huit deniers pour livre, sur toutes les marchandises qui seraient vendues dans le même pays ; et cette imposition, ainsi que la gabelle ordonnée précédemment, sont ensuite comprises l'une et l'autre sous le terme générique d'aides ; et la direction de ces aides était faite dans chaque lieu par des commissaires députés par les trois états, au-dessus desquels commissaires étaient les généraux des aides.

Au mois de Mars de la même année, le roi Jean fit une autre ordonnance, portant qu'à la Saint-André dernière il avait fait assembler à Paris les trois états de la Languedoïl, du pays coutumier, et deçà la rivière de la Dordoigne, pour avoir conseil sur le fait des guerres et des mises à ce nécessaires. Que par la plus grande partie des personnes des trois états, il avait été accordé l'imposition de huit deniers pour livre, et la gabelle du sel ; et que comme on ne savait pas si ces aides seraient suffisantes, ni si elles seraient agréables au peuple, les états devaient se rassembler à Paris le premier Mars suivant, auquel jour ayant été assemblés, il leur était apparu que ladite imposition et gabelle n'était pas agréable à tous, et aussi qu'elle n'était pas suffisante, pourquoi ils accordèrent entr'eux qu'il serait fait une aide, suivant ce qui est dit par cette ordonnance : au moyen de quoi, le roi ordonna que l'imposition accordée par les états au mois de Décembre précédent, cesserait à la fin du mois, et que la gabelle cesserait dès ce moment pour toujours ; que si aucun avait été gabellé, c'est-à-dire si on lui avait fait payer le droit de gabelle pour plus de trois mois, on lui rendrait ou rabattrait sur le nouveau subside ce qu'il aurait payé de trop sur le précédent ; et que ce qui aurait été gabellé sur les marchands de sel, leur serait promptement rendu, excepté leur dépense de trois mois.

Cependant en 1358, le roi étant encore prisonnier, les états assemblés à Compiègne accordèrent une seconde augmentation sur le prix du sel. Il fut ordonné qu'il serait établi des greniers dans les bonnes villes et lieux notables, où tout le sel serait acheté des marchands par le roi à juste prix, et que les grenetiers le revendraient ensuite, pour le compte du roi, un cinquième de plus. Ce fait est rapporté par Pasquier en ses recherches, liv. II. chap. VIIe

En 1359, la gabelle était rétablie dans la ville et vicomté de Paris, ainsi qu'il est dit dans des lettres de Charles V. alors régent du royaume, par lesquelles, attendu l'extrême besoin qu'il avait de finances pour le fait de la guerre, il ordonne que dans les villes d'Orléans, Blais, et autres villes et lieux entre les rivières de Seine et de Loué (que l'on croit être le Louaire dans le Gâtinais), et entre les rivières de Loire et du Chier, on levera la gabelle du sel pendant un an en la manière qu'elle se levait alors en la ville et vicomté de Paris ; que pour la garde et défense desdites villes et de tout le pays enclavé entre lesdites rivières, le duc d'Orleans, lieutenant du roi et du régent èsdites parties, prendrait le quart de cette gabelle, et que le reste serait apporté ou envoyé à Paris sous bonne et sure garde et sans délai, pardevant les trésoriers du roi et du régent : en conséquence il ordonne aux gens des comptes d'établir à cet effet des commissaires généraux ou particuliers, comme ils verront à faire, lesquels feront crier et publier solennellement ladite gabelle dans les lieux accoutumés, et la leveront ou feront lever pendant un an, du jour de la publication de ces lettres.

Au mois d'Octobre de la même année, il fut fait une ordonnance ou règlement sur le prix du sel, sur les rivières de Seine, de Marne et d'Yonne. Il est dit qu'à Honfleur la prise du sel pour le marchand est de 14 écus, à Caudebec de 16 écus, et ainsi des autres villes, où l'on remarque que le prix du sel augmente à proportion de ce qu'elles sont éloignées de la mer ; à Paris, par exemple, il était de quarante écus, et à Châlons de soixante, à Joigny soixante-quatre ; c'était le prix le plus haut. Il s'agissait du muid de sel, c'était sur le pied d'environ neuf deniers la livre ; ce qui coute aujourd'hui plus de dix sous.

La gabelle fut rétablie en 1360 dans les pays de la Languedoïl, comme on l'apprend d'une ordonnance du 5 Décembre de ladite année. Le droit qui se percevait sur le sel était du cinquième ; cela ne devait durer que jusqu'à la paix.

L'instruction faite à ce sujet par le grand-conseil du roi étant à Paris, porte que l'on établira des greniers à sel dans les bonnes villes et lieux notables ; que tout le sel qu'on trouverait dans ces lieux ès mains des marchands, et que l'on y amenerait dorénavant, serait pris en la main du roi et pour lui, à juste prix ; que le grenetier le revendrait un cinquième de plus. Et dans une instruction particulière qui est ensuite sur l'aide du sel, il est dit que dans les lieux où il n'y avait pas de grenier à sel, le roi prendrait le cinquième du prix de la vente, et que cette aide serait donnée à ferme par les élus.

Les états de la sénéchaussée de Beaucaire et de Nimes, avaient accordé au roi un droit de gabelle pour un certain temps, qui était prêt de finir au mois d'Avril 1363 : mais le roi Jean, par une ordonnance faite en conséquence de l'assemblée de ces mêmes états, le 20 desdits mois et an, ordonna que la gabelle du sel serait continuée pendant un certain temps ; que la moitié du produit serait employée aux dépenses de la guerre, et l'autre moitié à payer les dettes assignées dessus cette gabelle ; que si cette gabelle ne suffisait pas pour fournir aux dépenses nécessaires, on établirait d'autres impositions.

Suivant cette même ordonnance, la gabelle du sel devait se lever sur toutes les salines, même sur celles qui appartenaient au roi. Le droit de gabelle était alors d'un tiers de florin, outre le vrai prix du sel. Toutes les autres impositions devaient cesser, tant que cette nouvelle gabelle aurait lieu. Le sel ne devait payer la gabelle qu'une seule fais, après quoi il était libre de le vendre sans en rien payer. Il était défendu à toutes personnes telles qu'elles fussent, de se servir de sel qui n'eut pas payé la gabelle, sous peine d'amende arbitraire. On donnait à ceux qui payaient la gabelle une quittance, contenant le poids et la quantité de sel, le lieu, l'année, et le jour du payement ; et lorsqu'ils voulaient transporter ce sel d'un lieu à un autre, ils donnaient cet acquit au receveur des impositions ; autrement leur sel était confisqué.

Le droit de gabelle se payait au bureau le plus prochain de la saline où on achetait le sel, et ce sous peine de confiscation du sel et des animaux et vaisseaux qui servaient à le transporter.

Comme il y a ordinairement près des salines des endroits où l'on pêche et où l'on sale le poisson, l'ordonnance dit qu'on estimera la quantité de sel que l'on peut employer à saler les poissons, et qu'on en payera la gabelle ; qu'on estimera pareillement la quantité de sel que peuvent user ceux qui demeurent auprès des salines, et qu'on leur fera payer la gabelle de cette quantité chaque année en quatre payements égaux.

L'ordonnance porte qu'il y aura des gardes qui feront des perquisitions pour découvrir les fraudes ; qu'ils auront la moitié du sel qui sera confisqué, et que l'autre moitié accraitra au produit de la gabelle ; que les autres personnes qui dénonceront des fraudes n'auront que le tiers des confiscations.

Les animaux employés à porter le sel dans l'étendue de la sénéchaussée de Beaucaire et de Nimes, sont déclarés non-saisissables, même pour les deniers du roi.

Enfin il est dit que la gabelle sera affermée en tout ou en partie, par évêchés et vicairies, en présence du juge du lieu et des consuls, de trois en trois mois, et que les fermiers payeront le prix de leur ferme à la fin de chaque mois.

Charles V. fit le 7 Décembre de la même année 1366, une ordonnance au sujet de la gabelle, dont la levée avait été ordonnée par-tout le royaume pour la délivrance du roi Jean. Il est dit qu'on établira des greniers à sel dans les lieux convenables, sur les rivières et dans quelques villes éloignées des rivières ; que dans chaque grenier il y aura un grenetier et un greffier, qui sera aussi contrôleur ; qu'ils auront chacun un registre, sur lequel ils écriront tout le sel qui se trouvera dans les villes où il y aura des greniers établis chez les marchands, les revendeurs, et les particuliers ; qu'ils le feront mettre dans le grenier, en laissant seulement aux particuliers leur provision pour quatre ans.

Le grenetier et le contrôleur devaient écrire sur leurs registres la quantité de sel qui était dans le grenier, le nom de celui à qui il appartenait, et le jour qu'on l'y avait apporté.

Le grenier devait fermer à trois clés, dont le grenetier en avait une, le contrôleur une autre, et la troisième était pour le propriétaire du sel.

On vendait le sel à tour de rôle, suivant le jour qu'il avait été apporté au grenier.

L'ordonnance porte qu'on fixerait le prix du sel pour le marchand, et qu'outre ce prix il y aurait vingt-quatre livres pour le roi par chaque muid, mesure de Paris.

Il est dit que l'on vendra du sel dans les greniers à grosses mesures, à septiers, minots et demi-minots ; que les regrattiers le vendront en détail, et ne pourront avoir en magasin que six septiers.

Il est défendu aux grenetiers et greffiers de faire commerce de sel, ni d'être en société avec ceux qui le font, ni de recevoir d'eux aucuns présents.

Les états tenus à Compiègne en 1366 ou 1367, ayant fait des plaintes à Charles V. au sujet de la gabelle, il fit quelques temps après le 19 Juillet 1367, une ordonnance, par laquelle il dit qu'ayant toujours à cœur de soulager ses sujets, il avait retranché la moitié du droit qu'il avait accoutumé de prendre sur le sel, ajoutant que le prix du marchand fût diminué à proportion.

On trouve dans des privilèges accordés par Charles V. à la ville de Rhodez au mois de Février 1369, qu'il accorda entr'autres choses à cette ville une gabelle, gabellam in dicto loco : les lettres n'expliquent pas en quoi consistait ce privilège, peut-être n'était-ce autre chose que le droit d'avoir un grenier à sel.

La gabelle était établie dans le Languedoc dès 1367 : mais comme elle n'avait pas lieu dans le Dauphiné, les étrangers qui avaient coutume d'acheter du sel en France, le prenaient dans les pays étrangers, et le voituraient dans le leur, en passant par le Dauphiné. Charles V. pour réprimer cette fraude, donna des lettres du 15 Mars 1367, portant que tant que durerait ladite gabelle, le sel qui sortirait du Dauphiné y payerait des droits, à-moins qu'ils n'eussent déjà été payés dans les salines du royaume lorsqu'il y aurait été acheté ; déclarant que son intention n'était pas que la gabelle fût levée sur le sel qui se distribuait dans le Dauphiné ; et que le droit qui se percevait sur le sel sortant de cette province, serait employé moitié suivant la première destination de la gabelle, et l'autre moitié appliquée à la recette du Dauphiné.

Quoique l'imposition sur le sel n'eut été mise que pour un temps, elle fut continuée dans tous les pays tant de la Languedoïl que du Languedoc. En effet, elle se payait encore en 1371, suivant des lettres de Charles V. du 20 Juin adressées à un conseiller général du roi sur le fait des aides ordonnées pour la guerre. Ces lettres font mention que l'aide qui avait cours sur le sel dans les diocèses de Lyon, Mâcon, et Châlons, apportait peu de profit au roi, parce que les habitants de ces diocèses achetaient en fraude du sel sur les terres de l'Empire, dont ils n'étaient séparés que par le Rhône ou la Saone ; et comme ils amenaient ce sel audit Empire dès Avignon par terre par le Dauphiné jusqu'à la rivière d'Isere, et de-là le transportaient en l'Empire, le roi ordonna que dorénavant on leverait des droits sur le sel qui passerait sur la rivière d'Isere.

Ce même prince fit encore en 1379 un règlement pour la police de la vente du sel, et pour la perception du droit de gabelle ; il abolit l'usage qui s'était établi, d'obliger les habitants de chaque paraisse de prendre du sel en certaine quantité.

Il parait qu'après le décès de Charles V. arrivé le 16 Septembre 1380, la gabelle et plusieurs autres impositions furent supprimées, au moyen d'une grande commotion qui s'éleva parmi le peuple à Paris : mais suivant des lettres de Charles VI. du 27 Janvier 1382, les bourgeois de Paris, ou la plus grande et saine partie d'iceux, accordèrent au roi, pour la défense du royaume, certaines aides qui devaient être perçues en la ville de Paris, notamment l'imposition de la gabelle, à commencer du premier Mars 1381.

Suivant une instruction faite par Charles VI. et son conseil, le premier Décembre 1383, la gabelle était alors de vingt francs pour chaque muid de sel : mais en Poitou et Xaintonge, au lieu de ce droit, on mit une aide qui consistait à faire payer au vendeur du sel la moitié du prix pour la première vente ; et lorsque le sel était ensuite revendu ou échangé, le vendeur payait cinq sous pour livre.

Une autre instruction donnée par le même prince sur le fait des aides le 6 Juillet 1388, veut que toutes manières de gens conduisans du sel non gabellé, avec port d'armes, ou autrement, soient par les grenetiers et contrôleurs, et par toutes justices où ils vendront et passeront, pris et punis de corps et de biens, selon que le cas le requerra : que si les grenetiers, contrôleurs, ou autres gens de justice, demandent aide pour le roi, que chacun d'eux soit tenu de leur aider, sur peine d'amende arbitraire : et si ceux qui conduisent le sel non gabellé se mettent en défense il veut que l'on fasse que la force en demeure aux gens du roi ; et que si mort ou mutilation y advient contre aucun des conducteurs du sel ou leurs aides et receveurs, le roi veut que ceux qui l'auront fait pour conserver son droit et aider ses gens, en soient quittes, et impose silence à tous ses justiciers et procureurs, de même qu'aux amis des fraudeurs qui auront été occis ou mutilés.

Les généraux des aides ordonnées pour le fait de la guerre au pays de Languedoc et du duché de Guienne, firent en 1398, au nom du roi, avec la reine de Jerusalem, comtesse de Provence, une société pour deux ans par rapport à la gabelle du sel qui remontait le Rhône, pour être porté dans les terres de l'Empire.

Outre le droit qui se percevait sur le sel pour le roi, il accordait quelquefois un octroi sur le sel aux habitants de certaines villes, comme il fit en faveur de ceux d'Auxerre, pour deux années, par des lettres du 3 Mars 1402, portant que le produit de cet octroi serait employé aux réparations du pont de cette ville.

Charles VI. avait ordonné le 21 Janvier 1382, qu'outre les vingt francs que l'on percevait dans le reste du royaume sur chaque muid de sel, on prendrait encore pour son compte vingt francs d'or par muid. La même chose fut ordonnée au mois de Janvier 1387 : mais cette crue de vingt francs d'or fut abolie le 23 Mai 1388, et le droit de gabelle réduit à vingt francs par muid de sel. Ce même prince, par des lettres du 28 Mars 1395, diminua d'un tiers le droit de gabelle dans tout le royaume. Louis XI. porta le droit de gabelle jusqu'à douze deniers pour livre. François I. en 1542, mit 24 liv. tournois par chaque muid de sel ; l'année suivante, il fixa ce droit à 451.

Les gages des cours souveraines et autres officiers, ayant été assignés sur les droits de gabelle, cela donna lieu de faire encore différentes augmentations sur ces droits, lesquels sont enfin parvenus à tel point, que le minot de sel se paye au grenier 52 liv. 8 s. 6 den.

Nos rois ont établi divers officiers, tant pour la police de la fabrication, commerce, et distribution du sel, que pour juger les contestations qui peuvent s'élever à cette occasion. Voyez ci-après aux mots GRENETIER, GRENIER A SEL, MARAIS SALANS, SALINES, SALORGES. (A)