(Jurisprudence) se dit par corruption pour charte, et néanmoins l'usage a prévalu. Ce terme signifie ordinairement des titres fort anciens, comme du Xe XIe XIIe et XIIIe siècle, ou au moins antérieurs au XVe siècle. Voyez ci-devant CHARTE. (A)

A la tête de l'excellent ouvrage qui a pour titre, l'art de vérifier les dates, par des religieux bénédictins de la congrégation de S. Maur, on trouve une dissertation très-utîle sur la difficulté de fixer les dates des chartes et des chroniques. Les difficultés viennent de plusieurs causes ; 1°. de la manière de compter les années, qui a fort varié, ainsi que les divers jours où l'on a fait commencer l'année ; 2°. de l'ère d'Espagne, qui commence 38 ans avant notre ere chrétienne, et dont on s'est servi longtemps dans plusieurs royaumes ; 3°. des différentes sortes d'indictions ; 4°. des différents cycles dont on a fait usage, et de plusieurs autres causes. Nous renvoyons nos lecteurs à ces différents mots, et nous les exhortons fort à lire la dissertation dont nous parlons. Elle a été composée, ainsi que tout le reste de l'ouvrage, dans la vue de remédier à ces inconvéniens. Voyez CHRONOLOGIE, CALENDRIER, etc. (O)

CHARTRE DE CHAMPAGNE ou CHAMPENOISE, est le nom que l'on donnait autrefois en chancellerie aux lettres en forme de chartre, c'est-à-dire données ad perpetuam rei memoriam, et qui devaient avoir leur exécution dans la province de Champagne. L'origine de cette distinction des chartres de Champagne d'avec les chartres de France, c'est-à-dire des autres lettres données pour les autres provinces du royaume, vient de ce que les comtes de Champagne avaient leur chancellerie particulière, qui avait son style et ses droits et taxe qui lui étaient propres. Lorsque la Champagne fut réunie à la couronne, on conserva encore quelque temps la chancellerie particulière de Champagne, dont l'émolument tournait au profit du roi, comme celui de la chancellerie de France. Dans la suite la chancellerie particulière de Champagne fut supprimée ; on continua cependant encore longtemps en la chancellerie de France de distinguer ces chartres ou lettres qui étaient pour la Champagne. On suivait pour ces lettres l'ancien style et le tarif de la chancellerie de Champagne. Il en est parlé dans le sciendum de la chancellerie. Voyez ci-devant CHANCELLERIE DE CHAMPAGNE, et CHANCELLERIE (sciendum).

CHARTRES, (COMMISSAIRE AUX) est le titre que l'on donne à ceux qui sont commis par le Roi, pour travailler à l'arrangement des chartres ou anciens titres de la couronne, sous l'inspection du trésorier ou garde du trésor des chartres. Voyez TRESOR DES CHARTRES.

CHARTRE DE COMMUNE, charta communis, communionis ou communitatis. On appelle ainsi les lettres par lesquelles le roi, ou quelqu'autre seigneur, érigeait les habitants d'une ville ou bourg en corps et communauté. Ces lettres furent une suite de l'affranchissement que quelques-uns des premiers rois de la troisième race commencèrent à accorder aux serfs et mortaillables, car les serfs ne formaient point entr'eux de communauté. Les habitants auxquels ces chartres de commune étaient accordées, étaient liés réciproquement par la religion du serment, et par de certaines lais. Ces chartres de commune furent beaucoup multipliées par Louis VII. et furent confirmées par Louis VIII. Philippe Auguste et leurs successeurs. Les évêques et autres seigneurs en établirent aussi avec la permission du roi. Le principal objet de l'établissement des communes, fut d'obliger les habitants des villes et bourgs érigés en commune, de fournir du secours au roi en temps de guerre, soit directement, soit médiatement, en le fournissant à leur seigneur, qui était vassal du roi, et qui était lui-même obligé de servir le roi. Chaque curé des villes et bourgs érigés en commune venait avec sa bannière à la tête de ses paraissiens. La commune était aussi instituée pour la conservation des droits respectifs du seigneur et des sujets. Les principaux droits de commune sont, celui de mairie et échevinage, de collège, c'est-à-dire de former un corps qui a droit de s'assembler ; le droit de sceau, de cloche, beffroi et juridiction. Les chartres de commune expliquaient aussi les peines que doivent subir les délinquans, et les redevances que les habitants devaient payer au roi ou autre leur seigneur. Voyez le glossaire latin de Ducange, au mot commune. M. Caterinot, en sa dissertation, que les coutumes ne sont point de droit étroit, dit que ces chartres de commune sont des ébauches des coutumes. En effet, ces chartres sont la plupart du XIIe et XIIIe siècles, qui est à-peu-près le temps où nos coutumes ont pris naissance ; les plus anciennes n'ayant été rédigées par écrit que dans le XIIIe et le XIVe siècle, on ne trouve point que la ville de Paris ait jamais obtenu de chartre de commune, ce qui provient sans-doute de ce qu'on a supposé qu'elle n'en avait pas besoin, à cause de la dignité de ville capitale du royaume.

CHARTRE (DEMI). Dans les anciens styles de la chancellerie, et dans quelques édits, tels que celui du mois d'Avril 1664 ; il est parlé d'offices taxés demi-chartre, c'est-à-dire pour les provisions desquels on ne paye que la moitié du droit dû au sceau pour les lettres expédiées en forme de chartre. Voyez ci-après CHARTRES (LETTRES DE).

CHARTRES FRANÇOISES, dans le sciendum et autres anciens styles de la chancellerie, sont toutes lettres de chartres, ou expédiées en forme de chartres, qui sont pour les villes et provinces du royaume, autres néanmoins que la Champagne et la Navarre, dont les lettres étaient distinguées des autres, et qu'on appelait chartres champenoises et chartres de Navarre. Voyez ci-devant CHARTRES DE CHAMPAGNE, et ci-après CHARTRES DE NAVARRE.

CHARTRES (GREFFIERS DES). Par édit du mois de Mars 1645, le roi créa quatre greffiers des chartres et expéditions de la chancellerie. Ces offices ont depuis été supprimés.

CHARTRES EN JAUNE, en style de chancellerie, sont les lettres de déclaration, de naturalité, et de notaire d'Avignon. On entend aussi quelquefois par-là les arrêts des cours souveraines, portant règlement entre des officiers ou communautés, ou quand ils ordonnent la réunion à perpétuité de quelque bénéfice.

CHARTRES (INTENDANS DES). Par édit du mois de Mars 1655, le roi créa huit offices de secrétaires du roi de la grande chancellerie, auxquels il attribua la qualité d'intendants des chartres, c'est-à-dire des lettres de la chancellerie. Ces offices furent supprimés par édit du mois de Janvier 1660 ; il en est encore parlé dans l'édit du mois d'Avril 1664, dans lequel est rappelé celui de 1660.

CHARTRE DE JUIFS ou MARANS, en France avant l'expulsion des Juifs hors du royaume, pouvait s'entendre des lettres expédiées pour les Juifs dans leur chancellerie particulière : mais depuis qu'ils eurent été chassés du royaume, on entendait par chartre des Juifs, dans l'ancien style de la chancellerie, la permission donnée à un juif de s'établir en France. Voyez le sciendum de la chancellerie, et ci-devant CHANCELLERIE DES JUIFS.

CHARTRES, (LETTRES DE) ou lettres expédiés en forme de chartre. On appelle communément ainsi toutes lettres expédiées en la grande chancellerie, qui attribuent un droit perpétuel, telles que les ordonnances et édits, les lettres de grâce, rémission ou abolition, qui procedent de la pleine grâce du Roi ; toutes lesquelles lettres contiennent cette adresse, à tous présents et à venir, et n'ont point de date de jour, mais seulement de l'année et du mois, et sont scellées de cire verte sur des lacs de soie rouge et verte (voyez Charondas, en ses pandectes, liv. I. ch. xjx.) ; à la différence des autres lettres de chancellerie, telles que les déclarations et lettres patentes qui contiennent cette adresse, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, renferment la date du jour, du mois et de l'année, et sont scellées en cire jaune sur une double queue de parchemin.

CHARTRES DE NAVARRE. On appelait ainsi autrefois en chancellerie les lettres destinées pour la Navarre française. L'origine de cette distinction vient de ce qu'avant la réunion de la Navarre au royaume de France, la Navarre avait sa chancellerie particulière, qui fut ensuite supprimée et réunie à la grande chancellerie de France. On conserva seulement le même tarif pour les lettres qui s'expédiaient pour la Navarre. Voyez le sciendum de la chancellerie.

CHARTRE AUX NORMANDS, ou CHARTRE NORMANDE, est la seconde des deux chartres que Louis X. dit Hutin, donna à la Normandie pour la confirmation de ses privilèges. La première, qui était de l'an 1314, ne contenait que quatorze articles ; la seconde, qui est du 15 Juillet 1315, contient vingt-quatre articles. C'est celle-ci à laquelle on a attribué singulièrement le nom de chartre aux Normands ou chartre Normande ; elle fut confirmée par Philippe de Valais en 1339, par Charles VI. en 1380, par Charles VII. en 1458, par Louis XI. en 1461, par Charles VIII. en 1485, et par Henri III. en 1579.

La plupart des articles de cette chartre sont présentement abolis ou extrêmement altérés.

Il y en a seulement un auquel on n'a point dérogé ; c'est celui qui porte que la possession quadragénaire vaut titre, sinon en matière de patronage, ce qui a été confirmé par l'article 521 de la nouvelle coutume.

Il y a encore deux autres articles qui sont un peu en vigueur : l'un porte que les procès du duché devant être terminés suivant la coutume et les usages du pays, on ne pourra les traduire ailleurs ; l'autre veut que sous prétexte de donation, échange ou aliénation faite ou à faire par le roi ou par ses successeurs, de quelque partie de leur domaine, les habitants de la province ne puissent être traduits en des juridictions étrangères, et ne seront tenus d'y comparoir ni d'y répondre.

Mais ces deux articles ont reçu et reçoivent encore tous les jours diverses atteintes, par le privilège accordé à l'université de Paris, dont les causes sont attribuées au prevôt de Paris, par le droit de committimus, les évocations générales et les attributions particulières, le privilège du scel du châtelet, qui est attributif de juridiction, et autres privilèges semblables.

Cependant l'autorité de cette chartre est si grande, que lorsqu'il s'agit de faire quelque règlement qui peut intéresser la province de Normandie, et que l'on veut déroger à cette chartre, on ne manque point d'y insérer la clause, nonobstant clameur de haro, chartre normande, etc. Voyez le recueil d'arrêts de M. Froland, part. I. ch. VIIIe

CHARTRE DE PAIX, en latin charta pacis, sont des lettres en forme de transaction entre Philippe-Auguste, l'évêque et le chapitre de Paris, données à Melun en 1222. Elles règlent la compétence des officiers du roi, et de ceux de l'évêque et du chapitre dans l'étendue de la ville de Paris. Voyez le tr. de la police, tome I. liv. I. tit. Xe p. 156.

CHARTRE ou PRISON. Ces termes étaient autrefois synonymes. La prison était ainsi appelée chartre, du latin carcer ; c'est de-là que saint Denis en la cité, près le pont Notre-Dame, a été surnommé de la chartre, parce que l'on croit que saint Denis apôtre de la France, fut autrefois enfermé dans ce lieu dans un cachot obscur. L'ancienne coutume de Normandie, ch. xxiij. se servirait de ce terme chartre pour exprimer la prison.

CHARTRE PRIVEE signifie un lieu autre que la prison publique, où quelqu'un est détenu par force, et sans que ce soit de l'autorité de la justice. Il est défendu à toutes personnes, même aux officiers de justice, de tenir personne en chartre privée. L'ordonnance de 1670, tit. IIe art. 10. défend aux prevôts des maréchaux de faire chartre privée dans leurs maisons, ni ailleurs, à peine de privation de leurs charges ; et veut qu'à l'instant de la capture l'accusé soit conduit dans les prisons du lieu, s'il y en a, sinon aux plus prochaines, dans vingt-quatre heures au plus tard.

CHARTRE AU ROI PHILIPPE fut donnée par Philippe-Auguste vers la fin de l'an 1208, ou au commencement de l'an 1209, pour régler les formalités nouvelles que l'on devait observer en Normandie dans les contestations qui survenaient pour raison des patronages d'église, entre des patrons laïques et des patrons ecclésiastiques. Cette chartre se trouve employée dans l'ancien coutumier de Normandie, après le titre de patronage d'église ; et lorsqu'on relut en 1585 le cahier de la nouvelle coutume, il fut ordonné qu'à la fin de ce cahier l'on insérerait la chartre au roi Philippe et la chartre normande. Quelques-uns ont attribué la première de ces deux chartres à Philippe III. dit le Hardi ; mais il est de Philippe-Auguste, ainsi que l'a prouvé M. de Laurière au I. volume des ordonnances de la troisième race, page 26. Voyez aussi à ce sujet le recueil d'arrêts de M. Froland, partie I. chap. VIIe

CHARTRE, TAXE CHARTRE, c'est-à-dire le droit que l'on paye pour certaines lettres de chancellerie qui sont taxées comme chartres ou lettres expédiées en forme de chartres : par exemple, les assiettes à perpétuité se taxent chartres. Voyez le style de chancellerie de Dusault dans la taxe qui est à la fin, pag. 15. et ci-devant CHARTRES (LETTRES DE).

CHARTRES (TRESOR DES). Voyez l'article TRESOR DES CHARTRES.

CHARTRES A DEUX VISAGES. M. de la Roque, en son traité de la noblesse, chap. xxj. dit que Jean Dubais sieur de Martainville, obtint du roi Henri IV. une chartre à deux visages, par laquelle il fut maintenu et confirmé en la possession de noblesse, parce que sa maison avait été saccagée ; que cette chartre, donnée à Paris au mois de Novembre l'an 1597, fut enregistrée en la chambre des comptes le 10 Mars 1598, et à la cour des aides de Normandie le 26 Février 1603, pour jouir du privilège de noblesse, comme de nouvelle concession.

L'auteur ne dit rien de plus de cette chartre, et n'explique point ce que l'on doit entendre par la qualification qu'il lui donne de chartre à deux visages. (A)

CHARTRE, (LA GRANDE) magna charta, (Histoire moderne) en Angleterre est une ancienne patente contenant les privilèges de la nation, accordée par le roi Henri III. la neuvième année de son règne, et confirmée par Edouard I.

La raison pour laquelle on l'appelle magna, grande, est parce qu'elle contient des franchises et des prérogatives grandes et précieuses pour la nation ; ou parce qu'elle est d'une plus grande étendue qu'une autre chartre qui fut expédiée dans le même temps, que les Anglais appellent chartre de forêt (voyez l'hist. du Parlement d'Angleterre) ; ou parce qu'elle contient plus d'articles qu'aucune autre chartre ; ou à cause des guerres et des troubles qu'elle a causés, et du sang qu'elle a fait verser ; ou enfin à cause de la grande et remarquable solennité qui se pratiqua lors de l'excommunication des infracteurs et violateurs de cette chartre.

Les Anglais font remonter l'origine de leur grande chartre à leur roi Edouard le confesseur, qui par une chartre expresse accorda à la nation plusieurs privilèges et franchises, tant civiles qu'ecclésiastiques. Le roi Henri I. accorda les mêmes privilèges, et confirma la chartre de saint Edouard par une semblable qui n'existe plus. Ces mêmes privilèges furent confirmés et renouvellés par ses successeurs Etienne, Henri II. et Jean. Mais celui-ci par la suite l'enfraignant lui-même, les barons du royaume prirent les armes contre lui les dernières années de son règne.

Henri III. qui lui succéda, après s'être fait informer par des commissaires nommés au nombre de douze pour chaque province, des libertés des Anglais du temps d'Henri I. fit une nouvelle chartre, qui est celle qu'on appelle aujourd'hui la grande chartre, magna charta, qu'il confirma plusieurs fais, et qu'il enfraignit autant de fais, jusqu'à la trente-septième année de son règne, qu'il vint au palais de Westminster ; où en présence de la noblesse et des évêques, qui tenaient chacun une bougie allumée à la main, il sit lire la grande chartre, ayant, pendant qu'on la lisait, la main sur la poitrine ; après quoi il jura solennellement d'en observer le contenu avec une fidélité inviolable, en qualité d'homme, de chrétien, de soldat, et de roi. Alors les évêques éteignirent leurs bougies, et les jetèrent à terre, en criant, qu'ainsi soit éteint et confondu dans les enfers quiconque violera cette chartre.

La grande chartre est la base du droit et des libertés du peuple anglais. Voyez DROIT et STATUT.

On la jugea si avantageuse aux sujets, et remplie de dispositions si justes et si équitables, en comparaison de toutes celles qui avaient été accordées jusqu'alors, que la nation consentit, pour l'obtenir, d'accorder au roi le quinzième denier de tous ses biens meubles. Chambers. (G)

CHARTRE, (Médecine) on dit qu'un enfant est en chartre, lorsqu'il est sec, hectique, et tellement exténué, qu'il n'a que la peau collée sur les os ; maladie à laquelle les Médecins ont donné le nom de marasme. Voyez MARASME. Peut-être l'expression, ces enfants sont en chartre, vient-elle de ce qu'on les voue aux saints, dont les châsses sont appelées chartres par nos vieux auteurs. Du Verney, traité des maladies des os.

Quelques-uns ont écrit qu'on nomme en France le rachitis, chartre ; mais ils ont confondu deux maladies qui sont très-différentes. Id. ibid.

CHARTRES, (Géographie) ville de France, capitale du pays chartrain et de la Beauce, avec titre de duché, sur l'Eure. Long. 18. 50. 5. lat. 48. 26. 29.