S. m. (Jurisprudence) est l'acte par lequel on refuse de reconnaître une autre personne en sa qualité, ou par lequel on dénie qu'elle ait eu pouvoir de faire ce qu'elle a fait. Cette définition annonce qu'il y a plusieurs sortes de désaveu. (A)

DESAVEU D'UN AVOCAT, par rapport à ce qu'il a plaidé ou écrit, n'est point reçu, parce que l'avocat ne peut en plaidant engager sa partie au delà des termes portés par les actes du procès, à moins qu'il ne soit assisté de la partie, ou du procureur ; et si ce sont des écritures, elles sont adoptées par le procureur, par la signification qu'il en fait : ainsi le désaveu ne peut tomber que sur le procureur qui est dominus litis. (A)

DESAVEU D'UN ENFANT, est lorsque ses père et mère, ou l'un d'eux, refusent de le reconnaître. Une mère qui désavouait son enfant, ne pouvant être convaincue, l'empereur Claude lui commanda de l'épouser, et par ce moyen l'obligea de le reconnaître. Voyez l'hist. de M. de Tillemont, tome I. pag. 203. Voyez ENFANT, ETAT, SUPPOSITION DE PART. (A)

DESAVEU D'UN FONDE DE PROCURATION, voyez ci-après DESAVEU D'UN MANDATAIRE.

DESAVEU D'UN HUISSIER ou SERGENT, est lorsque l'on dénie qu'il ait eu aucun pouvoir pour faire ce qu'il a fait. Les huissiers ou sergens n'ont pas toujours besoin d'un pouvoir par écrit pour faire leurs exploits ; la remise des pièces nécessaires leur tient lieu de pouvoir. Lorsqu'ils craignent d'être désavoués, ils font signer leurs exploits par la partie. Voyez Papon, liv. VI. tit. VIIe n. 8. (A)

DESAVEU D'UN MANDATAIRE, est lorsqu'on prétend qu'il a excédé les bornes de son pouvoir : ce qui est fondé sur la loi cum mandati, au code mandati vel contra. (A)

DESAVEU D'UN PROCUREUR ad lites, est lorsqu'on prétend qu'il n'a point eu de charge d'occuper pour une partie, ou qu'il a excédé les bornes de son pouvoir.

Le procureur n'a pas toujours besoin d'un pouvoir par écrit ; la remise de la copie d'explait ou des pièces servant à la défense, le consentement de la partie présente, tiennent lieu de pouvoir au procureur.

On admet rarement le désaveu contre les héritiers d'un procureur décédé, parce que les héritiers ne sont pas ordinairement instruits de tout ce qui pouvait autoriser le procureur. Il y a néanmoins des exemples, que de pareils désaveux ont été admis dans des circonstances graves ; il y en a un arrêt du 5 Septembre 1713, rendu en la grande-chambre.

Quand le désaveu est injurieux et mal fondé, le désavouant doit être condamné aux dommages et intérêts du procureur.

Les présidiaux ne peuvent pas juger en dernier ressort un désaveu. Voyez Papon, liv. VI. tit. IVe n°. 22. Mornac, l. j. cod. de procur. Danty, de la preuve par tém. ch. XIIe part. I. Chorier sur Guypape, pag. 353, Basset, tome II. liv. II. tit. Ve ch. j. Le code Gillet, tit. du désaveu. (A)

DESAVEU DU SEIGNEUR, est lorsque le vassal lui dénie la mouvance du fief. Il est appelé prodition, comme qui dirait trahison, dans un arrêt donné contre le comte de la Marche, aux enquêtes du parlement de la Toussaint, en 1293.

Le désaveu est opposé à l'aveu, lequel en cette occasion n'est pas la même chose que l'aveu et dénombrement : l'aveu dans ce sens serait plutôt la foi et hommage qui est faite principalement pour reconnaître le seigneur.

Lorsqu'un fief est saisi féodalement, et que le vassal veut avoir main-levée, il doit avant toutes choses avouer ou désavouer le seigneur.

S'il reconnait le seigneur, il doit lui faire la foi et payer les droits.

S'il le désavoue, le seigneur est obligé de prouver sa mouvance : et en ce cas le vassal doit pendant le procès avoir main-levée de la saisie ; à moins que le désaveu ne fût formé contre le roi, lequel plaide toujours main garnie, c'est-à-dire que la saisie tient toujours pendant le procès, nonobstant le désaveu.

Quand le vassal refuse d'avouer son seigneur jusqu'à ce que celui-ci l'ait instruit de la mouvance du fief, le juge doit ordonner que le vassal sera tenu d'avouer ou désavouer dans la huitaine ; et que faute de le faire dans le temps marqué, le refus de s'expliquer passera pour désaveu, et emportera la commise.

Si par l'évenement le désaveu se trouve mal fondé, le vassal perd son fief, lequel demeure confisqué au profit du seigneur par droit de commise ; mais cette confiscation ou commise du fief ne se fait pas de plein droit, il faut qu'il y ait un jugement qui l'ordonne.

La confiscation du fief pour cause de désaveu, doit être demandée pendant la vie du vassal ; car le désaveu est une espèce de délit personnel, dont la peine ne peut être demandée contre les héritiers.

Le vassal peut éviter la peine du désaveu en avouant d'abord le seigneur, et lui demandant ensuite la communication de ses titres ; et si par cette communication il parait que le seigneur n'ait pas la mouvance, le vassal peut revenir contre sa reconnaissance, et passer au désaveu.

Si le désaveu se trouve bien fondé, le seigneur doit être condamné aux dépens, dommages, et intérêts de celui qui a dénié la mouvance ; et la saisie doit être déclarée nulle, injurieuse, tortionaire, avec main-levée d'icelle.

Il y a trois cas où le vassal n'est pas obligé d'avouer ni de désavouer son seigneur.

Le premier est quand le seigneur a pris la voie de l'action, parce qu'en ce cas le seigneur doit instruire son vassal ; de même que tout demandeur est tenu de justifier sa demande : mais hors ce cas, le seigneur n'est point obligé de communiquer ses titres au vassal avant que celui-ci l'ait reconnu pour seigneur.

Le second cas où le vassal n'est pas obligé de passer au désaveu, c'est lorsque deux seigneurs se contestent réciproquement la mouvance : le vassal peut ne reconnaître aucun d'eux ; il suffit qu'il offre de faire la foi et payer les droits à celui qui obtiendra gain de cause, et qu'en attendant il fasse recevoir en foi par main souveraine, et qu'il consigne les droits.

Le troisième cas est lorsque le possesseur d'un héritage soutient qu'il est en roture, et que le seigneur prétend qu'il est en fief ; en ce cas le possesseur n'est point tenu d'avouer ni de désavouer le seigneur jusqu'à ce que celui-ci ait prouvé que l'héritage est tenu de lui en fief ; parce que toute terre est présumée en roture, s'il n'y a titre au contraire.

On n'est pas non plus obligé, dans les coutumes de franc-aleu, d'avouer ni de désavouer le seigneur jusqu'à ce qu'il ait établi sa mouvance, attendu que dans ces coutumes tous héritages sont présumés libres, s'il n'appert du contraire.

Le vassal qui avoue tenir du Roi au lieu d'avouer son véritable seigneur, n'encourt point la commise. Voyez COMMISE.

Quand le désaveu est fait en justice, et que le seigneur a formé sa demande pour la commise, il n'y a plus pour le vassal locus poenitentiae. Carondas tient néanmoins que le vassal peut jusqu'au jugement révoquer son désaveu, et en éviter la peine en offrant la foi, les droits, et tous les frais.

Le Roi ne peut pas remettre la peine du désaveu au préjudice du seigneur, à qui la commise est acquise.

Le désaveu formé par un tuteur, curateur ou autre administrateur, ne préjudicie pas au mineur, non plus que celui du bénéficier à son bénéfice ; parce que le désaveu emporterait une aliénation du fief, qu'un simple administrateur ou usufruitier ne peut faire seul et sans y être autorisé.

Un main-mortable ne peut pas non plus désavouer valablement, sans observer les formalités prescrites par la coutume.

La peine du désaveu n'a pas lieu en pays de droit écrit, où l'on est moins rigoureux sur les devoirs des fiefs.

L'héritier bénéficiaire qui désavoue mal-à-propos, confisque le fief au préjudice des créanciers chirographaires : mais il ne préjudicie aux créanciers hypothécaires. Voyez Papon, liv. XIII. tit. j. Loysel, instit. liv. IV. tit. IIIe n. 96. Bouchel, biblioth. aux mots désaveu et fiefs. Imbert, en son enchirid. in verbo poenâ pecuniariâ. Dumolin sur Paris, tit. des fiefs, gloss. j. in verbo qui dénie le fief, §. 43. n. 159. Brodeau, art. 43. n. 9. Auzanet, art. 45. Bouvot, tom. II. verbo main-morte, quest. 29. Le Prêtre, cent. 3. ch. l. Chenu, cent. 2. quest. 30. Beraut, sur la cout. de Norm. art. 185. in verbo gage plege. Les traités des fiefs, notamment Billecoq, liv. II. (A)