S. m. (Jurisprudence) terme usité dans plusieurs coutumes et provinces, pour exprimer une redevance qui consiste en une certaine portion des fruits de l'héritage pour lequel elle est dû.. Ce mot vient du latin campi pars, ou campi partus, d'où l'on a formé dans les anciens titres latins les noms de campars, campipartum, camparcium, campartum, campardus, campartus, campipertio. Voyez Ducange, au mot campi pars.

En français il reçoit aussi différents noms : en quelques lieux on l'appelle terrage ou agrier ; en d'autres on l'appelle tasque ou tâche, droit de quart ou de cinquain, neuvième, vingtain, &c.

Ce droit a lieu en différentes provinces, tant des pays coutumiers que des pays de droit écrit. En quelques endroits il est fondé sur la coutume, statuts ou usages du lieu ; en d'autres il dépend des titres.

Les coutumes qui font mention du champart, sont celles de Châteauneuf, Chartres, Dreux, Dunais, Etampes, Orléans, Mantes, Senlis, Clermont, Amiens, Ponthieu, Saint-Pol, Montargis, Romorantin, Menetou, Nivernais, Péronne, Berri, Bourbonnais, Poitou, Blais, et plusieurs autres où il reçais différents noms.

Dans les parlements de Toulouse et d'Aix, il est connu sous les noms de champart, agrier, ou tasque ; dans les autres pays de droit écrit, il reçoit aussi différents noms.

Il y en a de trois sortes ; savoir, celui qui est seigneurial et qui tient lieu de cens, et est dû in recognitionem dominii ; quelquefois ce n'est qu'une redevance semblable au surcens ou rente seigneuriale ; enfin il y a une troisième sorte de champart non seigneurial ; celui-ci n'est qu'une redevance foncière qui est dû. au propriétaire ou bailleur de fonds, dont l'héritage a été donné à cette condition.

Le plus ancien règlement que l'on trouve sur le droit de champart, sont des lettres de Louis-le-gros de l'an 1119, accordées aux habitants du lieu nommé Angère regis, que M. Secousse croit être Angerville dans l'Orléanais. Ces lettres portent que les habitants de ce lieu payeront au roi un cens annuel en argent pour les terres qu'ils posséderont ; que s'ils y sement du grain, ils en payeront la dixme ou le champart. Elles furent confirmées par Charles VI. le 4 Novembre 1391.

On voit dans les établissements de S. Louis, faits en 1270, ch. xcjx. que le seigneur direct pouvait mettre en sa main la terre tenue à champart d'un bâtard, dont on ne lui payait aucune redevance ; mais que ce bâtard pouvait la reprendre à la charge du cens.

Il est dit, ch. clxiij. de ces mêmes établissements, que le seigneur pouvait mettre en sa main la terre qui ne devait que le terrage ou champart ; mais qu'il ne pouvait pas l'ôter au propriétaire pour la donner à un autre ; que si la terre devait quelques autres droits, le seigneur ne la pouvait prendre qu'après qu'elle avait été sept ans en friche ; qu'alors le tenancier qui perdait sa terre devait de plus dédommager le seigneur de la perte qu'il avait faite du champart pendant ce temps.

Philippe VI. dit de Valais, dans un mandement du 10 Juin 1331, adressé au sénéchal de Beaucaire, dit qu'on lui a donné à entendre que par un privilège accordé par les rois ses prédécesseurs, et observé jusqu'alors, ceux qui tenaient du roi un fief ou un arriere-fief, pouvaient posséder des héritages tenus à cens ou à champart ; Philippe VI. ordonne qu'il sera informé de ce privilège ; et que s'il est constant, les possesseurs des terres ainsi tenues à cens ou à champart, ne seront point troublés dans leur possession.

Dans des lettres du roi Jean, du mois d'Octobre 1361, portant confirmation de la charte de bourgeoisie accordée aux habitants de Busency, il est dit, art. 4. que les bourgeois payeront le terrage de treize gerbes une, de toutes les terres que l'on labourera sur le ban et finage de Busency, et pour les vignes à proportion.

Un des articles des privilèges accordés aux habitants de Monchauvette en Beauce, par Amauri comte de Montfort, et Simon comte d'Evreux son fils, confirmés par plusieurs de nos rais, et notamment par Charles VI. au mois de Mars 1393, porte que si ceux qui sont sujets au droit de champart ne veulent pas le payer, on le levera malgré eux.

L'usage qui s'observe présentement par rapport au droit de champart, est que dans les pays coutumiers il n'est dû communément que sur les grains semés, tels que blé, seigle, orge, avoine, pois de vesce, qui sont pour les chevaux ; blé noir ou sarrasin, blé de Mars, chanvre. Il ne se perçait point sur le vin ni sur les légumes, non plus que sur le bois, sur les arbres fruitiers, à moins qu'il n'y ait quelque disposition contraire dans la coutume, ou un titre précis.

En quelques endroits les seigneurs ou propriétaires ont sur les vignes un droit semblable au champart, auquel néanmoins on donne différents noms : on l'appelle teneau à Chartres, complant en Poitou, Angoumais et Xaintonge ; carpot en Bourbonnais. Ces droits dépendent aussi de l'usage et des titres, tant pour la perception en général que pour la quotité.

Dans les pays de droit écrit, le champart ou agrier se lève sur toutes sortes de fruits ; mais on y distingue l'agrier sur les vins et autres fruits, de ceux qui se perçoivent sur les grains : les noms en sont différents, aussi bien que la quotité ; cela dépend ordinairement de la baillette, ou concession de l'héritage.

La dixme, soit ecclésiastique ou inféodée, se perçait avant le champart ; et le seigneur ne prend le champart que sur ce qui reste après la dixme prélevée, c'est-à-dire que pour fixer le champart on ne compte point les gerbes enlevées pour la dixme.

On tient pour maxime en pays coutumier, que le champart n'est pas vraiment seigneurial, à moins qu'il ne tienne lieu du cens : quelques coutumes le décident ainsi. Montargis, art. IVe

Le champart seigneurial a les mêmes prérogatives que le cens ; il produit des lods et ventes, en cas de mutation par vente ou par contrat équipollent à vente, excepté dans les coutumes d'Orléans et d'Etampes, qui sont singulières à cet égard.

Le décret ne purge point le droit de champart seigneurial, quoique le seigneur ne s'y soit pas opposé.

A l'égard des pays de droit écrit, l'usage le plus général est que le champart n'y est réputé seigneurial que quand il est joint au cens, cela dépend des titres ou reconnaissances. Cependant au parlement de Bordeaux il est réputé seigneurial de sa nature.

Le champart, même seigneurial, n'est pas portable dans les parlements de droit écrit ; il est querable sur le champ, excepté au parlement de Bordeaux ; il tombe en arrérages : mais sur ce point l'usage n'est pas uniforme ; au parlement de Toulouse on n'en peut demander que cinq ans, soit que le droit soit seigneurial ou non ; à Bordeaux on en adjuge vingt-neuf quand il est seigneurial, et cinq lorsqu'il ne l'est pas ; au parlement de Provence on en adjuge trente-neuf années, quand il est dû à un seigneur ecclésiastique.

En pays coutumier il ne tombe point en arrérages, et il est toujours querable, si le titre et la coutume ne portent le contraire ; comme les coutumes de Poitou, Saintes, Amiens, Nevers, Montargis, Blais, et Bourbonnais.

La quotité du champart dépend de l'usage du lieu, et plus encore des titres. Les coutumes de Montargis, de Berri et de Vatan, le fixent à la douzième gerbe, s'il n'y a convention contraire : celle de Dovine le fixe à la dixième gerbe. Il y a encore des lieux où il est plus fort : quelques seigneurs en Poitou perçoivent de douze gerbes deux, et même trois ; ce qui fait la quatrième ou sixième gerbe. Il y a aussi des endroits où il est moindre : tout cela, encore une fais, dépend de l'usage et des titres.

Dans les provinces de Lyonnais, Forès, Beaujolais, il est ordinairement du quart ou du cinquième des fruits ; c'est pourquoi on l'appelle droit de quarte ou de cinquain.

En Dauphiné on l'appelle droit de vingtain, parce qu'il est de vingt gerbes une.

On peut intenter complainte pour le terrage. Celui qui possède un héritage sujet au champart ou autre droit équipollent, est obligé de labourer et ensemencer ou planter la terre, de manière que le droit puisse y être perçu ; il ne peut, en fraude du droit, laisser l'héritage en friche, s'il est propre à être cultivé ; et si le titre spécifie la qualité des fruits qui sont dû., le tenancier ne peut changer la surface du fonds, pour lui faire produire une autre espèce de fruits : les coutumes de Blais et d'Amiens le défendent expressément ; celle de Montargis le permet, en avertissant le seigneur, et l'indemnisant à dire d'experts.

Il faut néanmoins excepter le cas où la nature du terrain demande ce changement ; alors le seigneur ou propriétaire ne perd pas son droit, il le perçait sur les fruits que produit l'héritage.

La coutume de Poitou, art. cjv. veut que celui qui tient des terres à terrage ou champart, en pays de bocage, c'est-à-dire entouré de bois, emblave au moins le tiers des terres ; et si c'est en plaine, qu'il emblave la moitié. L'article lxj. porte qu'à l'égard des vignes, faute de les façonner, le seigneur les peut reprendre, et les donner à d'autres.

Les coutumes de la Marche, Clermont, Berri, Amiens, ne permettent au seigneur de reprendre les terres qu'au bout de trois ans de cessation de culture : celle d'Amiens permet au tenancier de les reprendre ; la coutume de Blais veut qu'il y ait neuf ans de cessation.

Le champart se prend chaque année dans le champ, soit pour l'emporter s'il est querable, soit pour le compter et le faire porter par le tenancier s'il est portable. Dans tous les cas il faut que le seigneur ou propriétaire, ou leurs préposés, soient avertis avant que l'on puisse enlever la dépouille du champ. La coutume de Soesme est la seule qui permette au tenancier d'enlever sa récolte sans appeler le seigneur, en laissant le terrage debout, c'est-à-dire sans le couper ; et vice versâ, au seigneur avant le tenancier.

Quant à la manière d'avertir le seigneur ou propriétaire qui a droit de champart, la coutume de Boulenais dit qu'on doit le sommer : celles de Berri et Blais veulent qu'on lui signifie ; mais dans l'usage le tenancier n'est point obligé de faire aucun acte judiciaire ; un avertissement verbal en présence de témoins suffit, comme la coutume de Blais le dit en un autre endroit.

Lorsque ce droit est commun à plusieurs seigneurs, il suffit d'en avertir un, ou de faire cet avertissement au lieu où le champart doit être porté, comme la coutume de Blais le donne à entendre, art. cxxxiij.

La coutume de Mantes veut que le seigneur appelé pour la levée du terrage, comparaisse du soir au matin, et du matin à l'après-dinée. Les coutumes de Poitou et de Berri veulent qu'on l'attende vingt-quatre heures : celle de Montargis, qu'on l'attende compétemment : cela dépend de l'usage et des titres, et même des circonstances qui peuvent obliger d'enlever la moisson plus promptement ; par exemple, lorsque l'on craint un orage.

Le champart seigneurial, et qui tient lieu du cens, est de sa nature imperceptible ; et par une suite du même principe, le décret ne le purge pas.

En Dauphiné le champart, qu'on y appelle vingtain, se prescrit par cent ans, lorsqu'il est seigneurial ; et par trente ou quarante, lorsqu'il ne l'est pas. Sur le droit de champart ou terrage, voyez le glossaire de Ducange au mot campi pars ; et celui de Laurière, aux mots champart et terrage. La Rocheflavin, tr. des droits seigneuriaux. Despeisses, tit. du champart. Loysel, instit. liv. IV. tit. IIe Louet et Brodeau, lett. C. n. 19. et 21. Coquille, tome II. quest. 76. Maynard, liv. X. arrêt IIIe Dumoulin sur Paris, ch. IIe tit. prem. Chopin sur la même coutume, liv. I. tit. IIIe n. 20. Bretonnier sur Henrys, tome I. liv. I. ch. IIIe quest. 34. Dolive, liv. II. ch. xxjv. Basnage sur la coutume de Normandie, tit. de juridiction. art. IIIe Guyot, tr. des fiefs, tome IV. ch. du champart. Tr. du champart par Brunet, qui est la suite du tr. des dixmes de Drapier. Voyez aussi ci-devant au mot AGRIER, et ci-après aux mots CHAMPARTAGE, COMPLANT, NEUME, TASQUE, TENEAU, TERRAGE, QUART, CINQUAIN, VINGTAIN.