S. m. (Jurisprudence) est le lieu où chacun fait sa demeure ordinaire, et où il a fixé son établissement et place, et le siège de sa fortune : locus in quo quis sedem posuit laremque, et summam rerum suarum. Lib. VII. cod. de incolis.

Pour constituer un véritable domicile, il faut que deux circonstances concourent : la demeure de fait ou habitation réelle, et la volonté de se fixer dans le lieu que l'on habite. Ainsi tout endroit où l'on demeure, même pendant longtemps, ne forme pas un véritable domicîle ; la volonté que l'on a de l'établir dans un certain lieu se connait par les circonstances, comme quand on y a sa femme et ses enfants, que l'on y contribue aux charges publiques, qu'on y acquiert une maison pour l'habiter, que l'on y prend une charge ou emploi qui demande résidence, lorsque l'on y participe aux honneurs de la paraisse ou de la ville ; qu'on y a ses habitudes, ses titres et papiers, la plus grande partie de ses meubles, en un mot le siège de sa fortune. Mais toutes ces circonstances ne forment que des présomptions de la volonté auxquelles on ne s'arrête point, lorsqu'il y a des preuves d'une volonté contraire.

Ainsi un ambassadeur, un intendant de province, un prisonnier de guerre, un exilé par lettre de cachet, un employé dans les fermes du roi, n'acquièrent point de nouveau domicîle par le séjour qu'ils sont hors du lieu de leur ancienne demeure, quand ce séjour passager serait de quarante ou cinquante ans.

C'est le lieu de la naissance qui donne dans ce lieu la qualité de citoyen ; le domicîle donne seulement la qualité d'habitant dans le lieu où l'on demeure.

La volonté ne suffit pas seule pour acquérir quelque part un domicile, mais elle suffit seule pour le conserver ; elle ne suffit pas seule non plus pour le changer, il faut que le fait y soit joint, et que l'on change actuellement de demeure.

Quoique la demeure de fait doive concourir avec la volonté pour constituer le domicile, il est cependant plus de droit que de fait, magis animi quam facti. C'est pourquoi ceux qui ne sont pas maîtres de leur volonté, ne peuvent se choisir un domicîle ; la femme par cette raison n'a point d'autre domicîle que celui de son mari, à moins qu'elle ne soit séparée de corps et d'habitation. On dit quelquefois que le domicîle de la femme est celui du mari, ce qui ne signifie pas que la femme puisse choisir son domicile, mais que le lieu où elle est établie du consentement de son mari, lorsque celui-ci ne parait pas avoir de demeure fixe, forme le domicîle de l'un et de l'autre.

Les mineurs, en changeant de demeure de fait, ne changent pas pour cela de domicîle ; ils conservent toujours celui que le dernier décédé de leurs père et mère avait au temps de son décès ; les tuteurs, curateurs et parents, ne peuvent pas leur constituer un autre domicile, parce qu'il n'est pas permis de changer l'ordre de leur succession mobiliaire, qui se règle par la loi du domicile.

Il y a seulement un cas où le mineur peut changer de domicîle avec effet, c'est lorsqu'il se marie hors du lieu de son domicîle d'origine ; alors la loi du lieu où il se marie règle les conventions matrimoniales, qui ne sont pas réglées par le contrat.

Le domicîle actuel s'acquiert par une demeure d'an et jour, jointe à la volonté de se fixer dans ce lieu.

Il n'y a personne qui n'ait un domicîle au moins d'origine, à l'exception des vagabonds et gens sans aveu.

Chacun ne peut avoir qu'un domicîle de fait ; mais une même personne peut avoir en outre un domicîle de droit ou de dignité, ainsi qu'on le dira ci-après en expliquant les différentes sortes de domiciles. Ceux qui ont plusieurs domiciles sont censés présents dans chaque lieu, par rapport à la prescription. Voyez la glose sur la loi dernière de praescript. longi temporis.

Le domicîle du roi et de la famille royale est censé être en la ville de Paris, de même que celui des princes du sang, ducs et pairs, maréchaux de France, et autres grands officiers de la couronne, et des capitaines des gardes servant près la personne du roi.

Les officiers de la maison du roi, des maisons des reines, enfants de France, et princes du sang employés sur les états registrés en la cour des Aides, et qui servent toute l'année, sont aussi domiciliés à Paris.

Ceux qui servent par semestre ou par quartier, ou seulement dans certaines occasions, sont domiciliés dans le lieu où ils font leur résidence ordinaire.

On a Ve autrefois mettre sérieusement en question si un évêque avait son domicîle dans son diocèse ou dans le lieu où il se tenait le plus souvent ; mais depuis l'arrêt du 8 Mars 1667, rendu au sujet de la succession de l'évêque de Coutance, on n'a plus osé proposer une pareille question.

On dit communément que les meubles et droits mobiliers, dettes actives et passives, et les rentes constituées à prix d'argent, suivent le domicile, c'est-à-dire que le tout est censé situé dans le lieu du domicile, et est régi par la loi de ce lieu. Voyez MEUBLES, RENTES.

C'est aussi la loi du domicîle que le mari avait au temps du mariage, qui règle les droits que les conjoints n'ont pas prévu par leur contrat.

Tous les exploits doivent être signifiés à personne ou à domicile, et le défendeur doit être assigné devant le juge de son domicile. Voyez EXPLOIT, AJOURNEMENT, ASSIGNATION. (A)

DOMICILE ACTUEL, est la demeure de fait et de droit que l'on a actuellement. On ne considère ordinairement que le domicîle actuel ; cependant lorsqu'il s'agit de savoir si une rente constituée est meuble ou immeuble en la personne du créancier, on consulte la loi du domicîle qu'il avait au temps de la création de la rente. (A)

DOMICILE ANCIEN, n'est pas celui où l'on a demeuré pendant longtemps, mais celui que l'on a eu précédemment. (A)

DOMICILE DES BENEFICIERS, est de droit au lieu de leur bénéfice pour tous les actes qui concernent le bénéfice. Ordonnance de 1667, tit. IIe art. 3. (A)

DOMICILE CIVIL, c'est celui qui est établi par la loi, à cause de quelque dignité ou fonction que l'on a dans un lieu. Voyez M. de Perchambaut sur l'art. 475 de la coutume de Bretagne. (A)

DOMICILE CONTRACTUEL, est celui qui est élu par un contrat à l'effet d'y faire un payement des offres en quelque autre signification. Ce domicîle est perpétuel et irrévocable ; mais il n'a lieu qu'entre les contractants et leurs ayans cause, et n'est d'aucune considération à l'égard d'un tiers. Bacq. des droits de just. chap. VIII. n. 15. arrêts notables, arr. 29. (A)

DOMICILE CONVENTIONNEL, est celui qui est établi par convention ; c'est la même chose que domicîle contractuel. (A)

DOMICILE DERNIER, est celui qui a précédé le domicîle actuel ; il signifie aussi celui que quelqu'un avait au temps de son décès. Ceux qui sont condamnés au bannissement ou aux galeres à temps ; ceux qui sont absens pour faillite, voyage de long cours, ou hors du royaume, doivent être assignés à leur dernier domicile. (A)

DOMICILE DE DIGNITE, est celui que l'on a nécessairement dans un lieu, à cause de quelque dignité qui demande résidence, comme celle d'évêque, celle de juge. (A)

DOMICILE DE DROIT, est celui qui est établi de plein droit par la loi, à cause de quelque circonstance qui le fixe nécessairement dans un lieu. Ainsi le domicîle de dignité est un domicîle de droit ; mais tout domicîle de droit n'est pas domicîle de dignité ; car, par exemple, le mineur a un domicîle de droit, qui est le dernier domicîle de ses père et mère. (A)

DOMICILE ELU, est celui qui est choisi par un contrat ou par un explait, à l'effet que l'on y puisse faire quelque acte. Ce domicîle est souvent différent du véritable domicîle : celui qui est élu par contrat est perpétuel ; mais celui qui est élu par un explait n'est quelquefois que pour vingt-quatre heures seulement, et sans attribution de juridiction. Tout saisissant et opposant est tenu d'élire domicîle pour vingtquatre heures dans le lieu de l'explait, afin qu'on puisse lui faire des offres.

Les dévolutaires sont aussi tenus d'élire domicîle dans le ressort du parlement où est le procès, et cela afin qu'on puisse les discuter plus facilement, s'ils viennent à succomber.

Ceux qui demeurent dans des châteaux ou maisons fortes, sont pareillement tenus d'élire domicîle dans la ville la plus prochaine, et d'en faire enregistrer l'acte au greffe du lieu, sinon les exploits qui leur seront faits au domicile, ou aux personnes de leurs fermiers, juges, procureurs d'offices, et greffiers, valent comme s'ils étaient faits à leur personne. Ordonnance de 1667, tit. des ajourn. art. 15. (A)

DOMICILE DE FAIT, est le lieu où on demeure réellement et actuellement ; mais cette demeure est improprement nommée domicile, si elle n'est accompagnée de la volonté d'y demeurer ; il faut que le domicîle soit de fait et de droit ; ainsi un mineur est demeurant de fait chez son tuteur, et de droit réputé domicilié au lieu du dernier domicîle de ses père et mère. (A)

DOMICILE DE FAIT ET DE DROIT, est le véritable domicîle qui est établi par la demeure de fait, et par la volonté de demeurer dans le même lieu, ou par l'autorité de la loi qui le fixe dans ce lieu. (A)

DOMICILE LEGAL, est celui que la loi attribue à quelqu'un : c'est la même chose que domicîle civil ou domicîle de droit. (A)

DOMICILE MATRIMONIAL, est celui dont la loi doit régler les conventions des conjoints, soit qu'il ait été élu à cet effet par le contrat, ou qu'il ait été élu par le mari avant le mariage ou immédiatement après : de manière que l'intention des conjoints paraisse avoir été, en se mariant, de se fixer dans ce lieu ; car leurs conventions expresses ou tacites ne peuvent recevoir d'atteinte par aucun changement de domicile. Voyez Dumolin, sur la loi cunctos populos. (A)

DOMICILE MOMENTANE, est celui qui doit durer peu, comme un domicîle élu pour vingt-quatre heures seulement ; on appelle aussi domicîle momentané, celui qui n'est qu'une demeure passagère, fût-elle de 30 ou 40 ans ; de sorte que c'est plutôt une simple demeure de fait, qu'un vrai domicile. (A)

DOMICILE NAISSANT, est celui que l'on commence à acquerir : il est opposé au domicîle ancien. (A)

DOMICILE NATUREL, on donne en quelques endroits ce nom au lieu où quelqu'un fait actuellement sa demeure, sans avoir néanmoins intention d'y demeurer toujours. Ainsi dans ce sens le domicîle naturel est la même chose que la simple demeure de fait. Voyez Perchambaut sur la coutume de Bretagne, art. 475. Quelquefois par domicîle naturel on entend celui d'origine, le lieu où l'on est né : ce que les lois appellent municipium, à la différence du domicîle actuel, qui est appelé incolatus, (A)

DOMICILE D'OFFICE, est celui que l'officier a de droit dans le lieu où se fait l'exercice de son office ou commission. Ce domicîle ne sert que pour les actes qui ont rapport à l'office ou commission. Ordonnance de 1667, tit. IIe art. 3. (A)

DOMICILE D'ORIGINE, est celui des père et mère que conservent ceux qui n'en acquièrent point de nouveau, comme les officiers et soldats, soit à l'armée, en quartier, ou garnison, les employés dans le lieu de leur commission. (A)

DOMICILE STATUAIRE, est la même chose que le domicîle de droit ou légal. Voyez Tronçon sur l'art. 360 de la coutume de Paris. (A)

Sur la matière des domiciles en général, voyez au digeste la loi 203. de verbor. significat. et le titre ad municipalem ; au code les titres de municipibus et de incolis ; Domat, liv. I. tit. XVIIe sect. 3. Desmaisons, lett. D. n. 10. Franc. Marc, tom. I. quest. 634. de Ferrières sur Paris, art. 173. les arrêtés de M. de Lamoignon ; Cujas, lib. I. observat. Dumolin sur Paris, article 166 ; Brodeau sur Louet, lett. C. Somm. 17. Soèfve, tome I. cent. 3. chap. xcj. et cent. 4. ch. lviij. tom. II. cent. 3. chap. xcij. André Gaille, liv. II. obs. 35. Taisard sur la cout. de Bourgogne, tit. VIIe art. 8. note 7. &. tit. IXe art. 10. n. 4. Mornac, l. ult. §. senatores ff. de senat. Arrêt du 6 Septembre 1670, au journal du palais ; Bouchel au mot domicîle ; déclarat. des 9 Avril 1707. et 7. Décembre 1712, pour le domicîle des officiers. (A)