en latin immunitas, (Jurisprudence) est définie vacatio et libertas ab oneribus, exemption de quelque charge, devoir ou imposition.

Ce mot vient du latin munus, lequel en droit signifie trois choses différentes, savoir, don ou présent fait pour cause, charge ou devoir, et office ou fonction publique.

Les Romains appelèrent leurs offices ou fonctions publiques munera, parce que dans l'origine c'était la récompense de ceux qui avaient bien mérité du public.

Par succession de temps plusieurs offices furent réputés onéreux, tels que ceux des décurions des villes, à cause qu'on les chargea de répondre sur leurs propres biens tant du revenu et autres affaires communes des villes, que des tributs du fisc, ce qui entrainait ordinairement la ruine de ceux qui étaient chargés de cette fonction, au moyen de quoi il fallut user de contrainte pour obliger d'accepter ces sortes de places et autres semblables, et alors elles furent considérées comme des charges publiques, munera quasi onera ; munus enim aliquando significat onus, aliquando honorem seu officium, dit la loi munus, au digeste de verborum signific.

Les tuteles et curatelles furent dans ce même sens considérées comme des charges publiques, munera civilia.

Ceux qui avaient quelque titre ou excuse pour s'exempter de ces charges publiques, étaient immunes, seu liberi à muneribus publicis. Ainsi de munus pris pour charge, fonction ou devoir onéreux, on a fait immunité qui signifie exemption de quelque charge ou devoir ; et le terme d'immunitas a été consacré en droit pour exprimer cette exemption, ainsi qu'on le peut voir dans plusieurs titres du digeste et du code.

Le titre de excusationibus au digeste qui concerne les excuses que l'on peut donner pour s'exempter d'être tuteur ou curateur, appelle cette exemption vacatio munerum.

Le titre de vacatione et excusatione munerum, concerne les immunités par lesquelles on peut s'exempter des diverses fonctions publiques. Ces immunités ou excuses sont tirées de l'âge trop tendre ou trop avancé, des infirmités du corps ; de l'exercice de quelque autre fonction supérieure ou incompatible.

Le code contient aussi plusieurs titres sur les immunités, entr'autres celui de immunitate nemini concedendâ, où il est dit que les greffiers des villes qui auront fabriqué en faveur de quelqu'un de fausses immunités, seront punis du feu.

Les titres de decurionibus, de vacatione muneris publici, de decretis decurionum super immunitate quibusdam concedendâ, de excusationibus munerum, et autres titres suivants, traitent aussi de diverses immunités.

Dans notre usage on joint souvent ensemble les termes de franchises, libertés, privilèges, exemptions et immunités. Ces termes ne sont cependant pas synonymes. La franchise consiste à n'être pas sujet à certaines charges ou devoirs ; les libertés sont aussi à-peu-près la même chose que les franchises ; le privilège consiste dans quelque droit qui n'est pas commun à tous ; les exemptions et immunités qui signifient la même chose, sont l'affranchissement de quelque charge ou devoir accordé à quelqu'un qui sans cette exemption y aurait été sujet.

L'immunité est quelquefois prise pour le droit d'asîle ; quelquefois le lieu même qui sert d'asile, s'appelle l'immunité ; quelquefois enfin le terme d'immunité est pris pour l'amende que l'on paye pour avoir enfreint une immunité, comme quand on dit payer l 'immunité de l'Eglise.

Les immunités peuvent être accordées à des particuliers, ou à des corps et communautés.

Les provisions des officiers contiennent ordinairement la clause que le pourvu jouira des honneurs, prérogatives, franchises, privilèges, exemptions et immunités attachés à son office.

Les villes et communautés ont aussi leurs immunités.

Toute immunité doit être accordée par le prince ou par quelqu'autre seigneur ou autre personne qui en a le pouvoir.

Au défaut de titre elle peut être fondée sur la possession.

L'immunité est personnelle ou réelle.

On entend par immunité personnelle celle qui exempte la personne de quelque devoir personnel, comme du service militaire de guet et de garde, de tutele et curatelle, de la collecte et autres fonctions publiques.

Telle est aussi l'exemption de payer certaines impositions, comme la taille, les droits de péages, les droits dû. au roi pour mutation des héritages qui sont dans sa mouvance.

L'immunité réelle est celle qui est attachée à certains fonds, et dont le possesseur ne jouit qu'à cause du fonds, et non à cause d'aucune qualité personnelle. Telles sont les immunités dont jouissent ceux qui demeurent dans certains lieux privilégiés, soit pour l'exemption de taille, soit pour avoir la liberté de travailler de certains arts et métiers sans avoir payé de maitrise, soit pour n'être pas sujets à la visite et juridiction d'autres officiers que de ceux qui ont autorité dans ce lieu.

Chaque ordre de l'état a ses immunités. La noblesse est exempte de taille et des charges publiques qui sont au-dessous de sa condition.

Les bourgeois de certaines villes ont aussi leurs immunités plus ou moins étendues ; il y en a de communes à tous les citoyens, d'autres qui sont propres à certaines professions, et qui sont fondées ou sur la nécessité de leur ministère, ou sur l'honneur que l'on y a attaché.

Mais de toutes les immunités, les plus considérables sont celles qui ont été accordées soit à l'Eglise en général, ou singulièrement à certaines Eglises, chapitres et monastères, ou à chaque ecclésiastique en particulier.

Ces immunités sont de trois sortes ; les unes sont attachées à l'édifice même de l'Eglise, et aux biens ecclésiastiques ; les autres sont attachées à la personne des ecclésiastiques qui desservent l'église ; d'autres enfin sont attachées à la seule qualité d'ecclésiastique.

La première espèce d'immunités qui est de celles attachées à l'édifice même de l'église, et aux biens ecclésiastiques, consiste 1°. en ce que ces sortes de biens sont hors du commerce. Les églises sont mises en droit dans la classe des choses appelées res sacrae, et sont du nombre de celles que les lois appellent res nullius, parce qu'elles n'appartiennent proprement à personne ; elles sont hors du patrimoine, et ne peuvent être engagées, vendues, ni autrement aliénées.

Nous n'avons pourtant pas là-dessus tout à fait les mêmes idées que les Romains ; car selon nos mœurs, quoique les églises n'appartiennent proprement à personne, cependant par leur destination elles sont attachées à certaines personnes plus particulièrement qu'à d'autres ; ainsi chaque église cathédrale est le chef-lieu du diocèse ; chaque église paroissiale est propre à ses paraissiens ; les églises monachales appartiennent chacune à quelque ordre ou congrégation, et ainsi des autres ; de sorte qu'on pourrait plutôt mettre les églises dans la classe des choses appelées en droit res communes, dont la propriété n'appartient à personne, mais dont l'usage est commun à tout le monde.

Les biens d'église ne peuvent être engagés, vendus, ni autrement aliénés, sans une nécessité ou utilité évidente pour l'église, et sans y observer certaines formalités qui sont une enquête de commodo et incommodo, l'autorisation de l'Evêque diocésain, le consentement du patron s'il y en a un, qu'il y ait des publications faites en justice en présence du ministère public, enfin que le contrat d'aliénation soit homologué par le juge royal.

2°. La prescription des biens d'église ne peut être acquise que par quarante ans, à la différence des biens des particuliers, qui, selon le droit commun, se prescrivent par dix ans entre présents, et vingt ans entre absens avec titre, et par trente ans sans titre.

3°. L'immunité des églises consiste en ce qu'elles sont tenues en franche aumône. Le seigneur, qui donne un fonds pour construire une église, cimetière ou autre lieu sacré, ne se réserve ordinairement aucun droit ni devoir sur les biens par lui donnés, auquel cas on tient communément qu'il ne reste plus ni foi ni juridiction sur le fonds, du-moins quant à la chose, mais non pas quant aux personnes qui sont toujours justiciables du juge du lieu ; et même quoique le seigneur ne perçoive aucune redevance sur le fonds, et qu'on ne lui en passe point de déclaration ou aveu, il ne perd pas pour cela sa directe ni son droit de justice sur le fonds même, de sorte que s'il est nécessaire de faire quelqu'acte de juridiction dans l'église même, ses officiers sont constamment en droit de le faire.

Le seigneur conserve aussi sur le fonds-aumôné le droit de patronage.

On distingue la pure-aumône de la tenure en franche-aumône ; la première est quand on donne à l'église des biens temporels, produisant un revenu sur lesquels le fief et la juridiction demeurent, soit au donateur, s'il a le fief et la juridiction sur le lieu, soit au seigneur, si le donateur ne l'est pas ; les héritages donnés à l'église en pure-aumône sont tenus franchement, et sans en payer aucune redevance ni autre droit, si ce n'est ad obsequium precum.

Mais l'église ne possède en franche-aumône ou pure-aumône que ce qui lui a été donné à ce titre ; ses autres biens sont sujets aux mêmes lois que ceux des particuliers.

4°. Une autre immunité des églises, c'était le droit d'asîle ; mais ce privilège n'appartenait pas singulièrement à l'église, car il tirait son origine de ce que dans la loi de Moïse, Dieu avait lui-même établi six villes de réfuge parmi les Israèlites, où les coupables pouvaient se mettre en sûreté, lorsqu'ils n'avaient pas commis un crime de propos délibéré. Les payens avaient aussi leurs asiles ; non-seulement les autels et les temples en servaient, mais aussi les tombeaux et les statues de héros. Il y a encore des villes en Allemagne, qui ont conservé ce droit d'asîle ; les palais des princes ont ce même privilège, et tous les souverains ont le droit d'asîle dans leurs états pour les sujets d'un autre prince, qui viennent s'y réfugier, à moins que l'intérêt commun des puissances ne demande que le coupable soit rendu à son souverain.

A l'égard des églises, c'étaient les asiles les plus inviolables ; dans leur institution ils ne devaient servir que pour les infortunés et ceux que le hasard ou la nécessité exposaient à la rigueur de la loi ; mais dans la suite on en fit un usage odieux, en les faisant servir à protéger indifféremment et les coupables malheureux et les plus grands scelérats.

L'empereur Arcadius fut le premier qui abolit ces asiles, à l'instigation d'Eutrope son favori ; il fit entr'autres choses une loi pour assujettir les oeconomes des églises à payer les dettes des réfugiés que les clercs refusaient de livrer. Eutrope eut bientôt lieu de se repentir de ce qu'il avait fait faire ; car l'année d'après il fut obligé de venir chercher dans l'église de Constantinople l'asîle qu'il avait voulu fermer aux autres. Cependant Arcadius ne pouvant résister aux cris du peuple qui demandait Eutrope, envoya pour l'arracher de l'autel ; une troupe de soldats vint assiéger l'église l'épée à la main. Eutrope se cacha dans la sacristie ; S. Jean Chrisostome, patriarche de cette église, se présenta pour apaiser la fureur des soldats. Ils se saisirent de lui, et le menèrent au palais comme un criminel ; mais il toucha tellement l'empereur et ceux qui étaient présents par ses larmes et par ce qu'il leur dit sur le respect dû aux saints autels, qu'il obtint enfin qu'Eutrope demeurerait en sûreté, tant qu'il serait dans cet asile. Il en sortit quelques jours après dans l'espérance de se sauver, mais il fut pris et banni, et dans la même année il eut la tête tranchée. Après sa mort, Arcadius rétablit l'immunité des églises.

Théodore le jeune fit en 431 une loi concernant les asiles dans les églises. Elle porte que les temples dédiés doivent être ouverts à tous ceux qui sont en péril, et qu'ils seront en sûreté non-seulement près de l'autel mais dans tous les bâtiments qui dépendent de l'église, pourvu qu'ils y entrent sans armes. Cette loi fut faite à l'occasion d'une profanation qui était arrivée nouvellement dans une église de Constantinople ; une troupe d'esclaves s'y étant réfugiée près du sanctuaire, s'y maintint les armes à la main pendant plusieurs jours, au bout desquels ils s'égorgèrent eux-mêmes.

L'empereur Léon fit aussi en 466 une loi, portant défense sous peine capitale, de tirer personne des églises, ni d'inquieter les évêques et les oeconomes pour les dettes des réfugiés dont on les rendait responsables suivant la loi d'Arcadius.

Les évêques et les moines profitèrent de ces dispositions favorables des souverains pour étendre cette immunité à tous les bâtiments qui étaient des dépendances de l'église. Ils marquaient même au dehors une enceinte, au-delà de laquelle ils plantaient des bornes pour limiter la juridiction séculière. Ces couvens devenaient comme autant de forteresses où le crime était à l'abri, et bravait la puissance du magistrat.

Nous avons d'anciens conciles qui ont fait des canons pour conserver aux églises le droit d'asile. L'approbation que les souverains y donnaient, contribua beaucoup à faire faire ces decrets.

En Italie et dans plusieurs autres endroits, les églises et autres lieux saints sont encore des asiles pour les criminels. On y a même donné à ce privilège plus d'étendue qu'il n'avait anciennement.

En France, sous la première race de nos rais, le droit d'asîle dans les églises était aussi un droit très-sacré. L'église de S. Martin de Tours était un asîle des plus respectables ; on ne pouvait le violer sans se rendre coupable d'un sacrilège des plus scandaleux.

Les conciles tenus alors dans les Gaules, recommandaient de ne point attenter aux asiles que l'on cherchait dans les églises.

L'immunité fut étendue jusqu'au parvis des églises, aux maisons des évêques, et à tous les autres lieux renfermés dans leurs enceintes, afin de ne pas obliger les réfugiés de rester continuellement dans l'église, où plusieurs actions nécessaires à la vie ne pourraient se faire avec bienséance.

Lorsqu'il n'y avait point de porche ou de parvis et cimetière fermé, l'immunité s'étendait sur un arpent de terre autour de l'église, comme il est dit dans un decret de Clotaire, qui est à la suite de la loi salique, §. XIIIe

Les réfugiés avaient la liberté de faire venir des vivres, et c'eut été violer l'immunité ecclésiastique, que de les en empêcher. On ne pouvait les tirer de cet asile, sans leur donner une assurance juridique de la vie et de la remission de leurs crimes, sans qu'ils fussent sujets à aucune peine.

Charlemagne fit sur cette matière deux capitulaires fort différents ; l'un en 779, portant que les criminels dignes de mort suivant les lais, qui se réfugient dans l'église, n'y doivent point être protégés, et qu'on ne doit point les y tenir, ni leur porter à manger ; l'autre qui fut fait en 788, porte au contraire que les églises serviront d'asîle à ceux qui s'y réfugieront ; qu'on ne les condamnera à mort, n'y à mutilation de membre.

Mais il faut observer qu'on en exceptait certains crimes, pour lesquels on n'accorde jamais de grâce.

L'église ne pouvait pas non plus servir d'asîle aux criminels qui s'étaient évadés de prison.

Lorsque le criminel avait le temps de se retirer dans un lieu d'asile, avant que la justice se fût emparée de lui, alors elle ne pouvait lui faire son procès ; mais au bout de huit jours elle pouvait l'obliger de forjurer le pays, suivant ce qui est dit en l'ancienne coutume de Normandie, chap. xxiv.

Philippe-le-Bel défendit de tirer les coupables des églises, où ils étaient réfugiés, sinon dans les cas où le droit l'autorisait.

Enfin, François I. par son ordonnance de 1539, art. 166, ordonne qu'il n'y aurait lieu d'immunité pour dettes ni autres matières civiles, et que l'on pourra prendre toutes personnes en lieu de franchise, sauf à les réintégrer, quand il y aura decret de prise de corps décerné à l'encontre d'eux sur les informations, et qu'il sera ainsi ordonné par le juge ; tel est le dernier état de l'immunité ecclésiastique par rapport au droit d'asile.

Pour ce qui est des immunités qui peuvent appartenir aux ecclésiastiques, soit en corps, ou en particulier, les princes chrétiens, pour marquer leur respect envers l'église dans la personne de ses ministres, ont accordé aux ecclésiastiques plusieurs privilèges, exemptions et immunités, soit par rapport à leur personne ou à leurs biens ; ces privilèges sont certainement favorables ; on ne prétend pas les contester.

Mais il ne faut pas croire, comme quelques ecclésiastiques l'ont prétendu, que ces privilèges soient de droit divin, ni que l'église soit dans une indépendance absolue de la puissance séculière.

Il est constant que l'église est dans l'état et sous la protection du souverain ; les ecclésiastiques sujets et citoyens de l'état par leur naissance, ne cessent pas de l'être par leur consécration ; leurs biens personnels, et ceux mêmes qui ont été donnés à l'église (en quoi l'on ne comprend point les offrandes et oblations), demeurent pareillement sujets aux charges de l'état, sauf les privilèges et exemptions que les ecclésiastiques peuvent avoir.

Ces privilèges ont reçu plus ou moins d'étendue, selon les pays, les temps et les conjonctures, et selon que le prince était disposé à traiter plus ou moins favorablement les ecclésiastiques, et que la situation de l'état le permettait.

Si on recherche ce qui s'observait par rapport aux ministres de la religion sous la loi de Moïse, on trouve que la tribu de Lévi fut soumise à Saul, de même que les onze autres tribus, et si elle ne payait aucune redevance, c'est qu'elle n'avait point eu de part dans les terres, et qu'il n'y avait alors d'autre imposition que le cens qui était dû à cause des fonds.

Jésus-Christ a dit qu'il n'était pas venu pour délier les sujets de l'obéissance des rois ; il a enseigné que l'église devait payer le tribut à César, et en a donné lui-même l'exemple, en faisant payer ce tribut pour lui et pour ses apôtres.

La doctrine de S. Paul est conforme à celle de J. C. Toute âme, dit-il, est sujette aux puissances. S. Ambraise, évêque de Milan, disait à un officier de l'empereur : si vous demandez des tributs, nous ne vous les refusons pas, les terres de l'église paient exactement le tribut. S. Innocent, pape, écrivait en 404 à S. Victrice, évêque de Rouen, que les terres de l'église payaient le tribut.

Les ecclésiastiques n'eurent aucune exemption ni immunité jusqu'à la fin du troisième siècle. Constantin leur accorda de grands privilèges ; il les exempta des corvées publiques ; on ne trouve cependant pas de loi qui exemptât leurs biens d'impositions.

Sous Valents, ils cessèrent d'être exempts des charges publiques ; car dans une loi qu'il adressa en 370 à Modeste, préfet du prétoire, il soumet aux charges des villes les clercs qui y étaient sujets par leur naissance, et du nombre de ceux que l'on nommait curiales, à moins qu'ils n'eussent été dix ans dans le clergé.

Honorius ordonna en 412 que les terres des églises seraient sujettes aux charges ordinaires, et les affranchit seulement des charges extraordinaires.

Justinien, par sa novelle 37, permet aux évêques d'Afrique de rentrer dans une partie des biens, dont les Ariens les avaient dépouillés, à condition de payer les charges ordinaires ; ailleurs il exempte les églises des charges extraordinaires seulement ; il n'exempta des charges ordinaires qu'une partie des boutiques de Constantinople, dont le loyer était employé aux frais des sépultures, dans la crainte que, s'il les exemptait toutes, cela ne préjudiciât au public.

Les papes mêmes et les fonds de l'église de Rome, ont été tributaires des empereurs romains ou grecs jusqu'à la fin du huitième siècle. S. Grégoire recommandait aux défenseurs de Sicîle de faire cultiver avec soin les terres de ce pays, qui appartenaient au saint siège, afin que l'on put payer plus facilement les impositions dont elles étaient chargées. Pendant plus de cent vingt ans, et jusqu'à Benait II, le pape était confirmé par l'empereur, et lui payait 20 liv. d'or ; les papes n'ont été exempts de tous tributs, que depuis qu'ils sont devenus souverains de Rome et de l'exarchat de Ravenne, par la donation que Pepin en fit à Etienne III.

Lorsque les Romains eurent conquis les Gaules, tous les ecclésiastiques, soit gaulois ou romains, étaient sujets aux tributs, comme dans le reste de l'empire.

Depuis l'établissement de la monarchie française, on suivit pour le clergé ce qui se pratiquait du temps des empereurs, c'est-à-dire que nos rois exemptèrent les ecclésiastiques d'une partie des charges personnelles ; mais ils voulurent que les terres de l'église demeurassent sujettes aux charges réelles.

Sous la première et la seconde race de nos rais, temps où les fiefs étaient encore inconnus, les ecclésiastiques devaient déjà, à cause de leurs terres, le droit de giste ou procuration, et le service militaire ; ces deux devoirs continuèrent d'être acquittés par les ecclésiastiques encore longtemps sous la troisième race.

Le droit de giste et de procuration consistait à loger et nourrir le roi et ceux de sa suite, quand il passait dans quelque lieu où des ecclésiastiques seculiers ou réguliers avaient des terres ; ils étaient aussi obligés de recevoir ceux que le roi envoyait de sa part dans les provinces.

A l'égard du service militaire, lorsqu'il y avait guerre, les églises étaient obligées d'envoyer à l'armée leurs vassaux et un certain nombre de personnes, et de les y entretenir ; l'évêque ou l'abbé devait être à la tête de ses vassaux. Quelques-uns de nos rais, tel que Charlemagne, dispensèrent les prélats de se trouver en personne à l'armée, à condition d'envoyer leurs vassaux sous la conduite de quelque autre seigneur ; il y avait des monastères qui payaient au roi une somme d'argent pour être déchargés du service militaire.

Outre le droit de giste et le service militaire, les ecclésiastiques fournissaient encore quelquefois au roi des secours d'argent pour les besoins extraordinaires de l'état. Clotaire I. ordonna en 558 ou 560, qu'ils payeraient le tiers de leur revenu ; tous les évêques y souscrivirent, à l'exception d'Injuriosus, évêque de Tours, dont l'opposition fit changer le roi de volonté ; mais si les ecclésiastiques firent alors quelque difficulté de payer le tiers, il est du-moins constant qu'ils payaient au roi, ou autre seigneur duquel ils tenaient leurs terres, la dixme ou dixième partie des fruits, à l'exception des églises qui en avaient obtenu l'exemption, comme il parait par une ordonnance du même Clotaire de l'an 560, en sorte que l'exemption de la dixme était alors une des immunités de l'église. Chaque église était dotée suffisamment, et n'avait de dixme ou dixième portion que sur les terres qu'elle avait données en bénéfice. Dans la suite les exemptions de dixme étant devenues fréquentes en faveur de l'église, de même que les concessions du droit actif de dixmes, on a regardé les dixmes comme étant ecclésiastiques de leur nature.

Les églises de France étaient aussi dès lors sujettes à certaines impositions. En effet, Grégoire de Tours rapporte que Theodebert, roi d'Austrasie, petit-fils de Clovis, déchargea les églises d'Auvergne de tous les tributs qu'elles lui payaient. Le même auteur nous apprend que Childebert, aussi roi d'Austrasie et petit-fils de Clotaire I. affranchit pareillement le clergé de Tours de toutes sortes d'impôts.

Charles Martel, qui sauva dans tout l'Occident la religion de l'invasion des Sarrasins, fit contribuer le clergé de France à la récompense de la noblesse qui lui avait aidé à combattre les infidèles ; l'opinion commune est qu'il ôta aux ecclésiastiques les dixmes pour les donner à ses principaux officiers ; et c'est de-là que l'on tire communément l'origine des dixmes inféodées ; mais Pasquier, en ses recherches, liv. III. cap. xxxxij, et plusieurs autres auteurs tiennent que Charles Martel ne prit pas les dixmes ; qu'il prit seulement une partie du bien temporel des églises, surtout de celles qui étaient de fondation royale, pour le donner à la noblesse française, et que l'inféodation des dixmes ne commença qu'au premier voyage d'outremer, qui fut en 1096. On a même vu, par ce qui a été dit il y a un moment, que l'origine de ces dixmes inféodées remonte beaucoup plus haut.

Il est certain d'ailleurs que sous la seconde race, les ecclésiastiques, aussi bien que les seigneurs et le peuple, faisaient tous les ans chacun leur don au roi en plein parlement, et que ce don était un véritable tribut, plutôt qu'une libéralité volontaire ; car il y avait une taxe sur le pied du revenu des fiefs, aleux et autres héritages que chacun possédait. Les historiens en font mention sous les années 826 et suivantes.

Fauchet dit qu'en 833 Lothaire reçut à Compiègne les présents que les évêques, les abbés, les comtes et le peuple faisaient au Roi tous les ans, et que ces présents étaient proportionnés au revenu de chacun ; Louis le Débonnaire les reçut encore des trois ordres à Orléans, Worms et Thionville en 835, 836 et 837.

Chaque curé était obligé de remettre à son évêque la part pour laquelle il devait contribuer à ces dons annuels, comme il parait par un concîle de Toulouse tenu en 846, où il est dit que la contribution que chaque curé était obligé de fournir à son évêque, consistait en un minot de froment, un minot d'orge, une mesure de vin et un agneau ; le tout était évalué deux sols, et l'évêque avait le choix de le prendre en argent ou en nature.

Outre ces contributions annuelles que le clergé payait comme le reste du peuple, Charles le Chauve, empereur, fit en 877 une levée extraordinaire de deniers, tant sur le clergé que sur le peuple ; ayant résolu, à la prière de Jean VIII. dans une assemblée générale au parlement, de passer les monts pour faire la guerre aux Sarrasins qui ravageaient les environs de Rome et tout le reste de l'Italie, il imposa un certain tribut sur tout le peuple, et même sur le clergé. Fauchet, dans la vie de cet empereur, dit que les évêques levaient sur les prêtres, c'est-à-dire, sur les curés et autres bénéficiers de leur diocèse, cinq sols d'or pour les plus riches, et quatre deniers d'argent pour les moins aisés ; que tous ces deniers étaient mis entre les mains de gens commis par le Roi ; on prit même quelque chose du trésor des églises pour payer ce tribut ; cette levée fut la seule de cette espèce qui eut lieu sous la seconde race.

On voit aussi, par les actes d'un synode tenu à Saissons en 853, que nos rois faisaient quelquefois des emprunts sur les fiefs de l'Eglise. En effet, Charles le Chauve, qui fut présent à ce synode, renonça à faire ce que l'on appelait praestarias, c'est-à-dire, de ces sortes d'emprunts, ou du-moins des fournitures, devoirs ou redevances, dont les fiefs de l'Eglise étaient chargés.

On n'entrera point ici dans le détail des subventions que le clergé de France a fourni dans la suite à nos rais, cela étant déjà expliqué aux mots décimes et don gratuit.

Les ecclésiastiques sont exempts comme les nobles de la taille, mais ils paient les autres impositions, comme tous les sujets du roi, telles que les droits d'aides et autres droits d'entrée.

Ils sont exempts du logement des gens de guerre, si ce n'est en cas de nécessité.

On les exempte aussi des charges publiques, telles que celles de tutele et curatelle, et des charges de ville, comme de guet et de garde, de la mairie et échevinage ; mais ils ne sont pas exempts des charges de police, comme de faire nettoyer les rues au devant de leurs maisons, et autres obligations semblables.

Une des principales immunités dont jouit l'église, c'est la juridiction que les souverains lui ont accordée sur ses membres, et même sur les laïcs dans les matières ecclésiastiques ; c'est ce que l'on traitera plus particulièrement au mot JURISDICTION ECCLESIASTIQUE.

L'ordonnance de Philippe-le-Bel en 1302 dit que si on entreprend quelque chose contre les privilèges du clergé qui lui appartiennent de jure vel antiquâ consuetudine, restaurabuntur ad egardum concilii nostri ; on rappelle par-là toutes les immunités de l'église aux règles de la justice et de l'équité.

On ne reconnait point en France les immunités accordées aux églises et au clergé par les bulles des papes, si ces bulles ne sont revêtues de lettres patentes dû.ment enregistrées.

Les libertés de l'église gallicane sont une des plus belles immunités de l'église de France. Voyez LIBERTES.

Voyez les conciles, les historiens de France, les ordonnances de la seconde race, les mémoires du clergé.

Voyez aussi les traités de immunitate ecclesiasticâ par Jacob Wimphelingus, celui de Jean Hyeronime Albanus. (A)

IMMUNITE, (Histoire greq.) les immunités que les villes grecques, et surtout celle d'Athènes, accordaient à ceux qui avaient rendus des services à l'état, portaient sur des exemptions, des marques d'honneur et autres bienfaits.

Les exemptions consistaient à être déchargés de l'entretien des lieux d'exercices, du festin public à une des dix tribus, et de toute contribution pour les jeux et les spectacles.

Les marques d'honneur étaient des places particulières dans les assemblées, des couronnes, le droit de bourgeoisie pour les étrangers, celui d'être nourri dans le pritanée aux dépens du public, des monuments, des statues, et semblables distinctions qu'on accordait aux grands hommes, et qui passaient quelquefois dans leurs familles. Athènes ne se contenta pas d'ériger des statues à Harmodius et à Aristogiton ses libérateurs, elle exempta à perpétuité leurs descendants de toutes charges, et ils jouissaient encore de ce glorieux privilège plusieurs siècles après. Ainsi tout mérite était sur d'être récompensé dans les beaux jours de la Grèce ; tout tendait à faire germer les vertus et à allumer les talents, le désir de la gloire et l'amour de la patrie. (D.J.)