S. m. (Jurisprudence) signifie en général une action qui cause la mort d'autrui.

On entend aussi par le terme d'homicide, celui qui commet cette action, et le crime que renferme cette action.

Il y a cependant certaines actions qui causent la mort d'autrui, que l'on ne qualifie pas d'homicides, et que l'on ne considère pas comme un crime ; ainsi les gens de guerre, qui tuent des ennemis dans le combat, ne sont pas qualifiés d'homicides ; et lorsque l'on execute un condamné à mort, cela ne s'appelle pas un homicide, mais une exécution à mort, et celui qui donne ainsi la mort, ne commet point de crime, parce qu'il le fait en vertu d'une autorité légitime.

Suivant les lois divines et humaines, l'homicide volontaire est un crime qui mérite la mort.

On voit dans le chap. iv. de la Genèse, que Caïn ayant commis le premier homicide en la personne de son frère, sa condamnation fut prononcée par la voix du Seigneur, qui lui dit que le sang de son frère criait contre lui, qu'il serait maudit sur la terre ; que quand il la labourerait, elle ne lui porterait point de fruit ; qu'il serait vagabond et fugitif. Caïn lui-même dit que son iniquitté était trop grande pour qu'elle put lui être pardonnée ; qu'il se cacherait de devant la face du Seigneur, et serait errant sur la terre ; et que quiconque le trouverait, le tuerait. Il reconnaissait donc qu'il avait mérité la mort.

Cependant le Seigneur voulant donner aux hommes un exemple de miséricorde, et peut-être aussi leur apprendre qu'il n'appartient pas à chacun de s'ingérer de donner la mort, même envers celui qui la mérite, dit à Caïn que ce qu'il craignait n'arriverait pas ; que quiconque le tuerait, serait puni sept fois ; et il mit un signe en Caïn, afin que quiconque le trouverait, ne le tuât point. Caïn se retira donc de la présence du Seigneur, et habita, comme fugitif, vers l'orient d'Eden.

Il est parlé dans le même chapitre de Lamech, qui ayant tué un jeune homme, dit à ce sujet à ses femmes, que le crime de Caïn serait vangé sept fais, mais que le sien serait puni soixante-dix-sept fais. S. Chrysostome dit que c'est parce qu'il n'avait pas profité de l'exemple de Caïn.

Dans le chapitre IXe où Dieu donne diverses instructions à Noé, il lui dit que celui qui aura répandu le sang de l'homme, son sang sera aussi répandu ; car Dieu, est-il dit, a fait l'homme à son image.

Le quatrième article du Décalogue défend de tuer indistinctement.

Les lois civiles que contient l'Exode, chap. xxj. portent entr'autres choses, que qui frappera un homme, le voulant tuer, il mourra de mort ; que s'il ne l'a point tué de guet-à-pens, mais que Dieu l'ait livré entre ses mains, Dieu dit à Moyse qu'il ordonnera un lieu où le meurtrier se retirera ; que si par des embuches quelqu'un tue son prochain, Moyse l'arrachera de l'autel, afin qu'il meure ; que si un homme en frappe un autre avec une pierre ou avec le poing, et que le battu ne soit pas mort, mais qu'il ait été obligé de garder le lit, s'il se lève ensuite, et marche dehors avec son bâton, celui qui l'a frappé sera réputé innocent, à la charge néanmoins de payer au battu ses vacations pour le temps qu'il a perdu, et le salaire des médecins ; que celui qui aura frappé son serviteur ou sa servante, et qu'ils soient morts entre ses mains, il sera puni ; que si le serviteur ou la servante battus survivent de quelques jours, il ne sera point puni ; que si dans une rixe quelqu'un frappe une femme enceinte, et la fait avorter sans qu'elle en meure, le coupable sera tenu de payer telle amende que le mari demandera, et que les arbitres régleront ; mais que si la mort s'ensuit, il rendra vie pour vie, oeil pour oeil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brulure pour brulure, plaie pour plaie, meurtrissure pour meurtrissure.

Ces mêmes lois voulaient que le maître d'un bœuf fût responsable de son délit ; que si l'animal avait causé la mort, il fût lapidé, et que le maître lui-même qui aurait déjà été averti, et n'aurait pas renfermé l'animal, mourrait pareillement ; mais que si la peine lui en était imposée, il donnerait pour racheter sa vie tout ce qu'on lui demanderait : mais il ne parait pas que l'on eut la même faculté de racheter la peine de l'homicide que l'on avait commis personellement.

Le livre des Nombres, chap. 35. contient aussi plusieurs règlements pour la peine de l'homicide ; savoir, que les Israèlites désigneraient trois villes dans la terre de Chanaan, et trois au-delà du Jourdain, pour servir de retraite à tous ceux qui auraient commis involontairement quelque homicide ; que quand le meurtrier serait réfugié dans une de ces villes, le plus proche parent de l'homicidé ne pourrait le tuer jusqu'à ce qu'il eut été jugé en présence du peuple ; que celui qui aurait tué avec le fer serait coupable d'homicide, et mourrait ; que celui qui aurait frappé d'un coup de pierre ou de bâton, dont la mort se serait ensuivie, serait puni de même ; que le plus proche parent du défunt tuerait l'homicide aussi-tôt qu'il pourrait le saisir ; que si de dessein prémédité quelqu'un faisait tomber quelque chose sur un autre qui lui causât la mort, il serait coupable d'homicide, et que le parent du défunt égorgerait le meurtrier aussi-tôt qu'il le trouverait ; que si, par un cas fortuit et sans aucune haine, quelqu'un causait la mort à un autre, et que cela fût reconnu en présence du peuple, et après que la question aurait été agitée entre le meurtrier et les proches du défunt, que le meurtrier serait délivré comme innocent de la mort de celui qui voulait vanger la mort, et serait ramené en vertu du jugement dans la ville où il s'était réfugié, et y demeurerait jusqu'à la mort du grand-prêtre. Si le meurtrier était trouvé hors des villes de refuge, celui qui était chargé de vanger la mort de l'homicidé, pouvait sans crime tuer le meurtrier, parce que celui-ci devait rester dans la ville jusqu'à la mort du grand-prêtre ; mais, après la mort de celui-ci, l'homicide pouvait retourner dans son pays. Ce règlement devait être observé à perpétuité. On pouvait prouver l'homicide par témoins ; mais on ne pouvait pas condamner sur la déposition d'un seul témoin. Enfin, celui qui était coupable d'homicide, ne pouvait racheter la peine de mort en argent, ni ceux qui étaient dans des villes de refuge racheter la peine de leur exil.

Jesus-Christ, dans S. Matthieu, chap. Ve dit que celui qui tuera, sera coupable de mort, reus erit judicio ; et dans S. Jean, chap. 18. lorsque Pilate dit aux Juifs de juger Jesus-Christ selon leur loi, ils lui répondirent qu'il ne leur était pas permis de tuer personne : ainsi l'on observait dès-lors qu'il n'y avait que les juges qui pussent condamner un homme à mort.

Enfin, pour parcourir toutes les lois que l'Ecriture-sainte nous offre sur cette matière, il est dit dans l'Apocalypse, chap. 22. que les homicides n'entreront point dans le royaume de Dieu.

Chez les Athéniens, le meurtre involontaire n'était puni que d'un an d'exil ; le meurtre de guet-à-pens était puni du dernier supplice. Mais ce qui est de singulier, est qu'on laissait au coupable la liberté de se sauver avant que le juge prononçât sa sentence ; et si le coupable prenait la fuite, on se contentait de confisquer ses biens, et de mettre sa tête à prix. Il y avait à Athènes trois tribunaux différents où les homicides étaient jugés ; savoir, l'aréopage pour les assassinats prémédités, le palladium pour les homicides arrivés par cas fortuits, et le delphinium pour les homicides volontaires, mais que l'on soutenait légitimes.

La première loi qui fut faite sur cette matière chez les Romains, est de Numa Pompilius ; elle fut insérée dans le code papyrien. Suivant cette loi, quiconque avait tué un homme de guet-à-pens (dolo), était puni de mort comme un homicide ; mais s'il ne l'avait tué que par hasard et par imprudence, il en était quitte pour immoler un bélier par forme d'expiation. La première partie de cette loi de Numa contre les assassinats volontaires, fut transportée dans les douze tables, après avoir été adoptée par les décemvirs.

Tullus Hostilius fit aussi une loi pour la punition des homicides. Ce fut à l'occasion du meurtre commis par un des Horaces ; il ordonna que les affaires qui concerneraient les meurtres, seraient jugées par les décemvirs ; que si celui qui était condamné, appelait de leur sentence au tribunal du peuple, cet appel aurait lieu comme étant légitime ; mais que si par l'événement la sentence était confirmée, le coupable serait pendu à un arbre, après avoir été fustigé ou dans la ville ou hors des murs. La procédure que l'on tenait en cas d'appel, est très-bien détaillée par M. Terrasson en son histoire de la Jurisprudence Romaine sur la seizième loi du code papyrien, qui fut formée de cette loi de Tullus Hostilius.

La loi que Sempronius Gracchus fit dans la suite sous le nom de loi Sempronia, de homicidiis, ne changea rien à celles de Numa et de Tullus Hostilius.

Mais Lucius Cornelius Sylla, étant dictateur, l'an de Rome 673, fit une loi connue sous le nom de loi Cornelia de sicariis. Quelque temps après la loi des douze tables, les meurtriers furent appelés sicarii, du mot sica qui signifiait une petite épée recourbée que l'on cachait sous sa robe. Cette espèce de poignard était défendue, et l'on dénonçait aux triumvirs ceux que l'on en trouvait saisis, à moins que cet instrument ne fût nécessaire au métier de celui qui le portait, par exemple si c'était un cuisinier qui eut sur lui un couteau.

Suivant cette loi Cornelia, si le meurtrier était élevé en dignité, on l'exilait seulement ; si c'était une personne de moyen état, on la condamnait à perdre la tête ; enfin, si c'était un esclave, on le crucifiait, ou bien on l'exposait aux bêtes sauvages.

Dans la suite, il parut injuste que le commun du peuple fût puni plus rigoureusement que les personnes élevées en dignité ; c'est pourquoi il fut résolu que la peine de mort serait générale pour toutes les personnes qui se rendraient coupables de meurtre ; et quoique Cornelius Sylla n'ait point été l'auteur de tous les changements que sa loi éprouva, néanmoins toutes les nouvelles dispositions que l'on y ajouta en divers temps, furent confondues avec la loi Cornelia, de sicariis.

On tenait pour sujets aux rigeurs de la loi Cornelia, de sicariis, non seulement ceux qui avaient effectivement tué quelqu'un, mais aussi celui qui, à dessein de tuer, s'était promené avec un dard, ou qui avait préparé du poison, qui en avait eu ou vendu. Il en était de même de celui qui avait porté faux témoignage contre quelqu'un, ou si un magistrat avait reçu de l'argent pour une affaire capitale.

Les senatusconsultes mirent aussi au nombre des meurtriers ceux qui auraient châtré quelqu'un, soit par esprit de débauche, ou pour en faire trafic, ou qui auraient circoncis leurs enfants, à moins que ce ne fussent des Juifs, enfin tous ceux qui auraient fait des sacrifices contraires à l'humanité.

On exceptait seulement de la loi Cornelia ceux qui tuaient un transfuge, ou quelqu'un qui commettait violence, et singulièrement celui qui attentait à l'honneur d'une femme.

Les anciennes lois des Francs traitent du meurtre, qui était un crime fréquent chez les peuples barbares.

Les capitulaires défendent tout homicide commis par vengeance, avarice, ou à dessein de voler. Il est dit que les auteurs seront punis par les juges du mandement du roi, et que personne ne sera condamné à mort que suivant la loi.

Celui qui avait tué un homme pour une cause légère ou sans cause, était envoyé en exil pour autant de temps qu'il plaisait au roi. Il est dit dans un autre endroit des capitulaires, que celui qui avait fait mourir quelqu'un par le fer, était coupable d'homicide, et méritait la mort ; mais le coupable avait la faculté de se racheter, en payant aux parents du défunt une composition appelée vuirgildus, qui était proprement l'estimation du dommage causé par la mort du défunt ; on donnait ordinairement une certaine quantité de bétail, les biens du meurtrier n'étaient pas confisqués.

Pour connaître si l'accusé était coupable de l'homicide qu'on lui imputait, on avait alors recours aux différentes épreuves appelées purgation vulgaire, dont l'usage continua encore pendant plusieurs siècles.

Suivant les établissements de S. Louis, quand un homme, en se battant, en tuait un autre qui l'avait blessé auparavant, il nétait pas condamné à mort ; mais si un des parents de l'homicidé assurait que le défunt l'avait chargé de vanger sa mort, on ordonnait le duel entre les parties, et le vaincu était pendu.

On trouve encore, dans les anciennes ordonnances, plusieurs dispositions assez singulières par rapport à l'homicide.

Par exemple, à Abbeville, suivant la charte de commune donnée à cette ville par le roi Jean en 1350, si un bourgeois en tuait un autre par hasard ou par inimitié, sa maison devait être abattue ; si on pouvait l'arrêter, les bourgeois lui faisaient son procès ; s'il s'échappait, et qu'au bout d'un an il implorât la miséricorde des échevins, il devait d'abord recourir à celle des parents ; s'il ne les trouvait pas, après s'être livré à la miséricorde des échevins, il pouvait revenir dans la ville, et si ses ennemis l'attaquaient, ils se rendaient coupables d'homicide.

Dans des lettres de Guy, comte de Nevers, de l'année 1231, confirmées en 1356 par Charles, régent du royaume, il est dit que l'on pourra arrêter les bourgeois de Nevers accusés d'homicide, lorsqu'il se présentera quelqu'un qui s'engagera à prouver qu'ils l'ont commis, ou qu'ils auront été pris sur le fait, et que l'on pourra les tirer hors de leur juridiction.

Dans des lettres que le même prince donna l'année suivante, en faveur des habitants de Villefranche en Périgord, il est dit que les biens d'un homicide condamné à mort dans cette ville, appartenaient au roi, les dettes du condamné préalablement payées.

A Peronne, suivant la charte de commune donnée à cette ville par Philippe-Auguste, et confirmée par Charles V. en 1368, celui qui tuait dans le château ou dans la banlieue de Peronne un homme de la commune de ce lieu, était puni de mort, à moins qu'il ne se réfugiât dans une église ; sa maison était détruite, et ses biens confisqués. S'il s'échappait, il ne pouvait revenir dans le territoire de la commune qu'après s'être accommodé avec les parents, et en payant à la commune une amende de dix livres. La même chose s'observait aussi à cet égard dans plusieurs autres lieux. Quand l'accusé de meurtre ne pouvait être convaincu, il devait se purger par serment devant les échevins.

La charte de commune de Tournay, qui est de l'année 1370, porte que si un bourgeois ou habitant de Tournay blesse ou tue un étranger qui l'a attaqué, il ne sera point puni et que ses biens ne seront point confisqués ; parce que les biens d'un étranger qui, en se défendant, aurait tué un bourgeois ou un habitant de Tournay, ne seraient pas confisqués ; que les bourgeois et habitants de Tournay qui, en se défendant, auront blessé ou tué un étranger qui les aura attaqués, pourront, après s'être accommodés avec la partie, obtenir du roi des lettres de grâce, et être rétablis dans l'habitation de cette ville.

Suivant l'usage présent, tout homme qui en tue un autre, mérite la mort ; le crime est plus ou moins grave, selon les circonstances : l'assassinat prémédité est de tous les homicides le plus criant, aussi n'accorde-t-on point de lettres de grâce à ceux qui en sont auteurs ou complices.

L'édit d'Henri II. du mois de Juillet 1557 prononce en ce cas la peine de mort sur la roue, sans que cette peine puisse être commuée ; ce qui est confirmé par l'ordonnance de Blais, art. cxcjv. qui défend d'accorder pour ce crime aucunes lettres de grâce.

L'article suivant concernant ceux qui se louent pour tuer, battre et outrager, veut que la seule machination et attentat soit puni de mort, encore que l'effet n'eut pas suivi.

Ces lettres de remission s'accordent pour les homicides involontaires, ou qui sont commis dans la nécessité d'une légitime défense de la vie. Voyez l'ordonnance de 1670, tit. XVIe art. IIe et IVe

L'homicide volontaire de soi-même était autrefois autorisé chez quelques nations, quoique d'ailleurs assez policées ; c'était la coutume dans l'île de Céa, que les vieillards caducs se donnassent la mort. Et à Marseille, du temps de Valere-Maxime, on gardait publiquement un breuvage empoisonné que l'on donnait à ceux qui ayant exposé au sénat les raisons qu'ils avaient de s'ôter la vie, en avaient obtenu la permission. Le sénat examinait leurs raisons avec un certain tempérament, qui n'était ni favorable à une passion téméraire de mourir, ni contraire à un désir légitime de la mort, soit qu'on voulut se délivrer des persécutions et de la mauvaise fortune, ou qu'on ne voulut pas courir le risque d'être abandonné de son bonheur ; mais ces principes contraires à la saine raison et à la religion ne pouvaient convenir à la pureté de nos mœurs : aussi parmi nous l'homicide de soi-même est puni ; on fait le procès au cadavre de celui qui s'est donné la mort. Cette procédure était absolument inconnue aux Romains ; ils n'imaginaient pas que l'on dû. faire subir une peine à quelqu'un qui n'existait plus, et à un cadavre qui n'a point de sentiment : mais parmi nous, ces exécutions se font pour l'exemple, et pour inspirer aux vivants de l'horreur de ces sortes d'homicides. Voyez ASSASSINAT, COMBAT en CHAMP-CLOS, DUEL, MEURTRE, PARRICIDE. (A)