S. f. (Jurisprudence) signifie en général avertissement ; quelquefois ce terme se prend pour la publication d'un monitoire : mais on entend plus communément par monition, et surtout lorsqu'on y ajoute l'épithète de monition canonique, un avertissement fait par l'autorité de quelque supérieur ecsiastique à un clerc, de corriger ses mœurs qui causent du scandale.

L'usage des monitions canoniques est tracé dans l'évangîle selon saint Matthieu, chap. XVIIIe lorsque J. C. dit à ses disciples : " Si votre frère peche contre vous, remontrez-le lui en particulier ; s'il ne vous écoute pas, prenez un ou deux témoins avec vous ; s'il ne les écoute pas, dites-le à l'Eglise ; s'il n'écoute pas l'Eglise, qu'il vous soit comme les payens et les publicains. "

Dans l'Eglise primitive, ces sortes de monitions n'étaient que verbales, et se faisaient sans formalités ; la disposition des anciens canons ne leur donnait pas moins d'effet : il était ordonné que celui qui aurait méprisé ces monitions, serait privé de plein droit de son bénéfice.

Il parait par un concile, tenu en 625 ou 630, dans la province de Rheims, du temps de Sonnatius qui en était archevêque, que l'on faisait des monitions.

Mais les formalités judiciaires, dont on accompagne ordinairement ces monitions, ne furent introduites que par le nouveau Droit canonique. On tient qu'Innocent III. lequel monta sur le saint siege en 1198, en fut l'auteur ; comme il parait par un de ses decrets adressé à l'évêque de Parnies.

L'Esprit du concîle de Trente était que ces monitions, procédures et condamnations, se fissent sans bruit et sans éclat, lorsqu'il dit que la correction des mœurs des personnes ecclésiastiques appartient aux évêques seuls, qui peuvent, sine strepitu et figurâ judicii, rendre des ordonnances : et il serait à souhaiter que cela put encore se faire comme dans la primitive Eglise ! Mais la crainte que les supérieurs ne portassent leur autorité trop loin, ou que les inférieurs n'abusassent de la douceur de leurs juges, a fait que nos Rois ont astreint les ecclésiastiques à observer certaines règles dans ces procédures et condamnations.

Quoique toutes les personnes ecclésiastiques soient sujettes aux mêmes lais, le concîle de Trente, sess. XXV. ch. xiv. fait voir que les bénéficiers, pensionnaires, ou employés à quelque office ecclésiastique, sont obligés, encore plus étroitement que les simples clercs, à observer ce qui est contenu dans les canons ; c'est pourquoi il veut que les ecclésiastiques du second ordre, bénéficiers, pensionnaires, ou ayant emploi et offices dans l'église, lorsqu'ils sont connus pour concubinaires, soient punis par la privation, pour 3 mois, des fruits de leur bénéfice, après une monition, et qu'ils soient employés en œuvres pies ; qu'en cas de récidive, après la seconde monition, ils soient privés du revenu total pendant le temps qu'il sera avisé par l'ordinaire des lieux ; et après la troisième monition, en cas de récidive, qu'ils soient privés pour toujours de leur bénéfice ou emploi, déclarés incapables de les posséder, jusqu'à ce qu'il paraisse amendement, et qu'ils aient été dispensés : que si après la dispense obtenue, ils tombent dans la récidive, ils soient chargés d'excommunication et de censures, déclarés incapables de jamais posséder aucuns bénéfices.

A l'égard des simples clercs, le même concîle veut qu'après les monitions, en cas de récidive, ils soient punis de prison, privés de leurs bénéfices, déclarés incapables de les posséder, ni d'entrer dans les ordres.

Ces monitions canoniques peuvent pourtant encore être faites en deux manières.

La première, verbalement par l'évêque ou autre supérieur, dans le secret suivant le précepte de l'Evangîle ; c'est celle dont les évêques se servent le plus ordinairement : mais il n'est pas sur de procéder extraordinairement après de pareilles monitions, y ayant des accusés qui dénient d'avoir reçu ces monitions verbales, et qui en font un moyen d'abus au parlement.

La seconde forme de monition, est celle qui se fait par des actes judiciaires, de l'ordre de l'évêque ou de l'official ; à la requête du promoteur ; c'est la plus sure et la plus juridique.

Les évêques ou le promoteur doivent avant de procéder aux monitions, être assurés du fait par des dénonciations en forme, à moins que le fait ne fût venu à leur connaissance par la voix et clameur publique : alors le promoteur peut rendre plainte à l'official, faire informer, et après les monitions faire informer suivant l'exigence des cas.

Après la première monition, le délai expiré, on peut continuer l'information sur la récidive, et sur le réquisitoire du promoteur, qui peut donner sa requête à l'official, pour voir déclarer les peines portées par les canons, encourues.

En vertu de l'ordonnance de l'official, le promoteur fait signifier une seconde monition, après laquelle on peut encore continuer l'information sur la récidive.

Sur les conclusions du promoteur, l'official rend un decret que l'on signifie avec la troisième monition.

Si après l'interrogatoire l'accusé obéit aux monitions, les procédures en demeurent là ; c'est l'esprit de l'Eglise qui ne veut pas la mort du pécheur, mais sa conversion.

Si au contraire l'accusé persévère dans ses désordres, on continue l'instruction du procès à l'extraordinaire, par récolement et confrontation.

Quand les monitions n'ont été que verbales, si l'accusé les dénie, on en peut faire preuve par témoins.

On peut faire des monitions aux ecclésiastiques pour tout ce qui touche la décence et les mœurs, pour les habillements peu convenables à l'état ecclésiastique, pour le défaut de résidence, et en général pour tout ce qui touche l'observation des canons et des statuts synodaux.

Les censures que le juge d'Eglise prononce, doivent être précédées des monitions canoniques.

On fait ordinairement trois monitions, entre chacune desquelles on laisse un intervalle au moins de deux jours, pour donner le temps de se reconnaître à celui qui est menacé d'excommunication. Cependant quand l'affaire est extraordinairement pressée, on peut diminuer le temps d'entre les monitions, n'en faire que deux, ou même qu'une seule en avertissant dans l'acte que cette seule et unique monition tiendra lieu des trois monitions canoniques, attendu l'état de l'affaire qui ne permet pas que l'on suive les formalités ordinaires. Voyez Duperray, titre de l'état et capacité des ecclésiastiques. Les Mémoires du clergé, et le Recueil des procédures de l'officialité, par Descombes. (A)