legitima, seu portio lege debita, (Jurisprudence) est une portion assurée par la loi sur la part héréditaire que l'on aurait eu, sans les dispositions entre vifs ou testamentaires qui ont donné atteinte à cette part.

La loi n'accorde cette portion qu'à l'héritier présomptif, auquel le défunt était naturellement obligé de laisser la subsistance, et qui pourrait intenter la querelle d'inofficiosité.

Quelques auteurs, tels que le Brun en son traité des successions, attribuent l'origine de la légitime à la loi glicia ; nous ne savons pas précisément en quel temps cette loi fut faite, comme il sera dit ci-après au mot LOI, à l'article loi glicia. On voit seulement que le jurisconsulte Caïus, qui vivait sous l'empire de Marc-Aurele, fit un commentaire sur cette loi ; mais il parait que l'on a confondu la querelle d'inofficiosité avec légitime ; que la loi glicia n'introduisit que la querelle d'inofficiosité, et que le droit de légitime était déjà établi.

Papinien dit que la légitime est quarta legitimae partis, ce qui nous indique l'origine de la légitime. Cujas avoue cependant en plusieurs endroits de ses observations, qu'il n'a pu la découvrir ; mais Janus Acosta, ad princ. institut. de inoff. testam. et d'après lui Antoine Schultingius, in Jurisprudence antejustinianaea, p. 381. prétendent avec assez de fondement que la légitime tire son origine de la loi falcidia, faite sous le triumvirat d'Auguste, laquelle permet à l'héritier de retenir le quart de l'hérédité, quelque disposition que le testateur ait pu faire au contraire.

Et en effet le jurisconsulte Paulus, liv. IV. recept. sentent. tit. 5. et Vulpien dans la loi 8. § 9 et 14. ff. de inoff. testam. disent positivement que la quarte falcidie est dû. aux héritiers qui pourraient intenter la plainte d'inofficiosité ; d'où il parait qu'anciennement la légitime et la falcidie étaient la même chose. Voyez QUARTE FALCIDIE.

Mais on cessa de les confondre ensemble depuis que Justinien eut ordonné par ses novelles 18 et 92, que dorénavant la légitime serait du tiers s'il y avait quatre enfants ou moins, et de la moitié s'il y avait cinq enfants ou davantage.

C'est de ces novelles qu'a été tirée l'authentique de triente et de semisse, qui dit que cette portion est un bienfait de la loi et non pas du père.

La légitime a lieu quand il y a des donations entre vifs ou testamentaires si excessives, que l'héritier est obligé d'en demander la réduction, pour avoir la portion que la loi lui assure.

En pays coutumier, où l'institution n'a pas lieu, et où les testaments ne sont proprement que des codicilles, la querelle d'inofficiosité n'est ordinairement qu'une simple demande en légitime.

Celui qui est donataire ou légataire, et qui ne se trouve pas rempli de sa légitime, a l'action en supplément.

Le donataire contre lequel le légitimaire demande la réduction de la donation pour avoir sa légitime, a une exception pour retenir sur sa donation, autant qu'il lui serait dû à lui-même pour sa légitime.

La légitime est un droit qui n'est ouvert qu'à la mort de celui sur les biens duquel elle est dû. ; un enfant ne peut, sous quelque prétexte que ce sait, en demander une à son père de son vivant, même sous prétexte que le père aurait marié et doté, ou établi autrement quelques autres enfants.

Pour être légitimaire il faut être héritier, et n'avoir pas renoncé à la succession ; et en effet les lois romaines veulent que la légitime soit laissée non pas quocumque titulo, mais à titre d'institution. En pays coutumier, le légitimaire est saisi de plein droit et peut demander partage, et l'on traite avec lui de même qu'avec un héritier, comme il parait par l'imputation qui se fait sur la légitime ; imputation qui est un véritable rapport par l'obligation de fournir des corps héréditaires pour la légitime, le jet des lots qui se pratique avec le légitimaire, et la garantie active et passive qui a lieu entre lui et les autres héritiers.

Cependant lorsque tous les biens de la succession ne suffisent pas pour payer les dettes, l'enfant qui veut avoir sa légitime, peut, sans se porter héritier, la demander au dernier donataire.

Le fils ainé prend non-seulement sa légitime naturelle, mais il la prend avec le préciput que la loi accorde aux ainés.

La légitime est quelquefois qualifiée de créance, ce qui s'entend selon le Droit naturel ; car selon le Droit civil, elle ne passe qu'après toutes les dettes, soit chirographaires ou hypothécaires ; elle a néanmoins cet avantage qu'elle se prend sur les immeubles qui ont été donnés, avant que les dettes fussent constatées, et sur les meubles que le défunt a donnés de son vivant, au lieu que les créanciers n'ont aucun droit fur ces biens.

Toute rénonciation à une succession soit échue ou future, lorsqu'elle est faite aliquo dato, exclud les enfants du renonçant de demander aucune part en la succession, même à titre de légitime.

Une rénonciation gratuite exclud pareillement les enfants du renonçant, de pouvoir demander une légitime, à moins que le renonçant ne fût fils unique, parce qu'en ce cas ses enfants viennent de leur chef, et non par représentation.

Une fille qui aurait renoncé par contrat de mariage, pourrait néanmoins revenir pour sa légitime, supposé qu'elle fût mineure lors de sa renonciation, qu'elle souffrit une lésion énorme, et qu'elle prit des lettres de rescision dans les dix ans de sa majorité.

Un fils majeur qui aurait accepté purement et simplement le legs à lui fait pour lui tenir lieu de légitime, ne serait pas recevable à revenir pour sa légitime : on le juge pourtant autrement dans les parlements de Droit écrit.

Nous ne voyons point de coutumes qui privent absolument les enfants de toute légitime ; les plus dures sont celles qui excluent de la succession les filles mariées, quand même elles n'auraient eu qu'un chapeau de roses en mariage, ou mariage avenant, lequel tient lieu de légitime.

Suivant le Droit romain, les enfants naturels n'ont point droit de légitime dans la succession de leur père, quoiqu'ils soient appelés pour deux onces à sa succession, lorsqu'il ne laisse point de femme ni d'enfants légitimes.

A l'égard de la succession de la mère, le Droit romain y donne une légitime aux bâtards, quand même la mère serait de condition illustre ; pourvu qu'elle n'ait point d'enfants légitimes ; mais les bâtards incestueux ou adultérins, ou qu'elle aurait eu pendant sa viduité lorsqu'elle est de condition illustre, n'ont point de légitime.

Le Droit français ne distingue point et ne donne aucune légitime aux bâtards, mais simplement des aliments.

Néanmoins dans quelques coutumes singulières, telles que S. Omer et Valenciennes, où les bâtards succedent à leur mère concurremment avec les enfants légitimes ; ils ont aussi droit de légitime.

Les enfants légitimés par mariage subséquent ont pareillement droit de légitime, quand même il y aurait des enfants d'un mariage intermédiaire entre leur naissance et leur légitimation, et ne peut même par le contrat de mariage subséquent qui opère cette légitimation, déroger au droit que les légitimés ont pour la légitime ; car cette dérogation à la légitime serait elle-même un avantage sujet à la légitime.

Lorsque le père a réduit son fils à un simple usufruit, dans le cas de la loi si furioso, les créanciers du fils peuvent demander la distraction de la légitime.

La loi fratres, au code de inoff. testam. donne aussi une légitime aux frères germains ou consanguins, lorsque le défunt avait disposé de ses biens par testament au profit d'une personne infame d'une infamie de droit ; l'usage a même étendu cette querelle d'inofficiosité aux donations entre-vifs ; et dans les pays coutumiers l'infamie de droit est un moyen pour faire anéantir toute la disposition.

En pays de Droit écrit, et dans quelques coutumes, comme Bordeaux et Dax, les ascendants ont droit de légitime dans la succession de leurs enfants décédés sans postérité légitime.

La légitime des enfants par le droit du digeste, était la quatrième partie de la succession ; mais par la novelle 18, d'où est tirée l'authentique novissima, les enfants ont le tiers lorsqu'ils ne sont que quatre ou un moindre nombre, et la moitié s'ils sont cinq ou plus ; la novelle 18 a réglé pareillement la légitime des ascendants au tiers.

Quelques coutumes ont réglé la légitime, conformément au droit écrit, comme Rheims et Melun.

D'autres, comme Paris, Orléans, Calais, et Chaunes, ont réglé la légitime à la moitié de ce que les enfants auraient eu si les père et mère n'eussent pas disposé à leur préjudice.

D'autres enfin ne règlent rien sur la quotité de la légitime, et dans celle-ci on se conforme à la coutume de Paris, si ce n'est dans quelques coutumes voisines des pays de droit écrit, où l'on suit l'esprit du droit romain.

La légitime de droit qui est celle dont on parle ici, est différente de la légitime coutumière qui n'est autre chose que ce que les coutumes réservent aux héritiers présomptifs, soit directs ou collatéraux.

La légitime doit être laissée librement, et ne peut être grévée d'aucune charge.

Pour fixer sa quotité, on fait une masse de toutes les donations et de tous les biens délaissés au temps du décès de celui de cujus.

On compte ensuite le nombre de ceux qui font part dans la supputation de la légitime.... Dans ce nombre ne sont point compris ceux qui ont renoncé à la succession tout à fait gratuitement ; mais on compte ceux qui n'ont renoncé qu'aliquo dato vel retento.

Pour le payement de la légitime on épuise d'abord les biens extants dans la succession, ensuite toutes les dispositions gratuites, en commençant par les dispositions testamentaires, et premièrement les institutions d'héritier, et les legs universels, ensuite les legs particuliers.

Si ces objets ne suffisent pas, le légitimaire est en droit de se pourvoir contre les donataires entrevifs, en s'adressant d'abord aux derniers, et remontant de l'un à l'autre, suivant l'ordre des donations, jusqu'à ce que le légitimaire soit rempli ; bien entendu que chaque donataire est lui-même en droit de retenir sa légitime.

La dot, même celle qui a été fournie en deniers, est sujette au retranchement pour la légitime, dans le même ordre que les autres donations, soit que la légitime soit demandée pendant la vie du mari, ou qu'elle ne le soit qu'après sa mort ; et quand il aurait joui de la dot pendant plus de 30 ans, ou même quand la fille dotée aurait renoncé à la succession par son contrat de mariage ou autrement, ou qu'elle en serait excluse de droit, suivant la disposition des lois, coutumes, ou usages.

La légitime se règle eu égard au temps de la mort, tant par rapport aux biens que l'on doit faire rentrer dans la masse, que par rapport au nombre des personnes que l'on doit considérer pour fixer la quotité de la légitime.

On impute sur la légitime tout ce que le légitimaire a reçu à titre de libéralité de ceux sur les biens desquels il demande la légitime, tel que les donations entre-vifs, les prélegs, tout ce qui a été donné au légitimaire pour lui former un établissement, comme un office, un titre clérical, une bibliothèque, des frais et habits de noces, et généralement tout ce qui est sujet à rapport.

La légitime doit être fournie en corps héréditaires ; cependant le légitimaire ne peut pas demander que l'on morcelle les biens, s'ils ne peuvent pas se partager commodément.

Les fruits et intérêts de la légitime courent du jour de la mort.

L'action que le légitimaire a contre les héritiers et donataires, dure pendant 30 ans, à compter du décès de celui qui donne ouverture à la légitime ; car pendant sa vie elle n'est pas sujette à prescription, et ne peut être purgée par decret, attendu que le droit n'est pas encore ouvert.

Voyez les novelles 18, 101, 115, et 117, les traités de legitimâ, par Benavidius, Merlinus, Carnalhus, et celui de la Champagne ; Bouchel et la Peyrere, au mot légitime, et autres auteurs qui traitent des successions. (A)

LEGITIME des ascendants est celle que le droit romain donne aux père, mère, et à leur défaut, à l'ayeul et ayeule, sur les biens de leurs enfants ou petits-enfants décédés sans postérité. Voyez ce qui est dit ci-devant au mot LEGITIME. (A)

LEGITIME des collatéraux est celle que le droit donne aux frères germains ou consanguins, lorsque le défunt a disposé de ses biens par testament, au profit d'une personne infame. Voyez la loi fratres, au code de inoff. testam. (A)

LEGITIME COUTUMIERE, est la portion des propres ou autres biens que les coutumes réservent à l'héritier, nonobstant toutes dispositions testamentaires qui seraient faites : au contraire on l'appelle coutumière, parce qu'elle est opposée à la légitime de droit ; c'est la même chose que ce que l'on appelle les réserves coutumières. Voyez RESERVES. (A)

LEGITIME DE DROIT, est celle qui est établie par le Droit romain, à la différence des réserves coutumières qu'on appelle légitime coutumière.

LEGITIME DES FRERES. Voyez ci-devant LEGITIME DES COLLATERAUX.

LEGITIME DE GRACE, est celle dont la quotité dépend de l'arbitrage du juge, c'est-à-dire, celle que le juge accorde aux enfants sur les biens que leurs ancêtres ont substitués, et dont les père et mère décédés sans autres biens, n'étaient que fidei-commissaires ; cette légitime a lieu sur les biens substitués au défaut de biens libres ; les petits-enfants ne la peuvent obtenir sur les biens de leur ayeul, que quand ils n'ont pas d'ailleurs d'établissement suffisant pour leur condition ; on la règle ordinairement à la moitié de la légitime de droit. Voyez la Peyrere, édition de 1717, let. L. p. 215. Albert, verbo LEGITIME, art. j. Voyez aussi Cambolas, et le journal du palais, à la date du 14 Mai 1672. (A)

LEGITIME DU MARI. Voyez DON MOBILE, CCESSIONSION, undè vir et uxor.

LEGITIME DE LA MERE. Voyez ci-devant LEGITIME DES ASCENDANS.

LEGITIME NATURELLE, est la même chose que la légitime de droit. Voyez ci-devant LEGITIME DE DROIT.

LEGITIME DU PERE. Voyez ci-devant LEGITIME DES ASCENDANS.

LEGITIME STATUAIRE, est celle qui est réglée par le statut ou la coutume de chaque province ; c'est la même chose que ce que l'on appelle légitime coutumière, ou réserves coutumières. (A)

LEGITIME, exquisitus, , (Pathologie) épithète que les anciens donnaient aux maladies dont les symptômes étaient conformes à la cause qui était censée les produire le plus constamment ; ils appelaient par exemple, une fièvre tierce légitime, lorsque les symptômes qui l'accompagnaient annonçaient un caractère bilieux dans le sang, une pléthore, surabondance de bîle ; lorsque le fébril était extrêmement vif, aigu, pénétrant, les vomissements, diarrhées, rapports bilieux, la langue jaune, la chaleur forte, âcre, les maux de tête violents, les sueurs abondantes, les accès assez courts, l'apyrexie bien décidée, etc. Si les accès revenans tous les deux jours n'étaient pas suivis de ces symptômes, s'ils étaient longs et modérés, par exemple, ils l'appelaient alors fausse ou bâtarde, nothia, spuria, pensant qu'une autre cause conjointement à la bile, ou même sans elle, les avait produites.

L'on explique aujourd'hui l'idée des anciens en d'autres paroles à l'ordinaire ; on donne le nom de légitime aux maladies dont tous les symptômes, surtout les principaux pathognomoniques, sont bien évidemment marqués. Ainsi une pleurésie sera censée légitime, si la fièvre est violente, la douleur de côté très-aiguè, la difficulté de respirer très-grande, le pouls vite, dur, et serré ; si ces symptômes manquent en nombre ou en intensité, la pleurésie est appelée fausse, .

On a encore étendu ce nom aux maladies qui ont leur siège dans la partie où est le principal symptôme, et on l'a refusé à celles qui quoique excitant à-peu-près les mêmes phénomènes, étaient situées dans d'autres parties. La pleurésie nous fournit encore un exemple pour éclaircir ceci ; lorsque le siège de l'inflammation est dans la plèvre ou les muscles intercostaux internes, elle est légitime ; si elle attaque les parties extérieures, elle est appelée bâtarde. Il y a comme on voit dans ces dénominations souvent beaucoup d'hypothétique et d'arbitraire.

Il n'est pas rare de voir dans des écrivains trop peu exacts et rigoureux ce nom confondu avec ceux de primaire, essentiel, idiopathique : quoique la distinction ne soit peut-être pas de grande importance, elle n'en est pas moins réelle. Article de M. MENURET.