S. m. (Jurisprudence) est un contrat de gage par lequel le débiteur engage quelque chose à son créancier, jusqu'à ce qu'il lui ait payé ce qui lui est dû. sans que les fruits et intérêts s'imputent sur le principal de la dette.

Le mort-gage, ou gage-mort est opposé au vif-gage, dont les fruits sont imputés sur le principal qui diminue à proportion.

Dans quelques coutumes, les pères avantagent quelques-uns de leurs enfants par des morts-gages, en leur donnant la jouissance d'une terre, jusqu'à ce qu'un autre enfant la rachette pour un certain prix.

Le terme de mort-gage signifie aussi quelquefois un bien engagé qui ne se peut racheter ; c'est en ce sens que la coutume de Tournai, tit. des fiefs, art. 33 et 35 parle des fiefs donnés à morts-gages.

Quelquefois au contraire gage-mort se prend pour la jouissance d'un bien, donné sous la condition de le rendre au bon plaisir de celui qui l'a ainsi engagé, c'est alors une possession fiduciaire ; ainsi tenir une hoirie à mort-gage, c'est l'avoir jure fiduciario.

Enfin, mort-gage, ou gage-mort se dit quelquefois pour le gage que l'on donne pour la délivrance du bétail pris en débit sur le mort-gage. Voyez l'anc. coutume de Normandie, ch. xx. Loiseau, du déguerpiss. liv. I. ch. VIIe les coutumes d'Artais et de Lille et le gloss. de Laurière, au mot mort-gage. Voyez aussi GAGE et MARIAGE à mort-gage.

MORTIER, s. m. en Architecture, composition de chaux, de sable, etc. mêlés avec de l'eau qui sert à lier les pierres, etc. dans les bâtiments. Voyez BATIMENT, CIMENT.

Les anciens avaient une espèce de mortier si dur et si liant, que, malgré le temps qu'il y a que les bâtiments qui nous restent d'eux durent, il est impossible de séparer les pierres du mortier de certains d'entr'eux ; il y a cependant des personnes qui attribuent cette force excessive au temps qui s'est écoulé depuis qu'ils sont construits, et à l'influence de quelques propriétés de l'air qui durcit en effet certains corps d'une manière surprenante. Voyez AIR.

On dit que les anciens se servaient, pour faire leur chaux, des pierres les plus dures, et même de fragments de marbre. Voyez CHAUX.

Delorme observe que le meilleur mortier est celui fait de pozzolane, au lieu de sable, ajoutant qu'il pénètre même les pierres à feu, et que de noires il les rend blanches. Voyez POZZOLANE.

M. Worledge nous dit que le sable fin fait du mortier faible, et que le sable plus rond fait de meilleur mortier : il ordonne donc de laver le sable avant que de le mêler ; il ajoute que l'eau salée affoiblit beaucoup le mortier. Voyez SABLE.

Wolf remarque que le sable doit être sec et pointu, de façon qu'il pique les mains lorsqu'on s'en frotte ; et qu'il ne faut pas cependant qu'il soit terreux, de façon à rendre l'eau sale lorsqu'on l'y lave.

Nous apprenons de Vitruve que le sable fossîle seche plus vite que celui des rivières, d'où il conclut que le premier est plus propre pour les dedans des bâtiments, et le dernier pour les dehors : il ajoute que le sable fossîle exposé longtemps à l'air devient terreux. Palladio avertit que le sable le plus mauvais est le blanc, et qu'il faut en attribuer la raison à son manque d'aspérité.

La proportion de la chaux et du sable varie beaucoup dans notre mortier ordinaire. Vitruve prescrit trois parties de sable fossîle et deux de rivière contre une de chaux ; mais il me parait qu'il met trop de sable. A Londres et aux environs, la proportion du sable à la chaux vive est de 36 à 25 ; dans d'autres endroits, on met parties égales des deux.

Manière de mêler le mortier. Les anciens maçons, selon Felibien, étaient si attentifs à cet article, qu'ils employaient constamment pendant un long espace de temps dix hommes à chaque bassin, ce qui rendait le mortier d'une dureté si prodigieuse que Vitruve nous dit que les morceaux de plâtre qui tombaient des anciens bâtiments servaient à faire des tables : Felibien ajoute que les anciens maçons prescrivaient à leurs manœuvres comme une maxime de le délayer à la sueur de leurs sourcils, voulant dire par-là de le mêler longtemps au lieu de le noyer d'eau pour avoir plutôt fait.

Outre le mortier ordinaire dont on se sert pour placer des pierres, des briques, etc. il y a encore d'autres espèces de mortiers, comme :

Le mortier blanc dont on se sert pour plâtrer les murs et les plafonds, et qui est compose de poil de bœuf mêlé avec de la chaux et de l'eau sans sable.

Le mortier dont on se sert pour faire les aqueducs, les citernes, etc. est très-ferme et dure longtemps. On le fait de chaux et de graisse de cochon qu'on mêle quelquefois avec du jus de figues, ou d'autres fois avec de la poix liquide : après qu'on l'a appliqué, on le lave avec de l'huîle de lin. Voyez CITERNE.

Le mortier pour les fourneaux se fait d'argille rouge, qu'on mêle avec de l'eau où on a fait tremper de la fiente de cheval et de la suie de cheminée Voyez FOURNEAU.

On se plaint journellement du peu de solidité des bâtiments modernes ; cette plainte parait très-bien fondée, et il est certain que ce défaut vient du peu de soin que l'on apporte à faire un mortier durable, tandis que les anciens ne négligeaient rien pour sa solidité. D'abord la bonté du mortier dépend de la qualité de la chaux que l'on y emploie ; plus la pierre à chaux que l'on a calcinée est dure et compacte, plus la chaux qui en résulte est bonne. Les Romains sentaient cette vérité, puisque, lorsqu'il s'agissait de bâtir de grands édifices, ils n'employaient pour l'ordinaire que de la chaux de marbre. La bonté du mortier dépend encore de la qualité du sable que l'on mêle avec la chaux ; un sable fin parait devoir s'incorporer beaucoup mieux avec la chaux qu'un sable grossier ou un gravier, Ve que les pierres qui composent ce dernier doivent nuire à la liaison intime du mortier. Enfin, il parait que le peu de solidité du mortier des modernes vient du peu de soin que l'on prend pour le gâcher : ce qui fait que le sable ne se mêle qu'imparfaitement à la chaux.

M. Shaw, célèbre voyageur anglais, observe que les habitants de Tunis et des côtes de Barbarie bâtissent de nos jours avec la même solidité que les Carthaginois. Le mortier qu'ils emploient est composé d'une partie de sable, de deux parties de cendres de bois, et de trois parties de chaux. On passe ces trois substances au tamis, on les mêle bien exactement, on les humecte avec de l'eau, et on gâche ce mélange pendant trois jours et trois nuits consécutives, sans interruption, pour que le tout s'incorpore parfaitement ; &, pendant ce temps, on humecte alternativement le mélange avec de l'eau et avec de l'huîle : on continue à remuer le tout jusqu'à ce qu'il devienne parfaitement homogène et compacte. Voyez Shaw, Voyage en Afrique. (-)

MORTIER, (Jurisprudence) est une espèce de toque ou bonnet qui était autrefois l'habillement de tête commun, et dont on a fait une marque de dignité pour certaines personnes.

Le mortier a été porté par quelques empereurs de Constantinople, dans la ville de Ravenne : l'empereur Justinien est représenté avec un mortier enrichi de deux rangs de perle.

Nos rois de la première race ont aussi usé de cet ornement, ceux de la seconde et quelques-uns de la troisième race s'en servirent aussi. Charlemagne et S. Louis sont représentés dans certaines vieilles peintures avec un mortier ; Charles VI. est représenté en la grand'chambre avec le mortier sur la tête.

Lorsque nos rois quittèrent le palais de Paris pour en faire le siège de leur parlement, ils communiquèrent l'usage du mortier et autres ornements à ceux qui y devaient présider afin de leur attirer plus de respect ; le mortier des présidents au parlement est un reste de l'habit des chevaliers, parce qu'il est de velours et qu'il y a de l'or.

Le chancelier et le garde des sceaux portent un mortier de toîle d'or, bordé et rebrassé d'hermine.

Le premier président du parlement porte le mortier de velours noir, bordé de deux galons d'or. Les autres présidents n'ont qu'un seul galon ; le greffier en chef porte aussi le mortier.

Autrefois le mortier se mettait sur la tête dessous le chaperon, présentement ceux qui portent le mortier le tiennent à la main, il y a néanmoins quelques cérémonies où ils le mettent encore sur la tête comme aux entrées des rois et des reines, ils le portent aussi en cimier sur leurs armes.

Les barons le portent aussi au-dessus de leur écusson avec des filets de perles. Voyez le Traité des signes des pensées, par Costadan, tom. IV. (A)

MORTIER, (Chimie) instrument fort connu et qui est commun à la Chimie et à plusieurs arts ; mais l'unique qualité requise dans cet instrument pour l'usage commun, c'est d'être plus dur que les matières qu'on veut y piler, afin que ses parois ne soient pas égrugés et usés, et que la pulvérisation n'y soit pas lente, difficîle ou impossible ; mais outre cette qualité qu'on peut appeler mécanique, et qui est nécessaire aussi pour les pulvérisations chimiques, l'on a égard encore dans ces dernières opérations à la nature chimique de la matière dont le mortier est composé, et à ses rapports avec les substances qui doivent être traitées dedans, aussi les Chimistes se sont-ils faits des mortiers de beaucoup de différentes matières pour y traiter sans inconvénient les différents sujets chimiques. Ils ont des mortiers de cuivre, de fer fondu, d'argent, de marbre, de granit, de verre, de bois. Les usages des mortiers de ces différentes matières sont déterminés par la connaissance que l'artiste doit avoir de l'action des différentes substances chimiques sur chacune de ces matières ; et quant aux préparations pharmaceutiques ou médicinales qu'on exécute au moyen de ces instruments, l'espèce en est ordinairement déterminée dans les pharmacopées, il y est dit, broyez dans un mortier d'airain, de marbre, etc. en général le grand mortier du laboratoire ou de la boutique doit plutôt être de fer fondu, que de cuivre ou de bronze. Ce dernier métal est attaqué par un très-grand nombre de substances, et ses effets dangereux sur les corps humains sont assez connus, voyez CUIVRE. Le petit mortier et la main des boutiques, celui dans lequel on prépare les potions, les juleps, les loochs, etc. doit être d'argent plutôt que de cuivre, par les raisons que nous venons d'alléguer pour la proscription de ce dernier métal, et parce que le mortier de fer nuirait à l'élégance de la plupart de ces préparations.

Tout ce que nous venons de dire du mortier convient également au pilon, instrument que tout le monde connait aussi, et dont l'usage est nécessairement lié avec celui du mortier, ou même qui ne fait proprement avec, qu'un même et seul instrument.

Ces considérations conviennent aussi généralement à tout vaisseau, et à la plupart des instruments chimiques et pharmaceutiques. Voyez INSTRUMENT, CHIMIE et VAISSEAU. (b)

MORTIER DE VEILLE. (Langue française) On appelle chez le roi de France, mortier de veille, un petit vaisseau d'argent qui a de la ressemblance au mortier à piler ; il est rempli d'eau sur laquelle surnage un morceau de cire jaune grosse comme le poing, pesant une demi-livre, et ayant un petit lumignon au milieu ; ce morceau de cire se nomme aussi mortier. On l'allume quand le roi est couché, et il brule toute la nuit dans un coin de sa chambre, conjointement avec une bougie qu'on allume en même temps dans un flambeau d'argent, au milieu d'un bassin d'argent qui est à terre. (D.J.)

MORTIER, LE, est dans l'Artillerie une espèce de canon plus court que le canon ordinaire, et de même métal, qui sert à jeter des bombes et quelquefois des grenades. Voyez BOMBE.

L'usage des mortiers est fort ancien. M. Blondel les croit du temps des plus vieux canons, et qu'ils ne servaient alors qu'à jeter des pierres et des boulets rouges. Les premières bombes jetées avec le mortier furent employées au siège de Vaclhtendonek en 1588 ; ce fut Malthus, ingénieur anglais, qui a le premier introduit l'usage des bombes en France dans l'attaque des places, et qui s'en servit d'abord au premier siège de la Motte en 1634. Le roi Louis XIII. avait fait venir cet ingénieur de Hollande.

Il y a plusieurs sortes de mortiers ; savoir, de 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, et même de 18 pouces de diamètre à leur bouche ; ils contiennent dans leurs chambres 2, 3, 4, 5, 6 et 12 livres de poudre.

Explication d'un mortier de douze pouces, contenant six livres de poudre, Pl. VII. de fortification, fig. 4. A sa culasse, B la lumière avec son bassinet, C les tourillons, D l'astragale de la lumière, E le premier renfort, F plate-bande de renfort chargé de son anse, et avec les moulures ; G la volée avec son ornement, H l'astragale du collet, I le collet, K le bourrelet, L l'embouchure ; l'âme, ce qui est ponctué depuis la bouche jusqu'au dessous de la plate-bande, la chambre ponctuée depuis le dessous de la plate-bande jusqu'à la lumière. Voyez Pl. VII. fig. 5. la bombe de ce mortier, et fig. 6. la coupe de cette bombe avec sa fusée. Voyez FUSEE DE LA BOMBE.

Il y a des mortiers dont la chambre est cylindrique, c'est-à-dire partout de même longueur, et le fond un peu arrondi. D'autres à chambre concave ou sphérique, parmi lesquelles chambres, il y en a à poire et à cone tronqué. Les chambres concaves et à poire n'ont pas le même inconvénient que dans le canon, parce que son peu de hauteur permet de l'écouvillonner exactement ; ainsi, nul inconvénient n'est à craindre à cet égard. Et comme ces chambres sont plus propres à l'inflammation de la poudre, que les cylindriques, il s'ensuit qu'elles sont les plus avantageuses pour le mortier.

Nous ajoutons ici ce que M. Belidor dit dans son Bombardier français sur les différentes chambres des mortiers. " L'on a imaginé, dit cet auteur, quatre sortes de chambres pour les mortiers : la première est celle que l'on nomme cylindrique, parce qu'en effet elle a la figure d'un cylindre, dont la lumière qui porte le feu à sa charge, répond au cercle du fond ; il y en a où ce fond se trouve un peu concave, afin qu'une partie de la poudre se trouvant au-dessous de la lumière, toute la charge puisse s'enflammer plus promptement ; car les chambres cylindriques ont cela de défectueux, que lorsqu'on y met beaucoup de poudre, il n'y a guère que celle qui se trouve au fond qui contribue à chasser la bombe, l'autre ne s'enflammant que quand elle est déjà partie ; et l'on a remarqué plusieurs fois que six livres de poudre ne chassaient la bombe guère plus loin, sous le même degré d'élévation que cinq livres, à cause que l'âme du mortier n'ayant que très-peu de longueur, la bombe ne parcourt pas un assez long espace avant que d'en sortir, pour recevoir l'impulsion de la poudre qui s'enflamme sur la fin, ce qui est un des plus grands défauts que puisse avoir une arme à feu ; dont la perfection se réduit à faire en sorte que toute la charge soit enflammée dans le moment que le corps qu'elle chasse est sur le point de partir.

Un autre défaut des chambres cylindriques, c'est qu'elles sont rarement bien coulées, l'axe étant presque toujours oblique à celui du mortier, au lieu qu'il devrait être le même, ce qui fait que l'action de la poudre n'embrassant point le culot de la bombe, pour la chasser directement, imprime sa force au-dessus et au-dessous, à droite ou à gauche, et écarte beaucoup la bombe de l'objet où on voulait la jetter. Il arrive un inconvénient beaucoup plus pernicieux encore, c'est que la bombe avant que de sortir du mortier le choque quelquefois avec tant de violence, qu'elle se casse en morceaux.

Plusieurs bombardiers assurent, que le plus grand nombre des mortiers cylindriques, dont on s'est servi dans la dernière guerre, étaient si sujets à casser les bombes, qu'ils avaient été obligés de les caler avec des éclisses afin qu'elles sortissent du mortier sans le toucher.

Il y a longtemps qu'on s'est aperçu que les mortiers cylindriques ne chassaient pas les bombes à des distances proportionnées à la quantité de poudre dont on les chargeait. C'est pourquoi on a inventé les chambres sphériques, où la poudre étant plus ramassée autour de la lumière, le feu put se porter plus promptement à toutes les parties de la poudre, pour s'enflammer à la ronde dans un instant, et non pas successivement comme dans les chambres cylindriques. Le diamètre du cercle qui forme l'entrée de la chambre étant plus petit que celui de la chambre même, il arrive que la poudre qui s'est enflammée la première ne rencontrant point d'abord une issue libre pour s'échapper, choque les parois de la chambre, s'agite avec une extrême violence, se réflechit sur elle-même, et allume celle qui ne l'était pas. Desorte que devenue un fluide à ressort, elle réunit tous ses efforts contre la bombe qu'elle chasse avec toute la force dont elle est capable. Les chambres sphériques seraient sans doute préférables à toutes les autres pour les armes à feu en général, si elles n'avaient le sort de toutes les machines, qui est de ne pouvoir être perfectionnées au point de les rendre exemptes de défauts. Le diamètre de l'entrée de cette chambre étant plus petit que celui de la chambre même, fait, comme on l'a déjà dit, que la poudre s'enflamme presque dans le même instant. Mais cet avantage est sujet à un inconvénient qui est que la difficulté que la poudre trouve d'abord à s'échapper, fait qu'elle tourmente extrêmement l'affut, la plate-forme et le mortier qu'il est presque impossible de maintenir sous l'angle où on l'avait pointé. Ainsi la bombe portant sous une direction différente que celle qu'on lui avait donnée, s'écarte beaucoup du but. (Nous avons Ve que cet inconvénient joint à celui de ne pouvoir écouvillonner exactement le canon, les a fait abandonner entièrement dans le canon).

Quand on ne veut pas tirer loin, et qu'on ne met dans la chambre qu'une petite quantité de poudre, il y reste un grand vide qui diminue beaucoup la charge, parce qu'elle n'est pas serrée, et l'on ne peut remplir ce vide de terre par la difficulté de l'étendre également. C'est pourquoi on se sert peu de ces mortiers pour l'attaque des places, les réservant quand on est obligé de faire un bombardement de fort loin ; alors ils sont excellents. On a cherché à conserver ce que ces chambres ont de bon, en corrigeant ce qu'elles ont de défectueux. C'est ce qu'on a fait dans les chambres à poire. Le fond de ces chambres est à-peu-près une demi-sphère, dont le diamètre du grand cercle détermine celui de la chambre. De-là les parois vont rencontrer l'entrée en adoucissant. Le diamètre en est un peu plus petit que celui du fond. L'avantage de cette chambre est que deux livres de poudre y font plus d'effet que trois dans le mortier cylindrique, toutes choses étant égales d'ailleurs. Ces mortiers ne sont pas sujets à casser leurs bombes, et l'on y met aussi peu de poudre que l'on veut, sans que cela leur ôte rien de la propriété qui leur est essentielle, qui est que la poudre se trouvant plus ramassée, s'enflamme à la ronde pour réunir tous ses efforts. Alors la flamme pouvant glisser, pour ainsi dire, contre les parois qui se trouvent depuis le milieu de la chambre jusqu'à l'entrée, sans être emprisonnée comme dans la chambre sphérique, elle s'échappe plus aisément, et ne tourmente point tant l'affut, et les machines dont on est obligé de se servir pour pointer.

Enfin l'on s'est servi dans ces derniers temps de mortiers à cone tronqué. Comme cette chambre est extrêmement évasée, la poudre s'y enflamme assez facilement ; mais aussi elle a la liberté de se dilater, sans rencontrer d'autre obstacle que la bombe, ce qui fait que la même quantité ne chasse pas tout à fait si loin que dans les mortiers à poire ; mais elle les chasse au-delà des cylindriques. La figure de ce mortier est plus commode que toutes les autres pour l'appuyer solidement contre les coins de mire, lorsqu'on veut le pointer sous quelque angle que ce sait, à cause que le métal y est uni. M. Bélidor ajoute que dans les différentes épreuves qu'il a faites, il n'a jamais tiré si juste qu'avec ce dernier mortier ".

Le mortier se place sur un affut, pour la facilité de son service. Voyez la description de celui qui lui est plus ordinaire, à la suite de celui du canon.

Pour faire connaître les principales dimensions du mortier, l'on joint ici la table suivante tirée de l'ordonnance du 7 Octobre 1732.

Table des dimensions du mortier de douze pouces de diamètre à chambre cylindrique et du mortier de huit pouces trois lignes aussi à chambre cylindrique.

Table des dimensions du mortier de 12 pouces de calibre, à chambre-poire, contenant 5 livres et demie de poudre.

Pour le prix que le roi paye pour la façon de chaque mortier, voyez la table suivante.

Table du prix des façons des mortiers et pierriers.

Des instruments nécessaires pour charger le mortier, et de la manière de le charger. Pour charger un mortier, il faut plusieurs instruments, comme pour charger le canon. Les principaux sont une dame ou une demoiselle du même calibre de la pièce, pour battre, refouler la terre ou le fourrage dont on couvre la poudre ; une racloire de fer pour nettoyer l'âme et la chambre du mortier ; et une petite cuillere pour nettoyer plus particulièrement la chambre de la poudre ; un couteau de bois d'un pied de long, pour serrer la terre autour de la bombe ; il est aussi besoin de dégorgeoirs, de coins de mire et de deux boutes-feu.

L'officier qui fait charger le mortier, ayant réglé la quantité de poudre dont il convient de le charger, fait mettre cette poudre dans la chambre du mortier ; après quoi il la fait couvrir de fourrage qu'il fait refouler avec la demoiselle. On recouvre ce fourrage de deux ou trois pellerées de terre qu'on refoule aussi ; après quoi on pose la bombe sur cette terre ; on la place le plus droit qu'il est possible au milieu du mortier, la fusée ou la lumière en-haut. On rejette de la terre dans le mortier, et on entoure la bombe de tous côtés ; on refoule cette terre avec le couteau dont on a parlé ; en sorte que la bombe soit fixe dans la situation où on l'a mise. Tout cela étant fait, l'officier pointe le mortier, c'est-à-dire qu'il lui donne l'inclinaison nécessaire pour faire tomber la bombe dans le lieu où on veut la faire aller. Lorsque le mortier est placé dans la situation convenable pour cet effet, on gratte la fusée, c'est-à-dire qu'on la décoèffe ; on fait aussi entrer le dégorgeoir dans la lumière pour la nettoyer. On la remplit de poudre très-fine ; et ensuite deux soldats prennent chacun l'un des deux boutefeux ; le premier met le feu à la fusée et le second au mortier. La bombe chassée par l'effort de la poudre Ve tomber vers le lieu où elle est destinée ; et la fusée qui doit se trouver à fin lors de l'instant où la bombe touche le lieu vers lequel elle est chassée, met dans ce même instant le feu à la poudre dont la bombe est chargée : cette poudre, en s'enflammant, brise et rompt la bombe en éclats qui se dispersent à peu-près circulairement autour du point de chute, et qui font des ravages considérables dans les environs.

Remarques. Si la fusée mettait le feu à la bombe avant qu'elle fût dans le lieu où on veut la faire tomber, la bombe creverait en l'air, et elle pourrait faire autant de mal à ceux qui l'auraient tirée qu'à ceux contre lesquels on aurait voulu la chasser. Pour éviter cet inconvénient, on fait en sorte que la fusée dont on connait assez exactement la durée, ne mette le feu à la bombe que dans l'instant qu'elle vient de toucher le lieu sur lequel elle est chassée ou jetée. Pour cet effet, comme la fusée dure au moins le temps que la bombe peut employer pour aller dans l'endroit le plus éloigné où elle puisse tomber ; lorsqu'on veut faire aller la bombe fort loin, on met le feu à la fusée et au mortier en même temps, lorsque la bombe a peu de chemin à faire, on laisse bruler une partie de la fusée avant de mettre le feu au mortier.

De la position du mortier pour tirer une bombe, et de la ligne qu'elle décrit pendant la durée de son mouvement. Comme l'un des effets de la bombe résulte de sa pesanteur, on ne la chasse pas de la même manière que le canon ; c'est-à-dire, le mortier dirigé, ou pointé vers un objet déterminé, on lui donne une inclinaison à l'horizon, de manière que la bombe étant chassée en haut obliquement, à peu-près de la même manière qu'une balle de paume est chassée par la raquette, elle aille tomber sur l'endroit où on veut la faire porter. On voit par-là que le mortier n'a point de portée de but-en-blanc, ou du moins qu'on n'en fait point d'usage.

Le mortier étant posé dans une situation oblique à l'horizon, en sorte que la ligne A C (Pl. VIII. de la fortific. fig. 1.) qui passe par le milieu de sa cavité, étant prolongée, fasse un angle quelconque B et D avec la ligne horizontale A B ; la bombe chassée suivant le prolongement de cette ligne, s'en écarte dans toute la durée de son mouvement par sa pesanteur qui l'attire continuellement vers le centre ou la superficie de la terre : ce qui lui fait décrire une espèce de ligne courbe A E B que les Géomètres appellent parabole. Voyez PARABOLE et JET DE BOMBES.

Manière de pointer le mortier. Pointer le mortier, c'est lui donner l'angle d'inclinaison convenable, pour que la bombe soit jetée dans un lieu déterminé.

Pour cet effet, on se sert d'un quart-de-cercle divisé en degrés, au centre duquel est attaché un fil qui soutient un plomb par son autre extrémité. On porte un des côtés de cet instrument sur les bords de la bouche du mortier, et le fil marque les degrés de l'inclinaison du mortier.

On se sert quelquefois pour le même usage d'un quart-de-cercle brisé, tel qu'on le voit dans la figure N de la Pl. VII. de fortific. La fig. O de la même Pl. montre le même quart de cercle par derrière, où sont divisés les diamètres des pièces et des boulets, et le poids et demi-diamètre de sphère des poudres.

Comme ces sortes d'instruments ne peuvent pas, à cause de leur petitesse, donner avec précision l'angle d'inclinaison du mortier ; que d'ailleurs on les pose indifféremment à tous les endroits du bord de la bouche du mortier ; il arrive le plus souvent, dit M. Belidor dans son Bombardier franç. " que le métal n'étant pas coulé également par-tout, et le pied de l'instrument ne posant, pour ainsi dire, que sur deux points, on trouve des angles différents chaque fois qu'on le change de situation. J'ai aussi remarqué, dit le même auteur, que lorsqu'on avait pointé le mortier à une certaine élevation, si on appliquait sur le bord de sa bouche plusieurs quarts-de-cercle, les uns après les autres chacun donnait un nombre de degrés différents, quoique posés au même endroit, parce que la plupart sont mal-faits ou devenus défectueux, pour les avoir laissé tomber, ce qui en fausse le pied.

Pour éviter ces inconvéniens, il faut avoir un grand quart-de-cercle de bois, tel qu'on le voit sur le mortier A fig. 8. Pl. VII. de fortific. Il est accompagné d'une branche ou règle B C qu'on pose diamétralement sur le mortier, en sorte qu'elle en coupe l'âme parfaitement à angles droits. Au centre F du quart-de-cercle est attaché un pendule qui n'est autre chose qu'un fil de soie, au bout duquel est un plomb G qui Ve se loger dans une rainure, afin que la soie réponde immédiatement aux divisions de l'instrument. "

Il est évident que l'angle C F G est celui de l'inclinaison du mortier ; car si le mortier était pointé verticalement, le fil de soie tomberait au point C ; mais il s'en écarte autant que la position du mortier s'écarte de la direction de la verticale. C'est pourquoi l'angle C F G est l'angle dont le mortier est incliné, ce qu'il fallait démontrer.

Pour ce qui concerne le service du mortier à un siege, voyez BATTERIE DE MORTIERS.

MORTIER-PIERRIER. (Fortification) Voyez PIERRIER.

MORTIER-PERDREAUX, ou à perdreaux (Fortification) est un mortier accompagné de plusieurs autres petits mortiers pratiqués dans l'épaisseur de son métal. Chacun de ces petits mortiers a une lumière percée à un pouce de son extrémité, laquelle répond à une pareille lumière percée dans l'épaisseur du gros mortier immédiatement au-dessous de la plinthe qui arrête les petits mortiers.

Ces petits mortiers sont propres à tirer des grenades, et on appelle ce mortier qui le contient à perdreaux, parce qu'en le tirant, sa bombe peut être regardée comme la perdrix accompagnée de grenades qui lui tiennent lieu de perdreaux. Les alliés ont fait beaucoup d'usage de cette sorte de mortiers dans la guerre de 1701 ; mais ils n'ont point eu une parfaite réussite dans les épreuves qui en ont été faites en France en 1693, et qui sont rapportées dans les Mémoires d'Artillerie de M. de Saint-Remy.

MORTIER A LA COEHORN, (Fortification) ce sont de petits mortiers propres à jeter les grenades, et qui sont de l'invention du célèbre ingénieur dont ils portent le nom.

MORTIER AUX PELOTES. (Fonderies en sable) Les fondeurs de menus ouvrages nomment ainsi un mortier de bois ou de pierre, et plus ordinairement de fonte, dans lequel ils forment avec un maillet des espèces de boules ou de pelotes avec du cuivre en feuilles, qu'ils ont auparavant taillées en morceaux longs et étroits, avec des cisailles. Voyez FONDEUR EN SABLE.