S. f. (Jurisprudence) est la possession d'une chose qui est adjugée par provision, en attendant le jugement du fond.

Quelques coutumes appellent toute provision recréance, même en matière prophane ; mais communément ce terme n'est usité qu'en matière bénéficiale.

La recréance dans ces matières est la possession d'un bénéfice que l'on accorde par provision à celui des contendants qui a le droit le plus apparent, et qui parait le mieux fondé ; sauf aux autres contendants à contester ensuite sur la pleine maintenue.

Le jugement qui accorde cette possession provisoire, s'appelle jugement de recréance.

En matière de régale, la recréance s'appelle état.

Quand les droits et titres des parties sont si douteux qu'il n'y a pas lieu d'adjuger la maintenue à l'un ou à l'autre, le juge n'ordonne guère aujourd'hui le sequestre ; il doit, suivant les articles 57 et 58 de l'ordonnance de 1539, faire droit sur le possessoire, et adjuger la recréance au possesseur, sauf à juger dans la suite l'instance possessoire par jugement de pleine maintenue, sans user à cet égard de renvoi par-devant le juge de l'église sur le pétitoire. Au grand-conseil l'on ordonne plus communément le sequestre.

En adjugeant la recréance à celui qui a le droit le plus apparent, on lui adjuge aussi les fruits et revenus du bénéfice du jour de ses provisions, et l'on condamne l'autre contendant à rendre ceux qu'il a perçus.

Les sentences de recréance sont exécutoires nonobstant l'appel, suivant l'ordonnance de 1667, pourvu qu'elles soient rendues par des juges royaux ressortissants sans moyen ; qu'ils aient assisté du-moins au nombre de cinq qui soient nommés dans la sentence ; et si c'est sur instance, ils doivent signer la minute de la sentence.

Quand la recréance est accordée par arrêt, celui qui l'obtient n'est pas tenu de donner caution ; mais si c'est seulement par sentence, il doit faire au greffe les soumissions en tel cas requis, et l'élection de domicile.

La caution que donne le recrédentiaire est pour la restitution des fruits, au cas que la sentence de recréance soit infirmée.

Le jugement de recréance doit être executé avant qu'il soit procédé sur la pleine maintenue.

Lorsqu'il échet de juger séparément la provision avec le fond, il n'est pas permis aux juges de cumuler l'un et l'autre et de prononcer par un même jugement sur la recréance et sur la pleine maintenue, parce que cela se ferait en fraude de l'appel, qui est une voie de droit : on ne pourrait plus demander la provision après le jugement de la pleine maintenue, de sorte que la provision ne serait pas exécutée nonobstant l'appel.

Le dévolutaire peut prendre la possession de droit, mais il ne peut pas la prendre de fait avant qu'il ait obtenu une sentence de recréance ou de maintenue, suivant l'ordonnance d'Henri II. Voyez les définitions du droit canon, au mot recréance, et le recueil des matières bénéfic. de Drapier, tome II. titre de l'action possessoire. (A)