S. m. (Jurisprudence) c'est un officier royal préposé à un grenier à sel, sur lequel il a inspection pour recevoir le sel que l'on envoye dans ce grenier, juger de la bonté de ce sel, de la quantité qu'il en faut pour les paroisses qui sont dans l'arrondissement de ce grenier, et d'en faire la distribution à ceux auxquels il est destiné. C'est aussi un des officiers qui exercent la juridiction établie pour ce grenier à sel, où ils jugent en première instance, et même dans certains cas en dernier ressort, les différends qui surviennent par rapport au transport, distribution, et débit du sel.

Philippe de Valais ayant établi le 20 Mars 1342 des greniers ou gabelles de sel, nomma trois maîtres des requêtes clercs, et quatre autres personnes pour être maîtres, souverains commissaires-conducteurs et exécuteurs des greniers et gabelles ; leur donnant pouvoir d'établir dans tous les endroits du royaume où ils jugeraient à-propos, des commissaires, grenetiers, gabelliers, clercs, et autres officiers ; de leur faire donner des gages convenables, et de les destituer à leur volonté. Ainsi les grenetiers sont aussi anciens que les greniers à sel.

Ce même prince, par une ordonnance du 29 Mars 1346 touchant le fait des eaux et forêts, dit, article 89 : " si nos grenetiers ont besoin de bois pour la réparation de nos châteaux, ils ne le pourront prendre dans nos forêts, fors que par la main desdits maîtres ". Il semblerait par-là que les grenetiers fussent alors chargés de la réparation des maisons royales, ce qui parait pourtant bien étrange à leur fonction. Mais on soupçonne qu'au lieu de grenetiers, il pouvait y avoir gruyers ; ce qui est d'autant plus probable, que cette ordonnance supprime les gruyers, et leur ôte tout pouvoir sur les bois.

Une instruction faite en 1360 par le grand-conseil du roi, sur la manière de lever l'aide ordonnée pour la délivrance du roi Jean, porte que le grenetier commis à chaque grenier à sel payerait aux marchands le sel qui se trouverait dans le lieu, et qu'il le revendrait au profit du roi, le quint denier de plus ; on voit par-là que les grenetiers faisaient alors l'office de receveurs des gabelles. Dans la suite ces deux fonctions furent séparées ; on ne laissa au grenetier que l'inspection sur le grenier à sel, et la juridiction.

Les grenetiers furent compris dans la défense que Charles V. fit le 13 Novembre 1372 à certains officiers de se mêler d'aucun fait de marchandise.

Le 6 Décembre suivant il leur ordonna de remettre tous les mois le produit de leurs greniers au receveur du diocèse où leur grenier était établi.

Les généraux des aides avaient le pouvoir de les nommer, et à l'exclusion de tous autres juges, celui de les punir, s'ils commettaient quelque malversation dans l'exercice de leurs fonctions ; on envoyait quelquefois dans les provinces des réformateurs pour punir ceux d'entre ces officiers et autres préposés à la levée des aides qui avaient malversé.

L'ordonnance de Charles VI. du premier Mars 1388, autorise les trésoriers de France à voir les états des grenetiers, receveurs, et vicomtes des aides avant la reddition de leurs comptes, toutes les fois que bon leur semblera, et lorsqu'ils étaient mandés à la chambre pour aller compter, s'ils ne s'y rendaient pas au jour qui leur était assigné, ils étaient sujets à l'amende pour cause de leur desobéissance, suivant une autre ordonnance de la même année.

Il fut aussi enjoint dans le même temps aux grenetiers d'exercer leur office en personne, et non par des lieutenans.

On leur donna des contrôleurs pour tenir un double registre de leur recette et dépense.

On ne voit point rien jusque-là qui fasse mention que les grenetiers fissent des actes de juridiction. Il y a néanmoins apparence qu'ils en avaient déjà quelqu'un. En effet, dans une instruction donnée par Charles VI. au mois de Juillet 1388, il est dit que si quelqu'officier des aides est battu ou injurié, information en sera faite par les élus ou grenetiers, ou par celui ou ceux qu'ils y commettront ; que ceux qui seront trouvés coupables, seront punis ; que si pour ce faire les élus ou grenetiers, ou leurs commis ont besoin de conseil ou de force, ils appelleront les baillis et juges du pays, et le peuple, si besoin est, et que de tels cas les élus et grenetiers auront la connaissance, punition, ou correction ; ou que si bon leur semble, ils la renvoyeront à Paris devant les généraux des aides, lesquels pourront les évoquer, et prendre connaissance, quand même les élus et grenetiers ne la leur auraient pas renvoyée.

Il est encore dit que toutes manières de gens menans et conduisans sel non gabellé, à port d'armes ou autrement, seraient par les grenetiers et contrôleurs, et par toutes justices où ils viendraient et passeraient, pris et punis de corps et de biens, selon que le cas le requerrait ; que si les grenetiers, contrôleurs, ou autres gens de justice demandaient aide pour le roi, chacun serait tenu de leur aider, sur peine d'amende arbitraire.

Les anciennes ordonnances concernant la juridiction des grenetiers et contrôleurs, furent renouvellées par celle de Louis XII. du 24 Juin 1500, qui leur attribue la connaissance de toutes causes, querelles, débats, rébellions, injures, outrages, battures, meurtres, exactions, concussions, fraudes, fautes, et de tous excès, crimes, délits, maléfices, faussetés, procès, et matières procédant du fait des gabelles, quart de sel, fournissement des greniers à sel, circonstances et dépendances en première instance, jusqu'à condamnation et exécution corporelle, sauf l'appel aux généraux des aides, appelés depuis cour des aides.

Les commissions de grenetier et de contrôleur surent érigées par François I. en titre d'office ; et le sel devenant par la suite un objet de plus en plus important pour la finance qui en revient au roi, Henri II. créa des grenetiers et contrôleurs alternatifs, afin que pendant que les uns seraient en exercice pour la distribution et vente du sel, et pour rendre la justice, les autres fissent la recherche dans les paroisses de l'étendue de leur grenier.

Ces grenetiers et contrôleurs alternatifs furent depuis supprimés en 1555, et rétablis en 1572. En 1615 on en créa de triennaux, pour exercer avec l'ancien et l'alternatif, chacun de trois années l'une. Il y a eu depuis différentes suppressions et réunions de ces grenetiers alternatifs et triennaux.

Anciennement le grenetier était le premier officier du grenier à sel ; mais depuis la création des présidents, dont l'époque est de 1629, il n'est plus que le second officier du tribunal. Voyez Chenu, des offices de France, tit. de la gabelle, et aux mots GABELLES, GRENIER A SEL, et SEL. (A)