S. m. (Jurisprudence) On appelle seigneur châtelain celui qui a droit d'avoir un château et maison forte, revêtue de tours et de fossés, et qui a justice avec titre de châtellenie. On appelle aussi châtelain le juge de cette justice. Châtelain royal est celui qui relève immédiatement du roi, à la différence de plusieurs châtelains qui relèvent d'autres châtelains, ou d'une baronie, ou autre seigneurie titrée. Voyez ci-devant CHATEAU.

L'origine des châtelains vient de ce que les ducs et comtes, ayant le gouvernement d'un territoire fort étendu, préposèrent sous eux, dans les principales bourgades de leur département, des officiers qu'on appela castellani, parce que ces bourgades étaient autant de forteresses appelées en latin castella.

La plupart de ces châtelains n'étaient dans l'origine que des concierges auxquels nos rais, pour récompense de leur fidélité, donnèrent en fief les châteaux dont ils n'avaient auparavant que la garde. Ces châtelains abusant de leur autorité, furent tous destitués par Philippe-le-Bel et Philippe-le-Long en 1310, 1316, suivant des lettres rapportées dans le gloss. de M. de Laurière, au mot châtelain.

La fonction de ces châtelains était non-seulement de maintenir leurs sujets dans l'obéissance, mais aussi de leur rendre la justice, qui alors était un accessoire du gouvernement militaire. Ainsi, dans l'origine, ces châtelains n'étaient que de simples officiers.

Faber, sur le tit. de vulg. substit. aux inst. les appelle judices foranei. Ils n'avaient ordinairement que la basse-justice ; et dans le pays de Forès, il y a encore des juges châtelains qui n'ont justice que jusqu'à 60 sols, comme on voit dans les arrêts de Papon, tit. de la juridiction des châtelains de Forès. Il en est de même des châtelains de Dauphiné, suivant le chap. j. des statuts, tit. de potest. castellan, et Guypape, decis. 285 et 626. Les coutumes d'Anjou, Maine, et Blais, disent aussi que les juges de la justice primitive des seigneurs châtelains, n'ont que basse-justice.

On donna aussi en quelques provinces le nom de châtelains aux juges des villes, soit parce qu'ils étaient capitaines des châteaux, ou parce qu'ils rendaient la justice à la porte ou dans la basse-cour du château. Ces châtelains étaient les juges ordinaires de ces villes, et avaient la moyenne justice, comme les vicomtes, prevôts, ou viguiers des autres villes ; et même en plusieurs grandes villes ils avaient la haute-justice.

Les châtelains des villages ayant le commandement des armes, et se trouvant loin de leurs supérieurs, usurpèrent dans des temps de trouble la propriété de leur charge, et la seigneurie de leur département ; de sorte qu'à présent le nom de châtelain est un titre de seigneurie, et non pas un simple office, excepté en Auvergne, Poitou, Dauphiné, et Forès, où les châtelains sont encore de simples officiers.

Les seigneurs châtelains sont en droit d'empêcher que personne ne construise château ou maison forte dans leur seigneurie, sans leur permission. Voyez ci-devant CHATEAU.

Ces seigneurs châtelains sont inférieurs aux barons, tellement qu'il y en a qui relèvent des barons et qu'en quelques pays les barons sont appelés grands châtelains, comme l'observe Balde, sur le ch. j. qui feuda dare possunt, et sur le ch. uno delegatorum, extr. de suppl. neglig. praelat.

Aussi les barons ont-ils deux prérogatives sur les châtelains ; l'une, que leurs juges ont par état droit de haute justice, au lieu que les châtelains ne devraient avoir que la basse, suivant leur première institution ; l'autre, que les barons ont droit de ville close, et de garder les clés, au lieu que les châtelains ont seulement droit de château ou maison forte. Voyez Loiseau, des seigneuries, ch. VIIe le gloss. de M. de Laurière, au mot châtelain, et ci-après CHATELLENIE. (A)