S. f. (Droit politique) la treve est une convention, par laquelle on s'engage à suspendre pour quelque temps les actes d'hostilité, sans que pour cela la guerre finisse, car alors l'état de guerre subsiste toujours.

La treve n'est donc point une paix, puisque la guerre subsiste ; mais si l'on est convenu, par exemple, de certaines contributions pendant la guerre, comme on n'accorde ces contributions que pour se racheter des actes d'hostilité, elles doivent cesser pendant la treve, puisqu'alors ces actes ne sont pas permis ; et au contraire, si l'on a parlé de quelque chose, comme devant avoir lieu en temps de paix, l'intervalle de la treve ne sera point compris là-dedans.

Toute treve laissant subsister l'état de guerre, c'est encore une conséquence, qu'après le terme expiré, il n'est pas besoin d'une nouvelle déclaration de guerre ; la raison en est, que ce n'est pas une nouvelle guerre que l'on commence, c'est la même que l'on continue.

Ce principe, que la guerre que l'on recommence après une treve, n'est pas une nouvelle guerre, peut s'appliquer à divers autres cas. Dans un traité de paix conclu entre l'évêque et prince de Trente, et les Vénitiens, il avait été convenu que chacun serait remis en possession de ce qu'il possédait avant la précédente et dernière guerre.

Au commencement de cette guerre, l'évêque avait pris un château des Vénitiens, que ceux-ci reprirent depuis ; l'évêque refusait de le céder, sous prétexte qu'il avait été repris après plusieurs treves, qui s'étaient faites pendant le cours de cette guerre ; la question devait se décider évidemment en faveur des Vénitiens.

On peut faire des treves de plusieurs sortes.

1°. Quelquefois pendant la treve, les armées ne laissent pas de demeurer sur pied avec tout l'appareil de la guerre, et ces sortes de treves sont ordinairement de courte durée.

2°. Il y a une treve générale pour tous les pays de l'un et de l'autre peuple, et une treve particulière restreinte à certains lieux, comme par exemple, sur mer, et non pas sur terre, etc.

3°. Enfin, il y a une treve absolue, indéterminée et générale, et une treve limitée et déterminée à certaines choses ; par exemple, pour enterrer les morts, ou bien si une ville a obtenu une treve seulement pour être à l'abri de certaines attaques, ou par rapport à certains actes d'hostilité, comme pour le ravage de la campagne.

Il faut remarquer encore qu'à proprement parler, une treve ne se fait que par une convention expresse, et qu'il est très-difficîle d'établir une treve sur le fondement d'une convention tacite, à-moins que les faits ne soient tels en eux-mêmes et dans leurs circonstances, qu'ils ne puissent être rapportés à un autre principe, qu'à un dessein bien sincère de suspendre pour un temps les actes d'hostilité.

Ainsi, de cela seul qu'on s'est abstenu pour quelque temps d'exercer des actes d'hostilité, l'ennemi aurait tort d'en conclure que l'on consent à une treve.

La nature de la treve fait assez connaître quels en sont les effets.

1°. En général, si la treve est générale et absolue, tout acte d'hostilité doit cesser, tant à l'égard des personnes, qu'à l'égard des choses ; mais cela n'empêche pas que l'on ne puisse pendant la treve, lever de nouvelles troupes, faire des magasins, réparer des fortifications, etc. à-moins qu'il n'y ait quelque convention formelle au contraire ; car ces sortes d'actes ne sont pas en eux-mêmes des actes d'hostilité, mais des précautions défensives, et que l'on peut prendre même en pleine paix.

Ce serait aussi une chose contraire à la treve, que de s'emparer d'une place occupée par l'ennemi, en corrompant la garnison ; il est bien évident que l'on ne peut pas non plus innocemment s'emparer pendant la treve, des lieux que l'ennemi a abandonnés, mais qui lui appartiennent, soit qu'il ait cessé de les garder avant la treve, soit après.

3°. Par conséquent, il faut rendre les choses appartenantes à l'ennemi, qui pendant la treve sont par quelque hasard tombées entre nos mains, encore même qu'elles nous eussent appartenu auparavant.

4°. Pendant la treve, il est permis d'aller et de venir de part et d'autre, mais sans aucun train, ni aucun appareil, d'où il puisse y avoir quelque chose à craindre.

A cette occasion, on demande si ceux qui par quelque accident imprévu et insurmontable, se trouvent malheureusement sur les terres de l'ennemi après la treve expirée, peuvent être retenus prisonniers, ou si l'on doit leur accorder la liberté de se retirer : Grotius et Puffendorf après lui, décident que l'on peut à la rigueur du droit, les retenir prisonniers de guerre ; mais, ajoute Grotius, il est sans doute plus humain et plus généreux de se relâcher d'un tel droit ; pour moi, il me semble que c'est une suite du traité de treve, que l'on laisse aller ces gens là en liberté ; car puisqu'en vertu de la treve, on était obligé de laisser aller et venir en liberté pendant tout le temps de la treve, on doit aussi leur accorder la même permission après la treve même, s'il parait manifestement qu'une force majeure, ou un cas imprévu les a empêché d'en profiter durant l'espace réglé ; autrement, comme ces sortes d'accidents peuvent arriver tous les jours, une telle permission deviendrait souvent un piege pour faire tomber bien des gens entre les mains de l'ennemi : tels sont les principaux effets d'une treve absolue et générale.

Pour ce qui est d'une treve particulière ou déterminée à certaines choses, ses effets sont proportionnés à la convention, et limités par la nature de l'accord.

1°. Ainsi, si l'on a accordé une treve seulement pour enterrer les morts, on n'est pas pour cela en droit d'entreprendre tranquillement quelque chose de nouveau, qui apporte quelque changement à l'état des choses : on ne peut, par exemple, pendant ce temps-là, se retirer dans un port plus sur, ni se retrancher, etc. car premièrement, celui qui a accordé une courte treve pour enterrer les morts, ne l'a accordée que pour cela, et il n'y a nulle raison de l'étendre au-delà du cas dont on est convenu ; d'où il s'ensuit, que si celui à qui on l'a accordée, voulait en profiter pour se retrancher, par exemple, ou pour quelqu'autre chose, l'autre serait en droit de l'empêcher par la voie des armes : le premier ne saurait s'en plaindre, car on ne saurait prétendre raisonnablement qu'une treve conclue pour enterrer les morts et restreinte à ce seul acte, donne droit d'entreprendre et de faire tranquillement quelqu'autre chose ; tout ce à quoi elle oblige celui qui l'a accordée, c'est à ne point s'opposer par la force à l'enterrement des morts, il n'est tenu à rien de plus ; cependant Puffendorf est dans un sentiment contraire.

C'est en conséquence des mêmes principes, que l'on suppose que par la treve, on ait seulement mis les personnes à couvert des actes d'hostilité, et non pas les choses ; en ce cas-là, si pour défendre ses biens on fait du mal aux personnes, on n'agit point contre l'engagement de la treve ; car par cela même qu'on a accordé de part et d'autre une sûreté pour les personnes, on s'est aussi réservé le droit de défendre ses biens du dégât ou du pillage ; ainsi la sûreté des personnes n'est point générale, mais seulement pour ceux qui vont et viennent sans dessein de rien prendre à l'ennemi, avec qui on a fait cette treve limitée.

Toute treve oblige les parties contractantes, du moment que l'accord est fait et conclu ; mais à l'égard des sujets de part et d'autre, ils ne sont dans quelque obligation à cet égard, que quand la treve leur a été solennellement notifiée. Il suit de-là, que si avant cette notification, les sujets commettent quelque acte d'hostilité, ou font quelque chose contre la treve, ils ne seront sujets à aucune punition ; cependant les puissances qui auront conclu la treve doivent dédommager ceux qui auront souffert, et rétablir les choses dans le premier état, autant que faire se pourra.

Enfin, si la treve vient à être violée d'un côté, il est certainement libre à l'autre des parties de reprendre les armes, et de recommencer la guerre sans aucune déclaration préalable ; que si l'on est convenu d'une peine payable par celui qui violerait la treve, si celui-ci offre la peine, ou s'il l'avait subie, l'autre n'est point en droit de recommencer les actes d'hostilité avant le terme expiré ; bien entendu qu'outre la peine stipulée, la partie lésée est en droit de demander un dédommagement de ce qu'elle a souffert par l'infraction de la treve ; mais il faut bien remarquer que les actions des particuliers ne rompent point la treve, à-moins que le souverain n'y ait quelque part, ou par un ordre donné, ou par une approbation ; et le souverain est censé approuver ce qui a été fait, s'il ne veut ni punir, ni livrer le coupable, ou s'il refuse de rendre les choses prises pendant la suspension d'armes. Principes du Droit politique, tom. II. (D.J.)

TREVE, (Jurisprudence) ce terme a dans cette matière différentes significations.

Treve, du latin trivium, signifie dans les anciens titres un carrefour où aboutissent trois chemins.

Treve, en quelques pays, comme en Bretagne, signifie une église qui est succursale d'une paraisse.

Treve est pris quelquefois pour sauvegarde, liberté, franchise ; il en est parlé en ce sens pour ceux qui allaient à certaines foires, les débiteurs avaient huit jours de treve avant la fête et huit jours après. Voyez le Gloss. de Ducange au mot treviae immunitas.

Treve brisée ou enfreinte, c'était lorsque l'une des parties faisait quelque hostilité au préjudice de la treve. Voyez le Gloss. de Ducange au mot treuga, treugarum infractio. (A)

TREVE DE DIEU ou TREVE DU SEIGNEUR, treva, treuca seu treuga Domini, était une suspension d'armes qui avait lieu autrefois pendant un certain temps par rapport aux guerres privées.

C'était anciennement un abus invétéré chez les peuples du Nord, de venger les homicides et les injures par la voie des armes.

La famille de l'homicidé en demandait raison aux parents de celui qui avait commis le crime ; et si l'on ne pouvait parvenir à un accommodement, les deux familles entraient en guerre l'une contre l'autre.

Cette coutume barbare fut apportée dans les Gaules par les Francs lorsqu'ils en firent la conquête ; nos rois ne purent pendant longtemps arrêter les désordres de ces guerres privées qui se faisaient sans leur permission.

Cette licence dura pendant tout le cours de la première et de la seconde race, et même encore sous les premiers rois de la troisième ; on peut voir sur ces premiers temps Grégoire de Tours, Frédégaire, Warnefrid, de Thou.

Cependant en attendant que l'on put entièrement remédier au mal, on chercha quelques moyens pour l'adoucir.

Le premier fut que l'homicide ou sa famille payerait au roi une somme pour acheter la paix, ce qui s'appelait fredur ; ils payaient aussi aux parents du mort une somme qui, selon quelques-uns, s'appelait faidum ou faidam ; d'autres prétendent que faida signifiait une inimitié capitale.

Le second moyen était que les parents du meurtrier pouvaient affirmer et jurer solennellement qu'ils n'étaient directement ni indirectement complices de son crime.

Le troisième moyen était de renoncer à la parenté et de l'abjurer.

Charlemagne fut le premier qui fit une loi générale contre les guerres privées ; il ordonna que le coupable payerait promptement l'amende ou composition, et que les parents du défunt ne pourraient refuser la paix à celui qui la demanderait.

Cette loi n'étant pas assez rigoureuse, ne fit point cesser l'abus, d'autant même que l'autorité royale fut comme éclipsée sous les derniers rois de la seconde race et sous les premiers rois de la troisième, les seigneurs, tant ecclésiastiques que temporels, s'étant arrogé le droit de faire la guerre ; de sorte que ce qui n'était jusque-là que des crimes de quelques particuliers qui étaient tolérés, devint en quelque manière un droit public.

Les évêques défendirent, sous des peines canoniques, que l'on usât d'aucune violence pendant un certain temps, afin que l'on put vaquer au service divin ; cette suspension d'hostilité fut ce que l'on appela la treve de Dieu, nom commun dans les conciles depuis le onzième siècle.

Le premier règlement fut fait dans un synode tenu au diocèse d'Elne en Roussillon le 16 Mai 1027, rapporté dans les conciles du Père Labbe. Ce règlement portait que dans tout le comté de Roussillon personne n'attaquerait son ennemi depuis l'heure de none du samedi, jusqu'au lundi à l'heure de prime, pour rendre au dimanche l'honneur convenable ; que personne n'attaquerait, en quelque manière que ce fût, un moine ou un clerc marchant sans armes, ni un homme allant à l'église ou qui en revenait, ou qui marchait avec des femmes ; que personne n'attaquerait une église ni les maisons d'alentour, à trente pas, le tout sous peine d'excommunication, laquelle au bout de trois mois serait convertie en anathème.

Au concîle de Bourges tenu en 1031, Jourdain de Limoge prêcha contre les pillages et les violences ; il invita tous les seigneurs à se trouver au concîle le lendemain et le troisième jour, pour y traiter de la paix, il les exhorta de la garder en venant au concile, pendant le séjour, et après le retour sept jours durant, ce qui n'était encore autre chose que ce qu'on appelait la treve de Dieu, et non paix proprement dite, la paix étant faite pour avoir lieu à perpétuité, quoique souvent elle dure peu de temps.

Cette treve était regardée comme une chose si essentielle, que pour y engager tout le monde, le diacre qui avait lu l'évangîle lut une excommunication contre les chevaliers du diocèse de Limoges qui refusaient de promettre à leur évêque par serment la paix et la justice comme il l'exigeait ; cette excommunication était accompagnée de malédictions terribles, et même les évêques jetèrent à terre les cierges qu'ils tenaient allumés et les éteignirent ; le peuple en frémit d'horreur, et tous s'écrièrent ainsi : " Dieu éteigne la joie de ceux qui ne veulent pas recevoir la paix et la justice ".

Sigebert rapporte sous l'an 1032, qu'un évêque d'Aquittaine, dont on ignore le nom, publia qu'il avait reçu du ciel un écrit apporté par un ange, dans lequel il était ordonné à chacun de faire la paix en terre pour apaiser la colere de Dieu qui avait affligé la France de maladies extraordinaires et d'une stérilité générale, ce qui donna lieu à plusieurs conciles nationaux et provinciaux de défendre à toutes personnes de s'armer en guerre privée pour venger la mort de leurs parents, ce que les évêques de France prescrivirent chacun aux fidèles de leur diocèse.

Mais cette paix générale ne dura qu'environ sept ans, et les guerres privées ayant recommencé, on tint en 1041 divers conciles en France au sujet de la paix qui y était désirée depuis si longtemps, et la crainte et l'amour de Dieu firent conclure entre tous les seigneurs une treve générale, qui fut acceptée d'abord par ceux d'Aquittaine, et ensuite peu-à-peu par toute la France.

Cette treve durait depuis les vêpres de la quatrième férie, jusqu'au matin de la seconde, c'est-à-dire depuis le mercredi au soir d'une semaine jusqu'au lundi matin, ce qui faisait un intervalle de temps dans chaque semaine d'environ quatre jours entiers, pendant lequel toutes vengeances et toutes hostilités cessaient.

On crut alors que Dieu s'était déclaré pour l'observation de cette treve, et qu'il avait fait un grand nombre de punitions exemplaires sur ceux qui l'avaient violée.

C'est ainsi que les Neustriens ayant été frappés de la maladie des ardents, qui était un feu qui leur dévorait les entrailles, ce fléau fut attribué à ce qu'ils n'avaient pas d'abord voulu recevoir la treve de Dieu ; mais bien-tôt après ils la reçurent, ce qui arriva principalement du temps de Guillaume le Conquérant, roi d'Angleterre et duc de Normandie.

En effet, Edouard le Confesseur, roi d'Angleterre, qui désigna Guillaume le Conquérant pour son successeur, reçut dans ses états en l'année 1042, la treve de Dieu, avec cette addition, que cette paix ou treve aurait lieu pendant l'avent et jusqu'à l'octave de l'Epiphanie, depuis la Septuagésime jusqu'à Pâques ; depuis l'Ascension jusqu'à l'octave de la Pentecôte, pendant les quatre-temps, tous les samedis depuis neuf heures jusqu'au lundi suivant, la veille des fêtes de la Vierge, de saint Michel, de saint Jean-Baptiste, de tous les apôtres et de tous les saints dont la solennité était annoncée à l'église, de la Toussaint, le jour de la dédicace des églises, et le jour de la fête du patron des paroisses, etc.

Le règlement des rois Edouard et Guillaume II. sur la paix ou treve de Dieu, fut depuis confirmé dans un concîle tenu à Lillebonne l'an 1080.

Plusieurs grands seigneurs adoptèrent aussi la treve de Dieu, tels que Raimond Berenger, comte de Barcelone en 1066, et Henri, évêque de Liege en 1071.

Ce que les évêques avaient ordonné à ce sujet à leurs diocésains, fut confirmé par Urbain II. au concîle de Clermont en 1095.

Il y eut nombre d'autres conciles qui confirmèrent la treve de Dieu ; outre le synode d'Elne en 1027, et le concîle de Bourges en 1031, dont on a dejà parlé, on en fit aussi mention dans les conciles de Narbonne en 1054, d'Elne en 1065, de Troie en 1093, de Rouen en 1096, de Northausen en 1105, Rheims en 1119 et 1136, de Rome dans la même année, de Latran en 1139, au troisième concîle de Latran en 1179, de Montpellier en 1195, et plusieurs autres.

On voit aussi par le chapitre premier du titre de treuga et pace aux décrétales, qui est tiré du concîle de Latran de l'an 1179, sous Alexandre III. que la treve de Dieu, avec une partie des augmentations qu'Edouard-le-Confesseur y avait faites, devint une règle générale et un droit commun dans tous les états chrétiens.

Cependant Yves de Chartres dit que cette treve était moins fondée sur une loi du souverain que sur un accord des peuples confirmé par l'autorité des évêques et des églises.

On faisait jurer l'observation de cette treve aux gens de guerre, aux bourgeois, et aux gens de la campagne, depuis l'âge de quatorze ans et au-dessus ; le concîle de Clermont marque même que c'était dès douze ans.

Ce serment fut la cause pour laquelle Gérard, évêque de Cambray, s'opposa si fortement à l'établissement de la treve de Dieu, il craignait que chacun ne tombât dans le cas du parjure, comme l'événement ne le justifia que trop.

La peine de ceux qui enfreignaient la treve de Dieu était l'excommunication, et en outre une amende, et même quelquefois une plus grande peine.

Cependant les treves étaient mal observées, et les guerres privées recommençaient toujours.

Pour en arrêter le cours, Philippe-Auguste fit une ordonnance, par laquelle il établit une autre espèce de treve appelée la quarantaine le roi ; il ordonna que depuis le meurtre ou l'injure, jusqu'à quarante jours accomplis, il y aurait de plein droit une treve de par le roi, dans laquelle les parents des deux parties seraient compris ; que cependant le meurtrier ou l'agresseur serait arrêté et puni ; que si dans les quarante jours marqués quelqu'un des parents était tué, l'auteur de ce crime serait réputé traitre et puni de mort.

Cette treve eut plus de succès que les précédentes, elle fut confirmée par saint Louis en 1245, par Philippe III. en 1257, par Philippe-le-Bel en 1296, 1303, et 1314, par Philippe-le-Long en 1319, et par le roi Jean en 1353, lequel en prescrivant l'observation ponctuelle de la quarantaine le roi, sous peine d'être poursuivi extraordinairement, mit presque fin à cet abus invétéré des guerres privées. Voyez le Glossaire de Ducange et celui de Laurière, le Recueil des ordonnances de la troisième race, et les mots ASSUREMENT, GUERRE PRIVÉE, PAIX, QUARANTAINE LE ROI, SAUVEGARDE. (A)

TREVE ENFREINTE ou BRISEE, c'était la même chose. Voyez ci-devant TREVE BRISEE. (A)

TREVE PêCHERESSE, est la faculté qu'une puissance souveraine accorde aux pêcheurs de quelque autre nation, de pêcher en toute liberté dans les mers de sa domination, nonobstant la guerre qui subsiste entre les deux nations.

Les puissances voisines qui ont pour limites des mers qui leur sont communes, ayant un égal intérêt de favoriser la pêche de leurs sujets respectifs en quelque temps que ce sait, rien ne serait plus naturel que de convenir entr'elles de cette liberté de la pêche, au moins pour le poisson qui se mange frais, laquelle ne peut être faite que jour par jour. On devrait déroger en cette partie au droit de la guerre, suivant lequel les pêcheurs sont de bonne prise comme les autres navigateurs.

Aussi ces sortes de traités étaient-ils anciennement d'une pratique assez commune : c'est ce qu'on appelait treve pêcheresse.

De la part de la France, l'amiral était autorisé à les conclure : c'était une des prérogatives de sa charge ; il en est fait mention dans les ordonnances du mois de Février 1543 et Mars 1584. L'amiral avait le droit d'accorder en temps de guerre de telles treves pour la pêche du hareng et autres poissons aux ennemis et à leurs sujets, pourvu que les ennemis la voulussent accorder de même aux sujets du roi ; et si la treve ne se pouvait accorder de part et d'autre, l'amiral pouvait donner aux sujets des ennemis des saufs-conduits pour la pêche, sous telles et semblables cautions, charges et précis que les ennemis les accordaient aux sujets du roi. L'amiral pouvait en temps de guerre armer des navires pour conduire en sûreté les sujets du roi et autres marchands alliés et amis de la France.

Cet ordre a subsisté jusqu'en 1669, que la charge d'amiral qui avait été supprimée en 1626, fut rétablie. Depuis ce temps il n'a plus été fait aucun traité, soit pour la liberté de la pêche ou autre cause, qu'au nom du roi ; de même aussi les escortes pour la liberté de la pêche n'ont été données que par ordre du roi. Le droit dont jouissait l'amiral par rapport à ces deux objets n'ayant point été rappelé lors du rétablissement de cette charge, et ayant même été révoqué implicitement, tant par le dernier article du règlement du 12 Novembre 1669, que par l'ordonnance de la marine tit. de la liberté de la pêche, art. 14.

Au reste ces treves pêcheresses n'ont presque plus été pratiquées, même pour la pêche journalière du poisson frais, depuis la fin du dernier siècle, par l'infidélité de nos ennemis qui enlevaient continuellement nos pêcheurs, tandis que les leurs faisaient leurs pêches en toute sûreté. Voyez l'ordonnance de la marine, livre V. tit. 7, et le commentaire de M. Valin. (A)

TREVE DU SEIGNEUR, Voyez ci-devant TREVE DE DIEU.

TREVE ET PAIX, (Histoire moderne) nom que l'on donna vers l'an 1020, à un decret porté contre les violences qui se commettaient alors publiquement de particulier à particulier. Les lois étaient alors si peu respectées, et les magistrats si faibles, que chaque citoyen prétendait avoir droit de se faire justice à soi-même par la voie des armes, sans épargner le fer ni le feu contre les maisons, les terres et les personnes mêmes de ses ennemis. Pour remédier à ces désordres, les évêques et les barons, premièrement en France, puis dans les autres royaumes, firent un decret par lequel on mettait absolument à couvert de ces violences les églises, les clercs ou ecclésiastiques séculiers, les religieux et leurs monastères, les femmes, les marchands, les laboureurs et les moulins : ce qu'on comprit sous le nom de paix. A l'égard de toutes autres personnes, on défendit d'agir offensivement depuis le mercredi au soir jusqu'au lundi matin, par le respect particulier, disait-on, qu'on devait à ces jours que Jesus-Christ à consacrés par les derniers mystères de sa vie, et c'est ce qu'on appela treve. On déclara excommuniés les violateurs de l'un ou l'autre de ces decrets, et l'on arrêta ensuite qu'ils seraient bannis ou punis de mort, selon la qualité des violences qu'ils auraient commises. Divers conciles approuvèrent ces résolutions, et entr'autres celui de Clermont en Auvergne tenu en 1095, qui aux quatre jours de la semaine affectés à la treve, ajouta tout le temps de l'avent jusqu'après l'octave de l'épiphanie, celui qui est compris entre la septuagesime et l'octave de pâques, et celui qui commence aux rogations et finit à l'octave de la pentecôte ; ce qui joint aux autres jours prescrits pour la treve dans les autres saisons, faisait plus de la moitié de l'année. Il est étonnant que les évêques qui avaient intimidé les peuples par le motif de la religion, pour les engager à suspendre leur vengeance pendant la moitié de chaque semaine et des intervalles assez considérables de l'année, ne pussent en obtenir la même chose ni pour la semaine ni pour l'année entière, et il ne l'est pas moins que les peuples crussent tolérée et même permise à certains jours une vengeance qu'ils n'osaient prendre dans d'autres. Ce qu'il y a de certain, c'est que l'usage de ces petites guerres qui désolaient toutes les provinces du royaume, dura jusqu'au temps de Philippe-le-bel. Voyez TREVE DE DIEU.