Imprimer
Catégorie parente: Morale
Catégorie : Droit politique
S. f. (Droit politique) on entend par représailles, cette espèce de guerre imparfaite, ces actes d'hostilité que les souverains exercent les uns contre les autres.

On commet ces actes d'hostilité en arrêtant ou les personnes, ou les effets des sujets d'un état qui a commis envers nous quelque grande injustice qu'il refuse de réparer ; on regarde ce moyen comme propre à se procurer des sûretés à cet égard, à engager l'ennemi à nous rendre justice ; et au cas qu'il persiste à nous la refuser, de nous la faire à nous-mêmes, l'état de paix subsistant quant au surplus.

Grotius prétend que les représailles ne sont point fondées sur un droit naturel et de nécessité, mais seulement sur une espèce de droit des gens arbitraire, par lequel plusieurs nations sont convenues entr'elles, que les biens des sujets d'un état seraient comme hypothéqués, pour ce que l'état, ou le chef de l'état pourrait devoir, soit directement, et par eux-mêmes, soit en tant que faute de rendre bonne justice, ils seraient rendus responsables du fait d'autrui. Grotius parait avoir bien jugé ; cependant on prétend généralement que le droit de représailles est une suite de la constitution des sociétés civiles, et une application des maximes du droit naturel à cette constitution : voici donc les raisons qu'on en apporte.

Dans l'indépendance de l'état de nature, et avant qu'il y eut aucun gouvernement, personne ne pouvait s'en prendre qu'à ceux-là même de qui il avait reçu du tort, ou à leurs complices, parce que personne n'avait alors avec d'autres une liaison, en vertu de laquelle il put être censé participer en quelque manière à ce qu'ils faisaient, même sans sa participation.

Mais depuis qu'on eut formé des sociétés civiles, c'est-à-dire des corps dont tous les membres s'unissent ensemble pour leur défense commune, il a nécessairement résulté de-là une communauté d'intérêts et de volontés, qui fait que comme la société et les puissances qui la gouvernent, s'engagent à se défendre chacune contre les insultes de tout autre, soit citoyen, soit étranger, chacun aussi peut être censé s'être engagé à répondre de ce que fait ou doit faire la société dont il est membre, ou les puissances qui la gouvernent.

Aucun établissement humain, aucune liaison où l'on entre, ne saurait dispenser de l'obligation de cette loi générale et inviolable de la nature, qui veut que le dommage qu'on a causé à autrui soit réparé, à-moins que ceux qui sont par-là exposés à souffrir, n'aient manifestement renoncé au droit d'exiger cette réparation ; et lorsque ces sortes d'établissements empêchent à certains égards, que ceux qui ont été lésés ne puissent obtenir aussi aisément la satisfaction qui leur est dû., qu'ils l'auraient fait sans cela ; il faut réparer cette difficulté en fournissant aux intéressés toutes les autres voies possibles, de se faire eux-mêmes raison.

Or il est certain que les sociétés, ou les puissances qui les gouvernent, étant armés des forces de tout le corps, sont quelquefois encouragés à se moquer impunément des étrangers qui viennent leur demander quelque chose qu'elles leur doivent, et que chaque sujet contribue, d'une manière ou d'autre, à les mettre en état d'en user ainsi ; de-sorte que par-là il peut être censé y consentir en quelque sorte ; que s'il n'y consent pas en effet, il n'y a pas d'autre manière de faciliter aux étrangers lésés la poursuite de leurs droits devenue difficîle par la réunion des forces de tout le corps, que de les autoriser à s'en prendre à tous ceux qui en font partie.

On conclud de-là, que par une suite même de la constitution des sociétés civiles, chaque sujet demeurant tel, est responsable par rapport aux étrangers, de ce que fait ou doit faire la société, ou le souverain qui la gouverne, sauf à lui de demander un dédommagement, lorsqu'il y a de la faute ou de l'injustice de la part des supérieurs ; que si quelquefois on est frustré de ce dédommagement, il faut regarder cela comme un des inconvénients que la constitution des affaires humaines rend inévitables dans tout établissement civil ; voici présentement les clauses qu'on met aux représailles.

Les représailles, dit-on, étant des actes d'hostilité, et qui dégénèrent même souvent dans une guerre parfaite, il est évident qu'il n'y a que le souverain qui puisse les exercer légitimement, et que les sujets ne peuvent la faire que de son ordre et par son autorité.

D'ailleurs, il est absolument nécessaire que le tort ou l'injustice que l'on nous fait, et qui occasionne les représailles, soit manifeste et évident, et qu'il s'agisse de quelque intérêt des plus considérables. Si l'injustice est douteuse ou de peu de conséquence, il serait injuste et périlleux d'en venir à cette extrémité, et de s'exposer ainsi à tous les maux d'une guerre ouverte.

On ne doit pas non plus recourir aux réprésailles, avant que d'avoir tâché d'obtenir raison, par toutes les voies amicales possibles, du tort qui nous a été fait ; il faut s'adresser pour cela au magistrat de celui qui nous a fait injustice ; après cela si le magistrat ne nous écoute point, ou nous refuse satisfaction, on tâche de se la procurer par des représailles, bien entendu que l'intérêt de l'état le requiert. Il n'est permis d'en venir aux représailles, que lorsque tous les moyens ordinaires d'obtenir ce qui nous est dû. viennent à nous manquer ; en telle sorte, par exemple, que si un magistrat subalterne nous avait refusé la justice que nous demandons, il ne nous serait pas permis d'user de représailles avant que de nous être adressé au souverain de ce magistrat même, qui peut-être nous rendra justice.

Dans ces circonstances, on peut ou arrêter les sujets d'un état, si l'on arrête nos gens chez eux, ou saisir leurs biens et leurs effets ; mais quelque juste sujet qu'on ait d'user de représailles on ne peut jamais directement, pour cette seule raison, faire mourir ceux dont on s'est saisi, on doit seulement les garder sans les maltraiter, jusqu'à ce que l'on ait obtenu satisfaction ; de-sorte que pendant tout ce temps-là ils sont comme en otage.

Pour les biens saisis par droit de représailles, il faut en avoir soin jusqu'à ce que le temps auquel on doit nous faire satisfaction soit expiré, après quoi on peut les adjuger au créancier, ou les rendre pour l'acquit de la dette, en rendant à celui sur qui on les a pris ce qui reste, tous frais déduits.

On remarque enfin qu'il n'est permis d'user de représailles, qu'à l'égard des sujets proprement ainsi nommés, et de leurs biens ; car pour ce qui est des étrangers qui ne font que passer, ou qui viennent seulement demeurer quelque temps dans le pays, ils n'ont pas d'assez grandes liaisons avec l'état, dont ils ne sont membres qu'à temps, et d'une manière imparfaite, pour que l'on puisse se dédommager sur eux du tort qu'on a reçu de quelque citoyen originaire et perpétuel, et du refus que le souverain a fait de nous rendre justice.

Il faut encore excepter les ambassadeurs, qui sont des personnes sacrées, même pendant une guerre pleine et entière.

Malgré toutes ces belles restrictions, les principes sur lesquels on fonde les représailles révoltent mon âme ; ainsi je reste fermement convaincu que ce droit fictif de société, qui autorise un ennemi à sacrifier aux horreurs de l'exécution militaire des villes innocentes du délit prétendu qu'on impute à leur souverain, est un droit de politique barbare, et qui n'émana jamais du droit de la nature, qui abhorre de pareilles voies, et qui ne connait que l'humanité et les secours mutuels. (D.J.)

REPRESAILLES, lettres de, (Droit politique) ou lettres de marque ; ce sont des lettres qu'un souverain accorde à ses sujets, pour reprendre sur les biens de quelqu'un du parti ennemi, l'équivalent de ce qu'on leur a pris, et dont le prince ennemi n'aura pas voulu leur faire justice. Voyez REPRESAILLES. (D.J.)




Affichages : 1606