S. m. (Economie rustique) on prépare avec l'écorce du chanvre, sechée, peignée, divisée, une matière qu'on appelle filasse (voyez l'article FILASSE), qui tordue au fuseau ou au rouet sur elle-même, forme un petit corps rond, continu, flexible, et resistant, qu'on appelle fil. On fait aussi du fil avec le coton, la soie, la laine, le crin, etc.

Si le fil est trop gros, il prend le nom de ficelle, de corde. Voyez l'article CORDERIE.


On fîle la filasse, la seule matière dont nous allons parler ici ; parce qu'on n'entend communément par le mot fil, que celui qui est fait avec la filasse ou l'écorce de chanvre.

On fîle la filasse au rouet ou au fuseau ; mais on dispose la filasse sur la quenouille, pour filer au rouet comme pour filer au fuseau. Voici d'abord la manière dont on fîle au fuseau.

Le fuseau est un morceau de bois leger, rond sur toute sa longueur, terminé en pointe par les deux extrémités, renflé dans le milieu, et long d'environ cinq à six pouces ; il y a un peu au-dessus de la pointe inférieure, une petite éminence qui retient le fil et qui l'empêche de tomber.

La quenouille est un roseau ou bâton leger, rond, long de trois à quatre pieds, percé par un bout, et garni à ce bout d'un ruban large et fort.

On prend la soie, la filasse, la laine, etc. en un mot la matière qu'on veut filer ; on l'étend sur une table par lits minces, cependant d'une épaisseur inégale : la partie inférieure de chaque lit doit être un peu plus fournie que la partie supérieure, afin que quand tous ces lits seront roulés sur la quenouille, ils forment une espèce de cone, dont la pointe soit tournée vers le bout de la quenouille ; si la filasse est courte, les brins de chaque lit ne sont pas roulés, mais seulement appliqués sur la quenouille, et attachés selon leur longueur ; si elle est longue, alors les brins sont roulés un peu de biais sur la quenouille. On roule ces lits de filasse sur l'extrémité de la quenouille ; on les y fixe en faisant sur eux plusieurs tours avec le ruban, et la quenouille est prête à être filée.

Pour cet effet on fixe la quenouille à son côté gauche, on tient la filasse embrassée de la même main ; et de la main droite, on tire avec le pouce et l'index de la partie inférieure de la quenouille, une petite quantité de filasse. On la tourne entre ses doigts, après l'avoir mouillée ; on lui donne ainsi un commencement de consistance : après quoi on lui fait faire sur l'extrémité du fuseau un tour ou deux, et on l'y arrête par un nœud ou une boucle, formée comme on voit ; a est le bout du fil qui tient à la filasse, et b c d est sa partie attachée sur le fuseau. La partie a c b passant dessous la partie b c d, il se forme une boucle c b c, qui est serrée sur le fuseau par l'action de la fileuse et par le poids du fuseau.

Le fil ainsi attaché au fuseau, la fileuse prend entre son pouce et le doigt du milieu, le fuseau par son extrémité e, et le fait tourner sur lui-même. A mesure que le fuseau tourne, on tire de la filasse de la quenouille, avec le pouce et l'index de la main droite ; la filasse se tord, et le fil se forme ; et afin que ce tors tienne, la fileuse avait eu l'attention de mouiller les doigts dont elle tire la filasse de la quenouille, soit avec sa salive, soit à une éponge humectée d'eau, qu'on appelle mouillette, et qu'elle tenait à sa portée dans un petit vase de fayance ou de fer-blanc.

Quand il y a une aulne ou une aulne et demi de fil fait comme nous venons de le décrire ; du pouce de la main gauche on pousse la boucle c faite sur le bout du fuseau ; on la fait tomber ; l'on transporte le fil d sur le milieu du fuseau g, et on lui fait faire plusieurs tours ; ensuite on l'arrête à l'extrémité du fuseau par une boucle c, qu'on reforme toute semblable à la première. A l'aide de cette boucle c, le fil roulé sur le milieu du fuseau ne se devide point, lorsque le fuseau mis en mouvement est abandonné à son poids, et l'ouvrage peut se continuer.

Cela fait, la fileuse avec le pouce et l'index de sa main droite qu'elle a mouillés, tire de la filasse de sa quenouille, et remet son fuseau en mouvement avec l'index et le doigt du milieu de sa main gauche ; le fuseau tourne, la filasse tirée se tord ; le pouce et l'index de la droite, tandis que le fuseau tourne, tirent de nouvelle filasse, fournissent et aident même au fuseau à tordre, et il se forme de nouveau fil, qu'on envide sur le milieu du fuseau en faisant tomber la boucle c, qu'on reforme ensuite pour arrêter le fil et continuer de filer.

La fileuse fîle de cette manière jusqu'à ce que son fuseau soit chargé de fil sur toute sa longueur, et que sa quenouille soit épuisée de filasse.

Elle doit observer 1°. de mouiller suffisamment sa filasse tandis qu'elle travaille, sans quoi son fil sera sec et cassant.

2°. De ne tordre ni trop ni trop peu, et de filer égal et rond.

3°. De tirer de la filasse la quantité qui convient à la grosseur du fil, à la qualité de la filasse, et à l'usage qu'on veut faire du fil.

4°. D'en tirer toujours la même quantité, afin que son fil soit égal.

5°. De faire glisser tout son fil entre ses doigts, à mesure qu'il se forme et avant que de l'envider sur le fuseau, afin de le rendre lisse et uni.

6°. De séparer de sa filasse tout ce qui s'y rencontrera de parties grossières, mal peignées, de saletés, etc.

7°. De faire le moins de nœuds qu'il sera possible, etc.

Passons maintenant à la manière de filer au rouet. Le rouet est une machine qui nous parait simple et qui, exposée par-tout à nos yeux, n'arrête pas un instant notre attention, mais qui n'en est pas moins ingénieuse. Elle est composée d'un châssis, dont la partie inférieure 1, 2, 3, 4, consiste en quatre traverses minces de bois, qui forment par leur assemblage un carré oblong ; c'est sur ce carré oblong que sont fixées et entretenues les quatre jambes 5, 6 ; 7, 8 ; 9, 10 ; 11, 12 : ces quatre jambes se rendent à la partie supérieure du châssis, formée aussi de quatre traverses minces de bois, et la soutiennent en s'assemblant avec elle aux points 6, 8, 10, 12 ; cette partie supérieure du châssis forme aussi un quarté oblong a, b, c, d, parallèle à l'inférieur, de même largeur, mais d'une longueur beaucoup plus grande. Sur le milieu de l'intervalle 6, 8, et 10, 12, des traverses supérieures, sont placés et fixés deux espèces de petits piliers, e, f ; g, h, qu'on appelle les montants. Ils sont de même grosseur, de même hauteur ; l'antérieur e, f, est percé d'un trou ; le postérieur g, h, est fendu d'une ouverture qui traverse son sommet, et qui descend à une profondeur telle, que le bout de l'axe de la roue i étant placé dans le trou du montant e, f, et son autre bout placé dans la fente de l'autre montant g, h, la roue soit bien verticale et se meuve bien perpendiculairement. On a fendu le montant g, h, à son sommet, afin que la roue puisse s'ôter et se mettre à discrétion entre ces montants. Ces montants e f, g h, sont fixés à écrous sur les traverses. L'extrémité de l'axe de la roue i, qui entre dans la fente du montant g h, est recourbée en manivelle k ; la queue l de cette manivelle passe dans une baguette percée d'un trou ; cette baguette l m n se rend à la planchette o, à l'extrémité de laquelle elle est attachée avec un cordon qui passe dans un trou fait au bout o de la planchette, qu'elle tient élevée au-dessus de la traverse inférieure 3, 4, d'une quantité un peu plus grande que celle à laquelle cette planchette pourrait descendre, lorsque le coude k de la manivelle, au lieu d'être élevé comme on le voit en k, est le plus abaissé qu'il est possible. La planche o p qu'on appelle la marche du rouet, est assemblée en p à tourillons avec la traverse 1, 2, et peut se mouvoir sur elle-même.

La pièce q r composée d'un tasseau de bois, percé de deux trous carrés, à l'aide desquels il peut glisser sur la longueur des traverses 9, 10 ; 11, 12 ; de deux montants s, t, et d'une vis en bois x y, qui passe à-travers le montant u t et le tasseau q r qui est taraudé, cette pièce, dis-je, s'appelle la coulisse. La vis s'appelle la poignée ; les deux montants s, t, s'appellent les marionnettes.

Les marionnettes dont on voit une séparément fig. s, t, portent à leur partie supérieure un morceau de cuir a, qui est percé d'un trou dans le milieu, et qui tient à la marionnette par deux petits tenons.

Il s'agit maintenant de passer dans les deux trous des deux cuirs des deux marionnettes, l'assemblage des pièces qu'on voit sur le rouet entier, et qu'on a représenté séparément en C, D, E, F, G, H, I, K, L, M, N, O, P, Q, R. C N est une broche de fer ; elle est percée en C d'un trou extérieur qui Ve jusqu'en E, où il y en a un autre E qui rencontre l'intérieur, en sorte qu'un fil qu'on passerait en C, sortirait par E. Sur cette broche de fer est fixée au point F, une pièce de bois F G G, figurée comme on la voit, et armée sur ses bords de petits bouts de fils-de-fer recourbés en crochets : on appelle cette pièce l'épinglier. H I K est une bobine enfilée sur la broche. Cette bobine a en H une bosse arrondie, et en K une gouttière. La pièce L M qui contient et serre la bobine sur la broche s'appelle la noix ; elle est à gouttière en L, et en bosse en M. On ne peut enlever de dessus la broche C N l'épinglier F G G, mais on en peut ôter et la bobine H I K, et la noix L M.

On a pratiqué à la broche C N une petite éminence D, pour contenir tout cet assemblage fixement entre les cuirs des marionnettes, et l'on a fait la partie M en bosse, afin que le frottement contre un des cuirs en fût moindre.

Ainsi on place tout cet assemblage C D E F G I K L M entre les marionnettes, l'extrémité C passée dans un des trous des cuirs, et l'autre extrémité M passée dans le trou de l'autre cuir. On a auparavant fait passer une corde à boyau dans les deux gouttières K, L, et dans la gouttière de la grande roue I.

On bande suffisamment cette corde à boyau, par le moyen de la vis ou poignée x y ; on fait approcher à discrétion le tasseau mobîle q r de la traverse immobîle a t ; et avec ce tasseau tout l'assemblage suspendu entre les cuirs des marionnettes st, fixées sur ce tasseau.

Il faut que la corde soit bandée de manière qu'en faisant tourner la grande roue i, tout l'assemblage C D E F G H I K L M N tourne ensemble.

D'où l'on voit qu'il faut que la bobine H I K et la noix L M, entrent avec un peu d'effort sur la broche, sans quoi ils tourneraient seuls, et ne feraient pas tourner la broche avec eux : or il faut que tout tourne ensemble.

Cette machine entière qu'on appelle rouet étant décrite, il s'agit maintenant d'en expliquer l'usage.

On a fixé sur le milieu de la bobine en i, un bout de fil tout filé : on fait passer ce bout de fil sur la première dent O de l'épinglier ; on le conduit de-là au trou E de la broche, et on le fait sortir par le trou C, comme on le voit en Q. On le conduit de Q à la quenouille, en le tenant entre l'index et le doigt du milieu de la main droite. La fileuse est assise devant son rouet, vis-à-vis la marche p o ; elle fait tourner la roue i à la main, jusqu'à ce que la manivelle k soit élevée comme on la voit : alors elle met le pied droit sur la marche p o ; elle presse le bout o de la marche avec le bout de ce pied : par cette action, le bâton m n est tiré, il entraîne la manivelle k, la manivelle fait tourner la roue i, la roue fait tourner la broche C N avec tout ce qu'elle porte ; le fil fixé d'un bout sur le milieu de la bobine, engagé sur une des dents de l'épinglier et sortant par le trou C de la broche, tourne aussi sur lui-même. La fileuse entretient toujours la roue i en mouvement dans le sens de i en 13. Quand ce fil a pris une certaine quantité de tors, la fileuse approche du bas de la filasse de sa quenouille, le fil grippe de cette filasse, cette partie de filasse se tord ; à mesure qu'elle se tord et que le fil se fait, il glisse par le trou C sur l'épingle O, et s'entortille sur la bobine.

La fileuse a devant elle sa mouillette ; elle humecte sa filasse et son fil, quand il en est besoin. Elle fait passer le fil d'une épingle O à la suivante P, et ainsi de suite, afin de répandre également son fil sur toute la cavité de la bobine ; quand elle est parvenue à la dernière a, elle retrograde et revient à la première O, en passant successivement par chacune des intermédiaires.

Au demeurant on doit observer pour bien filer au rouet, les mêmes règles que nous avons prescrites pour bien filer au fuseau.

Si on établit entre la vitesse de la grande roue i, 13, et celle de la bobine F I K, et du fil Q, et la vitesse avec laquelle on tire la filasse et on la fournit au mouvement, le rapport convenable, le fil ne sera ni trop ni pas assez tors.

On Ve vite quand on fîle au rouet ; mais on prétend communément que le fil qu'on fait n'est jamais ni aussi parfait, ni aussi bon que celui qu'on fîle au fuseau. Si vous désirez sur l'usage du rouet quelque chose de plus, voyez l'article COTON.

Lorsqu'on a une assez grande quantité de fil, on le met en écheveau par le moyen d'un devidoir. Le devidoir est une roue à plusieurs ailes, soutenue sur un axe entre deux piliers, et armé d'une manivelle, à l'aide de laquelle on la fait tourner. A mesure qu'elle tourne, elle tire le fil de dessus le fuseau, et s'en charge.

On envoye les écheveaux à la lessive ; d'où ils passent entre les mains du tisserand, quand on veut mettre le fil en toile, voyez l'article TOILE ; ou au moulin à tordre, quand on le destine à la couture et à d'autres ouvrages. L'art de tordre le fil a fait de grands progrès. Nous allons suivre ces progrès, et donner l'explication des machines dont on s'est servi successivement.

Le premier fil qu'on ait tordu, l'a été au fuseau ou à la quenouille. Retordre le fil, est en faire un espèce de petite corde de plusieurs brins : pour cet effet on le met en autant de pelotes qu'on veut qu'il y ait de brins au fil retors. On attache une clé à l'extrémité de la quenouille ; on fait passer les brins par l'anneau de la clé qui déborde le bout de la quenouille ; on les conduit tous ensemble sur l'extrémité du fuseau ; on les y fixe par le moyen d'une boucle, comme s'il était question de filer ; on prend ensuite le bout du fuseau entre les deux paumes de la main, et on le fait tourner sur lui-même de gauche à droite, c'est-à-dire dans un sens contraire à celui dont le fil a été tors, quand on l'a filé : or il est évident qu'il a été tors alors de droite à gauche.

Pour faire sentir la raison de cette manœuvre, il faut considérer, 1°. qu'en quelque sens qu'on tourne le fuseau, les brins se plieront les uns sur les autres, feront des spires, et formeront une petite corde.

2°. Qu'en faisant tourner le fuseau en sens contraire de celui où il tournait quand on a mis la filasse en fil, tous ces brins de fil faisant effort pour reprendre leur premier tors, auquel ce second mouvement est contraire, chercheront à tourner sur eux-mêmes, se serreront fortement les uns contre les autres, et donneront un tissu d'autant plus ferme à la petite corde qu'ils composeront.

3°. Que ce serrement n'aurait point eu lieu, si on eut fait tourner le fuseau et les brins dans le sens dont ils avaient été filés, et que la petite corde eut été lâche, sans consistance, et ses brins toujours prêts à se séparer. En effet, dans ce cas les brins portés au-delà de leur premier tors par un retors fait dans le même sens, auraient cherché à revenir à ce premier tors, et par conséquent à tourner sur eux-mêmes dans le sens contraire à ce retors, à se séparer et à ouvrir la corde.

J'ai Ve beaucoup de personnes qui ne pouvaient se faire des idées nettes de la raison de cette manœuvre, et qui s'opiniâtraient à prétendre qu'il fallait retordre les brins dans le sens où le fil avait été tordu.

Quand on retord les brins en sens contraire à celui selon lequel ils ont été filés, l'effort qu'ils font pour se restituer à leur premier tors, pour tourner sur eux-mêmes, et pour serrer la petite corde, est si considérable, que le fil retors se tortillerait, et formerait des boucles et des nœuds, si le fuseau n'était chargé à son extrémité d'un anneau de plomb, et si la fileuse ne le tenait tendu à chaque fois qu'elle veut envider sur son fuseau la portion de fil qu'elle a retorse.

Mais on ne tarda pas à s'apercevoir que cette manière de retordre était trop longue, et l'on imagina la machine dont nous allons parler.

Les différentes figures qui sont contenues dans cette Planche, ne sont que des détails de cette machine vue par partie et sous différents points de vue : on a donné à leur ensemble le nom de rouet. Ce rouet qui est très-simple en comparaison de ceux qui servent à filer l'or et l'argent, a été le premier instrument dont on s'est servi pour retordre les laines et fils servant à coudre, à faire la dentelle, et à faire des toiles brochées de laine ou de soie, telles qu'on les fabrique depuis quelques années à Rouen, et depuis une année à Pont-de-Vele en Bresse ; il est indiqué par la figure 1. de la vignette. La figure 2. de la vignette représente une fille qui fait une bobine composée de deux fils qu'elle joint ensemble ; ces deux fils sont tirés de deux échevaux séparés, et posés sur deux tournettes ou guindres indiqués par les lettres b, b. Ce sont ces mêmes bobines qui chargées de ce fil double, sont posées comme il est démontré dans la fig. 5. Elles sont traversées d'un petit arbre ou d'une branche de fer très-polie qui les soutient ; et au moyen d'une poulie qui adhere à chaque bobine ou fusée, et sur laquelle passe une corde qui le fait tourner très-vite, les deux brins de fil se tordent par le mouvement que reçoit la bobine, n'en composent plus qu'un, et forment un parfait fil retors, soit fil, soit laine ou soie.

Il est d'une conséquence infinie de faire attention de quelle façon le fil doit être retordu, parce que si on voulait retordre à droite un fil qui aura été filé de même, il ne serait pas possible d'en faire usage, attendu que ce second tors forçant le premier, sans néanmoins qu'il fût bien tordu, le fil s'ouvrirait de façon qu'il serait impossible de l'employer, attendu qu'il ne pourrait absolument se tenir retordu. Il faut donc avoir la précaution d'observer que lorsqu'un brin de fil ou laine est filé ou tordu à droite, il doit être retordu à gauche : il en est de même pour la soie.

Le fil préparé de cette façon recevant plus de tors, ne s'ouvre point pour cela, et ne se raccourcit pas ; au contraire il acquiert plus de consistance par cette seconde opération, qui le met en état d'être employé à tous les usages, tels que la couture, fabrique, etc.

La figure 3. n'est qu'une représentation en grand de la figure 1. de la vignette, où l'on peut distinguer toutes les parties du rouet avec plus de facilité.

A, figure 3. est la manette ou manivelle ajustée à l'arbre de fer B qui traverse la grande roue C qui donne le mouvement à toute la machine. Cette grande roue est cavée sur sa circonférence, et dans sa cavité il entre une corde un peu grosse, laquelle enveloppant la petite roue D placée sur l'arbre qui supporte la roue de pièce E, cavée aussi très-légèrement, et recevant la corde fine F qui passe sur les poulies G et N adhérantes aux bobines ou fusées, elle leur donne le mouvement pour retordre le fil double qu'elles soutiennent.

H, même figure, est une entaille faite dans une pièce de bois K L, nommée le sommier. Dans cette entaille entre une pièce mobîle de bois ou de fer M, à laquelle est attachée une petite poulie I sous laquelle passe la corde fine F qui donne le mouvement aux bobines. Cette pièce M, et les deux autres qui ne sont pas marquées, s'élèvent et se baissent selon le besoin, et servent à donner l'extension ou le relâchement nécessaire à la corde passée sous la poulie I, et conduisent cette corde comme on la voit ; c'est-à-dire des deux premières bobines en-dessus, sous la première poulie ; de la première poulie en-dessous, dessus les deux secondes bobines ; des deux secondes bobines en-dessus, sous la seconde poulie ; de la seconde poulie en-dessous, dessus les deux troisiemes bobines, et ainsi de suite : d'où il arrive que toutes les bobines tournent dans le même sens.

O, même figure, est une fusée cavée, adhérante à la grande roue C, à laquelle elle est attachée ; elle sert à placer dans ses cavités la corde nommée d'attirage, qui passée en recoude sur deux poulies longues P et Q, et croisée à une poulie semblable R, fig. 4. enveloppe la roue marquée S, qui fait partie de l'aspe X, dont l'arbre passé dans les deux piliers T qui le soutiennent, et lui donnent la liberté de tourner et recevoir la soie des huit bobines qui composent huit écheveaux. On a pratiqué au montant où sont attachées les poulies P R, des trous, afin de déplacer à discrétion les poulies, et rendre la corde qui passe sur elles plus ou moins tendue. Cette fusée composée de huit cavités dont les diamètres sont différents, sert encore à donner à l'aspe un mouvement plus lent ou plus prompt, selon qu'on veut un tors plus ou moins grand au fil travaillé ; ce qui est opéré en plaçant la corde d'attirage dans les cavités plus ou moins grandes, et selon que le besoin l'exige. Y est une des grosses pièces du bâtiment du rouet.

Z, même figure, est une verge de bois bien polie, sous laquelle passent les huit fils tordus, et qui se tordent encore jusqu'à ce qu'ils soient sur l'aspe ou dévidoir.

La fig. 4. montre une partie de rouet vue de côté, la fusée O, la roue de pièce E ; et la petite roue D, sur laquelle est passée la corde de la grande roue qui donne le mouvement aux huit bobines ou fusées : elle indique encore de quelle façon est passée la corde qui donne le mouvement à l'aspe ou devidoir X.

La figure 5. représente le sommier marqué K et L, et la figure 6. la forme de l'aspe ou devidoir.

Les autres figures sont des détails qu'il est facîle de comprendre ; ainsi on voit au-dessus de la figure 5. une poulie séparée avec son soutien ; et dans la fig. 5. l'entaille qui la reçoit.

A côté de cette figure 5. on voit les parties d'assemblage de la verge de bois ; au-dessous de la figure 6. le canon b c de la bobine e ; et en d, une des poulies vides qui servent à conduire la corde de bobines en bobines. Voici donc le mouvement de cette machine. La manivelle A fait tourner la grande roue C C, les roues D et E, et la fusée O ; la fusée O, les poulies P Q ; les poulies P Q, la poulie R ; la poulie R, l'aspe S T, qui tire les fils de dessus les bobines. Quant à la roue E, elle fait mouvoir toutes les bobines. Quant aux directions de ces mouvements, elles sont données par les cordes ouvertes ou croisées. Quand les cordes sont ouvertes, les mouvements sont dans le même sens ; et en sens contraire, quand les cordes sont croisées.

Après l'invention du rouet représenté dans la Planche précédente, succéda celle des moulins, qu'on voit dans celle-ci. Ce n'est pas que les rouets ne perfectionnassent les matières qui étaient préparées par leur secours, mais ils n'en fournissaient pas encore assez : il fallut donc trouver le moyen de faire plus d'ouvrage. Pour y parvenir on employa la seconde machine sous le nom de moulin ; et au lieu de huit bobines ou fusées que le rouet faisait tourner, le nouveau moulin en fit mouvoir 48, ce qui expédiait 5/6 d'ouvrage plus que le rouet. Cette machine est plus simple que le rouet. Nous allons donner la description de toutes les parties qui la composent, en observant néanmoins qu'il arrive très-souvent que le fil n'étant pas aussi tordu qu'il devrait l'être dans son premier filage, ou suivant l'ouvrage dans lequel il doit entrer, on le remet sans le doubler sur les moulins à retordre, afin de lui donner la préparation qui lui est nécessaire, observant toujours de le faire tourner dans la seconde préparation et quand il est doublé, d'une façon différente de la première.

La fig. 1. de la vignette est composée d'une grande roue A, garnie en-dedans d'une croisée B, B, C, C, au-travers de laquelle passe un arbre D. Cette croisée est soutenue par quatre pièces E. Dans le bas de l'arbre est un tourillon F, qui entre dans une grenouille G. Le haut de l'arbre H entre dans un trou rond I, pour qu'il soit arrêté droit.

La grande roue A engrene dans une lanterne K, appuyée par son arbre sur une pièce de bois L, et passée dans une pièce de bois M, au-dessus de laquelle, et au même arbre, est une seconde lanterne N qui engrene avec une roue O faite comme une roue de champ, laquelle a son arbre. De l'autre côté du pilier 15, qui en est traversé, est un pignon S qui donne le mouvement à la roue Y, attachée à l'aspe ou devidoir V, qui devide et ramasse le fil à mesure qu'il se tord.

Au pignon S est attachée une pièce de bois P appuyée sur la partie Q, au bout de laquelle est un second pignon T, soutenu par une seconde pièce de bois R, appuyé sur une pièce de bois 15. Ce second pignon donne le mouvement à une seconde roue Y, attachée à un second aspe ou devidoir X, qui devide et ramasse le fil dont les écheveaux sont composés.

Les lettres a a, figure 2. sont des fuseaux de fer qui entrent carrément dans les bobines sur lesquelles le fil est devidé ; et ce fil passe par des trous très-polis marqués d et e, afin de se trouver juste et en droite ligne sur l'aspe ou devidoir. Tous les fuseaux sont pointus, et entrent dans des espèces de grenouilles de verre enchâssées dans des pièces marquées i, fig. 4. qui sont entaillées dans la pièce longue marquée f, figure 3. Chaque fuseau est garni d'une plaque de plomb qui est placée au-dessous de la bobine dans la partie carrée de ce même fuseau, pour lui donner plus de poids et de facilité à tourner sur lui-même.

Le haut de chaque fuseau est rond et poli ; il est garni d'une petite pièce de bois mobîle appelée couronne, marquée u, fig. 4. autour de laquelle est un fil-de-fer, dont une extrémité qui est relevée étant courbée, forme une petite boucle marquée y, dans laquelle est passé le fil qui a déjà passé dans une autre boucle marquée Xe qui se trouve à l'autre extrémité du fil -de fer qui vient répondre au milieu de la bobine, comme il est représenté dans la figure 4.

La lisière 2, 2, même figure, est une courroie sans fin, laquelle passant d'un côté sur le tambour 3, figure 2. et venant sur un autre tambour tournant 4, même figure, attaché à une pièce 8 et 9, au moyen d'un pilier solide 10, au haut duquel est un trou où passe une vis avec son écrou 11 : en tournant la pièce écrouée, on fait lâcher ou tirer la courroie 2 autant que le besoin l'exige ; et au moyen du mouvement que la grande roue A donne à la lanterne K, le tambour qui lui est adhérant tournant de même, le mouvement qu'il donne à la courroie qui frotte sur chaque fuseau, et qui fait le tour du moulin, fait qu'ils tournent tous ensemble avec une si grande célérité, que le fil se trouve retordu lorsqu'il arrive sur l'aspe ou devidoir, quoiqu'il ne tourne pas doucement.

La courroie est soutenue par des bobines tournantes 5, 5, fig. 4. Les bobines sont placées entre les fuseaux de deux en deux, et servent à deux fins : la première est que les bobines étant cavées carrément, et placées de façon qu'elles pressent la courroie, leur cavité soutient cette même courroie, laquelle, sans cette précaution, tomberait insensiblement au bas des fuseaux. La seconde est que les bobines placées avec une justesse convenable, tiennent la courroie appuyée légèrement contre le bas des fuseaux, sans quoi elle ne pourrait pas les faire tourner avec cette régularité qu'exige la préparation de cette matière.

La figure 3. est le moulin Ve de face, le bâtiment du moulin qui est un carré long de 16 pieds sur 4 de large, ajusté et mortaisé comme la figure le démontre ; arrêté par le haut avec deux pièces cintrées, 16. Les moulins de cette espèce n'ont pas eu autant de succès qu'on s'en promettait, parce que la courroie qui donne le mouvement aux fuseaux qui portent les bobines remplies de fil, tirant sur une même ligne, il fallait une extrême justesse pour qu'elle appuyât également sur chacun de ces mêmes fuseaux, auxquels elle ne donne le mouvement que par le frottement qu'elle fait sur la partie élevée qui se trouve dans le bas de ces pièces, qui toutes doivent être passées au tour, pour être de la justesse requise.

La figure 2. est le moulin Ve de côté. La fig. 3. est celle du mouvement, composé des rouages dont il a été fait mention dans la figure 1. La figure 4. indique la façon dont les fuseaux sont placés : les autres pièces séparées démontrent la façon dont elles doivent être composées en grand.

Les moulins carrés n'ayant pas paru propres à donner toute la perfection dont les fils et les laines étaient susceptibles, attendu l'irrégularité qui se trouvait dans la courroie, qui, comme on l'a démontré, tournant sur une ligne droite, causait des mouvements irréguliers et indispensables dans quelques fuseaux, il fut question de remédier à ce défaut ; et pour y parvenir on inventa des moulins ronds, tels qu'ils sont représentés Planche III. Ce moulin, dont le mouvement est à-peu-près égal à celui de ceux qui sont carrés, a cette propriété différente de ces derniers, que la courroie suivant les fuseaux sur la circonférence d'un cercle, et se resserrant sur le tambour, il n'est pas possible qu'elle ne porte juste par-tout ; et au moyen de cette justesse, les fuseaux tournant avec une parfaite égalité, la matière se trouvait mieux préparée : le mouvement étant d'ailleurs plus simple, il fallait moins de peine ou de force pour le faire agir. Voyons la description.

Dans la figure 1. de la vignette, les pièces A sont quatre piliers qui soutiennent toute la machine ; la manivelle attachée à un arbre qui soutient la roue à cheville marquée a, figures 3. et 4. et la roue à lanterne b donnent le mouvement à toute la pièce. La roue à lanterne b donne le mouvement à la grande roue c adhérante, et garnie de l'aspe ou du devidoir d, pour recevoir le fil retordu qui est sur les fusées G, fig. 6. La roue à chevilles donne le mouvement au tambour S, sur lequel la courroie sans fin M faisant un tour et enveloppant les fuseaux, elle produit le retors par le mouvement qu'elle leur donne. Il est nécessaire que la courroie fasse un tour sur le tambour, afin qu'elle ne glisse pas dessus.

Vis-à-vis le tambour est une espèce de bobine tournante marquée V, dont l'objet est d'avancer ou de reculer, au moyen d'une vis qui donne l'extension nécessaire à la courroie, autant que le besoin du moulin l'exige.

Les bobines cavées marquées N, qui soutiennent la courroie, tournent sur le pivot qui les soutient, et sont placées en distance de trois fuseaux, au lieu que dans le moulin carré la distance n'est que de deux, attendu la ligne droite que décrit la courroie, qui a besoin d'être plus serrée. Les fuseaux sont semblables à ceux du moulin carré ; mais les bobines qui en sont supportées, sont différentes et plus simples : elles sont réprésentées par les figures séparées D, E, F. Celles-ci n'ont ni couronnes ni fil-de-fer pour recevoir le brin de fil ou de lame qui doit être retordu ; un simple trou à l'extrémité de la bobine sur laquelle le fil est devidé en pyramide, suffit pour préparer la matière, dont la consistance n'exige ni couronne ni fil-de-fer, ces dernières pièces n'étant en usage aujourd'hui que pour le moulinage des soies, dont la délicatesse exige plus de précaution qu'une matière plus ferme, excepté néanmoins les fils destinés pour les dentelles de haut prix, dont la délicatesse ne diffère pas de celle des plus belles soies. Ces fils, avant que d'arriver sur l'aspe, passent aussi à-travers des trous qui les y dirigent.

La figure 2. de la vignette est une repétition de la première, tournée différemment. La fig. 3. montre la forme du moulin représentée dans toute sa circonférence ; elle est ouverte d'un côté, pour y placer le rouage représenté dans la figure 4. La figure 5. est le côté opposé de la 4e ; la figure 6. la forme des deux parties qui forment la circonférence du moulin. On ne pense pas devoir donner une description de toutes ces parties, qui sont suffisamment représentées dans celle de la figure 1.

Quoique le nombre des moulins ronds soit considérable, les artistes qui se piquent de délicatesse dans leurs opérations, y ont trouvé des défauts, en ce que l'aspe ou devidoir qui ramasse le fil préparé pour en former des écheveaux, est trop éloigné des fuseaux qui se trouvent dans le milieu de la circonférence de ces mêmes moulins, qui lui sont diamétralement opposés, et trop près de ceux qui le joignent. Ils ont donc imaginé un moyen de les rapprocher tous de même, sans tomber dans les défauts, soit du moulin carré, soit du moulin rond ; l'un péchant par la difficulté d'entretenir le mouvement juste, au moyen de la courroie ; et l'autre par l'éloignement d'une partie des fils, dont la trop grande distance de l'aspe à la fusée causait un ébranlement dans le fil, qui l'empêchait d'être aussi parfait que celui qui était plus près.

Or, comme il était nécessaire que cette nouvelle machine ne fût ni carrée ni ronde, on se proposa de la faire ovale, nom qui est demeuré à tous les moulins qui se font aujourd'hui dans ce genre ; il y a des ovales simples et des ovales doubles, les ovales simples sont faites uniquement pour préparer la soie employée aux ouvrages de bonnetterie : on Ve expliquer les mouvements d'une ovale double.

Le mouvement de cette ovale qui est double, ne diffère en aucune façon de celui du moulin rond ; la différence qui s'y trouve, est qu'au lieu d'une rangée de bobines il y en a deux, conséquemment au lieu d'une courroie, deux, et au lieu d'un aspe ou devidoir, deux ; il faut en expliquer les parties.

On voit figure 2. toute la mécanique et le rouage du moulin, qui ne peut pas être Ve dans la figure 1. B et D est le bas de l'ovale qui porte toute la machine ; on l'appelle communément la table. C est le pilier du milieu opposé à l'ouvrier qui tourne la machine.

E, figure 1. est la table ou soufflet qui porte le premier rang des bobines et fuseaux ; F est celle qui porte le second rang. G représente la première courroie ; H la seconde courroie ; I une poulie longue qui resserre la première courroie. K, une poulie semblable, qui resserre la seconde courroie. M, un des montants ou piliers de l'ovale. N le tambour sur lequel sont passées les deux courroies. O la roue à cheville traversée par la manivelle, qui donne le mouvement au tambour. P, l'arbre du tambour, au bout duquel est la lanterne Q qui donne le mouvement à la roue R, figure 2. traversée par un arbre, aux extrémités duquel sont deux lanternes S qui donnent le mouvement aux deux roues T adhérantes et attachées aux deux aspes ou devidoirs, qui ramassent le fil préparé, et sur lesquels il se forme en écheveaux. V, figure 1. la partie de l'aspe opposée à celle de la roue. X, une figure ovale et fixe, percée en autant de parties qu'il y a de fuseaux, dans les trous de laquelle passent tous les fils qui vont sur le devidoir. C'est au moyen de ces trous, dont l'arrangement est juste, que les écheveaux se forment, parfaitement séparés. Y, figure 2. où les dents de la figure Z indiquent le passage du fil des deux rangées de bobines.

Les figures 2. 3. 4. et 5. sont différentes de la fig. 1. vue, soit de profil, de face, ou du plan ; l'explication qui vient d'être faite de la figure 1. est plus que suffisante pour donner à connaître quelle est la construction de cette machine.

Voilà où l'on en était lorsque M. de Vaucanson, en examinant ce mécanisme avec les yeux d'un mécanicien délicat : vit que le retors ne pouvait jamais être égal, tant qu'il dépendrait du frottement d'une courroie ; il perfectionna donc encore le moulin : nous parlerons de cette découverte à l'occasion du moulin à soie, à l'article SOIE ; voyez cet article.

L'usage de ces moulins ovales ayant été destiné pour retordre les fils, les laines et les soies, on observera que la quantité de fils qu'on est obligé de retordre est considérable, si on fait attention que celui dont on se sert pour faire la dentelle doit être retors, sans quoi elle serait de peu de durée, et ne supporterait pas trois ou quatre blanchissages ; tous les fils à coudre, cordonnets de poil de chèvre, doivent aussi être retordus ; on ne se sert pas d'autres machines pour leur donner cette préparation ; tous les fils qui servent à faire des lisses, soit à deux bouts, soit à trois, doivent être préparés sur ces moulins, en observant néanmoins, que pour retordre un fil ou le monter à trois bouts, il faut joindre trois bouts ensemble.

La quantité de fils à trois bouts que les manufactures d'étoffes d'or, d'argent et soie du royaume emploient pour faire leurs lisses, ne laisse aucun doute sur la quantité de moulins de cette espèce qui doivent se trouver dans le royaume, surtout en Flandre, d'où est tirée la principale partie de cette marchandise.

Si la quantité de fils préparés de cette façon, exige qu'il y ait un grand nombre de moulins de cette espèce dans le royaume, celle de la laine pure, celle de la soie mêlée avec de la laine, celle du poil de chèvre, et celle de la soie, en doivent augmenter considérablement le nombre.

La longueur du fil et son poids étant donnés, il est clair que sa finesse est d'autant plus grande qu'il y a plus de longueur et moins de poids, ou que sa finesse est, comme disent les Géomètres, en raison composée de la directe de sa longueur et de l'inverse de son poids. On exprime ce rapport par des numeros qui vont depuis 3 jusqu'à 400.

Les fils les plus connus sont ceux d'Epinay en Flandres, de Flandres ; le fil à gant ; le fil à marquer ; les fils de Malines, d'Anvers et de Hollande ; celui de Malines est si fin qu'on l'aperçoit à peine, et qu'il faut le garantir de l'impression de l'air ; il s'emploie surtout en dentelles ; on parle encore du fil de Rennes, de celui de Cologne, qui se fîle à Morlaix, et des fils de Normandie.

FIL DE LA VIERGE, (Physique) Le peuple appelle ainsi certains filaments blancs, et quelquefois assez épais, qu'on voit voltiger en l'air dans les jours d'été pendant les grandes chaleurs. On a cru autrefois que c'était une espèce de rosée d'une nature terrestre et visqueuse, que la chaleur du soleil condensait pendant le jour. On croit aujourd'hui assez communément que ce sont des toiles d'araignées, emportées et dispersées par le vent : nous ne sommes ici qu'historiens, et nous ne prétendons garantir ni l'une ni l'autre de ces explications. Je croirais volontiers que les petits filaments très-fins, dont on voit les plantes couvertes en certains jours d'été, peuvent être en partie produits par les araignées des champs, appelées faucheux ; mais je ne voudrais pas assurer que tous ces filaments, dont le nombre est si considérable, fussent leur ouvrage ; encore moins, que tous les filaments épais que l'on voit voltiger dans l'air un beau jour d'été, ne soient produits que par ces insectes : quelle en est donc la cause ? je crois qu'on l'ignore, ou du moins qu'on n'en est pas bien assuré. (O)

FIL DE PIEUX, (Hydraulique) C'est un rang de pieux équarris et couronnés d'un chapeau arrêté à tenons et mortaises, ou attaché avec des chevilles de fer, pour retenir les berges d'une rivière, d'un étang, ou pour conserver les turetes et chaussées des grands chemins. (K)

FIL-DE-FER, (Chimie métallurg.) instrument, au moyen duquel on résume les matières contenues dans les tarts, coupelles, creusets : on en a de différentes grosseurs ; celui, par exemple, qui sert à faire descendre les charbons par l'oeil du fourneau d'essai, peut avoir trois ou quatre lignes de diamètre, et est garni d'un manche : la longueur et l'usage des autres détermine leur grosseur : il est cependant bon d'observer qu'il vaut mieux les prendre trop gros que trop petits ; parce que pour lors ils font ressort et font sauter les matières des essais, qui deviennent faux par-là. Il y en a de droits, de courbés et de crochus.

Quand il s'agit d'une grande exactitude ou d'une grande propreté dans les opérations, on a autant de fil-de-fer que de vaisseaux exposés au feu. On leur donne ce même ordre, et l'on évite par cette précaution de rendre un essai faux ou de changer la couleur d'une vitrification, en transportant et mêlant les matières d'un vaisseau avec celles d'un autre. Voyez CROCHET-DE-FER, ESSAI, et nos Planches de Chimie. Article de M. DE VILLIERS.

FIL, terme de bâtiment ; c'est dans la pierre et le marbre une veine qui les coupe, voyez l'article PIERRE. (P)

FIL, terme de Cordier, est l'assemblage d'un grand nombre de filaments de chanvre tortillés ensemble par l'action de la roue.

Pour que le fil soit bien conditionné, il faut 1°. qu'il soit uni, bien serré et bien égal : 2°. qu'il n'ait point de meche, et que le chanvre soit roulé en ligne spirale.

A l'égard de la grosseur du fil, elle dépend de la qualité du chanvre : le chanvre bien affiné doit être filé plus fin que celui qui l'est moins : en général le fil le plus fin porte trois lignes et demi de tour, et le plus gros ne doit pas passer six lignes.

Pour ce qui regarde la manière de fabriquer le fil, voyez l'article CORDERIE.

FIL : ce mot dans la Marine est appliqué à différents usages ; par exemple,

Fil à gargousses, c'est du fil de chanvre à l'ordinaire, avec lequel on coud les gargousses.

Fil de voile, de frée, du treusier ; on lui donne ce nom, parce qu'il sert à coudre les voiles ; c'est un fil gros comme le ligneul des Cordonniers.

Fil blanc ; c'est celui qui n'est pas passé dans le gaudron.

Fil gaudronné ; c'est celui qui a passé dans le gaudron chaud.

Fil de caret ; on donne ce nom à de gros fil qui sert à faire les cordages. Dans les corderies du roi on n'est pas encore bien d'accord sur la grosseur que les fileurs doivent donner à ce fil, pour le rendre meilleur et plus propre à faire de bons cordages : il en est de même du degré de tortillement ; mais en général on prétend que lorsqu'il est filé fin et moins tors, les cordages en ont plus de force et sont meilleurs : mais communément les fileurs donnent au fil les uns trois lignes ou trois lignes et demie de circonférence ; d'autres 4 à 5 lignes, et quelques-uns mêmes vont jusqu'à six et sept lignes, et chacun prétend avoir attrapé le point de perfection. Mais si l'on veut approfondir cette partie, il faut voir ce qu'en écrit M. Duhamel dans son excellent Traité de la fabrique des manœuvres pour les vaisseaux, etc. à Paris de l'Imprimerie royale, 1747.

Le fil de caret est aussi le fil qu'on tire d'un des cordons de quelque vieux câble coupé par pièce ; ce fil est d'un grand usage sur la mer pour raccommoder des manœuvres rompues : dans un vaisseau de guerre il faut avoir au moins 300 livres de ce fil. (Z)

FIL CIRE, chez les Bourreliers, est du fil de Cologne plié en plusieurs doubles retordus à la main : et frottés de cire blanche : ces artisans s'en servent principalement pour exécuter sur différentes pièces d'harnais des compartiments, des desseins ou broderies, qu'on y pratique par manière d'ornements ; on se sert aussi de ce fil pour oualer, et même pour coudre les ouvrages les moins grossiers de la profession.

FIL DE COLOGNE, est un fil blanc qui sert aux Cordonniers, pour coudre aussi les souliers, lorsque l'on veut que les points paraissent blancs.

FIL GROS, est du fil de chanvre que les Cordonniers mettent en plusieurs brins qu'ils frottent avec de la poix, et qui leur sert à coudre les souliers : chaque extrémité du fil est armée d'une soie de sanglier qui lui sert d'aiguille, pour le pouvoir passer dans les trous que l'alêne a faits.

FIL DE PIGNON, nom que les Horlogers donnent à du fil d'acier, cannelé en forme de pignon. Voyez dans les Planches de l'Horlogerie ; on y a représenté un bout de fil de pignon de sept. Avant que l'on eut trouvé le moyen de faire ce fil, ils étaient obligés de fendre eux-mêmes leurs pignons. Cette opération, quoique simple en elle-même, est fort difficîle par la précision que l'on doit apporter à rendre toutes les ailes parfaitement égales, de même que les fentes qui les séparent. Aussi leur prenait-elle beaucoup de temps, et souvent même n'y réussissaient-ils pas avec toute l'exactitude requise. Au moyen de ce fil, lorsqu'il est bien fait, ils sont délivrés de tout cet embarras ; et pour faire un pignon, l'ouvrage se réduit à passer une lime entre ses ailes, pour leur donner une figure et une épaisseur convenable.

L'invention du fil de pignon et celle de la machine à fendre, ont rendu deux grands services à l'Horlogerie pratique, en abregeant et perfectionnant beaucoup l'exécution des deux parties essentielles d'une montre, les roues et les pignons.

Les Anglais sont les premiers qui ont fait de ce fil ; les Genevois ont tenté de les imiter, mais avec peu de succès, leur fil étant encore fort imparfait : aussi les Horlogers le tirent-ils presque tout d'Angleterre. Plusieurs personnes avaient tenté à diverses reprises d'en faire dans ce pays-ci, mais infructueusement. M. Fournier, faiseur de ressorts, l'entreprit aussi, et n'y réussit pas mieux. Enfin M. Blackey, habîle faiseur de ressorts, a réussi à en faire d'aussi parfaits que les Anglais ; on peut dire même qu'il les a surpassés, en ce qu'il en fait de très-gros pour les pignons des pendules, ce qu'ils ne font pas. L'Académie royale des Sciences ayant donné en 1744 un certificat fort avantageux de sa machine, il a obtenu en conséquence un privilège exclusif de 15 ans, pour faire de ce fil. (T)

* FIL A LISSE, (Manufacture en soie) les lisses sont fort sujettes à se casser : le fil dont elles sont faites se coupe à l'endroit de la jonction des deux parties qui les composent, par le passage continuel des soies de chaîne, voyez LISSES ; lorsqu'on s'aperçoit de cet accident, il faut y remedier ; on prend les deux bouts de la partie cassée, que l'on noue ensemble près du lisseron, le superflu est coupé près de ce nœud, puis on passe un brin de fil dans la partie restée entière pour former la bouclette détruite ; les bouts de ce brin vont s'attacher au nœud fait auprès du lisseron, et le mal est réparé : l'ouvrier a toujours à son métier une lisse de ces brins de fil coupés de longueur convenable, pour subvenir au besoin.

FIL DE METAL ; (Tireur d'or) est un morceau de metal qu'on a réduit à un très-petit diamètre, en le faisant passer par un petit trou rond fait dans de l'acier.

Les fils de metal sont communément si fins, qu'on peut les travailler avec des fils de soie, de laine et de chanvre. Ils font un article considérable des manufactures.

Les metaux qu'on tire le plus communément, sont l'or, l'argent, le cuivre, le fer.

FIL D'OR : ce qu'on appelle fil d'or est un lingot cylindrique d'argent recouvert d'or, lequel on a fait passer successivement par un grand nombre de trous de plus petits en plus petits, jusqu'à ce qu'il soit arrivé à être plus fin que les cheveux. Cette prodigieuse ductilité est un des caractères distinctifs de l'or ; elle est portée à un point qu'on aurait de la peine à imaginer. M. Halley a fait voir qu'un cylindre d'argent du poids de 48 onces, et recouvert d'une once d'or, donnait un fil dont deux aulnes ne pesaient qu'un grain, en sorte que 98 aulnes de ce fil ne pesaient que 49 grains, c'est-à-dire qu'un seul grain d'or couvrait 98 aulnes. Par ce moyen la dixmillième partie d'un grain couvre plus d'un demi-pouce.

Le même auteur en calculant l'épaisseur que doit avoir l'or qui entoure ce fil, trouve qu'elle ne peut être que la 2/134500 partie d'un pouce. Cependant elle couvre si parfaitement l'argent, qu'on ne voit point même avec le microscope aucun endroit où l'argent paraisse.

M. Rohaut a remarqué qu'un semblable cylindre d'argent couvert d'or, de deux pieds 8 pouces de long et de 2 pouces 9 lignes de tour, donnait après avoir été tiré, un fil de 307200 pieds de long, c'est-à-dire qu'il parvenait à avoir 115200 fois sa première longueur.

M. Boyle rapporte que 8 grains d'or employés à couvrir un lingot d'argent, fournissent communément jusqu'à la longueur de treize mille pieds. Voyez OR, et la méthode de le tirer, et l'article DUCTILITE. Chambers.

FIL D'ARGENT : ce fil se fait de la même manière que le fil d'or ; on prend simplement un lingot d'argent qui ne soit point doré. Voyez OR.

Il y a aussi des fils qui imitent l'or et l'argent : le premier est fait d'un cylindre de cuivre argenté d'abord, et ensuite doré ; le second est simplement fait de cuivre argenté. On les tire de la même manière que les fils d'or et d'argent.

Le fil de cuivre se tire encore de la même manière que les précédents ; on en a de toutes les grosseurs, suivant les différents emplois qu'on en veut faire. Le plus fin est employé pour les instruments de musique, comme clavecins, harpe, psalterion, etc. Voyez CORDE. Les Epingliers font aussi une grande consommation de fil de cuivre de différentes grosseurs. Voyez EPINGLE.

Le fil de fer est nommé communément fil d'archal : la raison de cette dénomination est peu connue. M. Menage, célèbre étymologiste, tire ce nom de filum et aurichalcum ; mais d'autres plus versés dans les matières de commerce, prétendent que Richard Archal fut le premier inventeur de la manière de tirer le fil de fer, et qu'il lui donna son nom.

Il y a aussi du fil d'archal depuis 1/2 pouce jusqu'à 1/10 de pouce de diamètre. Les plus petits sont employés dans les instruments de Musique, principalement pour les clavecins.

La Suède fournit beaucoup de fil d'archal aux autres nations.

Le premier fer qui coule de la mine lorsqu'on la fond, étant le plus doux et le plus fort, est conservé pour en faire du fil d'archal. Chambers.

* FIL DE LACS, (Manufacture en soie) fil à trois bouts et fort, servant à arrêter par un entrelacement successif et déterminé, toutes les cordes que la liseuse a retenues avec l'embarbe, en lisant ou projetant le dessein sur le semple. Je dis en projetant ; car tout l'art des étoffes figurées n'est qu'une projection de dessus le papier réglé, où le dessein a été tracé sur le semple, et de dessus le semple sur la chaîne dont la trame ou l'ourdissage arrête différents points diversement colorés et diversement distribués, qui exécutent le dessein ; artifice qui, s'il avait été imaginé par un seul homme, montrerait autant de sagacité et d'étendue qu'il était possible d'en avoir ; mais c'est l'invention de plusieurs hommes qui l'ont perfectionné successivement.

FIL DE REMISSE, (Manufacture en soie) fil très-fin à trois bouts, qui sert à faire les mailles des lisses dans lesquelles sont passés les fils de la chaîne.

FIL DE CHAINETTE, terme de Tisserand. C'est du gros fil ou de la petite ficelle dont les Tisserands forment la partie de leur métier, qu'ils nomment des chaînettes, parce qu'elles servent à lever ou baisser les fils de la chaîne, à-travers desquels ils lancent la navette. Voyez CHAINETTE.

FIL DE LISSE, c'est une espèce de fil ou ficelle médiocrement grosse, dont les ouvriers qui travaillent avec la navette, se servent pour monter leurs métiers et en faire ce qu'ils appellent des lisses. Voyez LISSES.

FIL D'OUVREAU, (Verrerie) Voyez OUVREAU et l'article VERRERIE.

FIL ou LAMBEL, en Blason, c'est une pièce d'armoirie qui a quelquefois plus et quelquefois moins de points, et qui fait la différence ou distinction du second fil.

On porte quelquefois cette pièce, comme une distinction défavorable dans un écusson ; Guillim en rapporte plusieurs exemples : mais c'est le plus souvent la différence ou marque de distinction que le frère ainé porte dans ses armes pendant la vie de son père.

Quelques-uns font cette distinction entre fil et lambel : ils appellent fil, la ligne supérieure et horizontale ; et lambel, les points qui en sortent. Voyez LAMBEL.

Fil de trois lambels ou plus, V. LAMBEL. Chambers.