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Catégorie parente: Morale
Catégorie : Economie rustique
S. m. (Economie rustique) Ce n'est point cet homme de peine, ce mercenaire qui panse les chevaux ou les bœufs, et qui conduit la charrue. On ignore ce qu'est cet état, et encore plus ce qu'il doit être, si l'on y attache des idées de grossiereté, d'indigence et de mépris. Malheur au pays où il serait vrai que le laboureur est un homme pauvre : ce ne pourrait être que dans une nation qui le serait elle-même, et chez laquelle une décadence progressive se ferait bientôt sentir par les plus funestes effets.

La culture des terres est une entreprise qui exige beaucoup d'avances, sans lesquelles elle est stérîle et ruineuse. Ce n'est point au travail des hommes qu'on doit les grandes récoltes ; ce sont les chevaux ou les bœufs qui labourent ; ce sont les bestiaux qui engraissent les terres : une riche recolte suppose nécessairement une richesse précédente, à laquelle les travaux quelque multipliés qu'ils soient, ne peuvent pas suppléer. Il faut donc que le laboureur soit propriétaire d'un fonds considérable, soit pour monter la ferme en bestiaux et en instruments, soit pour fournir aux dépenses journalières, dont il ne commence à recueillir le fruit que près de deux ans après ses premières avances. Voyez FERME et FERMIER, Economie politique.

De toutes les classes de richesses, il n'y a que les dons de la terre qui se reproduisent constamment, parce que les premiers besoins sont toujours les mêmes. Les manufactures ne produisent que très-peu au-delà du salaire des hommes qu'elles occupent. Le commerce de l'argent ne produit que le mouvement dans un signe qui par lui-même n'a point de valeur réelle. C'est la terre, la terre seule qui donne les vraies richesses, dont la renaissance annuelle assure à un état des revenus fixes, indépendants de l'opinion, visibles, et qu'on ne peut point soustraire à ses besoins. Or les dons de la terre sont toujours proportionnés aux avances du laboureur, et dépendent des dépenses par lesquelles on les prépare : ainsi la richesse plus ou moins grande des laboureurs peut être un thermomètre fort exact de la prospérité d'une nation qui a un grand territoire.

Les yeux du gouvernement doivent donc toujours être ouverts sur cette classe d'hommes intéressants. S'ils sont avilis, foulés, soumis à des exigences dures, ils craindront d'exercer une profession stérîle et sans honneur ; ils porteront leurs avances sur des entreprises moins utiles ; l'Agriculture languira, dénuée de richesses, et sa décadence jettera sensiblement l'état entier dans l'indigence et l'affoiblissement. Mais par quels moyens assurera-t-on la prospérité de l'état en favorisant l'Agriculture ? par quel genre de faveur engagera-t-on des hommes riches à consacrer à cet emploi leur temps et leurs richesses ? On ne peut l'espérer qu'en assurant au laboureur le débit de ses denrées, en lui laissant pleine liberté dans la culture ; enfin, en le mettant hors de l'atteinte d'un impôt arbitraire, qui porte sur les avances nécessaires à la reproduction. S'il est vrai qu'on ne puisse pas établir une culture avantageuse sans de grandes avances, l'entière liberté d'exportation des denrées est une condition nécessaire, sans laquelle ces avances ne se feront point. Comment, avec l'incertitude du débit qu'entraîne la gêne sur l'exportation, voudrait-on exposer ses fonds ? Les grains ont un prix fondamental nécessaire. Voyez GRAINS (Econom. politiq.). Où l'exportation n'est pas libre, les laboureurs sont réduits à craindre l'abondance, et une surcharge de denrées dont la valeur vénale est au-dessous des frais auxquels ils ont été obligés. La liberté d'exportation assure, par l'égalité du prix, la rentrée certaine des avances et un produit net, qui est le seul motif qui puisse exciter à de nouvelles. La liberté dans la culture n'est pas une condition moins nécessaire à sa prospérité ; et la gêne à cet égard est inutîle autant que dure et ridicule. Vous pouvez forcer un laboureur à semer du blé, mais vous ne le forcerez pas à donner à sa terre toutes les préparations et les engrais sans lesquels la culture du blé est infructueuse : ainsi vous anéantissez en pure perte un produit qui eut été avantageux : par une précaution aveugle et imprudente vous préparez de loin la famine que vous vouliez prévenir.

L'imposition arbitraire tend visiblement à arrêter tous les efforts du laboureur et les avances qu'il aurait envie de faire : elle desseche donc la source des revenus de l'état ; et en répandant la défiance et la crainte, elle étouffe tout germe de prospérité. Il n'est pas possible que l'imposition arbitraire ne soit souvent excessive ; mais quand elle ne le serait pas, elle a toujours un vice radical, celui de porter sur les avances nécessaires à la production. Il faudrait que l'impôt non-seulement ne fût jamais arbitraire, mais qu'il ne portât point immédiatement sur le laboureur. Les états ont des moments de crise où les ressources sont indispensables, et doivent être promptes. Chaque citoyen doit alors à l'état le tribut de son aisance. Si l'impôt sur les propriétaires devient excessif, il ne prend que sur des dépenses qui par elles-mêmes sont stériles. Un grand nombre de citoyens souffrent et gémissent ; mais au moins ce n'est que d'un mal-aise passager, qui n'a de durée que celle de la contribution extraordinaire ; mais si l'impôt a porté sur les avances nécessaires au laboureur, il est devenu spoliatif. La reproduction diminuée par ce qui a manqué du côté des avances, entraîne assez rapidement à la décadence.

L'état épuisé languit longtemps, et souvent ne reprend pas cet embonpoint qui est le caractère de la force. L'opinion dans laquelle on est que le laboureur n'a besoin que de ses bras pour exercer sa profession, est en partie l'origine des erreurs dans lesquelles on est tombé à ce sujet. Cette idée destructive n'est vraie qu'à l'égard de quelques pays dans lesquels la culture est dégradée. La pauvreté des laboureurs n'y laisse presque point de prise à l'impôt, ni de ressources à l'état. Voyez METAYER.

LABOUREUR, (Plomb.) c'est ainsi que le plombier appelle le bâton dont il se sert pour labourer son sable. Voyez LABOURER et PLOMBIER.




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