S. f. (Economie rustique) c'est un mélange des excréments du bétail avec la paille qui lui a servi de litière. Ces matières étant foulées par les animaux, et macérées dans leur urine, sont dans un état de fermentation dont la chaleur se communique aux terres sur lesquelles on les répand : de plus, elles contiennent un sel alkali qui se combine avec l'acide répandu dans l'air, et forme avec lui des sels moyens dont les plantes tirent une partie de leur nourriture.

Les fumiers sont le principal ressort de l'Agriculture ; et ce mot, par lequel on désigne métaphoriquement ce qu'on juge méprisable, exprime réellement la vraie source de la fécondité des terres et des richesses sans lesquelles les autres ne sont rien. Tout système d'Agriculture dans lequel les fumiers ne seront pas mis au premier degré d'importance, peut être à bon droit regardé comme suspect.

Quelques personnes ont blâmé les vues économiques de M. de Sully, et accusé de petitesse l'opposition qu'il marquait pour l'établissement des manufactures de soie. Cette accusation pourrait être regardée comme faite au moins légèrement et sans assez d'examen. Sans adopter aucun système exclusif, nous osons dire qu'il est à craindre que l'usage trop multiplié de la soie n'avilisse le prix des laines, et ne décourage sur l'entretien des troupeaux. Il est certain que notre Agriculture était beaucoup plus active et plus florissante du temps de M. de Sully, qu'elle ne l'est aujourd'hui : or l'état de l'Agriculture dépend de la quantité du bétail. Les terres ne peuvent emprunter que des fumiers, cette fécondité non interrompue qui enrichit les propriétaires et les cultivateurs. Quand on compare attentivement le produit général des Arts avec celui des terres, il est aisé de voir combien le dernier l'emporte sur l'autre par l'importance et par la sûreté. Voyez GRAINS, (Economie politique)

Les Laboureurs n'ignorent pas que l'emploi continuel des fumiers est d'une nécessité absolue pour le succès de leurs travaux ; mais il en coute pour nourrir des troupeaux ; et quelques-uns sont retenus sur cette dépense par l'avarice, d'autres sont arrêtés par l'impuissance : les premiers méritent de n'être corrigés que par la pauvreté, et ils doivent s'y attendre ; avec quelques efforts, les autres ont un moyen de se relever. Si je me trouvais chargé d'une ferme dénuée de fumier, et peu fournie de paille, voici ce que je ferais.

Je semerais en herbe, treffle, sainfoin, etc. une partie de mes terres, et je ne réserverais pour le grain que celle qu'il me serait possible de fumer : dès-lors moins de dépenses en labours, etc. Ces herbes artificielles semées dans une terre mal préparée, ne produiraient pas de grandes récoltes, mais elles fourniraient à la nourriture de quelques bestiaux, aux fumiers desquels je devrais peu-à-peu la fertilité de mes terres : les près factices seraient eux-mêmes défrichés au bout de trois ou quatre ans ; améliorés par le repos, ils seraient devenus propres à porter des grains en abondance ; et les pailles me mettraient en état de nourrir une plus grande quantité de bétail : alors ma cour se remplirait de fumiers ; et en peu d'années, mes terres seraient remises à ce degré de fécondité sans lequel la culture est onéreuse. Voyez PRAIRIES ARTIFICIELLES.

Les fumiers ont des qualités dont la différence est déterminée par l'espèce de l'animal qui les façonne. Le fumier de vache est gras et frais ; il convient aux terres chaudes et sablonneuses : celui de mouton a plus de chaleur ; il réussit principalement dans les terres blanches et froides : celui de cheval a une sorte de sécheresse qui le rend spécialement propre aux terres fortes. Voyez ENGRAIS.

Une partie des propriétés du fumier tient, comme nous l'avons dit, à son état de fermentation. Il faut donc ne pas l'employer, avant que la fermentation soit bien établie : on doit même attendre que la putréfaction soit à un certain degré ; ce degré se reconnait à la chaleur qui doit avoir précédé, et se faire encore sentir dans le fumier, et à une odeur assez forte d'alkali volatil qui s'en exhale. Si on le répand trop tôt sur les terres, il n'a pas encore acquis l'activité qu'il doit leur communiquer. Si on le laisse se consommer en terreau, ce ne sont plus que des parties friables qui s'interposent sans chaleur entre les molécules de la terre ; et l'alkali volatil est évaporé. Il y a cependant une remarque à faire ; et nous la devons à M. Tillet, à qui l'Agriculture doit tant : ses expériences sur la nielle lui ont appris que cette maladie se communique par les fumiers composés de pailles suspectes, à moins qu'ils ne soient réduits presque en terreau : il y a apparence que la poussière noire qui perpétue cette contagion, contient un acide, puisque son effet est détruit pat les lessives de soude, de cendre, etc. Voyez NIELLE. Article de M. LE ROY, lieutenant des chasses du parc de Versailles.