S. m. pl. (Histoire et Jurisprudence) était le titre que l'on donnait anciennement aux assesseurs ou conseillers des comtes.

Présentement ce sont des officiers municipaux établis dans plusieurs villes, bourgs et autres lieux, pour avoir soin des affaires de la communauté : en quelques endroits ils ont aussi une juridiction et autres fonctions plus ou moins étendues, selon leurs titres et possession, et suivant l'usage du pays.

Loyseau en son traité des offices, liv. V. ch. VIIe dit que les échevins étaient magistrats, du moins municipaux, de même que ceux que les Romains choisissaient entre les décurions : il les compare aussi aux édiles, et aux officiers que l'on appelait defensores civitatum ; et en effet les fonctions de ces officiers ont bien quelque rapport avec celles d'échevin, mais il faut convenir que ce n'est pas précisément la même chose, et que le titre et les fonctions de ces sortes d'officiers, tels qu'ils sont établis parmi nous, étaient absolument inconnus aux Romains ; l'usage en fut apporté d'Allemagne par les Francs, lorsqu'ils firent la conquête des Gaules.

Les échevins étaient dès-lors appelés scabini, scabinii ou scabinei, et quelquefois scavini, scabiniones, scaviones ou scapiones : on les appelait aussi indifféremment rachinburgi ou rachinburgi : ce dernier nom fut usité pendant toute la première race, et en quelques lieux jusque sur la fin de la seconde.

On leur donnait aussi quelquefois les noms de sagi, barones, ou viri sagi, et de senatores.

Le terme de scabini, qui était leur nom le plus ordinaire, et d'où l'on a fait en français échevin, vient de l'allemand schabin ou scheben, qui signifie juge ou homme savant. Quelques-uns ont néanmoins prétendu que ce mot tirait son étymologie d'eschever, qui en vieux langage signifie cavère ; et que l'on a donné aux échevins ce nom, à cause des soins qu'ils prennent de la police des villes : mais comme le nom latin de scabini est plus ancien que le mot français échevin, il est plus probable que scabini est venu de l'allemand schabin ou schaben, et que de ces mêmes termes, ou du latin scabini, on a fait échevins, qui ne diffère guère que par l'aspiration de la lettre s, et par la conversion du b en Ve

Le moine Marculphe qui écrivait vers l'an 660, sous le règne de Clovis II. fait mention dans ses formules, des échevins qui assistaient le comte ou son viguier, vigarius, c'est-à-dire lieutenant, pour le jugement des causes. Ils sont nommés tantôt scabini, tantôt rachinburgi. Aigulphe comte du palais sous le même roi, avait pour conseillers des gens d'épée comme lui, qu'on nommait échevins du palais, scabini palatii. Il est aussi fait mention de ces échevins du palais dans une chronique du temps de Louis-le Debonnaire, et dans une charte de Charles-le-Chauve.

Les capitulaires de Charlemagne, des années 788, 803, 805 et 809 ; de Louis-le-Debonnaire en 819, 829 ; et de Charles-le-Chauve, des années 864, 867, et plusieurs autres, font aussi mention des échevins en général, sous le nom de scabini.

Suivant ces capitulaires et plusieurs anciennes chroniques, les échevins étaient élus par le magistrat même avec les principaux citoyens. On devait toujours choisir ceux qui avaient le plus de probité et de réputation ; et comme ils étaient choisis dans la ville même pour juger leurs concitoyens, on les appelait judices proprii, c'est-à-dire juges municipaux. C'était une suite du privilège que chacun avait de n'être jugé que par ses pairs, suivant un ancien usage de la nation ; ainsi les bourgeois de Paris ne pouvaient être jugés que par d'autres bourgeois, qui étaient les échevins, et la même chose avait lieu dans les autres villes. Ces échevins faisaient serment à leur reception, entre les mains du magistrat, de ne jamais faire sciemment aucune injustice.

Lorsqu'il s'en trouvait quelques-uns qui n'avaient pas les qualités requises, soit qu'on se fût trompé dans l'élection, ou que ces officiers se fussent corrompus depuis, les commissaires que le roi envoyait dans les provinces, appelés missi dominici, avaient le pouvoir de les destituer et d'en mettre d'autres en leur place. Les noms des échevins nouvellement élus étaient aussi-tôt envoyés au roi, apparemment pour obtenir de lui la confirmation de leur élection.

Leurs fonctions consistaient, comme on l'a déjà annoncé, à donner conseil au magistrat dans ses jugements, soit au civil ou au criminel, et à le représenter lorsqu'il était occupé ailleurs, tellement qu'il ne lui était pas libre, au comte, ni à son lieutenant, de faire grâce de la vie à un voleur, lorsque les échevins l'avaient condamné.

Ils assistaient ordinairement en chaque plaid ou audience appelée mallus publicus, au nombre de sept ou au moins de deux ou trois. Quelquefois on en rassemblait jusqu'à douze, selon l'importance de l'affaire ; et lorsqu'il ne s'en trouvait pas assez au siège pour remplir ce nombre, le magistrat devait le suppléer par d'autres citoyens des plus capables, dont il avait le choix.

Vers la fin de la seconde race et au commencement de la troisième, les ducs et les comtes s'étant rendus propriétaires de leur gouvernement, se déchargèrent du soin de rendre la justice sur des officiers qui furent appelés baillis, vicomtes, prevôts, et châtelains.

Dans quelques endroits les échevins conservèrent leur fonction de juges, c'est-à-dire de conseillers du juge ; et cette juridiction leur est demeurée avec plus ou moins d'étendue, selon les titres et la possession ou l'usage des lieux ; dans d'autres endroits au contraire le bailli, prevôt, ou autre officier, jugeait seul les causes ordinaires ; et s'il prenait quelquefois des assesseurs pour l'aider dans ses fonctions, ce n'était qu'une commission passagère. Dans la plupart des endroits où la justice fut ainsi administrée, les échevins demeurèrent réduits à la simple fonction d'officiers municipaux, c'est-à-dire d'administrateurs des affaires de la ville ou communauté ; dans d'autres ils conservèrent quelque portion de la police.

Il parait que dans la ville de Paris la fonction des échevins qui existaient dès le temps de la première et de la seconde race, continua encore sous la troisième jusque vers l'an 1251 ; ils étaient nommés par le peuple et présidés par un homme du roi : ils portaient leur jugement au prevôt de Paris, lequel alors ne jugeait point. Ces prevôts n'étaient que des fermiers de la prevôté ; et dans les prevôtés ainsi données à ferme, comme c'était alors la coutume, c'étaient les échevins qui taxaient les amendes. Les échevins de Paris cessèrent de faire la fonction de juges ordinaires, lorsqu'Etienne Boileau fut prevôt de Paris, c'est-à-dire en 1251 ; alors il mirent à leur tête le prevôt des marchands ou de la confrairie des marchands, dont l'institution remonte au temps de Louis VII.

Ce fut sous son règne, en 1170, qu'une compagnie des plus riches bourgeois de la ville de Paris y établit une confrairie des marchands de l'eau, c'est-à-dire fréquentants la rivière de Seine, et autres rivières affluentes ; ils achetèrent des religieuses de Haute-Bruyere une place hors la ville, qui avait été à Jean Popin bourgeois de Paris, lequel l'avait donnée à ces religieuses. Ils en formèrent un port appelé le port Popin : c'est à présent un abreuvoir du même nom. Louis le Jeune confirma cette acquisition et établissement par des lettres de 1170 ; Philippe Auguste donna aussi quelque temps après des lettres pour confirmer le même établissement et régler la police de cette compagnie.

Les officiers de cette compagnie sont nommés dans un arrêt de la chandeleur en 1268 (au registre praepositi mercatorum aquae olim) ; dans un autre de la pentecôte en 1273, ils sont nommés scabini, et leur chef magister scabinorum. Dans le recueil manuscrit des ordonnances de police de saint Louis ils sont dits li prevôt de la confrairie des marchands, et li échevins, li prévôt et li jurés de la marchandise, li prevôt des marchands et li échevins de la marchandise, li prevôt et li jurés de la confrairie des marchands.

On voit par un registre de l'an 1291, qu'ils avaient dès-lors la police de la navigation sur la rivière de Seine pour l'approvisionnement de Paris, et la connaissance des contestations qui survenaient entre les marchands fréquentants la même rivière, pour raison de leur commerce.

Ils furent maintenus par des lettres de Philippe le Hardi du mois de Mars 1274, dans le droit de percevoir sur les cabaretiers de Paris le droit du cri de vin, un autre droit appelé finationes celariorum, et en outre un droit de quatre deniers pro dietâ suâ. Ces lettres furent confirmées par Louis Hutin en 1315, par Philippe de Valais en 1345, et par le roi Jean en 1351.

On voit aussi que dès le temps du roi Jean, le prevôt des marchands et les échevins avaient inspection sur le bois qu'ils devaient fournir, l'argent nécessaire pour les dépenses qu'il convenait faire à Paris en cas de peste ; qu'ils avaient la connaissance des contestations qui s'élevaient entre les bourgeois de Paris, et les collecteurs d'une imposition que les parisiens avaient accordée au roi pendant une année ; que quand ils ne pouvaient les concilier, la connaissance en était dévolue aux gens des comptes.

Il y aurait encore bien d'autres choses à dire sur ce qui était de la compétence des échevins ; mais comme ces matières sont communes au prevôt des marchands, qui est le chef des échevins, on en parlera plus au long au mot PREVOT DES MARCHANDS.

Nous nous bornerons donc ici à exposer ce qui concerne en particulier les échevins, en commençant par ceux de Paris.

En 1382, à l'occasion d'une sédition arrivée en cette ville, le roi supprima la prevôté des marchands et l'échevinage, et unit leur juridiction à la prevôté de Paris, dont elle avait été anciennement démembrée, en sorte qu'il n'y eut plus de prevôt des marchands ni d'échevins à Paris : ce qui demeura dans cet état jusqu'en 1388, que la prevôté des marchands fut desunie de la prevôté de Paris ; et depuis ce temps il y a toujours eu à Paris un prevôt des marchands et quatre échevins. Il parait néanmoins que la juridiction ne leur fut rendue que par une ordonnance de Charles VI. du 20 Janvier 1411.

Ils sont élus par scrutin en l'assemblée du corps de ville, et des notables bourgeois qui sont convoqués à cet effet en l'hôtel de ville le jour de saint Roch. On élit d'abord quatre scrutateurs, un qu'on appelle scrutateur royal, qui est ordinairement un magistrat ; le second est choisi entre les conseillers de ville, le troisième entre les quartiniers, et le quatrième entre les notables bourgeois.

La déclaration du 20 Avril 1617, porte qu'il y en aura toujours deux qui seront choisis entre les notables marchands exerçans le fait de marchandise ; les deux autres sont choisis entre les gradués, et autres notables bourgeois.

La fonction des échevins ne dure que deux ans, et on en élit deux chaque année, en sorte qu'il y en a toujours deux anciens et deux nouveaux : l'un des deux qu'on élit chaque année, est ordinairement pris à son rang entre les conseillers de ville et les quartiniers alternativement ; l'autre est choisi entre les notables bourgeois.

Au mois de Janvier 1704 il y eut un édit portant création de deux échevins perpétuels dans chacune des villes du royaume ; mais par une déclaration du 15 Avril 1704, Paris et Lyon furent exceptés ; et il fut dit qu'il ne serait rien innové à la forme en laquelle les élections des échevins avaient été faites jusqu'alors. Quelques jours après l'élection des échevins de Paris, le scrutateur royal accompagné des trois autres scrutateurs et de tout le corps de ville, Ve présenter les nouveaux échevins au roi, lequel confirme l'élection ; et les échevins prêtent serment entre ses mains, à genoux.

Les échevins sont les conseillers ordinaires du prevôt des marchands ; ils siègent entr'eux suivant le rang de leur élection, et ont voix délibérative au bureau de la ville, tant à l'audience qu'au conseil ; et en toutes assemblées pour les affaires de la ville, en l'absence du prevôt des marchands, c'est le plus ancien échevin qui préside.

Ce sont aussi eux qui passent conjointement avec le prevôt des marchands tous les contrats au nom du roi, pour emprunts à constitution de rente.

Le roi a accordé aux échevins de Paris plusieurs privilèges, dont le principal est celui de la noblesse transmissible à leurs enfants au premier degré. Ils en jouissaient déjà, ainsi que du droit d'avoir des armoiries timbrées, comme tous les autres bourgeois de Paris, suivant la concession qui leur en avait été faite par Charles V. le 9 Aout 1371, et confirmée par ses successeurs jusqu'à Henri III. lequel par ses lettres du premier Janvier 1577 réduisit ce privilège de noblesse aux prevôts des marchands et échevins qui avaient été en charge depuis vingt ans, et à ceux qui le seraient dans la suite.

Ils furent confirmés dans ce droit par deux édits de Louis XIV. du mois de Juillet 1656 et de Novembre 1706.

Suivant un édit du mois d'Aout 1715, publié deux jours après la mort de Louis XIV. ils se trouvèrent compris dans la revocation générale des privilèges de noblesse accordés pendant la vie de ce prince ; mais la noblesse leur fut rendue par une autre déclaration du mois de Juin 1716, avec effet rétroactif en faveur des familles de ceux qui auraient passé par l'échevinage pendant le temps de la suppression et suspension de ce privilège.

La déclaration du 15 Mars 1707 permet aux échevins de porter la robe noire à grandes manches et le bonnet, encore qu'ils ne soient pas gradués. Leur robe de cérémonie est moitié rouge, et moitié noire ; le rouge ou pourpre est la couleur du magistrat, l'autre couleur est la livrée de la ville : il en est de même dans la plupart des autres villes.

Ils jouissent aussi, pendant qu'ils sont échevins, du droit de franc-salé, suivant plusieurs déclarations des 24 Décembre 1460, 16 Septembre 1461, 7 Mars 1521, Juillet 1599, et un édit du mois de Juillet 1610.

La déclaration du 24 Octobre 1465 les exempte de tous subsides, aides, tailles et subventions, durant qu'ils sont en charge.

L'édit du mois de Septembre 1543 les exempte aussi du droit et impôt du vin de leur cru qui sera par eux vendu en gros et en détail, tant et si longuement qu'ils tiendront leurs états et offices.

Ils avaient autrefois leurs causes commises au parlement, suivant des lettres patentes du mois de Mai 1324 ; l'édit de Septembre 1543 ordonna qu'ils auraient leurs causes commises aux requêtes du palais ou devant le prevôt de Paris. L'article 15 du tit. IVe de l'ordonnance de 1669, les confirme dans le droit de committimus au petit sceau.

Dans la plupart des autres villes les échevins sont présidés par un maire.

Ils reçoivent ailleurs différents noms ; on les appelle à Toulouse capitouls, à Bordeaux jurats ; et dans la plupart des villes de Guienne consuls, en Picardie gouverneurs ; et en quelques villes pairs, notamment à la Rochelle, quia pari potestate sunt praediti.

Les échevins de Lyon, ceux de Bourges, Poitiers, et de quelques autres principales villes du royaume, ont été maintenus, comme ceux de Paris, dans le privilège de noblesse. Voyez BUREAU DE LA VILLE, CONSERVATION DE LYON, CONSULS, CONSULAT, ECHEVINAGE, HOTEL-DE-VILLE, MAIRE, PREVOT DES MARCHANDS. (A)