(Gouvernement politique) On peut considérer la noblesse, avec le chancelier Bacon, en deux manières, ou comme faisant partie d'un état, ou comme faisant une condition de particuliers.

Comme partie d'un état, toute monarchie où il n'y a point de noblesse est une pure tyrannie : la noblesse entre en quelque façon dans l'essence de la monarchie, dont la maxime fondamentale est, point de noblesse, point de monarque ; mais on a un despote comme en Turquie.

La noblesse tempere la souveraineté, et par sa propre splendeur accoutume les yeux du peuple à fixer et à soutenir l'éclat de la royauté sans en être effrayé. Une noblesse grande et puissante augmente la splendeur d'un prince, quoiqu'elle diminue son pouvoir quand elle est trop puissante. Il est bon pour le prince et pour la justice que la noblesse n'ait pas trop de puissance, et qu'elle se conserve cependant une grandeur estimable et propre à réprimer l'insolence populaire, et l'empêcher d'attaquer la majesté du trône. Dans un état monarchique, le pouvoir intermédiaire subordonné le plus naturel, est celui de la noblesse ; abolissez ses prérogatives, vous aurez bientôt un état populaire, ou bien un état despotique.

L'honneur gouverne la noblesse, en lui prescrivant l'obéissance aux volontés du prince ; mais cet honneur lui dicte en même temps que le prince ne doit jamais lui commander une action déshonorante. Il n'y a rien que l'honneur prescrive plus à la noblesse, que de servir le prince à la guerre : c'est la profession distinguée qui convient aux nobles, parce que ses hasards, ses succès et ses malheurs mêmes, conduisent à la grandeur.

Il faut donc que dans une monarchie les lois travaillent à soutenir la noblesse et à la rendre héréditaire, non pas pour être le terme entre le pouvoir du prince et la faiblesse du peuple, mais pour être le lien de tous les deux. Les prérogatives accordées à la noblesse lui seront particulières dans la monarchie, et ne passeront point au peuple, si l'on ne veut choquer le principe du gouvernement, si l'on ne veut diminuer la force de la noblesse et celle du peuple. Cependant une noblesse trop nombreuse rend d'ordinaire un état monarchique moins puissant ; car outre que c'est une surcharge de dépenses, il arrive que la plupart des nobles deviennent pauvres avec le temps, ce qui fait une espèce de disproportion entre les honneurs et les biens.

La noblesse dans l'aristocratie tend toujours à jouir d'une autorité sans bornes ; c'est pourquoi lorsque les nobles y sont en grand nombre, il faut un sénat qui règle les affaires que le corps des nobles ne saurait décider, et qui prépare celles dont il décide. Autant il est aisé au corps des nobles de réprimer les autres dans l'aristocratie, autant est-il difficîle qu'il se réprime lui-même : telle est la nature de cette constitution, qu'il semble qu'elle mette les mêmes gens sous la puissance des lois et qu'elle les en retire. Or un corps pareil ne peut se réprimer que de deux manières, ou par une grande vertu, qui fait que les nobles se trouvent en quelque façon égaux à leur peuple, ce qui peut former une sorte de république ; ou par une vertu moindre, qui est une certaine modération qui rend les nobles au-moins égaux à eux-mêmes, ce qui fait leur conservation.

La pauvreté extrême des nobles et leurs richesses exorbitantes, sont deux choses pernicieuses dans l'aristocratie. Pour prévenir leur pauvreté, il faut surtout les obliger de bonne heure à payer leurs dettes. Pour modérer leurs richesses, il faut des dispositions sages et insensibles, non pas des confiscations, des lois agraires, ni des abolitions de dettes, qui font des maux infinis.

Dans l'aristocratie, les lois doivent ôter le droit d'ainesse entre les nobles, comme il est établi à Venise, afin que par le partage continuel des successions les fortunes se remettent toujours dans l'égalité. Il ne faut point par conséquent de substitutions, de retraits lignagers, de majorats, d'adoptions : en un mot, tous les moyens inventés pour soutenir la noblesse dans les états monarchiques, tendraient à établir la tyrannie dans l'aristocratie.

Quand les lois ont égalisé les familles, il leur reste à maintenir l'union entr'elles. Les différends des nobles doivent être promptement décidés, sans cela les contestations entre les personnes deviennent des contestations entre les familles. Des arbitres peuvent terminer les procès ou les empêcher de naître.

Enfin il ne faut point que les lois favorisent les distinctions que la vanité met entre les familles, sous prétexte qu'elles sont plus nobles et plus anciennes ; cela doit être mis au rang des petitesses des particuliers.

Les démocraties n'ont pas besoin de noblesse, elles sont même plus tranquilles quand il n'y a pas de familles nobles ; car alors on regarde à la chose proposée, et non pas à celui qui la propose ; ou quand il arrive qu'on y regarde, ce n'est qu'autant qu'il peut être utîle pour l'affaire, et non pas pour ses armes et sa généalogie. La république des Suisses, par exemple, se soutient fort bien, malgré la diversité de religion et de cantons, parce que l'utilité et non pas le respect, fait son lien. Le gouvernement des Provinces-Unies a cet avantage, que l'égalité dans les personnes produit l'égalité dans les conseils, et fait que les taxes et les contributions sont payées de meilleure volonté.

A l'égard de la noblesse dans les particuliers, on a une espèce de respect pour un vieux château ou pour un bâtiment qui a résisté au temps, ou même pour un bel et grand arbre qui est frais et entier malgré sa vieillesse. Combien en doit-on plus avoir pour une noble et ancienne famille qui s'est maintenue contre les orages des temps ? La noblesse nouvelle est l'ouvrage du pouvoir du prince, mais l'ancienne est l'ouvrage du temps seul : celle-ci inspire plus de talents, l'autre plus de grandeur d'ame.

Ceux qui sont les premiers élevés à la noblesse, ont ordinairement plus de génie, mais moins d'innocence que leurs descendants. La route des honneurs est coupée de petits sentiers tortueux que l'on suit souvent plutôt que de prendre le chemin de la droiture.

Une naissance noble étouffe communément l'industrie et l'émulation. Les nobles n'ont pas tant de chemin à faire que les autres pour monter aux plus hauts degrés ; et celui qui est arrêté tandis que les autres montent, a connu pour l'ordinaire des mouvements d'envie. Mais la noblesse étant dans la possession de jouir des honneurs, cette possession éteint l'envie qu'on lui porterait si elle en jouissait nouvellement. Les rois qui peuvent choisir dans leur noblesse des gens prudents et capables, trouvent en les employant beaucoup d'avantages et de facilité : le peuple se plie naturellement sous eux, comme sous des gens qui sont nés pour commander. Voyez NAISSANCE. (D.J.)

NOBLESSE, (Jurisprudence) est un titre d'honneur qui distingue du commun des hommes ceux qui en sont décorés, et les fait jouir de plusieurs privilèges.

Ciceron dit que la noblesse n'est autre chose qu'une vertu connue, parce qu'en effet le premier établissement de la noblesse tire son origine de l'estime et de la considération que l'on doit à la vertu.

C'est principalement à la sagesse et à la vaillance que l'on a d'abord attaché la noblesse ; mais quoique le mérite et la vertu soient toujours également estimables, et qu'il fût à désirer qu'il n'y eut point d'autre voie pour acquérir la noblesse ; qu'elle soit en effet encore quelquefois accordée pour récompense à ceux dont on veut honorer les belles qualités, il s'en faut beaucoup que tous ceux en qui ces mêmes dons brillent, soient gratifiés de la même distinction.

La noblesse des sentiments ne suffit pas pour attribuer la noblesse proprement dite, qui est un état civil que l'on ne peut acquérir que par quelqu'une des voies admises par la loi.

Il en est de même de certaines fonctions honorables, qui dans certains pays donnent la qualité de noble sans communiquer les autres titres de vrais nobles, ni tous les privilèges attachés à la noblesse proprement dite.

La nature a fait tous les hommes égaux ; elle n'a établi d'autre distinction parmi eux que celle qui résulte des liens du sang, telle que la puissance des père et mère sur leurs enfants.

Mais les hommes jaloux chacun de s'élever au-dessus de leurs semblables, ont été ingénieux à établir diverses distinctions entr'eux, dont la noblesse est une des principales.

Il n'y a guère de nation policée qui n'ait eu quelque idée de la noblesse.

Il est parlé des nobles dans le Deutéronome : on entendait par-là ceux qui étaient connus et distingués du commun, et qui furent établis princes et tribuns pour gouverner le peuple. Il y avait dans l'ancienne loi une sorte de noblesse attachée aux ainés mâles, et à ceux qui étaient destinés au service de Dieu.

Thésée, chef des Athéniens, qui donna chez les Grecs la première idée de la noblesse, distingua les nobles des artisans, choisissant les premiers pour connaître des affaires de la religion, et ordonnant qu'ils pourraient seuls être élus magistrats.

Solon le législateur en usa de même, au rapport de Denis d'Halicarnasse.

On l'a trouvée établie dans les pays les plus éloignés, au Pérou, au Mexique, et jusque dans les Indes orientales.

Un gentilhomme japonais ne s'allierait pas pour tout l'or du monde à une femme roturière.

Les naires de la côte de Malabar, qui sont les nobles du pays, où l'on compte jusqu'à dix-huit sortes de conditions d'hommes, ne se laissent seulement pas toucher ni approcher de leurs inférieurs ; ils ont même le droit de les tuer s'ils les trouvent dans leur chemin allant par les champs : ce que ces misérables évitent de tout leur possible, par des cris perpétuels dont ils remplissent la campagne.

Quoique les Turcs ne connaissent pas la noblesse telle qu'elle a lieu parmi nous, il y a chez eux une espèce de noblesse attachée à ceux de la lignée de Mahomet, que l'on nomme chérifs ; ils sont en telle vénération, qu'eux seuls ont droit de porter le turban verd, et qu'ils ne peuvent point être reprochés en justice.

Il y a en Russie beaucoup de princes et de gentilshommes. Anciennement, et jusqu'au commencement de ce siècle, la noblesse de cet état n'était pas appréciée par son ancienneté, mais par le nombre des gens de mérite que chaque famille avait donné à l'état. Le czar Theodore porta un terrible coup à toute la noblesse ; il la convoqua un jour avec ordre d'apporter à la cour ses chartres et ses privilèges ; il s'en empara et les jeta au feu, et déclara qu'à l'avenir les titres de noblesse de ses sujets seraient fondés uniquement sur leur mérite, et non pas sur leur naissance. Pierre le grand ordonna pareillement que, sans aucun égard aux familles, on observerait le rang selon la charge et les mérites de chaque particulier ; cependant par rapport à la noblesse de naissance on divise les princes en trois classes, selon que leur origine est plus ou moins illustre. La noblesse est de même divisée en quatre classes, savoir celle qui a toujours été regardée comme égale aux princes ; celle qui a des alliances avec les czars ; celle qui s'est élevée par son mérite sous les règnes d'Alexis et de Pierre I. enfin les familles étrangères qui sous les mêmes règnes sont parvenues aux premières charges.

Les Romains, dont nous avons emprunté plusieurs usages, avaient aussi une espèce de noblesse, et même héréditaire. Elle fut introduite par Romulus, lequel divisa ses sujets en deux classes, l'une des sénateurs, qu'il appela pères, et l'autre classe, composée du reste du peuple, qu'on appela les plébéïens, qui étaient comme sont aujourd'hui parmi nous les roturiers.

Par succession de temps, les descendants de ces premiers sénateurs, qu'on appelait patriciens, prétendirent qu'eux seuls étaient habiles à être nommés sénateurs, et conséquemment à remplir toutes les dignités et charges qui étaient affectées aux sénateurs, telles que celles des sacrifices, les magistratures, enfin l'administration presqu'entière de l'état. La distinction entre les patriciens et les plébéïens était si grande, qu'ils ne prenaient point d'alliance ensemble ; et quand tout le peuple était convoqué, les patriciens étaient appelés chacun par leur nom et par celui de l'auteur de leur race, au lieu que les plébéïens n'étaient appelés que par curies, centuries ou tribus.

Les patriciens jouirent de ces prérogatives tant que les rois se maintinrent à Rome ; mais après l'expulsion de ceux-ci, les plébéïens, qui étaient en plus grand nombre que les patriciens, acquirent tant d'autorité, qu'ils obtinrent d'abord d'être admis dans le sénat, ensuite aux magistratures, puis au consulat, et enfin jusqu'à la dictature et aux fonctions des sacrifices : de sorte qu'il ne resta d'autre avantage aux patriciens sur les plébéïens qui étaient élevés à ces honneurs, sinon la gloire d'être descendus des premières et plus anciennes familles nobles de Rome. On peut comparer à ce changement celui qui est arrivé en France sous la troisième race, lorsque l'on a annobli des roturiers, et qu'on les a admis à posséder des fiefs et certains offices qui dans l'origine étaient affectés aux nobles.

Outre la noblesse de dignité, il y avait chez les Romains une autre espèce de noblesse attachée à la naissance, que l'on appelait ingénuité. On n'entendait autre chose par ce terme que ce que nous appelons une bonne race, une bonne famille.

Il y avait trois degrés d'ingénuité ; le premier de ceux qu'on appelait ingénus simplement ; c'étaient ceux qui étaient nés de parents libres, et qui eux-mêmes avaient toujours joui de la liberté.

Le second degré d'ingénus était de ceux appelés gentiles, c'est-à-dire qui avaient gentem et familiam, qui étaient d'une ancienne famille.

Le troisième degré d'ingénuité était composé des patriciens qui étaient descendus des deux cent premiers sénateurs institués par Romulus, et aussi, selon quelques-uns, des autres cent sénateurs qui furent ajoutés par Tarquin l'ancien.

De ces trois degrés d'ingénuité, il n'y avait d'abord que le dernier, savoir celui des praticiens, qui eut la noblesse proprement dite, qui était celle de dignité.

Mais depuis que les plébéïens furent admis à la magistrature, ceux qui y étaient élevés participèrent à la noblesse qui était attachée à cet emploi, avec cette différence seulement qu'on les appelait hommes nouveaux, novi homines, pour dire qu'ils étaient nouvellement annoblis.

Ainsi la noblesse plus ou moins ancienne provenait toujours des grands offices qui étaient conférés par tout le peuple assemblé, appelés magistratus curules et magistratus populi romani, tels que la place d'édile, de questeur, de censeur, de consul, de dictateur.

Les sénateurs qui n'avaient point eu les grands offices, ni leurs prédécesseurs, n'étaient pas non plus au commencement réputés nobles ; mais depuis que les plébéïens furent admis aux grands offices, la noblesse fut donnée aux sénateurs.

La valeur militaire était fort estimée, mais elle n'attribuait qu'une noblesse imparfaite, que l'on peut appeler considération plutôt qu'une noblesse proprement dite.

Les chevaliers romains n'étaient pas non plus réputés nobles, quoique l'on se fit honneur d'être issu ex equestri familiâ.

Les vrais nobles étaient donc 1°. les patriciens, c'est-à-dire, ceux qui étaient descendus des trois cent premiers sénateurs ; 2°. ceux qui étaient élevés aux grandes magistratures ; 3°. les sénateurs ; 4°. ceux dont le père et l'ayeul avaient été successivement sénateurs, ou avaient rempli quelque office encore plus élevé, d'où est venu cette façon de parler, que la noblesse, attachée à la plupart des offices, ne se transmet aux descendants que patre et avo consulibus.

Mais la noblesse des sénateurs ne s'étendait pas au-delà des petits-enfants, à moins que les enfants ou petits-enfants ne possédassent eux-mêmes quelque place qui leur communiquât la noblesse.

Ces nobles avaient droit d'images, c'est-à-dire, d'avoir leurs images et statues au lieu le plus apparent de leur maison : leur postérité les gardait soigneusement ; elles étaient ornées des attributs de leur magistrature autour desquels leurs gestes étaient décrits.

Au reste, la noblesse romaine ne faisait pas, comme parmi nous, un ordre à part ; ce n'était pas non plus un titre que l'on ajoutât à son nom, comme on met aujourd'hui les titres d'écuyer et de chevalier, c'était seulement une qualité honorable qui servait à parvenir aux grandes charges.

Sous les empereurs les choses changèrent de face ; on ne connaissait plus les anciennes familles patriciennes, qui étaient la plupart éteintes ou confondues avec des familles plébéïennes ; les grands offices dont procédait la noblesse furent la plupart supprimés, d'autres conférés au gré des empereurs ; le droit d'images fut peu-à-peu anéanti, et la noblesse qui procédait des offices de la république fut tout à fait abolie ; les empereurs établirent de nouvelles dignités auxquelles elle fut attachée, telles que celles de comte, de préfet-proconsul, de consul, de patrice.

Les sénateurs de Rome conservèrent seuls un privilège, c'était que les enfants des sénateurs qui avaient eu la dignité d'illustres, étaient sénateurs nés, ils avaient entrée et voix déliberative au sénat lorsqu'ils étaient en âge ; ceux des simples sénateurs y avaient entrée mais non pas voix, de sorte qu'ils n'étaient pas vrais sénateurs ; ils avaient seulement la dignité de clarissime, et même les filles, et étaient exempts de charges et peines auxquelles les plébéïens étaient sujets.

Les enfants des décurions et ceux des vieux gendarmes, appelés veterani, étaient aussi exempts des charges publiques, mais ils n'avaient pas la noblesse.

Au reste, la noblesse chez les Romains ne pouvait appartenir qu'aux citoyens de Rome ; les étrangers, même ceux qui habitaient d'autres villes sujettes aux Romains, et qui étaient nobles chez eux, étaient appelés domi-nobiles, c'est-à-dire, nobles chez eux ou à leur manière, mais on ne les reconnaissait pas pour nobles à Rome.

L'infamie faisait perdre la noblesse, quoiqu'elle ne fit pas perdre l'avantage de l'ingénuité et de la gentilité.

En France, la noblesse tire sa première origine des Gaulois, chez lesquels il y avait l'ordre des chevaliers, distingué des druides et du commun du peuple.

Les Romains ayant fait la conquête des Gaules, y établirent peu-à-peu les règles de leur noblesse.

Enfin, lorsque les Francs eurent à leur tour conquis les Gaules sur les Romains, cette nation victorieuse forma le principal corps de la noblesse en France.

On sait que les Francs venaient des Germains, chez lesquels la noblesse héréditaire était déjà établie, puisque Tacite, en son liv. II. des mœurs des Germains, dit que l'on choisissait les rois dans le corps de la noblesse. Ce terme ne signifiait pas la valeur militaire ; car Tacite distingue clairement l'une et l'autre, en disant : reges ex nobilitate, duces ex virtute sumunt.

Les nobles faisaient tous profession de porter les armes ; ainsi l'on ne peut douter que les Francs qui étaient un essaim des Germains, et qui aidèrent Clovis à faire la conquête des Gaules, étaient tous nobles d'une noblesse héréditaire, et que le surnom de franc qu'on leur donna, parce qu'ils étaient libres et exempts de toutes impositions, désigne en même temps leur noblesse, puisque cette exemption dont ils jouissaient était fondée sur leur qualité de nobles.

Il y avait donc au commencement de la monarchie trois sortes de nobles : les uns qui descendaient des chevaliers gaulois qui faisaient profession de porter les armes, d'autres qui venaient de magistrats romains, lesquels joignaient l'exercice des armes à l'administration de la justice et au gouvernement civil et des finances ; et la troisième sorte de nobles était les Francs qui, faisant tous profession des armes, étaient exempts de toutes servitudes personnelles et impositions, ce qui les fit nommer Francs, à la différence du reste du peuple qui était presque tout serf, et cette franchise fut prise pour la noblesse même, de sorte que franc, libre ou noble, étaient ordinairement des termes synonymes.

Dans la suite, les Francs s'étant mêlés avec les Gaulois et les Romains, ne formèrent plus qu'une même nation ; et tous ceux qui faisaient profession des armes étaient réputés nobles également, de quelque nation qu'ils tirassent leur origine.

Toute sorte de noblesse fut d'abord exprimée par la seule qualité de noble, ensuite la simple noblesse par la qualité d'écuyer, laquelle venait des Romains ; l'on appela gentilhomme celui qui était noble de race, et chevalier celui qui a été annobli par l'accolade, ou qui est de race de chevalier.

On distingua aussi les nobles en trois classes : savoir, les chevaliers bannerets qui avaient droit de porter bannière, et devaient soudoyer cinquante hommes d'armes ; le bachelier était un chevalier qui n'ayant pas assez de bien pour lever bannière, servait sous la bannière d'autrui ; l'écuyer portait l'écu du chevalier.

La haute noblesse fut elle-même divisée en trois classes : dans la première, les princes ; dans la seconde, les ducs, comtes, marquis et barons ; dans la troisième, les simples chevaliers.

Il y avait autrefois quatre voies différentes pour acquérir la noblesse : la première était par la profession des armes ; la seconde était par l'investiture d'un fief ; la troisième était par l'exercice des grands offices de la couronne et de la maison du roi et des grands offices de judicature ; la quatrième était par des lettres d'annoblissement.

Présentement la profession des armes n'annoblit pas indistinctement tous ceux qui l'exercent ; la noblesse militaire n'est acquise que par certains grades et après un certain temps de service. Voyez NOBLESSE MILITAIRE.

La possession des fiefs, même de dignité, n'annoblit plus. Voyez ci-après NOBLESSE FEODALE.

Il y a cependant encore quatre sources différentes d'où l'on peut tirer la noblesse : savoir, de la naissance ou ancienne extraction ; du service militaire, lorsqu'on est dans le cas de l'édit du mois de Novembre 1750 ; de l'exercice de quelque office de judicature, ou autre qui attribue la noblesse ; enfin, par des lettres d'annoblissement, moyennant finance ou sans finance, en considération du mérite de celui qui obtient les lettres.

Le roi a seul dans son royaume le pouvoir d'annoblir. Néanmoins anciennement plusieurs ducs et comtes s'ingéraient de donner des lettres de noblesse dans leurs seigneuries, ce qui était une entreprise sur les droits de la souveraineté. Les régens du royaume en ont aussi donné. Il y avait même des gouverneurs et lieutenans-généraux de province qui en donnaient, et même quelques évêques et archevêques.

Enfin, il n'y eut pas jusqu'à l'université de Toulouse qui en donnait. François I. passant dans cette ville, accorda aux docteurs-régens de cette université le privilège de promouvoir à l'ordre de chevalerie, ceux qui auraient accompli le temps d'étude et de résidence dans cette université, ou autres qui seraient par eux promus et agrégés au degré doctoral et ordre de chevalerie.

Mais tous ceux qui donnaient ainsi la noblesse, ou ne le faisaient que par un pouvoir qu'ils tenaient du roi, ou c'était de leur part une usurpation.

La noblesse, accordée par des princes étrangers à leurs sujets et officiers, n'est point reconnue en France à l'effet de jouir des privilèges dont les nobles français jouissent dans le royaume, à moins que l'étranger qui est noble dans son pays n'ait obtenu du roi des lettres portant reconnaissance de sa noblesse, ou qu'il ne tienne sa noblesse d'un prince dont les sujets soient tenus pour regnicoles en France, et que la noblesse de ce pays y soit reconnue par une réciprocité de privilèges établie entre les deux nations, comme il y en a quelques exemples.

La noblesse d'extraction se prouve tant par titres que par témoins. Il faut prouver 1°. que depuis cent ans les ascendants paternels ont pris la qualité de noble ou d'écuyer, selon l'usage du pays ; 2°. il faut prouver la filiation.

Les bâtards des princes sont gentilshommes, mais ceux des gentilshommes sont roturiers, à moins qu'ils ne soient légitimés par mariage subséquent.

La noblesse se perd par des actes de dérogeance, ainsi que je l'ai observé ci-devant au mot dérogeance ; quelquefois elle est seulement en suspens pendant un certain temps. J'ai dit ci-devant au mot dormir, qu'en Bretagne un gentilhomme qui veut faire commerce déclare, pour ne pas perdre sa noblesse, qu'il n'entend faire commerce que pendant un temps : je croyais alors que cette déclaration était nécessaire, c'est une erreur où j'ai été induit par la Roque et quelques autres auteurs mal-informés des usages de Bretagne ; et j'ai appris depuis qu'il est inoui en Bretagne, qu'un noble qui veut faire un commerce dérogeant, soit obligé de faire préalablement sa déclaration qu'il entend laisser dormir sa noblesse. Une telle déclaration serait d'autant plus inutîle que jamais en Bretagne la noblesse ne se perd par un commerce dérogeant, quand même il serait continué pendant plusieurs générations ; il n'empêcherait même pas le partage noble des immeubles venus de succession pendant le commerce ; il suspend seulement pendant sa durée l'exercice des privilèges de la noblesse, et il opère le partage égal des biens acquis pendant le commerce. On peut voir sur cela les Actes de notoriété, 19, 26, 80 et 168, qui sont à la fin de ce Volume : le dernier de ces actes fait mention d'une multitude d'arrêts rendus, lors de la recherche de la noblesse et dans les temps qui ont précédé. La déclaration dont parle l'article 561 de la coutume, n'est pas requise avant de commencer le commerce ; c'est lorsque celui qui faisait commerce, le quitte et veut reprendre ses qualité et privilège de noblesse : l'objet de cette déclaration est d'empêcher à l'avenir que le noble ne soit imposé aux charges roturières, après qu'il a cessé son commerce. C'est une observation dont je suis redevable à M. du Parc-Poulain, l'un des plus célébres avocats au parlement de Rennes, et qui nous a donné, entr'autres ouvrages, un savant commentaire sur la coutume de Bretagne. Il a eu la bonté de me faire part de ses réflexions sur plusieurs de mes articles, où j'ai touché quelque chose des usages de sa province. Je ferai en sorte de les placer dans quelque article qui ait rapport à ceux qui sont déjà imprimés, afin que le public ne perde point le fruit des lumières de M. du Parc.

Les nobles sont distingués des roturiers par divers privilèges. Ils en avaient autrefois plusieurs dont ils ne jouissent plus à cause des changements qui sont survenus dans nos mœurs : il est bon néanmoins de les connaître pour l'intelligence des anciens titres et des auteurs.

Anciens privilèges des nobles. La noblesse était autrefois le premier ordre de l'état ; présentement le clergé est le premier, la noblesse le second.

Les nobles portaient tous les armes et ne servaient qu'à cheval, eux seuls par cette raison pouvaient porter des éperons ; les chevaliers en avaient d'or, les écuyers d'argent, les roturiers servaient à pied : c'est de-là qu'on disait, vilain ne sait ce que valent éperons.

Les anciennes ordonnances disent que les nobles étant prisonniers de guerre doivent avoir double portion.

Le vilain ou roturier était semond pour la guerre ou pour les plaids du matin au soir ou du soir au matin ; pour semondre un noble il fallait quinzaine.

Dans l'origine des fiefs, les nobles étaient seuls capables d'en posséder.

La chasse n'était permise qu'aux nobles.

La femme noble, dès qu'elle avait un hoir mâle, cessait d'être propriétaire de sa terre, elle n'en jouissait plus que comme usufruitière, bailliste, ou gardienne de son fils, en sorte qu'elle ne pouvait plus la vendre, l'engager, la donner, ni la diminuer à son préjudice par quelque contrat que ce fût, elle pouvait seulement en léguer une partie au-dessous du quint pour son anniversaire ; au-lieu que le père noble, soit qu'il eut enfants ou non, pouvait disposer comme il voulait du tiers de sa terre.

Le noble en mariant son fils ou en le faisant recevoir chevalier, devait lui donner le tiers de sa terre, et le tiers de la terre de sa mère, si elle en avait une.

Quand on demandait à un noble, qui n'était pas encore chevalier, une partie de son héritage, il obtenait en le demandant un répit d'un an et jour.

Du temps que les duels étaient permis, les nobles se battaient en duel à cheval entr'eux et contre un roturier lorsqu'ils étaient défendeurs ; mais lorsqu'un noble appelait un roturier en duel pour crime, il devait se battre à pied.

Lorsque le seigneur, pour quelque méfait d'un noble son vassal, confisquait ses meubles, le noble qui portait les armes avait droit de garder son palefroi ou cheval de service, le roussin de son écuyer, deux selles, un sommier ou cheval de somme, son lit, sa robe de parure, une boucle de ceinture, un anneau, le lit de sa femme, une de ses robes, son anneau, une ceinture et la boucle, une bourse, ses guimpes ou linges qui servaient à lui couvrir la tête.

La femme noble qui mariait sa fille sans le conseil du seigneur, perdait ses meubles ; mais on lui laissait une robe de tous les jours, et ses joyaux à l'avenant si elle en avait, son lit, sa charrette, deux roussins, et son palefroi si elle en avait un.

Le mineur noble ne défendait pas en action réelle avant qu'il eut atteint l'âge de majorité féodale, si son père était mort saisi des biens que l'on répétait.

Au commencement les nobles ne payaient point les aides qui s'imposaient pour la guerre, parce qu'ils contribuaient tous de leurs personnes. Dans la suite lorsqu'on les obligea d'y contribuer, il fut ordonné qu'on les croirait aussi-bien que les gens d'église sur la déclaration qu'ils feraient de leurs biens, sauf néanmoins aux élus à ordonner ce qu'ils jugeraient à propos s'il y avait quelque soupçon de fraude.

Quelques nobles allaient jusqu'à prétendre qu'ils avaient droit d'arrêter la marée et autres provisions destinées pour Paris qui passaient sur leurs terres, et de les payer ce qu'ils jugeraient à propos.

Il était défendu à toutes personnes de faire sortir de la vaisselle d'argent hors du royaume, excepté aux nobles qui en pouvaient faire sortir, mais néanmoins en petite quantité et pour l'usage de leur maison seulement.

Les plus notables d'entre les nobles devaient avoir un étalon ou patron des monnaies, afin que leur poids et leur loi ne pussent être changés.

En fait de peines pécuniaires, les nobles étaient punis plus rigoureusement que les roturiers ; mais en fait de crime, c'était tout le contraire, le noble perdait l'honneur et repons en cour, tandis que le vilain qui n'avait point d'honneur à perdre était puni en son corps.

En Dauphiné on ne devait point faire de saisie dans les maisons des nobles, lorsqu'ils avaient hors de leurs maisons des effets que l'on pouvait saisir.

Les nobles avaient aussi un privilège singulier dans l'université d'Angers, les roturiers qui y étaient devaient payer 20 sols par an, au-lieu que les docteurs régens devaient pour les nobles ou prélats se contenter de ce que ceux-ci leur présenteraient volontairement ; mais dans la suite les nobles furent taxés à 40 sols par an.

Les nobles demeurant dans le bourg de Carcassone prétendaient n'être pas tenus de contribuer aux dépenses communes de ce bourg.

L'ordonnance de 1315 pour les nobles de Champagne, dit que " nul noble ne sera mis en gehenne (c'est-à-dire à la question ou torture) si ce n'est pour cas dont la mort doive s'ensuivre, et que les présomptions soient si grandes qu'il convienne le faire par droit et raison ".

Privileges actuels des nobles. Ils consistent, 1°. à pouvoir prendre la qualité d'écuyer ou de chevalier, selon que leur noblesse est plus ou moins qualifiée, et à communiquer les mêmes qualités et les privilèges qui y sont attachés à leurs femmes quoique roturières, et à leurs enfants et autres descendants mâles et femelles.

2°. A être admis dans le corps de la noblesse, assister aux assemblées de ce corps, et à pouvoir être député pour ce même corps.

3°. Les nobles sont présentement le second ordre de l'état, c'est-à-dire que la noblesse a rang après le clergé et avant le tiers état, lequel est composé des roturiers. Les nobles ont le rang et la préséance sur eux dans toutes les assemblées, processions et cérémonies, à moins que les roturiers n'aient quelque autre qualité ou fonction qui leur donne la préséance sur ceux qui ne sont pas revêtus du même emploi ou de quelque emploi supérieur.

4°. Les nobles sont seuls capables d'être admis dans certains ordres réguliers, militaires et autres, et dans certains chapitres, bénéfices et offices, tant ecclésiastiques que séculiers, pour lesquels il faut faire preuve de noblesse, en cas de concurrence ils doivent être préférés aux roturiers.

5°. Ils ont aussi des privilèges dans les universités pour abréger le temps d'études et les degrés nécessaires pour obtenir des bénéfices en vertu de leurs grades.

Suivant la pragmatique, le concordat, et l'ordonnance de Louis XII. article VIIIe bacheliers en droit canon, s'ils sont nobles ex utroque parente, et d'ancienne lignée, sont dispensés d'étudier pendant cinq ans, il suffit qu'ils aient trois ans d'étude, et les religieux même quoique morts civilement, jouissent en ce cas de la prérogative de leur naissance lorsqu'ils sont nés de parents nobles.

La pragmatique règle aussi que pour le tiers des prébendes des églises cathédrales ou collégiales réservées aux gradués, les personnes nobles de père et mère, ou d'ancienne famille, ne seront pas sujets aux mêmes règles que les roturiers ; qu'il leur suffit d'avoir étudié six ans en Théologie, ou trois ans en Droit canon ou civil, ou cinq ans dans une université privilégiée, en faisant apparoir aux collateurs de leurs degrés et de leur noblesse par des preuves en bonne forme.

Le concîle de Latran permet aussi aux nobles de distinction et aux gens de lettres, sublimibus et litteratis, de posséder plusieurs dignités ou personnats dans une même église avec dispense du pape.

6°. Ils sont aussi seuls capables de prendre le titre des fiefs, des dignités, tels que ceux de baron, marquis, comte, vicomte, duc.

7°. Ils sont personnellement exempts de tailles et de toutes les impositions accessoires que l'on met sur les roturiers, et peuvent faire valoir par leurs mains une ferme de quatre charrues sans payer de taille. En Dauphiné et dans quelques autres endroits, les nobles paient moins de dixme que les roturiers, voyez l'édit de Février 1657, article VIe

8°. Ils sont aussi exempts des bannalités, corvées, et autres servitudes lorsqu'elles sont personnelles et non réelles.

9°. Ils sont naturellement seuls capables de posséder des fiefs, les roturiers ne pouvant en posséder que par dispense en payant le droit de francs-fiefs, auquel les nobles ne sont point sujets.

10°. Ils ont droit de porter l'épée, et ont seuls droit de porter des armoiries timbrées.

11°. Ils ont la garde-noble de leurs enfants.

12°. Dans certaines coutumes leurs successions se partagent noblement, même pour les biens roturiers.

13°. Quelques coutumes n'établissent le douaire légal qu'entre nobles ; d'autres accordent entre nobles un douaire plus fort qu'entre roturiers.

14°. La plupart des coutumes accordent au survivant de deux conjoints nobles un préciput légal qui consiste en une certaine partie des meubles de la communauté.

15°. Les nobles ne sont pas sujets à la milice, parce qu'ils sont obligés de marcher lorsque le roi convoque le ban et l'arriere-ban.

16°. Ils ne sont point sujets au logement des gens de guerre, sinon en cas de nécessité.

17°. En cas de délit, les nobles sont exempts d'être fustigés, on leur inflige d'autres peines moins ignominieuses, et s'ils méritent la mort on les condamne à être décolés, à moins que ce ne soit pour trahison, larcin, parjure, ou pour avoir corrompu des témoins, car l'atrocité de ces délits leur fait perdre le privilège de noblesse.

18°. La femme noble de son chef qui épouse un roturier, après la mort de son mari, rentre dans son droit de noblesse.

19°. Les nobles comme les roturiers ne peuvent présentement chasser que sur les terres dont ils ont la seigneurie directe ou la haute justice ; tout ce que les nobles ont de plus à cet égard que les roturiers, c'est que l'ordonnance des eaux et forêts permet aux nobles de chasser sur les étangs, marne et rivières du roi : en Dauphiné les nobles, par un droit particulier à cette province, ont le droit de chasser tant sur leurs terres que sur celles de leurs voisins.

20°. Les nobles peuvent assigner leurs débiteurs nobles au tribunal du point d'honneur qui se tient chez le doyen des maréchaux de France.

21°. Ils peuvent porter leurs causes directement aux baillis et sénéchaux au préjudice des premiers juges royaux ; leurs veuves jouissent du même privilège, mais les nobles et leurs veuves sont sujets à la juridiction des seigneurs.

22°. Ils ne sont sujets en aucun cas, ni pour quelque crime que ce puisse être, à la juridiction des prevôts des maréchaux, ni des juges présidiaux en dernier ressort.

23°. En matière criminelle, lorsque leur procès est pendant en la tournelle, ils peuvent demander en tout état de cause d'être jugés, la grand chambre assemblée, pourvu que les opinions ne soient pas commencées.

Au reste, nous ne prétendons pas que les privilèges des nobles soient limités à ce qui vient d'être dit, il peut y en avoir encore d'autres qui nous soient échappés, nous donnons seulement ceux-ci comme les plus ordinaires et les plus connus.

La noblesse se perd par des actes de dérogeance, savoir par le commerce, l'exercice des arts mécaniques, l'exploitation des fermes d'autrui, l'exercice de certaines charges viles et abjectes, comme de sergent, etc.

Mais le commerce maritime ni le commerce en gros ne dérogent pas.

Lorsque le père et l'ayeul, ou tous les deux, ont dérogé à la noblesse, les enfants ou les petits-enfants doivent obtenir des lettres de réhabilitation qui les remettent dans le même état que s'il n'y avait point eu de dérogeance.

Mais s'il y avait plus de deux ancêtres qui eussent dérogé, il faudrait de nouvelles lettres de noblesse.

Le crime de lesse-majesté fait aussi perdre la noblesse à l'accusé et à ses descendants ; à l'égard des autres crimes quoique suivis de condamnations infamantes, ils ne font perdre la noblesse qu'à l'accusé et non pas à ses enfants.

Sur la noblesse, voyez Balde, Bartole, Agrippa, Landulphus, Miraeus, Terriat, Bacquet, le Bret, Pasquier, Thomas Miles, Tiraqueau, la Colombière, la Roque. (A)

NOBLESSE ACCIDENTELLE, est celle qui ne vient pas d'ancienne extraction, mais qui est survenue par quelque office ou par lettres du prince. Voyez la Roque, en sa Préface, et Hennequin dans son Guidon des finances.

NOBLESSE ACTUELLE, est celle qui est déjà pleinement acquise, à la différence de la noblesse graduelle qui n'est acquise qu'au bout d'un certain temps, qui est communément après 20 ans de service, ou après un certain nombre de degrés, comme quand le père et le fils ont rempli successivement jusqu'à leur mort ou pendant 20 ans chacun une charge qui donne commencement à la noblesse, les petits-enfants sont pleinement nobles. Voyez la Roque, chap. l. et l'édit du mois de Mai 1711, portant création d'un commissaire des grenadiers à cheval, qui lui donne la noblesse graduelle.

NOBLESSE D'ADOPTION ; on appelle ainsi l'état de celui qui entre dans une famille noble, ou qui est institué héritier, à la charge d'en porter le nom et les armes : cette espèce de noblesse n'en a que le nom, et n'en produit point les effets ; car celui qui prend ainsi le nom et les armes d'une autre famille que la sienne, ne jouirait pas des titres et privilèges de noblesse, s'il ne les avait déjà d'ailleurs.

Un enfant adoptif dans les pays où les adoptions ont lieu, ne participe pas non plus à la noblesse de celui qui l'adopte ; néanmoins, dans la république de Gènes, quand celui qui adoptait était de la faction des nobles, la famille adoptée le devenait aussi. Voyez la Roque, c. VIIIe et clxvj. et ci-après NOBLESSE D'AGGREGATION.

NOBLESSE D'AGGREGATION, est celle d'une famille qui a été adoptée par quelque maison d'ancienne noblesse.

Dans l'état de Florence, la noblesse d'agrégation y a commencé depuis l'extinction de la république ; quand on y était agrégé, on y changeait de nom comme de famille, et on y prenait le nom et les armes de celui qui adoptait.

L'agrégation a commencé à Naples, l'an 1300.

Il y a dans Gènes 28 anciennes maisons et 432 autres d'agrégation : on a commencé à y agréger en 1528.

Dans toute l'Italie, les nobles des villes agrégent des familles pour entrer dans leur corps.

La maison de Gonzague a agrégé plusieurs familles, qui en ont pris le nom et les armes, et cette coutume est ordinaire à Mantoue.

Lucan dit que la noblesse de Raguze aggrege, et que les comtes de Blagean et de Cathasa y furent agrégés. L'agrégation de George Bogstimonite, comte de Blageay, se fit le 22 Juillet de l'an 1464. Voyez la Roque, c. clxvj. et ci-devant, NOBLESSE D'ADOPTION. (A)

NOBLESSE ANCIENNE, ou DU SANG, qu'on appelle aussi noblesse de race ou d'extraction, est celle que la personne tient de ses ancêtres, et non pas d'un office ou de lettres du prince ; on ne regarde comme ancienne noblesse que celle dont les preuves remontent à plus de cent ans, et dont on ne voit pas l'origine.

La déclaration du 8 Février 1661 porte que ceux qui se prétendent nobles d'extraction, doivent justifier par titres autentiques la possession de leur noblesse et leur filiation depuis l'année 1550, et que ceux qui n'ont des titres et contrats que depuis, et au-dessous de l'année 1560, doivent être déclarés roturiers, et contribuables aux tailles et autres impositions.

Dans les Pays bas on ne regarde comme ancienne noblesse que celle qui est de nom et d'armes : la noblesse de race, lorsqu'elle n'est pas de nom et d'armes, n'est pas réputée ancienne. Voyez la Roque, chap. VIIe et ci-après NOBLESSE NOUVELLE.

NOBLESSE ARCHERE, est la même chose que noblesse des francs-archers, ou francs-taupins. Voyez ci-après NOBLESSE DES FRANCS-ARCHERS, et la préface de la Roque.

NOBLESSE PAR LES ARMES, c'est-à-dire qui vient du service militaire et des beaux faits d'armes. Voyez ce qui est dit ci-devant de la noblesse en général, et ci-après NOBLESSE MILITAIRE.

NOBLESSE PAR LES ARMOIRIES, est celle dont la preuve se tire de la permission que le souverain a donnée à un nom noble de porter des armoiries timbrées, ou de la possession de porter de telles armoiries. Anciennement les nobles étaient les seuls qui eussent droit de porter des armoiries, comme étant la représentation de leur écu et des autres armes dont ils se servaient pour la guerre ; mais depuis que l'on a permis aux roturiers de porter des armoiries simples, il n'y a plus que les armoiries timbrées qui puissent former une preuve de noblesse, encore cela est-il fort équivoque, beaucoup de personnes se donnant la licence de faire timbrer leurs armoiries, quoiqu'ils n'en aient pas le droit. Voyez la Roque, ch. xxvij. et ci-après NOBLESSE MILITAIRE. (A)

NOBLESSE AVOUEE, est celle d'une ancienne maison dont un bâtard tire son origine, auquel on permet de jouir de cette noblesse, en reconnaissance des services de son père naturel. Voyez la Roque, chap. xxj.

NOBLESSE DE BANNIERE, est une espèce particulière de noblesse que l'on distingue en Espagne de celle de chaudière ; on l'appelle la première noblesse de bannière, parce qu'elle vient des grands seigneurs qui servaient avec la bannière pour assembler leur vassaux et sujets ; les autres étaient appelés ricos hombres, ou riches hommes ; leurs richesses ne servant pas moins à les distinguer que la vertu et la force : ils étaient aussi appelés nobles de chaudière, parce qu'ils se servaient de chaudières pour nourrir ceux qui les suivaient à la guerre ; de là vient que dans les royaumes de Castille, de Léon, d'Aragon, de Portugal, de Navarre, et autres états d'Espagne, plusieurs grandes maisons portent les unes des bannières, les autres des chaudières en leurs armoiries, comme des marques d'une ancienne et illustre noblesse. La Roque, ch. clxxviij.

NOBLESSE DE CHAUDIERE, voyez ce qui en est dit ci-devant à l'article NOBLESSE DE BANNIERE.

NOBLESSE DE CHEVALERIE, est celle qui provient de la qualité de chevalier, attribuée à quelqu'un ou à ses ancêtres, en lui donnant l'accolade.

Cette manière de conférer la noblesse est la première qui ait été usitée en France. Grégoire de Tours rapporte que nos rois de la première race créaient des chevaliers de l'accolade ; cependant on tient plus communément que cette cérémonie ne commença à être usitée que sous la seconde race, vers le temps où les fiefs devinrent héréditaires. Cet usage fut moins commun depuis François I. cependant il y en a encore quelques exemples sous le règne de Louis XIV. notamment en 1662 et en 1676.

Au lieu de donner la chevalerie par l'accolade, on a établi divers ordres de chevalerie, dont quelques-uns exigent des preuves de noblesse ; mais aucun de ces ordres ne la donne.

La possession ancienne de la qualité de chevalier simplement, fait une preuve de noblesse. Voyez CHEVALERIE et CHEVALIER.

NOBLESSE DES FRANCS-ARCHERS, ou FRANCS-TAUPINS, ou comme l'appelle la Roque, NOBLESSE ARCHERE ; c'est-à-dire, qui procede de la qualité de francs-archers, prise par quelques-uns des ancêtres de celui qui se prétend noble. Les francs-archers ou francs-taupins étaient une sorte de milice établie par Charles VII. en 1444, composée de gens qui étaient exempts de tous subsides, et que l'on surnomma par cette raison, francs-archers ou francs-taupins. François I. institua des légions au lieu de ces francs-archers. Quelques personnes issues de ces francs-archers se sont prétendues nobles ; mais quoique cette milice fût libre, et franche d'impôt, elle n'était pas noble, et l'on ne regardait plus dès-lors pour nobles indistinctement tous ceux qui faisaient profession de porter les armes. Voyez la Roque, ch. lv. et ci-après, voyez NOBLESSE MILITAIRE.

NOBLESSE DES FRANCS FIEFS de Normandie, est celle qui fut accordée par Louis XI. par une charte donnée au Montil-lez-Tours le 5 Novembre 1470, par laquelle il ordonna entr'autres choses, que pour les fiefs nobles acquis jusqu'alors par des roturiers en Normandie, et qu'ils tenaient à droits héréditaire, propriétaire et foncier, et qu'ils possédaient noblement à gage-plege, cour et usage ; ils les pourraient tenir paisiblement sans être contraints de les mettre hors de leurs mains, ni payer aucune autre finance que celle portée par la composition et ordonnance sur ce faite par le roi, et qu'ils seraient tenus et réputés pour nobles ; et dès-lors seraient annoblis, ensemble leur postérité née et à naître en loyal mariage, et que la volonté du roi était qu'ils jouissent du privilège de noblesse, comme les autres nobles du royaume, en vivant noblement, suivant les armes, et se gouvernant en tous actes, comme les autres nobles de la province, et ne faisant chose dérogeante à noblesse.

Les enfants de ceux qui payèrent ce droit de francs-fiefs furent maintenus dans leur noblesse par des lettres de Charles VIII. du 12 Janvier 1486, et par d'autres du 20 Mars de la même année.

Henri II. par une ordonnance du 26 Mars 1556, régla entr'autres choses, que ceux qui prétendraient être nobles par la charte des francs-fiefs de 1470, ne pourraient jouir des privilèges de noblesse, s'ils ne faisaient apparoir des chartes particulières, tenant leurs fiefs à cour et usage ; et qu'eux, ou leurs successeurs eussent vécu noblement, suivant les armes, sans avoir dérogé, auquel cas ils seraient privés de leurs privilèges, encore qu'ils fissent voir des quittances particulières de la finance par eux payée.

Il y a eu en divers temps des recherches faites contre ceux qui se prévalaient sans fondement de la charte générale des francs-fiefs : on peut voir ce qui est dit à ce sujet dans la Roque, ch. xxxij.

NOBLESSE GRADUELLE, est celle qui ne peut être pleinement acquise qu'au bout d'un certain temps, ou après deux ou trois degrés de personnes qui ont rempli un office propre à donner commencement à la noblesse. En France la plupart des offices des cours souveraines ne donnent qu'une noblesse graduelle ; c'est-à-dire, qu'elle n'est acquise à la postérité, que quand le père et le fils ont rempli successivement de ces offices, qui est ce que l'on dit, patre et avo consulibus. Voyez ci-devant NOBLESSE ACTUELLE.

NOBLESSE GREFFEE, est quand quelqu'un profitant de la conformité de son nom avec celui de quelque famille noble, cherche à se enter sur cette famille, c'est-à-dire, à se mêler avec elle. Voyez la préface de la Roque. (A)

NOBLESSE HAUTE, (Histoire de France) il n'est pas aisé de définir aujourd'hui si ce titre dont tant de gens se parent dans notre royaume, consiste dans une noblesse si ancienne que l'origine en soit inconnue, ou dans des dignités actuelles qui supposent, mais qui ne prouvent pas toujours une véritable noblesse.

Le point le plus intéressant n'est pas cependant de discuter l'objet de la noblesse d'ancienneté ou de dignité, mais les premières causes qui formèrent la noblesse et la multiplièrent.

Il semble qu'on trouvera l'origine de la noblesse dans le service militaire. Les peuples du nord avaient une estime toute particulière pour la valeur militaire : comme par leurs conquêtes ils cherchaient la possession d'un pays meilleur que celui de leur naissance ; qu'ils s'estimaient considérables à proportion du nombre des combattants qu'ils pouvaient mettre sur pied ; et que pour les distinguer des paysans ou roturiers, ils appelaient nobles ceux qui avaient défendu leur patrie avec courage, et qui avaient accru leur domination par les guerres : or pour récompense de leurs services, dans le partage des terres conquises, ils leur donnèrent des francs-fiefs, à condition de continuer à rendre à leur patrie les mêmes services qu'ils lui avaient déjà rendus.

C'est ainsi que le corps de la noblesse se forma en Europe et devint très - nombreux ; mais ce même corps diminua prodigieusement par les guerres des croisades, et par l'extinction de plusieurs familles : il fallut alors de nécessité créer de nouveaux nobles. Philippe-le-Hardi, imitant l'exemple de Philippe-le-Bel son prédécesseur, qui le premier donna des lettres de noblesse en 1270 en faveur de Raoul l'orfévre, c'est-à-dire, l'argentier ou payeur de sa maison, prit le parti d'annoblir plusieurs roturiers. On employa la même ressource en Angleterre. Enfin en Allemagne - même, si les empereurs n'eussent pas fait de nouveaux gentilshommes, s'il n'y avait de nobles que ceux qui prouveraient la possession de leurs châteaux et de leurs fiefs, ou du service militaire de leurs aïeux, du temps de Fréderic Barberousse, sans doute qu'on n'en trouverait pas beaucoup. (D.J.)

NOBLESSE DE HAUT PARAGE, est celle qui se tire d'une famille illustre et ancienne. Voyez le roman de Garin et Guillaume Guyart. La Roque, chap. IIe (A)

NOBLESSE HEREDITAIRE, est celle qui passe du père aux enfants et autres descendants. La noblesse provenant des grands offices était héréditaire chez les Romains, mais elle ne s'étendait pas au-delà des petits enfants.

En France toute noblesse n'est pas héréditaire ; il y a des offices qui ne donnent qu'une noblesse personnelle, d'autres qui donnent commencement à la noblesse pour les descendants ; mais il faut que le père et l'aïeul aient rempli un de ces offices pour donner la noblesse au petit-fils sans qu'il soit pourvu d'un office semblable ; enfin il y a des offices qui transmettent la noblesse au premier degré. Voyez NOBLESSE AU PREMIER DEGRE, NOBLESSE patre et avo, NOBLESSE TRANSMISSIBLE.

NOBLESSE HONORAIRE, est celle qui ne consiste qu'à prendre le titre de noble, et à être considéré comme vivant noblement sans avoir la noblesse héréditaire : ce n'est qu'une noblesse personnelle, elle n'a même que les privilèges des nobles, comme la noblesse personnelle de certains officiers. Voyez la Roque, chap. xciv. et ci-après NOBLESSE PERSONNELLE.

NOBLESSE ILLUSTRE, est celle qui tient le prémier rang ou degré d'honneur, comme sont les princes du sang ; elle est encore au-dessus de ce que l'on appelle la haute-noblesse. Voyez Loyseau, traité des Ordres, chap. VIe n. 9. et ci-dessus HAUTE-NOBLESSE.

NOBLESSE IMMEDIATE, en Allemagne, est celle des seigneurs qui ont des fiefs mouvants directement de l'empire, et qui jouissent des mêmes prérogatives que les villes libres : ils prennent l'investiture en la même forme ; mais ils n'ont pas comme ces villes le droit d'archives.

Le corps de la noblesse immédiate est divisé en quatre provinces et en quinze cantons ; savoir, la Souabe, qui contient cinq cantons ; la Franconie, qui en contient six ; la province du Rhin, qui en contient trois, et l'Alsace, qui ne fait qu'un canton.

Cette noblesse immédiate est la principale noblesse d'Allemagne, parce que c'est l'empereur qui la confère immédiatement. Ceux que les électeurs annoblissent, ne sont nobles que dans leurs états, à moins que leur noblesse ne soit confirmée par l'empereur. Voyez la Roque, c. clxxij. et ci-après NOBLESSE MEDIATE et NOBLESSE MIXTE. (A)

NOBLESSE IMMEMORIALE, ou IRREPROCHABLE, est celle dont on ne connait point le commencement, et qui remonte jusqu'au temps de l'établissement des fiefs ; c'est pourquoi on l'appelle aussi féodale ; on l'appelle aussi irréprochable parce qu'elle est à couvert de tout reproche ou soupçon d'annoblissement. Voyez la Roque, préface.

NOBLESSE INFEODEE ou FEODALE, est celle qui tire son origine de la possession ancienne de quelque fief. Voyez ci-dessus NOBLESSE FEODALE.

NOBLESSE IRREPROCHABLE, est celle dont l'origine est si ancienne, qu'elle est au-dessus de tout reproche d'annoblissement fait par lettres ou office, de manière qu'elle est réputée pour noblesse de race et d'ancienne extraction. Voyez la préface de la Roque.

NOBLESSE DE LAINE, est la seconde classe de la noblesse. Dans la ville de Florence on y distingue deux sortes de noblesse pour le gouvernement ; savoir la noblesse de soie et la noblesse de laine. La première est plus relevée et plus qualifiée que la seconde. Il y a apparence que ces différentes dénominations viennent de la différence des habits. Cette distinction de deux sortes de noblesse se fait au regard du gouvernement de la ville. Voyez le traité de la Noblesse par la Roque, chap. cxij. et clxvj.

NOBLESSE LIBERALE, est celle que l'on a accordée à ceux qui poussés d'un beau zèle ont dépensé leur bien pour la défense de la patrie. Voyez la préface de la Roque.

NOBLESSE DE LETTRES, est celle qui est accordée aux gens de lettres, et aux gradués et officiers de judicature. On l'appelle aussi noblesse littéraire. Voyez ci-après NOBLESSE LITTERAIRE.

NOBLESSE PAR LETTRES, est celle qui provient de lettres d'annoblissement accordées par le prince.

M. d'Hozier dans l'histoire d'Amanzé, rapporte une charte d'annoblissement du 24 Juin 1008, mais cette charte est suspecte.

D'autres prétendent que les premières lettres d'annoblissement furent données en 1095 par Philippe I. à Eudes le Maire, dit Chalo S. Mars.

On fait encore mention de quelques autres lettres de noblesse données par Philippe Auguste.

Mais il est plus certain qu'ils commencèrent sous Philippe III. car il se voit un annoblissement de ce temps qu'il accorda à Raoul l'orfévre.

Ses successeurs en accordèrent aussi quelques-uns ; mais ils devinrent plus fréquents sous Philippe de Valais, et il en accorda dès lors moyennant finance et sans finance ; car la charte de noblesse de Guillaume de Dormants en 1339, fait mention qu'elle fut donnée sans finance, et en 1354, Jean de Rheims paya trente écus d'or ; un autre en 1355 en paya quatrevingt.

Dans la suite il y a eu des annoblissements créés par édit, et dont la finance a été réglée ; mais ils ont toujours été suivis de lettres particulières pour chaque personne qui devait profiter de la grâce portée par l'édit.

Charles IX. créa douze nobles en 1564 ; il en créa encore trente par édit de 1568.

Henri III. en créa mille par édit du mois de Juin 1576, par des déclarations des 20 Janvier et 10 Septembre 1577.

Il y eut une autre création de nobles par édit de Juin 1588, vérifiée au parlement de Rouen.

On en créa vingt par édit du 20 Octobre 1592, et vingt autres par édit du 23 Novembre suivant pour des personnes tant taillables que non taillables ; dix par édit d'Octobre 1594, et encore en Mars 1610.

En 1643 on en créa deux en chaque généralité pour l'avénement de Louis XIV. à la couronne.

Le 4 Décembre 1645, il fut créé cinquante nobles en Normandie, avec permission de trafiquer leur vie durant, à condition que leurs enfants demeureraient dans des villes franches, et serviraient le roi au premier arrière ban.

En 1660 Louis XIV. créa deux nobles dans chaque généralité.

En 1696 il créa cinq cent nobles dans le royaume. On obtenait des lettres de noblesse pour deux mille écus. Il créa encore deux cent nobles par édit du mois de Mai 1702, et cent autres par édit de Décembre 1711.

On a souvent donné des lettres de noblesse pour récompense de services ; mais à moins qu'ils ne soient spécifiés, on y a peu d'égard, Ve qu'il y a eu de ces lettres où cette énonciation était devenue de style ; on laissait même le nom de la personne en blanc, de sorte que c'était une noblesse au porteur.

Les divers besoins de l'état ont ainsi réduit les ministres à chercher des ressources dans l'avidité que les hommes ont pour les honneurs.

Il y a même eu des édits qui ont obligé des gens riches et aisés de prendre des lettres de noblesse, moyennant finance ; de ce nombre fut Richard Graindorge, fameux marchand de bœufs, du pays d'Auge en Normandie, qui fut obligé en 1577 d'accepter des lettres de noblesse, pour lesquelles on lui fit payer trente-mille livres. La Roque en son traité de la Noblesse, ch. xxj. dit en avoir Ve les contraintes entre les mains de Charles Graindorge sieur du Rocher, son petit-fils.

Ce n'est pas seulement en France que la noblesse est ainsi devenue vénale. Au mois d'Octobre 1750, on publia à Milan, par ordre de la cour de Vienne, une espèce de tarif qui fixe le prix auquel on pourra se procurer les titres de prince, duc, marquis, comte, et les simples lettres de noblesse ou de naturalisation. Voyez le Mercure de France, Décembre 1750, pag. 184.

Les annoblissements accordés à prix d'argent, ont été sujets à plusieurs révolutions. Les annoblis ont été obligés en divers temps de prendre des lettres de confirmation, moyennant une finance.

On voit aussi dès 1588 des lettres de rétablissement de noblesse ensuite d'une révocation qui avait été faite.

Henri IV. par l'édit du mois de Janvier 1598, révoqua tous les annoblissements qui avaient été faits à prix d'argent.

Il les rétablit ensuite par édit du mois de Mars 1606.

Louis XIII. par édit du mois de Novembre 1640, révoqua tous ceux qui avaient été faits depuis trente ans.

Les lettres de noblesse accordées depuis 1630, furent aussi révoquées par édit du mois d'Aout 1664.

Enfin par édit du mois d'Aout 1715, Louis XIV. supprima tous les annoblissements par lettres et privilèges de noblesse attribués depuis le premier Janvier 1689, aux offices, soit militaires, de justice ou finance.

Pour jouir pleinement des privilèges de noblesse, il faut faire enregistrer ses lettres au parlement, en la chambre des comptes et en la cour des aides.

Voyez la Roque, ch. xxj. Brillon, au mot Annoblissement, et ce qui a été dit ci-devant en parlant de la noblesse en général.

NOBLESSE LITTERAIRE ou SPIRITUELLE, est une qualification que l'on donne à la noblesse, accordée aux gens de lettres pour récompense de leurs talents. Voyez la préf. de la Roque.

On peut aussi entendre par-là une certaine noblesse honoraire, qui est attachée à la profession des gens de lettres, mais qui ne consiste en France que dans une certaine considération que donnent le mérite et la vertu. A la Chine on ne reconnait pour vrais nobles que les gens de lettres ; mais cette noblesse n'y est point héréditaire : le fils du premier officier de l'état reste dans la foule, s'il n'a lui-même un mérite personnel qui le soutienne.

Quelques auteurs par noblesse littéraire, entendent aussi la noblesse de robe, comme Nicolas Upton anglais, qui n'en distingue que deux sortes ; l'une militaire, l'autre littéraire, qui vient des sciences et de la robe, togata sive litteraria.

NOBLESSE LOCALE, est celle qui s'acquiert par la naissance dans un lieu privilégié, telle que celle des habitants de Biscaye. Voyez la Roque, chap. lxxvij.

On pourrait aussi entendre par noblesse locale, celle qui n'est reconnue que dans un certain lieu, telle qu'était celle des villes romaines dont les nobles étaient appelés domi nobiles.

Les auteurs qui ont traité des patrices d'Allemagne, disent que la plupart des communautés qui sont dans les limites de l'Empire, sont gouvernées par certaines familles qui usent de toutes les marques extérieures de noblesse, qui n'est pourtant reconnue que dans leur ville ; aucun des nobles de cette espèce n'étant reçu dans les chapitres nobles : en sorte qu'il y a en Allemagne comme deux sortes de noblesse, une parfaite et une autre locale qui est imparfaite ; et ces mêmes auteurs disent que la plupart de ces familles ne tenant point du prince le commencement de leur noblesse, et ne portant point les armes, ils se sont contentés de l'état de bourgeoisie et des charges de leur communauté, en vivant noblement. Voyez la Roque, chap. xxxix.

Il est de même des nobles de Chiary en Piémont, et des nobles de certains lieux dans l'état de Venise. La Roque, ch. clxvij.

NOBLESSE CIVILE, POLITIQUE ou ACCIDENTELLE, est celle qui provient de l'exercice de quelque office ou emploi qui annoblit celui qui en est revêtu : elle est opposée à la noblesse d'origine. Voyez la Roque et Thomas Miles, in tract. de nobilitate.

On peut aussi entendre par noblesse civile, toute noblesse soit de race ou d'office, ou par lettres, reconnue par les lois du pays, à la différence de la noblesse honoraire qui n'est qu'un titre d'honneur attaché à certains états honorables, lesquels ne jouissent pas pour cela de tous les privilèges de la noblesse. Voyez ci-après. NOBLESSE HONORAIRE.

NOBLESSE CLERICALE, ou attachée à la cléricature, consiste en ce que les clercs vivant cléricalement, participent à quelques privilèges des nobles, tels que l'exemption des tailles ; mais cela ne produit pas en eux une noblesse proprement dite : ils sont seulement considerés comme gens vivant noblement.

Les ecclésiastiques des dioceses d'Autun et de Langres ont prétendu avoir par état la noblesse, mais tout leur droit se borne comme ailleurs, à l'exemption des tailles et corvées personnelles. Voyez la Roque, ch. xlix. (A)

NOBLESSE DE CLOCHE, ou de la cloche, est celle qui provient de la mairie et autres charges municipales auxquelles la noblesse est attribuée. On l'appelle noblesse de cloche, parce que les assemblées pour l'élection des officiers municipaux se font ordinairement au son du beffroi ou grosse cloche de l'hôtel de ville.

Les commissaires du roi en Languedoc, faisant la recherche de la noblesse, appellent ainsi la noblesse des capitouls de Toulouse, noblesse de la cloche. Voyez la Roque, ch. xxxvj.

NOBLESSE COMITIVE, est celle que les docteurs régens en Droit acquièrent au bout de 20 ans d'exercice. On l'appelle comitive, parce qu'ils peuvent prendre la qualité de comes, qui signifie comte ; ce qui est fondé sur la loi unique au code de professoribus in urbe Constantin.

Il est constant que les professeurs en Droit ont toujours été décorés de plusieurs beaux privilèges, qu'en diverses occasions ils ont été traités comme les nobles, par rapport à certaines exemptions. C'est pourquoi plusieurs auteurs ont pensé qu'ils étaient réellement nobles : ils ont même prétendu que cela s'étendait à tous les docteurs en Droit. Tel est le sentiment de Guy pape, de Tiraqueau, de François Marc, de Cymus Bartolus, de Balde Dangelus, de Paul de Castre, de Jean Raynuce, d'Ulpien, de Cromerus, de Lucas de Penna.

La qualité de professeur en Droit est si considérable à Milan, qu'il faut même être déjà noble pour remplir cette place, et faire preuve de la noblesse requise par les statuts avant sa profession, comme rapporte Paul de Morigia docteur Milanais, dans son hist. ch. xlix et l.

Mais en France, les docteurs en Droit ni les professeurs ne jouissent de la noblesse que comme les Avocats et Médecins, c'est-à-dire que leur noblesse n'est qu'un titre d'honneur, qui ne les autorise pas à prendre la qualité d'écuyer, et ne leur donne pas les privilèges de noblesse. Voyez la Roque, ch. xlij. et ci-devant le mot docteur en Droit.

NOBLESSE COMMENCEE, est celle dont le temps ou les degrés nécessaires ne sont pas encore remplis, comme ils doivent l'être pour former une noblesse acquise irrévocablement. Voyez NOBLESSE ACTUELLE.

NOBLESSE COMMENSALE, est celle qui vient du service domestique et des tables des maisons royales, telle qu'était autrefois celle des chambellans ordinaires. Voyez la préf. de la Roque.

NOBLESSE COUTUMIERE ou utérine, est celle qui prend sa source du côté de la mère, en vertu de quelque coutume ou usage. Voyez la préf. de la Roque, et ci-après NOBLESSE UTERINE.

NOBLESSE DEBARQUEE ou de transmigration, est celle d'un étranger qui passe de son pays dans un autre état, où il s'annonce sous un nom emprunté, ou qui est équivoque à quelque grand nom. Voyez la préf. de la Roque.

DEMI-NOBLESSE, est une qualification que l'on donne quelquefois à la noblesse personnelle de certains officiers, qui ne passe point aux enfants. Voyez M. le Bret dans son septième plaidoyer.

NOBLESSE A DEUX VISAGES, est celle qui est accordée tant pour le passé que pour l'avenir, lorsqu'on obtient des lettres de confirmation ou de réhabilitation, ou même en tant que besoin serait d'annoblissement. Voyez la Roque, ch. xxj. (A)

NOBLESSE DE DIGNITE, est celle qui provient de quelque haute dignité, soit féodale ou personnelle, comme des grands offices de la couronne, et des offices des cours souveraines.

NOBLESSE DES DOCTEURS EN DROIT. Voyez ce qui est dit ci-devant à l'article NOBLESSE COMITIVE.

NOBLESSE QUI DORT, c'est celle dont la jouissance est suspendue à cause de quelque acte contraire. C'est un privilège particulier aux nobles de la province de Bretagne. Suivant l'article 561, les nobles qui font trafic de marchandises et usent de bourse commune, contribuent pendant ce temps aux tailles, aides et subventions roturières ; et les biens acquis pendant ce même temps, se partagent également pour la première fais, encore que ce fussent des biens nobles. Mais il leur est libre de reprendre leur noblesse et privilèges d'icelle, toutes fois et quantes que bon leur semblera, en laissant leur trafic et usage de bourse commune, en faisant de ce leur déclaration devant le plus prochain juge royal de leur domicile. Cette déclaration doit être insinuée au greffe, et notifiée aux marguilliers de la paraisse, moyennant quoi le noble reprend sa noblesse, pourvu qu'il vive noblement ; et les acquets nobles, faits par lui depuis cette déclaration, se partagent noblement.

M. d'Argentré observe que cet article est de la nouvelle réformation ; mais que l'usage était déjà de même auparavant.

La noblesse qui dort est en suspens, dormit sed non extinguitur. (A)

NOBLESSE D'ECHEVINAGE, est celle qui vient de la fonction d'échevin, que celui qui se prétend noble, ou quelqu'un de ses ancêtres paternels, a rempli dans une ville où l'échevinage donne la noblesse, comme à Paris, à Lyon, etc.

Ce privilège est établi à l'instar de ceux des décurions des villes romaines, qui se prétendaient nobles et privilégiés, cod. de decur. Charles V. en 1371, donna la noblesse aux bourgeois de Paris. Henri III. par des lettres de Janvier 1577, réduisit ce privilège au prevôt des marchands et aux quatre échevins qui avaient été en charge depuis l'avénement d'Henri II. à la couronne, et à leurs successeurs, et à leurs enfants nés et à naître, pourvu qu'ils ne dérogent point.

Quelques autres villes ont le même privilège. Voyez ECHEVIN et ECHEVINAGE.

NOBLESSE EMPRUNTEE, est lorsqu'un parent annobli prête sa charte à un autre non annobli, pour mettre toute sa race en honneur et à couvert de la recherche de la taxe des francs-fiefs et de la taille. Préf. de la Roque.

NOBLESSE ENTIERE, est celle qui est héréditaire, et qui passe à la postérité, à la différence de la noblesse personnelle attachée à certains offices, qui ne passe point aux enfants de l'officier, et qu'on appelle demi-noblesse. La Roque, chap. ljv. Voyez DEMI-NOBLESSE.

NOBLESSE D'EPEE, est celle qui vient de la profession des armes. Voyez NOBLESSE PAR LES ARMES.

NOBLESSE ETRANGERE ; on entend par-là celle qui a été accordée ou acquise dans un autre état que celui où l'on demeure actuellement.

Chaque souverain n'ayant de puissance que sur ses sujets, un prince ne peut régulièrement annoblir un sujet d'un autre prince. L'empereur Sigismond étant venu à Paris en 1415, pendant la maladie de Charles VI. vint au parlement où il fut reçu par la faction de la maison de Bourgogne ; on plaida devant lui une cause au sujet de l'office de sénéchal de Beaucaire, qui avait toujours été rempli par des gentils-hommes ; l'un des contendants qui était chevalier, se prévalait de sa noblesse contre son adversaire nommé Guillaume Signet, qui était roturier. Sigismond pour trancher la question, voulut annoblir Guillaume Signet ; Pasquier, et quelques autres supposent même qu'il le fit, et que pour cet effet, l'ayant fait mettre à genoux près du greffier, il fit apporter une épée et des éperons dorés, et lui donna l'accolade ; qu'en conséquence, le premier président dit à l'avocat de l'autre partie, de ne plus insister sur le défaut de noblesse, puisque ce moyen tombait. Pasquier n'a pu cependant s'empêcher de dire que plusieurs trouvèrent mauvais que l'empereur entreprit ainsi sur les droits du roi, et même qu'il eut pris séance au parlement.

Quelques-uns disent que le chancelier, qui était aux pieds de Sigismond, s'opposa à ce qu'il voulait faire, lui observant qu'il n'avait pas le droit de faire un gentilhomme en France ; et que Sigismond voyant cela, dit à cet homme de le suivre jusqu'au pont de Beauvoisin, où il le déclara gentilhomme : enfin, que le roi confirma cet annoblissement. Tableau de l'empire germanique, page 27.

Tiraqueau a prétendu qu'un prince ne pouvait conférer la noblesse hors les limites de ses états, par la raison que le prince n'est-là que personne privée ; mais Bartole, sur la loi 1. ff. 3. off. pro consul. coll. 9. Barbarus, in caput novit. coll. 11. et Jean Raynuce, en son Traité de la noblesse, tiennent le contraire, parce que l'annoblissement est un acte de juridiction volontaire ; c'est même plutôt une grâce qu'un acte de juridiction. Et en effet, il y en a un exemple récent pour la chevalerie, dont on peut également argumenter pour la simple noblesse. Le 9 Octobre 1750, dom François Pignatelli, ambassadeur d'Espagne, chargé d'une commission particulière de S. M. catholique, fit dans l'église de l'abbaye royale de saint Germain-des-Prés, la cérémonie d'armer chevalier de l'ordre de Calatrava le marquis de Maenza, seigneur espagnol, auquel le prieur de l'abbaye donna l'habit du même ordre. Voyez le Mercure de France de Décembre 1750, page 188.

Mais, quoiqu'un prince souverain qui se trouve dans une autre souveraineté que la sienne, puisse y donner des lettres de noblesse, ce n'est toujours qu'à ses propres sujets ; s'il en accorde à des sujets d'un autre prince, cet annoblissement ne peut avoir d'effet que dans les états de celui qui l'a accordé, et ne peut préjudicier aux droits du prince, dont l'annobli est né sujet, à-moins que ce prince n'accorde lui-même des lettres par lesquelles il consente que l'impétrant jouisse aussi du privilège de noblesse dans ses états ; auquel cas, l'annobli ne tire plus à cet égard son droit de la concession d'un prince étranger, mais de celle de son prince.

Cependant, comme la noblesse est une qualité inhérente à la personne, et qui la suit par-tout, les étrangers qui sont nobles dans leur pays, sont aussi tenus pour nobles en France. Ils y sont en conséquence exempts des francs fiefs, ainsi que l'observe Bacquet. Loiseau prétend même que ces nobles étrangers sont pareillement exempts de tous subsides roturiers, surtout, dit-il, lorsque ces nobles sont nés sujets d'états, amis et alliés de la France, et que leur noblesse est établie en la forme. Defranco, Traité des ordres, chap. Ve

Mais dans l'usage présent, les étrangers qui sont nobles dans leur pays, n'ont en France qu'une noblesse personnelle, qui ne leur donne pas le droit de jouir de tous les autres privilèges attribués aux nobles, tels que l'exemption des tailles et autres subsides, et surtout des privilèges qui touchent les droits du roi, parce qu'un souverain étranger ne peut accorder des droits au préjudice d'un autre souverain ; mais la Roque, ch. xxj. dit que des étrangers ont été maintenus dans leur noblesse en se faisant naturaliser.

Il faut néanmoins excepter ceux qui tiennent leur noblesse d'un prince allié de la France, et dont les sujets y sont réputés regnicoles, tels que les sujets du duc de Lorraine, et ceux du prince de Dombes ; car les sujets de ces princes qui sont nobles dans leur pays, jouissent en France des privilèges de noblesse, de même que les sujets du roi ; ce qui est fondé sur la qualité de regnicoles, et sur la réciprocité des privilèges qu'il y a entre les deux nations ; les François qui sont nobles jouissant pareillement des privilèges de noblesse dans les états de ces princes. Voyez la Roque, Tr. de la noblesse, chap. lxxvj. (A)

NOBLESSE FEMININE, ou UTERINE, est celle qui se perpétue par les filles, et qui se communique à leurs maris et aux enfants qui naissent d'eux. Voyez ci-après NOBLESSE UTERINE.

NOBLESSE FEODALE, ou INFEODEE, est celle dont les preuves se tirent de la possession ancienne de quelque fief, et qui remontent jusqu'aux premiers temps de l'établissement des fiefs où ces sortes d'héritages ne pouvaient être possédés que par des nobles, soit de père ou de mère, tellement que quand le roi voulait conférer un fief à un roturier, il le faisait chevalier, ou du-moins l'annoblissait en lui donnant l'investiture de ce fief. Dans les commencements ces annoblissements à l'effet de posséder des fiefs, ne se faisaient que verbalement en présence de témoins. Dans la suite, quand l'usage de l'écriture devint plus commun, on dressa des chartes de l'annoblissement et investiture. Il ne faut pas confondre ces annoblissements à l'effet de posséder des fiefs, avec ceux qui se donnaient par lettres simplement, sans aucune investiture de fief. Le premier exemple de ces lettres n'est que de l'an 1095, au lieu que l'annoblissement par l'investiture des fiefs, est aussi ancien que l'établissement des fiefs, c'est-à-dire, qu'il remonte jusqu'au commencement de la troisième race, et même vers la fin de la seconde.

La facilité que l'on eut de permettre aux roturiers de posséder des fiefs, et l'usage qui s'introduisit de les annoblir à cet effet, opéra dans la suite que tous ceux qui possédaient des fiefs, furent réputés nobles. Le fief communiquait sa noblesse au roturier qui le possédait, pourvu qu'il fit sa demeure sur le fief ; tandis qu'au contraire les nobles étaient traités comme roturiers tant qu'ils demeuraient sur une roture.

Cependant la succession d'un roturier qui possédait un fief sans avoir été annobli, ne se partageait pas noblement jusqu'à ce que le fief fût tombé en tierce foi, c'est-à-dire, qu'il eut passé de l'ayeul au fils, et de celui-ci aux petits enfants ; alors le fief se partageait noblement, et les petits-enfants jouissaient de la noblesse héréditaire.

Cet annoblissement par la possession des fiefs, quand ils avaient passé de l'ayeul au fils, du fils au petit-fils, était encore en usage en Italie et en France, dans le XVe siècle, ainsi que l'atteste le Poggio.

Pour réprimer cette usurpation de noblesse par la possession des fiefs, nos rois ont fait payer de temps en temps aux roturiers une certaine finance que l'on a appelé droit de francs fiefs, afin d'interrompre la possession de la noblesse que les roturiers prétendaient tirer des fiefs.

Cependant les roturiers qui possédaient des fiefs, continuant toujours à se qualifier écuyers, l'ordonnance de Blais, art. 258, ordonna que les roturiers et non-nobles achetants fiefs nobles, ne seraient pour ce annoblis, de quelque revenu que fussent les fiefs par eux acquis, et tel est actuellement l'usage. Voyez la Roque, chap. XVIIIe la préface de M. de Laurière, sur le premier tome des ordonnances, le mot FIEF, et NOBLESSE IMMEMORIALE.

NOBLESSE DE MAIRIE, ou DE PRIVILEGE, est celle qui vient de la fonction de maire, ou autre office municipal, qui a été remplie par celui qui se prétend noble, ou par quelqu'un de ses ancêtres en ligne directe masculine, dans une ville où l'exercice des charges municipales donne la noblesse, comme à Paris, à Lyon, à Poitiers, etc.

NOBLESSE MATERNELLE, est la noblesse de la mère considérée par rapport aux enfants.

Suivant le droit commun la noblesse de la mère ne se transmet point aux enfants : on peut voir ce qui est dit ci-après à ce sujet à l'article NOBLESSE UTERINE.

C'est principalement du père que procede la noblesse des enfants ; celui qui est issu d'un père noble et d'une mère roturière, jouit des titres et privilèges de noblesse, de même que celui qui est issu de père et mère nobles.

Cependant la noblesse de la mère ne laisse pas d'être considérée ; lorsqu'elle concourt avec celle du père, elle donne plus de lustre à la noblesse des enfants, et la rend plus parfaite. Elle est même nécessaire en certains cas, comme pour être admis dans certains chapitres nobles, ou dans quelque ordre de chevalerie où il faut preuve de noblesse du côté de père et de mère ; il faut même en certains cas prouver la noblesse des ayeules des pères et mères, de leurs bisayeules, et de leurs trisayeules ; on dispense quelquefois de la preuve de quelques degrés de noblesse du côté des femmes, mais rarement dispense-t-on d'aucun des degrés nécessaires de noblesse du côté du père.

La noblesse de la mère peut encore servir à ses enfants, quoique le père ne fût pas noble, lorsqu'il s'agit de partager sa succession, dans une coutume de représentation où il suffit de représenter une personne noble, pour partager noblement. Voyez le premier tome des œuvres de Cochin, art. 20.

NOBLESSE MEDIATE, en Allemagne, est celle que donnent les électeurs ; elle n'est reconnue que dans leurs états, et non dans le reste de l'empire.

De Prade, en son hist. d'Allemagne, dit que les nobles médiats ont des régales ou droits régaliens dans leurs fiefs par des conventions particulières ; cependant qu'ils n'ont point droit de chasse. Voyez ci-devant NOBLESSE IMMEDIATE, et ci-après NOBLESSE MIXTE.

NOBLESSE MILITAIRE, est celle qui est acquise par la profession des armes. C'est de là que la noblesse de France la plus ancienne, tire son origine ; car les Francs qui faisaient tous profession de porter les armes, étaient aussi tous réputés nobles. Les descendants de ces anciens Francs ont conservé la noblesse ; on la regardait même autrefois comme attachée à la profession des armes en général ; mais sous la troisième race on ne permit de prendre le titre de noble, et de jouir des privilèges de noblesse, qu'à ceux qui seraient nobles d'extraction, ou qui auraient été annoblis par la possession de quelque fief, ou par un office noble, ou par des lettres du prince.

Il n'y avait depuis ce temps aucun grade dans le militaire, auquel la noblesse fut attachée ; la dignité même de maréchal de France ne donnait pas la noblesse, mais elle la faisait présumer en celui qui était élevé à ce premier grade.

Henri IV. par un édit du mois de Mars 1600, article 25, défendit à toutes personnes de prendre le titre d'écuyer, et de s'insérer au corps de la noblesse, s'ils n'étaient issus d'un ayeul et d'un père qui eussent fait profession des armes, ou servi le public en quelqu'une des charges qui peuvent donner commencement à la noblesse.

Mais la disposition de cet article éprouva plusieurs changements par différentes lois postérieures.

Ce n'est que par un édit du mois de Novembre 1750, que le roi a créé une noblesse militaire qu'il a attachée à certains grades et ancienneté de service.

Cet édit ordonne entr'autres choses, qu'à l'avenir le grade d'officier général conférera de droit la noblesse à ceux qui y parviendront, et à toute leur postérité légitime lors née et à naître.

Ainsi tout maréchal de camp, lieutenant général, ou maréchal de France, est de droit annobli par ce grade.

Il est aussi ordonné que tout officier né en légitime mariage, dont le père et l'ayeul auront acquis l'exemption de la taille par un certain temps de service, suivant ce qui est porté par cet édit, sera noble de droit, après toutefois qu'il aura été créé chevalier de saint Louis, qu'il aura servi pendant le temps prescrit par les articles quatre et six de cet édit, ou qu'il aura profité de la dispense accordée par l'article huit, à ceux que leurs blessures mettent hors d'état de continuer leurs services.

Au lieu des certificats de service que l'édit de 1750 avait ordonné de prendre au bureau de la guerre, pour jouir de la noblesse, la déclaration du 22 Janvier 1752 ordonne de prendre des lettres du grand sceau, sous le titre de lettres d'approbation de services, lesquelles ne sont sujettes à aucun enregistrement.

L'impératrice reine de Hongrie a fait quelque chose de semblable dans ses états, ayant par une ordonnance du mois de Février 1757, qu'elle a envoyé à chaque corps de ses troupes, accordé la noblesse à tout officier, soit national, soit étranger, qui aura servi dans ses armées pendant 30 ans. Voyez le Mercure d'Avril 1757. page 181. (A)

NOBLESSE MIXTE, en Allemagne, est celle des seigneurs qui ont des fiefs mouvants directement de l'empire, et aussi d'autres fiefs situés dans la mouvance des électeurs et autres princes qui relèvent eux-mêmes de l'empire. Voyez la Roque, ch. clxxij. et ci-devant NOBLESSE IMMEDIATE, et NOBLESSE MEDIATE.

NOBLESSE NATIVE, ou NATURELLE, est la même chose que noblesse de race ; Thomas Miles l'appelle native ; Bartole, Landulphus, et Therriat, l'appellent naturelle. Préface de la Roque.

NOBLESSE DE NOM ET D'ARMES est la noblesse ancienne et immémoriale, celle qui s'est formée en même temps que les fiefs furent rendus héréditaires, et que l'on commença à user des noms de famille et des armoiries. Elle se manifesta d'abord par les cris du nom dans les armées et par les armes érigées en trophées dans les combats sanglans, et en temps de paix parmi les joutes et les tournois.

Les gentilshommes qui ont cette noblesse s'appellent gentilshommes de nom et d'armes ; ils sont considérés comme plus qualifiés que les autres nobles et gentilshommes qui n'ont pas cette même prérogative de noblesse.

Cette distinction est observée dans toutes les anciennes chartes, et par les historiens et autres auteurs : l'ordonnance d'Orléans, celle de Moulins et celle de Blais veulent que les baillifs et sénéchaux soient gentilshommes de nom et d'armes, c'est-à-dire d'ancienne extraction, et non pas de ceux dont on connait l'annoblissement.

En Allemagne et dans tous les Pays-Bas, cette noblesse de nom et d'armes est fort recherchée ; et l'on voit par un certificat du gouvernement de Luxembourg du 11 Juin 1619, que dans ce duché on n'admet au siege des nobles que les gentilshommes de nom et d'armes ; que les nouveaux nobles, qu'on appelle francs-hommes, ne peuvent pas seoir en jugement avec les autres nobles féodaux. Voyez la Roque, chap. VIIe à la fin. (A)

NOBLESSE NOUVELLE est opposée à la NOBLESSE ANCIENNE, on entend parmi nous par noblesse nouvelle celle qui procede de quelque office ou de lettres, dont l'époque est connue dans les Pays-Bas ; on regarde comme noblesse nouvelle non - seulement celle qui s'acquiert par les charges ou par lettres, mais même celle de race, lorsqu'elle n'est pas de nom et d'armes. Voyez la Roque, chap. VIIe et ci-devant NOBLESSE ANCIENNE.

NOBLESSE D'OFFICE ou CHARGE est celle qui vient de l'exercice de quelque office ou charge honorable, et qui a le privilège d'annoblir.

Celui qui est pourvu d'un de ces offices ne jouït des privilèges de noblesse que du jour qu'il est reçu et qu'il a prêté serment.

Pour que l'officier transmette la noblesse à ses enfants, il faut qu'il décede revêtu de l'office ou qu'il l'ait exercé pendant 20 ans, et qu'au bout de ce temps il ait obtenu des lettres de vétérance.

Il y a même certains offices dont il faut que le père et le fils aient été revêtus successivement pour que leurs descendants jouissent de la noblesse.

Les offices qui donnent la noblesse sont les grands offices de la couronne, ceux de secrétaire d'état et de conseiller d'état, ceux des magistrats des cours souveraines, des trésoriers de France, des secrétaires du roi, et plusieurs autres, tant de la maison du roi que de judicature et des finances.

Il y a aussi des offices municipaux qui donnent la noblesse. Voyez NOBLESSE DE CLOCHE, D'ÉCHEVINAGE DE VILLE. (A)

NOBLESSE OFFICIEUSE est celle qui sert aux passions et inclinations des grands, pour élever leurs domestiques qui leur ont rendu des services. Voyez la préface de la Roque.

NOBLESSE D'ORIGINE ou ORIGINELLE est celle que l'on tire de ses ancêtres. Voyez Duhaillon en son histoire de France, et les articles NOBLESSE ANCIENNE, NATIVE, D'EXTRACTION, DE RACE.

NOBLESSE PALATINE est celle qui tire son origine des grands offices du palais, ou maison du roi et de la reine auxquels la noblesse est attachée. Voyez la préface de la Roque.

NOBLESSE DE PARAGE est la noblesse de sang, et singulièrement celle qui se tire du côté du père. Voyez la Roque, ch. XIe

NOBLESSE PARFAITE est celle sur laquelle il n'y a rien à désirer, soit pour le nombre de ses quartiers, soit pour les preuves : la noblesse la plus parfaite est celle dont la preuve remonte jusqu'au commencement de la troisième race sans qu'on en voie même l'origine ; et pour le nombre des quartiers en France on ne remonte guère au-delà du quatrième ayeul, ce qui fournit 32 quartiers : les Allemands et les Flamands affectent de prouver jusqu'à 64 quartiers. Voyez la Roque, chap. Xe

NOBLESSE PATERNELLE est celle qui vient du père ; suivant le droit commun, c'est la seule qui se transmette aux enfants.

On entend aussi quelquefois par noblesse paternelle l'illustration que l'on tire des alliances du côté paternel. Voyez NOBLESSE MATERNELLE.

NOBLESSE PATRE ET AVO, on sousentend consulibus, est celle qui n'est acquise aux descendants d'un annobli par charge qu'autant que le père et le fils ont rempli successivement une de ces charges qui donnent commencement à la noblesse.

Cet usage a été établi sur le fondement de la loi 1. au code de dignitatibus, qui porte ; Si ut proponitis et avum consularem et patrem praetorium habuistis, et non privatas conditiones hominibus sed clarissimas nupseritis, claritatem generis retinetis.

Cette loi est néanmoins mal appliquée ; car elle ne dit pas qu'il soit nécessaire pour avoir le titre de clarissime, que le père et l'ayeul aient été dans des charges éminentes, on ne révoquait pas en doute la noblesse d'origine de la fille, mais de savoir si elle la conservait en se mariant.

La loi 2. du même titre confirme que la noblesse de l'officier se transmettait au premier degré, puisqu'elle dit paternos honores filiis invidere non oportet.

Cependant parmi nous tous les offices ne transmettent pas la noblesse au premier degré : ce privilège est réservé aux offices de chancelier, de garde des sceaux, de secretaire d'état, de conseiller d'état servant actuellement au conseil, de maître des requêtes, de secrétaire du roi.

Les conseillers de certaines cours souveraines ont aussi la noblesse au premier degré ; tels sont ceux des parlements de Paris, de Besançon, de Dauphiné ; le parlement de Dombes jouit de ce même privilège, tant en Dombes qu'en France.

La chambre des comptes de Paris et la cour des aides ont aussi le même droit.

Mais dans la plupart des autres cours souveraines les offices de président et de conseiller ne transmettent la noblesse qu'au second degré, qui est ce qu'on appelle patre et avo. Voyez la Roque, chap. IIe du petit traité, qui est à la suite du grand. (A)

NOBLESSE PATRICIENNE peut s'entendre de ceux qui descendaient de ces premiers sénateurs de Rome, et qui furent nommés patriciens.

Dans les Pays-Bas, on appelle familles patriciennes celles qui sont nobles.

En Allemagne, les principaux bourgeois des villes prennent le titre de patrices, et se donnent des armes, mais ils n'ont point de privilèges particuliers, si ce n'est dans quelques villes, comme Nuremberg, Augsbourg, Ulm, où ils sont distingués dans le magistrat, mais cette noblesse n'est pas reçue dans les collèges.

Les Suisses n'estiment que la noblesse qui était devant leur changement de gouvernement, et appellent celle qui s'est faite depuis noblesse patricienne. Voyez la Roque, chap. clxxij.

NOBLESSE PERSONNELLE est celle qui ne passe pas la personne, et ne se transmet pas à ses enfants ; telle est la noblesse attachée à certains offices de la maison du roi et autres qui donnent le titre d'écuyer, et toutes les exemptions des nobles, sans néanmoins communiquer une véritable noblesse transmissible aux enfants.

On entend aussi par noblesse personnelle celle qui est attachée à certaines professions honorables, telles que les fonctions de judicature, la profession d'avocat et celle de médecin : en Dauphiné, à Lyon, en Bourgogne ces sortes de personnes sont en possession de mettre devant leur nom la qualité de noble ; mais cette noblesse n'est qu'honoraire, et ne leur attribue pas les privilèges des nobles. Voyez la Roque, chap. xciv. et Henris.

NOBLESSE PETITE, en Espagne on appelle ainsi les seigneurs qui n'ont point de dignité, mais seulement juridiction ; il y en a encore une moindre qui est celle des nobles qui n'ont aucune juridiction, et enfin on appelle noblesse très-petite, minima, l'état de ceux qui ne sont pas vraiment nobles, mais qui vivent noblement et de leurs revenus.

En France, on ne connait point ces distinctions, toute noblesse est de même qualité ; un homme nouvellement annobli jouit des mêmes privilèges que celui qui est noble de race, si ce n'est dans le cas où il faut prouver plusieurs degrés de noblesse. Voyez Loyseau, traité des ordres, chap. VIe n°. 5.

NOBLESSE POLITIQUE ou CIVILE est celle qui prend son origine des charges ou des lettres du prince. Voyez la préface de la Roque, Landulphus, Therriat et Bartole.

NOBLESSE AU PREMIER DEGRE est celle qui est acquise et parfaite en la personne des enfants, lorsque leur père est mort revêtu d'un office qui annoblit, ou qu'il a servi pendant le temps prescrit par les règlements. Voyez NOBLESSE D'OFFICE, NOBLESSE MILITAIRE, NOBLESSE TRANSMISSIBLE.

NOBLESSE PRIVILEGIEE est celle qui vient de la mairie et des charges de secrétaires du roi. Voyez la préface de la Roque.

NOBLESSE PRONONCEE, on appelle ainsi celle qui n'étant pas bien fondée, est reconnue par un jugement passé de concert entre le prétendu noble et les habitants du lieu où il demeure. Voyez la préface de la Roque.

NOBLESSE PROTEGEE est celle de quelqu'un dont la noblesse est douteuse et qui s'allie des grandes maisons par des mariages, afin de s'assurer par le crédit de ces maisons le titre de noblesse qu'on lui conteste. Voyez la préface de la Roque.

NOBLESSE DE LA PUCELLE D'ORLEANS, voyez ce qui en est dit ci - après à l'article NOBLESSE UTERINE.

NOBLESSE DE QUATRE LIGNES ou QUARTIERS est celle qui est établie par la preuve que les quatre ayeuls et ayeules étaient nobles ; d'autres par noblesse de quatre lignes entendent celle dont la preuve comprend quatre lignes paternelles et autant de lignes du côté maternel, de sorte que l'on remonte jusqu'à quatre générations, c'est-à-dire jusqu'au bisayeul, ce qui forme huit quartiers. Si l'on commence par celui de cujus, il est compté pour la première ligne ; si l'on commence par le bisayeul, celui-ci fait la première ligne, et celui de cujus fait la quatrième. En Italie et en Espagne, on exige communément la preuve de quatre lignes ; il est fait mention de cette noblesse de quatre lignes dans les statuts de l'ordre du croissant, institué par René roi de Sicîle et duc d'Anjou le 11 Aout 1448, il déclare que nul ne pourra être reçu dans cet ordre qu'il ne soit gentilhomme de quatre lignes. Voyez la Roque, chap. Xe

NOBLESSE DE RACE, ou d'ancienne extraction, est celle qui est fondée sur la possession immémoriale, plutôt que sur les titres : cependant à cette possession l'on peut joindre des titres énonciatifs ou confirmatifs.

En France la possession doit être au moins de cent ans, quoique la déclaration de 1664 semble la fixer à cent quatre, puisqu'elle veut que l'on prouve sa possession depuis 1560 ; mais elle est relative à une autre déclaration de l'an 1660 : ainsi il ne faut que cent ans, comme il est encore ordonné par la déclaration du 16 Janvier 1714. Voyez NOBLESSE ANCIENNE, NOBLESSE D'EXTRACTION, NOBLESSE DE QUATRE LIGNES.

NOBLESSE DE ROBE, on appelle ainsi celle qui provient de l'exercice de quelque office de judicature auquel le titre et les privilèges de noblesse sont attachés.

Quoique la profession des armes soit la voie la plus ancienne par laquelle on ait commencé à acquérir la noblesse, il ne faut pas croire que la noblesse de robe soit inférieure à celle d'épée. La noblesse procede de différentes causes ; mais les titres et privilèges qui y sont attachés, sont les mêmes pour tous les nobles, de quelque source que procede leur noblesse ; et la considération que l'on attache à la noblesse doit être égale, lorsque la noblesse procede de sources également pures et honorables, telles que la magistrature et la profession des armes.

On a même pratiqué pendant longtemps en France que la profession des armes et l'administration de la justice n'étaient point séparées. La justice ne pouvait être rendue que par des militaires, tellement que les lois saliques leur défendaient de quitter l'écu en tenant les plaids. Dans la suite tout le monde quitta les armes pour rendre la justice, et prit l'habit long, que les gens de loi ont seuls conservé.

Loyseau en son tr. des offices, l. I. c. ix. n. 10. fait voir que la vertu militaire n'est nécessaire qu'en cas de guerre ; au lieu que la justice est nécessaire en paix et en guerre ; en paix, pour empêcher la guerre ; et en guerre, pour ramener la paix ; que la force sans la justice ne serait pas une vertu, mais une violence, d'où il infère que la noblesse peut aussi-bien procéder de justice que de la force ou valeur militaire. Il observe encore au n. 17. que les offices d'éminente dignité attribuent aux pourvus, non-seulement la simple noblesse, mais aussi la qualité de chevalier, qui est un titre emportant haute noblesse ; ce qui a eu lieu, dit - il, de tout temps à l'égard des principaux offices de justice, témoins les chevaliers de lois dont il est parlé dans Fraissart.

Enfin il conclut au nombre 18, en parlant des offices de judicature, que tous ceux qui, à cause de leurs offices, se peuvent qualifier chevaliers, sont nobles d'une parfaite noblesse eux et leurs enfants, ainsi que l'observe M. le Bret en son septième plaidoyer, ni plus ni moins que ceux à qui le roi confère l'ordre de chevalerie.

Au reste, pour ne pas user de répétitions, nous renvoyons à ce que nous avons dit sur la noblesse de robe, au mot ETATS. (A)

NOBLESSE DU SANG, est celle que l'on tire de la naissance, en justifiant que l'on est issu de parents nobles, ou au moins d'un père noble. Voyez NOBLESSE D'EXTRACTION.

NOBLESSE DES SECRETAIRES DU ROI, Voyez ci-après SECRETAIRE DU ROI.

NOBLESSE SIMPLE, est celle qui ne donne que le titre de noble ou écuyer, à la différence de la haute noblesse, qui donne le titre de chevalier, ou autre encore plus éminent, tels que ceux de baron, comte, marquis, duc. Voyez NOBLESSE DE CHEVALERIE et HAUTE NOBLESSE.

NOBLESSE DE SOIE. Voyez ce qui en est ci-devant à l'article NOBLESSE DE LAINE.

NOBLESSE SPIRITUELLE ou LITTERAIRE. Voyez ci-devant NOBLESSE LITTERAIRE.

NOBLESSE DE TERRE FERME, est le nom que l'on donne en l'état de Venise et en Dalmatie à la noblesse qui demeure ordinairement aux champs. Dans l'état de Venise les nobles de terre ferme ou de campagne n'ont point de prérogatives ; ils ne participent point aux conseils et délibérations. En Dalmatie la noblesse de terre ferme gouverne aristocratiquement. Voyez la Roque, c. clxvij.

NOBLESSE TITREE, est celle qui tire son origine de la chevalerie. Voyez NOBLESSE DE CHEVALERIE.

On entend aussi par ce terme la haute noblesse ou noblesse de dignité, c'est-à-dire, les princes, les ducs, les marquis, comtes, vicomtes, barons, etc. Voyez HAUTE NOBLESSE.

NOBLESSE DE TOURNOI, est celle qui tire son origine des tournois ou combats d'adresse, institués en 935 par l'empereur Henri l'Oiseleur. Il fallait, pour y être admis, faire preuve de douze quartiers. Ces tournois furent défendus ou négligés l'an 1403 en France ; le dernier fut celui de 1559, qui fut si funeste à Henri II. Voyez la Roque, ch. clxxij.

NOBLESSE DE TRANSMIGRATION ou DEBARQUEE. Voyez ci-devant NOBLESSE DEBARQUEE.

NOBLESSE TRANSMISSIBLE, est celle qui passe de l'annobli à ses enfants et petits enfants. Il y a des charges qui donnent une noblesse transmissible au premier degré, voyez NOBLESSE AU PREMIER DEGRE, d'autres qui ne la donnent que patre et avo consulibus. Voyez NOBLESSE patre et avo.

NOBLESSE VENALE, est celle qui a été accordée par lettres, moyennant finance. Voyez NOBLESSE PAR LETTRES.

NOBLESSE VERRIERE, on appelle ainsi celle des gentilshommes qui s'occupent à souffler le verre. C'est une tradition vulgaire que les gentilshommes ont seuls le droit de travailler à cet ouvrage ; ce qui est de certain, c'est que dans la plupart des verreries, ce sont des gentilshommes qui s'occupent à cet exercice, et qu'ils ne souffriraient pas que des roturiers travaillassent avec eux, si ce n'est pour les servir. C'est apparemment ce qui a fait croire à quelque personne que l'exercice de l'art de verrerie faisait une preuve de noblesse ; et en effet la Roque, ch. cxliv. dit que les arrêts contraires n'ont pas empêché qu'en quelques provinces plusieurs verriers n'aient été déclarés nobles en la dernière recherche des usurpateurs de noblesse (il parle de celle qui fut faite en exécution de la déclaration de 1696), quoique, dit-il, ces verriers n'eussent aucune charte ni autre principe de noblesse. Mais dans les vrais principes il est constant que l'exercice de l'art de verrerie ne donne pas la noblesse, ni ne la suppose pas. On voit même que des gentilshommes de Champagne demandèrent à Philippe le-Bel des lettres de dispense pour exercer la verrerie, et que tous les verriers des autres provinces en ont obtenu de semblables des rois successeurs de Philippe-le-Bel ; ce qu'ils n'auraient pas fait, si cet art eut annobli, ou s'il eut supposé la noblesse : ainsi tout ce que l'on peut prétendre, c'est qu'il ne déroge pas. On voit en effet au liv. II. du titre théodosien, que Théodose honora les verriers de l'exemption de la plupart des charges de la république, pour les engager à perfectionner leur profession par l'invention admirable du verre. Voyez la Roque, ch. cxliv. (A)

NOBLESSE DE VILLE, est celle qui tire son origine de la mairie, c'est-à-dire, des charges municipales, telles que celles de prévôt des marchands ; de maire, d'échevin, capitoul, jurat, etc. dans les villes où ces charges donnent la noblesse, comme à Paris, à Lyon, à Toulouse, etc.

Ce privilège de noblesse a été ôté à plusieurs villes qui en jouissaient sans titre valable. Voyez ECHEVIN, ECHEVINAGE, NOBLESSE DE CLOCHE.

NOBLESSE UTERINE ou COUTUMIERE, est celle que l'enfant tient seulement de la mère, lorsqu'il est d'une mère noble et d'un père roturier.

Cette espèce de noblesse était autrefois admise dans toute la France, et même à Paris : en effet on voit dans les établissements de saint Louis, qu'un enfant né d'une gentilfemme et d'un père vilain ou roturier pouvait posséder un fief ; ce qui n'était alors permis qu'aux nobles et gentilshommes.

Cet usage est très-bien expliqué par Beaumanoir sur les coutumes de Beauvaisis, où il observe que la seule différence qu'il y eut entre les nobles de partage, c'est-à-dire, par le père et les nobles de mère, c'est que ces derniers ne pouvaient pas être faits chevaliers ; il fallait être noble de père et de mère.

Du reste, ceux qui tiraient leur noblesse de leur mère, étaient qualifiés de gentilshommes. Monstrelet, en parlant de Jean de Montaigu, qui fut grand-maître de France sous Charles VI. dit qu'il était gentilhomme de par sa mère.

Il n'y a point de province où la noblesse utérine se soit mieux maintenue qu'en Champagne. Toutes les femmes nobles avaient le privilège de transmettre la noblesse à leur postérité. Les historiens tiennent que ce privilège vint de ce que la plus grande partie de la noblesse de cette province ayant été tuée en une bataille l'an 841, on accorda aux veuves le privilège d'annoblir les roturiers qu'elles épousèrent, et que les enfants qui naquirent de ces mariages furent tenus pour nobles. Quelques-uns ont cru que cette noblesse venait des femmes libres de Champagne, lesquelles épousant des esclaves, leurs enfants ne laissaient pas d'être libres ; mais la coutume de Meaux dit très-bien que la verge annoblit, et que le ventre affranchit.

Quoi qu'il en soit de l'origine de ce privilège, il a été adopté dans toutes les coutumes de cette province, comme Troie., Châlons, Chaumont en Bassigny, Vitry.

Les commentateurs de ces coutumes se sont imaginés que ce privilège était particulier aux femmes de Champagne ; mais on a déjà Ve le contraire ; et les coutumes de Champagne ne sont pas les seules où il soit dit que le ventre annoblit, celles de Meaux, de Sens, d'Artais et de Saint-Michel portent la même chose.

Charles VII. en 1430 donna des lettres datées de Poitiers, et qui furent registrées en la chambre des comptes, par lesquelles il annoblit Jean l'Eguisé, Evêque de Troie., ses père et mère, et tous leurs descendants, mâles et femelles, et ordonna que les descendants des femelles seraient nobles.

Sous le règne de Louis XII. en 1509, lorsque l'on présenta les procès-verbaux des coutumes de Brie et de Champagne aux commissaires du parlement, les vrais nobles qui ne voulaient point avoir d'égaux, remontrèrent que la noblesse ne devait procéder que du côté du père ; ceux du tiers état, et même les ecclésiastiques du bailliage de Troie. et autres ressorts de Champagne et de Brie s'y opposèrent, et prouvèrent par plusieurs jugements, que tel était l'usage de toute ancienneté. On ordonna que la noblesse et le tiers état donneraient chacun leur mémoire, et que les articles seraient insérés par provision tels qu'ils étaient. Les commissaires renvoyèrent la contestation au parlement, où elle est demeurée indécise.

Dans la suite, lorsqu'on fit la réduction de la coutume de Châlons, l'article second qui admet la noblesse utérine ayant été présenté conforme aux coutumes de Troie., de Chaumont et de Meaux, les gens du roi au siege de Châlons remontrèrent l'absurdité de la coutume de Châlons, et demandèrent que l'on apportât une exception pour les droits du roi ; ce qui fut accordé, et l'exemption confirmée par arrêt du parlement du 23 Décembre 1566 ; et présentement la noblesse utérine admise par les coutumes de Champagne et quelques autres, ne sert que pour ce qui dépend de la coutume, comme pour posséder des fiefs, pour les partages, successions et autres choses semblables ; mais elle ne préjudicie point aux droits du Roi.

La noblesse utérine de Champagne a été confirmée par une foule de jugements et arrêts, dont les derniers sont de Noë 1599, 11 Janvier 1608, 7 Septembre 1622, 7 Septembre 1627, 14 Mars 1633, 18 Aout 1673. Il y eut en 1668 procès intenté au conseil de la part du préposé à la recherche des faux nobles contre les nobles de Champagne, que l'on prétendait ne tirer leur noblesse que du côté maternel ; mais le procès ne fut pas jugé, le conseil ayant imposé silence au préposé. Voyez les recherches sur la noblesse utérine de Champagne.

L'exemple le plus fameux d'une noblesse utérine reconnue en France est celui des personnes qui descendent par les femmes de quelqu'un des frères de la Pucelle d'Orléans. Elle se nommait Jeanne Dars ou Darc. Charles VII. en reconnaissance des services qu'elle avait rendus à la France par sa valeur, par des lettres du mois de Décembre 1429, l'annoblit avec Jacques Dars ou Darc et Isabelle Romée ses père et mère, Jacquemin et Jean Dars et Pierre Perrel ses frères, ensemble leur lignage, leur parenté et leur postérité née et à naître en ligne masculine et féminine. Charles VII. changea aussi leur nom en celui de du Lys.

On a mis en doute si l'intention de Charles VII. avait été que la postérité féminine des frères de la pucelle d'Orléans eut la prérogative de transmettre la noblesse à ses descendants, parce que c'est un style ordinaire dans ces sortes de chartes d'annoblir les descendants mâles et femelles de ceux auxquels la noblesse est accordée, mais non pas d'annoblir les descendants des filles, à moins qu'elles ne contractent des alliances nobles. La Roque, en son traité de la noblesse, rapporte vingt exemples de semblables annoblissements faits par Philippe de Valais, par le roi Jean, par Charles V. Charles VI. Charles VII. et Louis XI. en vertu desquels personne n'a prétendu que les filles eussent le privilège de communiquer la noblesse à leurs descendants ; il n'y a que les parents de la pucelle d'Orléans qui aient prétendu avoir ce privilège.

Il fut néanmoins interprêté par une déclaration d'Henri II. du 26 Mars 1555, par laquelle il est dit qu'il s'étend et se perpétue seulement en faveur de ceux qui seraient descendus du père et des frères de la Pucelle en ligne masculine et non féminine, que les seuls mâles seraient censés nobles, et non les descendants des filles, si elles ne sont mariées à des gentilshommes. Ce même privilège fut encore aboli par l'édit d'Henri IV. de l'an 1598, sur le fait des annoblissements créés depuis 1578. L'édit de Louis XIII. du mois de Juin 1614, article 10, porte que les filles et les femmes descendues des frères de la pucelle d'Orléans n'annobliront plus leurs maris à l'avenir. Les déclarations de 1634 et de 1635 portent la même chose. Ainsi, suivant l'édit de 1614, les descendants de la pucelle d'Orléans par les filles, nés avant cet édit, sont maintenus dans leur possession de noblesse, mais ce prétendu privilège a été aboli à compter de cet édit.

Il y a dans d'autres pays quelques exemples de semblables privilèges. J'ai Ve des lettres du mois de Fevrier 1699, accordées dans une souveraineté voisine de la France, qui donnaient aux filles du sieur de * * * le droit d'annoblir leurs maris ; mais je ne sais s'il y a eu occasion de faire valoir ce privilège.

Juste-Lipse dit qu'à Louvain il y a sept familles principales et nobles, qui ont droit de transférer la noblesse par les femmes ; de sorte que si un roturier épouse une fille de l'une de ces familles, les enfants qui naissent d'eux sont tenus pour nobles, et leurs descendants pour gentilshommes.

François Pyrard rapporte qu'aux îles Maldives les femmes nobles, quoique mariées à des personnes de condition inférieure et non nobles, ne perdent point leur rang, et que les enfants qui en sont issus sont nobles par leur mère. Voyez les recherches sur la noblesse utérine de Champagne ; le traité de la noblesse par la Roque ; le code des tailles, le mem. alphabétique des tailles, et ci-devant NOBLESSE MATERNELLE. (A)

NOBLESSE, usurpateur de la, (Histoire de France.) On nomme en France usurpateurs de la noblesse ou faux nobles, ceux qui n'étant pas nobles usurpent les droits et les privilèges de la noblesse. Sous M. Colbert on en fit plusieurs fois la recherche, qui ne parut pas moins intéressante pour les revenus publics, que pour relever l'éclat de la véritable noblesse ; mais la manière d'y procéder fut toujours mauvaise, et le remède qu'on prit pour ce genre de recherches pensa être aussi funeste que le mal. Les traitants chargés de cette discussion, se laissèrent corrompre par les faux nobles qui purent les payer ; les véritables nobles furent tourmentés de mille manières, au point qu'il fallut rechercher les traitants eux-mêmes, qui trouvèrent encore le moyen d'échapper à la peine qu'ils méritaient. (D.J.)