S. f. en Droit, priorité de naissance ou d'âge entre des enfants nobles, ou qui ont à partager des biens possédés noblement, pour raison de laquelle le plus âgé des mâles emporte de la succession de son père ou de sa mère, une portion plus considérable que celle de chacun de ses frères ou sœurs en particulier. Voyez AINE.

J'ai dit entre des enfants nobles, ou qui ont à partager des biens possédés noblement, par rapport à la coutume de Paris, et plusieurs autres semblables : mais il y a des coutumes où le droit d'ainesse a lieu, même entre roturiers, et pour des biens de roture.

Le droit d'ainesse était inconnu aux Romains : il a été introduit singulièrement en France, pour perpétuer le lustre des familles en même temps que leurs noms.

Dans la coutume de Paris, le droit d'ainesse consiste 1°. dans un préciput, c'est-à-dire, une portion que l'ainé prélève sur la masse de la succession avant que d'entrer en partage avec ses frères et sœurs : et ce préciput consiste dans le château ou principal manoir, la basse-cour attenant et contiguè audit manoir ; et en outre un arpent dans l'enclos ou jardin joignant ledit manoir ; le corps du moulin, four ou pressoir banaux, étant dans l'enclos du préciput de l'ainé, lui appartiennent aussi : mais le revenu en doit être partagé entre les puinés, en contribuant par eux à l'entretenement desdits moulin, four, ou pressoir. Peut toutefois l'ainé garder pour lui seul le profit qui en revient, en récompensant ses frères.

2°. Le préciput prélevé, voici comme se partage le reste des biens : s'il n'y a que deux enfants, l'ainé des deux prend les deux tiers des biens restants, et le cadet l'autre tiers : s'il y a plus de deux enfants, l'ainé de tous prend la moitié pour lui seul, et le reste se partage également entre tous les autres enfants.

S'il n'y avait pour tout bien dans la succession qu'un manoir, l'ainé le garderait : mais les puinés pourraient prendre sur icelui leur légitime, ou droit de douaire coutumier ou préfixe ; si mieux n'aimait l'ainé, pour ne point voir démembrer son fief, leur bailler récompense en argent.

Si au contraire il n'y avait dans la succession que des terres sans manoir, l'ainé prendrait pour son préciput un arpent avant partage.

S'il y a des fiefs dans différentes coutumes, l'ainé peut prendre un préciput dans chaque coutume selon la coutume d'icelle ; en sorte que le principal manoir que l'ainé aura pris pour son préciput dans un fief situé dans la coutume de Paris, n'empêche pas qu'il ne prenne un autre manoir dans un fief situé dans une autre coutume, qui attribuera le manoir à l'ainé pour son préciput.

Ce droit est si favorable, que les père et mère n'y sauraient préjudicier en aucune façon, soit par dernière volonté, ou par actes entre-vifs, par constitution de dot ou donation en avancement d'hoirie, au profit des autres enfants.

Ce droit se prend sur les biens substitués, même par un étranger : mais il ne se prend pas sur les biens échus à titre de douaire, et ne marche qu'après la légitime ou le douaire.

Voyez sur cette matière la coutume de Paris, article XIIIe XIVe etc. jusqu'à xjx. inclusivement. C'est sur cette coutume que se règlent toutes celles qui n'ont pas de dispositions contraires.

Le droit d'ainesse ne peut être ôté par le père au premier né, et transporté au cadet, même du consentement de l'ainé : mais l'ainé peut de son propre mouvement et sans contrainte, renoncer validement à son droit : et si la renonciation est faite avant l'ouverture de la succession, elle opère le transport du droit d'ainesse sur le puiné ; secus, si elle est faite après l'ouverture de la succession : auquel cas elle accrait au profit de tous les enfants, à moins qu'il n'en ait fait cession expresse à l'un d'eux.

Les filles n'ont jamais de droit d'ainesse, à moins qu'il ne leur soit donné expressément par la coutume.

La représentation a lieu pour le droit d'ainesse dans la plupart des coutumes, et spécialement dans celle de Paris, où les enfants de l'ainé, soit mâles ou femelles, prennent tout l'avantage que leur père aurait eu.

Observez néanmoins que les filles ne représentent leur père au droit d'ainesse, que lorsque le défunt n'a pas laissé de frère : seulement elles prennent à ce titre la part qu'aurait eu un enfant mâle, laquelle est double de celle qui revient à une fille.

Quoique la plupart des coutumes se servent indifféremment du mot de préciput en parlant du principal manoir, et de la moitié ou des deux tiers que l'ainé prend dans les fiefs, néanmoins ce qu'on appelle proprement le préciput, c'est le manoir, la basse-cour ou le vol du chapon ; le reste s'appelle communément la portion avantageuse. Voyez PORTION avantageuse.

Il y a cette différence de l'un à l'autre, que quand il y aurait dix terres en fief toutes bâties, dans une même succession et dans une même coutume, l'ainé ne peut avoir qu'un château tel qu'il veut choisir pour son préciput, au lieu qu'il prend la portion avantageuse dans tous les fiefs. (H)