S. m. (Droit des Gens) celui qui nous fait la guerre, ou à qui nous la faisons, en conséquence d'un ordre du souverain. Tous les autres contre qui on prend les armes, sont qualifiés de brigands, de voleurs, ou de corsaires. Au reste on ne regarde pas seulement comme ennemis ceux qui nous attaquent actuellement sur mer ou sur terre, mais encore ceux qui font des préparatifs pour venir nous attaquer, et qui dressent des batteries contre nos ports, nos villes, et nos citadelles, quoiqu'ils ne soient pas encore aux mains avec nous.

Il est certain que l'on peut tuer innocemment un ennemi ; je dis innocemment, tant selon la justice extérieure de toutes les nations, que selon la justice intérieure et les lois de la conscience. En effet, le but de la guerre veut de nécessité que l'on ait ce pouvoir ; autrement ce serait en vain que l'on prendrait les armes, et que les lois de la nature le permettraient.

Mais le pouvoir de tuer l'ennemi s'étend-il sur tous les sujets de cet ennemi, sur les vieillards, les femmes, les enfants.... ? Dans les cas où il est permis d'ôter la vie à un ennemi, peut-on employer indifféremment toutes sortes de moyens, le fer, le feu, la ruse, le poison.... ? Peut-on profiter du ministère d'un traitre pour se défaire de notre ennemi, lorsque... ?

Je frémis ; et pour couper court à toutes ces questions et à d'autres semblables, je réponds en général et en particulier, que l'on ne saurait trop limiter, trop adoucir les droits cruels de la guerre ; je réponds, dis-je, que l'on ne saurait trop inspirer, ni étendre trop loin les principes de la modération, de l'honneur, de la générosité, et si l'on peut parler ainsi, de l'humanité même dans les propres actes d'hostilité, que les usages de la guerre les plus reçus paraissent autoriser.

A l'égard des vieillards, des femmes, et des enfants, loin que le droit de la guerre exige que l'on pousse la barbarie jusqu'à les tuer, c'est une pure cruauté, une atrocité d'en user ainsi ; même lorsque le feu de l'action emporte le soldat, pour ainsi dire, malgré lui à commettre des actions d'inhumanité ; comme, par exemple, dans le dernier assaut à la prise d'une ville, qui par sa résistance a extrêmement irrité les troupes.

Je dis plus : le droit des gens est fondé sur ce principe, que les diverses nations doivent se faire dans la paix autant de bien, et dans la guerre le moins de mal qu'il est possible, sans nuire à leurs véritables intérêts : c'est pourquoi, tant qu'on peut l'éviter, les lois même de la guerre demandent que l'on s'abstienne du carnage, et que l'on ne répande pas du sang sans une pressante nécessité. L'on ne doit donc jamais ôter la vie à ceux qui demandent quartier, à ceux qui se rendent, à ceux qui ne sont ni d'un âge ni d'une profession à porter les armes ; et qui n'ont d'autre part à la guerre que de se trouver dans le pays ou le parti ennemi. En un mot le droit de la guerre ne Ve pas au-delà de notre propre conservation. Un état fait la guerre, parce que sa conservation est juste ; mais nous n'avons plus de droit de tuer, dès que nous ne sommes plus dans le cas de la défense naturelle et de notre propre conservation vis-à-vis de l'ennemi.

L'on comprend à plus forte raison que les droits de la guerre ne s'étendent pas jusqu'à autoriser ni à souffrir les outrages contre l'honneur des femmes : car outre qu'un tel attentat ne fait rien ni à notre conservation, ni à notre défense, ni à notre sûreté, ni au maintien de nos droits, il révolte la nature et ne peut servir qu'à satisfaire la brutalité du soldat, qu'il faut au contraire reprimer et punir très-sevèrement.

Qu'on ne s'imagine pas aussi que les moyens d'ôter la vie à l'ennemi soient indifférents. Les coutumes reçues chez les peuples civilisés, regardent comme une execrable lâcheté, non-seulement de faire donner à l'ennemi quelque breuvage mortel, mais d'empoisonner les sources, les fontaines, les puits, les flèches, les épées, les dards, les balles, et toutes autres espèces d'armes. Les nations qui se sont piquées de générosité, ne se sont point écartées de ces sortes de maximes. On sait que les consuls romains, dans une lettre qu'ils écrivirent à Pyrrhus, lui marquèrent qu'il était de l'intérêt de tous les peuples qu'on ne donnât point d'exemples différents de ceux qu'ils pratiquaient à son égard.

C'est une convention tacite dont l'intérêt des deux partis exige également l'observation ; ce sont de justes assurances que les hommes se doivent respectivement pour leur propre intérêt ; et certainement il est de l'avantage commun du genre humain que les périls ne s'augmentent pas à l'infini.

Ainsi pour ce qui regarde la voie de l'assassinat, facîle à exécuter par l'occasion d'un traitre, je ne dis pas qu'on subornerait, mais qui viendrait s'offrir de lui-même par haine, par espérance de sa fortune, par fanatisme, ou par tout autre motif possible ; aucun homme, aucun souverain, qui aura la conscience un peu délicate, n'embrassera cette indigne ressource, quelque avantage qu'il puisse s'en promettre. L'état d'hostilité qui dispense du commerce des bons offices, et qui autorise à nuire, ne rompt pas pour cela tout lien d'humanité, et n'empêche point qu'on ne doive éviter de donner lieu à quelque mauvaise action de l'ennemi, ou de quelqu'un des siens. Or un traitre commet sans contredit une action également honteuse et criminelle, à laquelle il n'est pas permis de condescendre.

Il n'est pas plus permis de manquer de foi à un ennemi :

Optimus ille

Militiae, cui postremum est, primumque tueri

Inter bella fidem. Punic. lib. XIV. Ve 169.

C'est-à-dire " le guerrier qui est homme de bien, n'a rien tant à cœur que de garder religieusement sa parole à l'ennemi ". Belle sentence de Silius Italicus, écrivain de mérite, et digne consul de Rome !

D'ailleurs, suivant la remarque de Cicéron, tout le monde chérit cette disposition d'esprit qui porte à garder la foi, lors même qu'on trouverait son avantage à y manquer. N'y a-t-il pas entre les ennemis, quels qu'ils soient, une société établie par la nature ? N'est ce pas de cette société fondée sur la raison et la faculté de parler qui sont communes à tous les humains, que résulte l'obligation inaltérable de tenir les promesses qu'ils se sont faites ? C'est la foi publique, dit Quintilien, qui procure à deux ennemis, pendant qu'ils ont encore les armes à la main, le doux repos d'une treve : c'est elle qui assure aux villes rendues les droits qu'elles se sont réservés : enfin c'est elle qui est le lien le plus ferme et le plus sacré qui soit parmi les hommes.

Voilà ce que je crois d'essentiel à observer touchant les bornes qu'il faut mettre aux droits de la guerre sur les personnes des ennemis ; et quant à ce qui regarde leurs biens, j'en ai parlé au mot DEGAT. Ce sont les mêmes principes d'humanité et de raisons d'intérêt, qui doivent conduire les hommes à ces deux égards ; s'ils violent ces principes sans pudeur et sans remords, tout est perdu ; les représailles seront affreuses, les cris et les gémissements se perpétueront de race en race, et des flots de sang inonderont la terre. Article de M(D.J.)

ENNEMI, en Peinture, on appelle couleurs ennemies, celles qui s'accordent mal et qui ne peuvent subsister ensemble sans offenser la vue, ou sans se détruire en très-peu de temps. Le bleu et le vermillon sont des couleurs ennemies ; leur mélange produit une couleur aigre, rude, et desagréable.

Les habiles peintres se font quelquefois un jeu de vaincre les difficultés qu'on prétend résulter de l'association des couleurs ennemies : ce qui serait chez les ignorants une témérité, qui ne produirait que des effets maussades, devient chez les habiles une hardiesse louable, qui n'enfante que des prodiges. Dictionnaire de Peint. (R)