(Jeu de hasard) voici en général comme il se joue. On y donne à chacun une carte, sur laquelle on met ce qu'on veut ; celui qui a la main se donne la sienne. Il tire ensuite les cartes ; s'il amène la sienne, il perd ; s'il amène celles des autres, il gagne. Mais pour concevoir les avantages et désavantages de ce jeu, il faut expliquer quelques règles particulières que voici.

On nomme coupeurs, ceux qui prennent cartes dans le tour, avant que celui qui a la main se donne la sienne.

On nomme carabineurs, ceux qui prennent cartes, après que la carte de celui qui a la main est tirée.

On appelle la réjouissance, la carte qui vient immédiatement après la carte de celui qui a la main. Tout le monde y peut mettre, avant que la carte de celui qui a la main soit tirée ; mais il ne tient que ce qu'il veut, pourvu qu'il s'en explique avant que de tirer sa carte. S'il la tire sans rien dire, il est censé tenir tout.

Le fonds du jeu réglé, celui qui a la main donne des cartes aux coupeurs, à commencer par sa droite, et ces cartes se nomment cartes droites, pour les distinguer des cartes de reprise et de réjouissance. Il se donne une carte, puis il tire la réjouissance. Cela fait, il continue de tirer toutes les cartes de suite ; il gagne ce qui est sur la carte d'un coupeur, lorsqu'il amène la carte de ce coupeur, et il perd tout ce qui est au jeu lorsqu'il amène la sienne.

S'il amène toutes les cartes droites des coupeurs avant que d'amener la sienne, il recommence et continue d'avoir la main, soit qu'il ait gagné ou perdu la réjouissance.

Lorsque celui qui a la main donne une carte double à un coupeur, c'est-à-dire une carte de même espèce qu'une autre carte qu'il a déjà donnée à un autre coupeur qui est plus à la droite, il gagne le fonds du jeu sur la carte perdante, et il est obligé de tenir le double sur la carte double.

Lorsqu'il donne une carte triple à un coupeur, il gagne ce qui est sur la carte perdante, et il est tenu de mettre quatre fois le fonds du jeu sur la carte triple.

Lorsqu'il donne une carte quadruple à un coupeur, il reprend ce qu'il a mis sur les cartes simples ou doubles, s'il y en a ; il perd ce qui est sur la carte triple de même espèce que la quadruple qu'il amene, et il quitte la main sur le champ, sans donner d'autres cartes.

S'il se donne à lui-même une carte quadruple, il prend tout ce qu'il y a sur les cartes des coupeurs, et sans donner d'autres cartes, il recommence la main.

Lorsque la carte de réjouissance est quadruple, elle ne Ve point.

C'est encore une loi du jeu, qu'un coupeur dont la carte est prise, paye le fonds du jeu à chaque coupeur qui a une carte devant lui, ce qui s'appelle arroser ; mais avec cette distinction que quand c'est une carte droite, celui qui perd paye aux autres cartes droites le fonds du jeu, sans avoir égard à ce que la sienne, ou la carte droite des autres coupeurs soit simple, double ou triple ; au lieu que si c'est une carte de reprise, on ne paye et on ne reçoit que selon les règles du parti. Or à ce jeu, les partis sont de mettre trois contre deux, lorsqu'on a carte double contre carte simple ; deux contre un, lorsqu'on a carte triple contre carte double ; et trois contre un, lorsqu'on a carte triple contre carte simple.

Ces règles bien conçues, on voit que l'avantage de celui qui a la main, en renferme un autre, qui est de conserver les cartes autant de fois qu'il aura amené toutes les cartes droites des coupeurs avant que d'amener la sienne ; or comme cela peut arriver plusieurs fois de suite, quelque nombre de coupeurs qu'il y ait, il faut, en appréciant l'avantage de celui qui tient les cartes, avoir égard à l'espérance qu'il a de faire la main un nombre de fois quelconque indéterminément. D'où il suit qu'on ne peut exprimer l'avantage de celui qui a la main, que par une suite infinie de termes qui iront toujours en diminuant.

Qu'il a d'autant moins d'espérance de faire la main, qu'il y a plus de coupeurs et plus de cartes simples parmi les cartes droites.

Qu'obligé de mettre le double du fonds du jeu sur les cartes doubles, et le quadruple sur les triples, l'avantage qu'il aurait en amenant des cartes doubles ou triples, avant la sienne, diminue d'autant ; mais qu'il est augmenté par l'autre condition du jeu, qui lui permet de reprendre en entier ce qu'il a mis sur les cartes doubles et triples, lorsqu'il donne à un des coupeurs une carte quadruple.

S'il y a trois coupeurs A, B, C, et que le fonds du jeu soit F, et que le jeu soit aux pistoles, ou F = à une pistole, on trouve que l'avantage de celui qui a la main, est de 2 liv. 15 s. et environ 10 den. 490/503 de deniers.

S'il y a quatre coupeurs, cinq coupeurs, cet avantage varie.

Pour quatre coupeurs, son avantage est de 4 liv. 19 sols 1 den. 2569/3079 de deniers.

Pour cinq coupeurs, il est de 7 liv. 14 sols 7 den. 4955/3303301 de deniers.

Pour six coupeurs, il est de 10 liv. 12 s. 10 den. 328372137818918/375333882047233 de deniers.

Pour sept coupeurs, il est de 14 liv. 16 s. 5 den. 1276210397023/9756210003115796 de deniers.

D'où l'on voit que l'avantage de celui qui a la main ne croit pas dans la même raison que le nombre de joueurs.

S'il y a quatre coupeurs, le désavantage de A ou du premier, est 2 l. 16 s. 11 d. 2343/3079 de deniers.

Le désavantage de B ou du second, est 1 l. 14 s. 1 den. 1689/3079 de deniers.

Le désavantage de C ou de troisième, est 8 sols. 0 den. 1616/3079 de deniers.

La probabilité que celui qui a la main la conservera, diminue à mesure qu'il y a un plus grand nombre de coupeurs, et l'ordre de cette diminution depuis trois coupeurs jusqu'à sept inclusivement, est à peu-près comme 1/2, 1/3, 1/4, 1/5, 1/6.

Il se trouve souvent des coupeurs qui se voyant la main malheureuse, ou pour ne pas perdre plus d'argent qu'ils n'en veulent hasarder, passent leur main, sans quitter le jeu. On voit que c'est un avantage qu'ils font à chaque coupeur.

Il en est de même quand un coupeur quitte le jeu.

Voici une table pour divers cas, où Pierre qui a la main, aurait carte triple. Elle marque combien il y a à parier qu'il la conservera.

S'il n'y a au jeu qu'une carte simple, celui qui a la main peut parier 3 contre 1.

S'il y a deux cartes simples, 9 contre 5.

S'il y a trois cartes simples, 81 contre 59.

S'il y a quatre cartes simples, 243 contre 212.

S'il y a cinq cartes simples, 279 contre 227.

S'il n'y a qu'une carte double, 2 contre 1.

S'il y a une carte simple et une carte double, 7 contre 5.

S'il y a deux cartes doubles, 8 contre 7.

S'il y a deux cartes simples et une double, 67 contre 59.

S'il y a six cartes simples, 6561 contre 7271.

S'il y a une carte simple et deux doubles, 59 contre 61.

C'est un préjugé que la carte de réjouissance soit favorable à ceux qui y mettent. Si cette carte a de l'avantage dans certaines dispositions des cartes des coupeurs, elle a du désavantage dans d'autres, et elle se compense toujours exactement.

La dupe est une espèce de lansquenet, où celui qui tient la dupe se donne la première carte ; celui qui a coupé est obligé de prendre la seconde ; les autres joueurs peuvent prendre ou refuser la carte qui leur est présentée, et celui qui prend une carte double en fait le parti ; celui qui tient la dupe ne quitte point les cartes, et conserve toujours la main. On appelle dupe celui qui a la main, parce que la main ne change point, et qu'on imagine qu'il y a du désavantage à l'avoir. Mais quand on analyse ce jeu, on trouve égalité parfaite, et pour les joueurs entre eux, et pour celui qui tient la main, eu égard aux joueurs.

LANSQUENETS, subst. masc. (Art militaire) corps d'infanterie allemande, dont on a fait autrefois usage en France. Lansquenet est un mot allemand, qui signifie un soldat qui sert en Allemagne dans le corps d'infanterie. Pedes germanicus.