S. f. (Jeu ancien) jouer à la mourre se dit en latin micare digitis ; c'est le terme de Ciceron, parce que dans ce jeu les doigts paraissent, micant. Pétrone se sert du seul mot micare, sous-entendant digitis.

On joue à ce jeu en montrant une certaine quantité de doigts à son adversaire, qui fait la même chose de son côté. On accuse tous deux un nombre en même temps, et l'on gagne quand on devine le nombre de doigts qui sont présentés. Ainsi on n'a besoin que de ses yeux pour savoir jouer à ce jeu.

Il est très-ancien, et l'un de ceux qui étaient le plus en usage parmi les dames de Lacédémone : c'était à ce jeu qu'elles tiraient au sort pour disputer le bonheur l'une contre l'autre, et même contre leurs amants. Il faut tomber d'accord que ce jeu, qui n'entre aujourd'hui que dans les divertissements galans du petit peuple en Hollande et en Italie, devait faire fortune chez les Lacédémoniennes, si l'on se rappelle que la personne qui l'inventa fut Helene : elle y joua contre Paris et le gagna. C'est un passage de Ptolaemeus, qui nous apprend ce trait d'histoire. Helena, dit-il, prima excogitavit micationem digitis, et cum Alexandro sortiens, vicit.

Ce jeu prit grande faveur chez les autres Grecs et chez les Romains : c'est à ce jeu qu'ils achetaient et vendaient quantité de choses, comme nous ferions aujourd'hui à la courte paille. Dignus est qui cum in tenebris mices, dit Ciceron ; il est si homme de bien, que vous pouvez jouer à la mourre avec lui dans les ténèbres, sans craindre qu'il vous trompe ; expression qui passa en proverbe pour peindre quelqu'un de la plus exacte probité. (D.J.)