S. f. (Histoire naturelle, Drogues exotiques) substance résineuse, gommeuse et cathartique.

On en trouve de deux sortes chez les droguistes, savoir la scammonée d'Alep, et celle de Smyrne.

La scammonée d'Alep est un suc concret, léger, fongueux, friable. Lorsqu'on la brise, elle est d'un gris noirâtre et brillante. Lorsqu'on la manie dans les doigts, elle se change en une poudre blanchâtre ou grise ; elle a un goût amer, avec une certaine acrimonie, et son odeur est puante. On l'apporte d'Alep, qui est l'endroit où on la recueille.

La scammonée de Smyrne est noire, plus compacte, et plus pesante que celle d'Alep. On l'apporte à Smyrne d'une ville de Galatie, appelée présentement Cuté, et de la ville de Cogni dans la province de Licaonie ou de Cappadoce, près du mont Tauris, où l'on en fait une récolte abondante, comme l'a raconté à M. Geoffroi l'illustre Sherard, qui a résidé à Smyrne pendant treize ans en qualité de consul pour la nation anglaise. On préfère la scammonée d'Alep.

On doit la choisir brillante, facîle à rompre et très-aisée à réduire en poudre, qui ne brule pas fortement la langue ; qui étant brisée et mêlée avec la salive ou avec quelqu'autre liqueur, devient blanche et laiteuse. On rejette celle qui est brulée, noire, pesante, remplie de grains de sable, de petites pierres ou d'autres corps hétérogènes.

La plante qui produit ce suc est le convolvulus Syriacus de Morisson, hist. oxon. part. II. XIIe Sa racine est épaisse, de la forme de celle de la bryone, charnue, blanchâtre en-dedans, brune en-dehors, garnie de quelques fibres, et remplie d'un suc laiteux : elle pousse des tiges grêles de trois coudées de long, qui montent et se roulent autour des plantes voisines. Les feuilles sont disposées alternativement le long de ses tiges ; elles ressemblent à celles du petit lizeron ; elles sont triangulaires, lisses, ayant une base taillée en façon de flèche. De leurs aisselles naissent des fleurs en cloche, d'une couleur blanche, tirant sur le pourpre ou le jaune. Leur pistil se change en une petite tête ou capsule pointue, remplie de graines noirâtres et anguleuses. Cette plante croit en Syrie autour d'Alep, et elle se plait dans un terroir gras.

Selon Dioscoride, la plante scammonée pousse d'une même racine beaucoup de tiges de trois coudées de longueur, moèlleuses et un peu épaisses, dont les feuilles sont semblables à celle du blé-noir sauvage ou de lierre, plus molles cependant, velues et triangulaires. Sa fleur est blanche, ronde, creusée en manière d'entonnoir, d'une odeur forte : sa racine est forte, longue, de la grosseur d'une coudée, blanche, d'une odeur desagréable et pleine de suc.

Le même Dioscoride approuve la scammonée que l'on apporte de Mysie, province d'Asie ; et il rejette celle de Syrie et de Judée, qui de son temps était pesante, épaisse, falsifiée avec la farine d'orobe et le lait du tithymale. L'illustre Tournefort a observé cette espèce de convolvulus, hérissé de poils, dans les campagnes de Mysie, entre le mont Olympe et le Sipyle, et même auprès de Smyrne, et dans les îles de Lesbos et de Samos, où l'on recueille encore aujourd'hui un suc concret qui est bien au-dessous de la scammonée de Syrie.

Ainsi M. Tournefort panche à croire que la scammonée des boutiques vient des plantes au-moins de différentes espèces, si elles ne sont pas différentes pour le genre ; il juge que celle de Syrie et d'Alep vient de la plante appelée scammonia folio glabro, scammonée à feuilles lisses ; et celle de Smyrne ou de Dioscoride de la plante appelée scammonia folio hirsuto, scammonée à feuilles velues.

M. Sherard avait aussi observé le même convolvulus hérissé auprès de Smyrne, dont on ne retirait aucun suc, tandis que le convolvulus folio glabro croissait en si grande abondance en Syrie, qu'il suffirait seul pour préparer toute la scammonée dont on se sert, et qu'on n'emploie pas même pour tirer ce suc de toutes sortes de scammonée ; mais on choisit surtout celle qui croit sur le penchant de la montagne qui est au-dessous de la forteresse de Smyrne. On découvre la racine en écartant un peu la terre ; on la coupe et on met sous la plaie, des coquilles de moule, pour recevoir le suc laiteux que l'on fait sécher et que l'on garde. Cette scammonée ainsi renfermée dans des coquilles est réservée pour les habitants du pays, et il est très-rare qu'on en porte aux étrangers.

Les Grecs et les Arabes indiquent les différentes manières de recueillir le suc.

1°. On coupe la tête de la racine ; on se sert d'un couteau pour y faire un creux hémisphérique, afin que le suc s'y rende, et on le recueille ensuite avec des coquilles.

2°. D'autres font des creux dans la terre : ils y mettent des feuilles de noyer, sur lesquelles le suc tombe, et on le retire lorsqu'il est sec. Mésué rapporte quatre manières de tirer ce suc, qui le rendent tout différent. 1°. Aussi-tôt que la racine s'élève au-dessus de la terre, on coupe ce qui en déborde, et elle donne tous les jours un suc gommeux que l'on garde lorsqu'il est séché. 2°. On arrache ensuite toute la racine ; &, après l'avoir coupée par tranches, il en sort un lait que l'on fait sécher à un feu doux ou au soleil : on en fait des pastilles, sur lesquelles on imprime un cachet ; leur couleur est blanchâtre ou variée. 3°. On pîle les morceaux des racines, on les exprime, on fait sécher le suc qui en sort, et on le marque d'un cachet : celui-ci est grossier, noir et pesant. 4°. Il y a aussi des personnes qui tirent du suc des feuilles et des tiges après les avoir pilées : on le seche ensuite, et on en fait de petites masses ; mais ce suc est d'un noir verdâtre et d'une mauvaise odeur.

On ne nous apporte plus de scammonée marquée d'un cachet, ni celle qui découle d'elle-même en larmes de la racine que l'on a coupée, et que l'on recueille dans des coquilles près de Smyrne. Elle est la meilleure, mais elle est très-rare en ce pays. Sa couleur est transparente, blanchâtre ou jaunâtre, et elle ressemble à de la résine ou de la colle-forte : Lobet et Pena en font mention dans leurs observations. La scammonée qu'on nous apporte à présent est en gros morceaux opaques et gris. Nous ne savons point du tout quelle est la manière de la recueillir ; mais il est vraisemblable que les masses sont formées de sucs tirés, soit par l'incision, soit par l'expression ; c'est ce qui fait que l'on voit tant de variété de couleurs dans le même morceau.

Dans l'analyse chymique, on retire, par le moyen de l'esprit-de-vin, cinq onces de résine de six onces de scammonée. Ainsi sa plus grande partie se dissout dans l'esprit-de-vin, et il reste quelques parties mucilagineuses, salines et terreuses ; mais toute sa substance se dissout dans des menstrues aqueux, qui prennent la couleur de lait après la dissolution, à cause des parties résineuses mêlées avec les parties salines et aqueuses.

Les Grecs et les Arabes ont employé la scammonée. Les modernes la regardent comme un très-violent purgatif ; j'ajoute que c'est un remède infidèle, et dont l'opération est très-incertaine ; sa grande acrimonie irrite l'estomac, cause des nausées, enflamme, ratisse les intestins, les ulcère, ouvre les veines, et produit des superpurgations. On a imaginé plusieurs préparations de ce remède, pour en corriger la violence ; et à cet effet on se sert du suc de coing, de réglisse ou du soufre ; de-là viennent les noms de diagrede de coing, diagrede de réglisse et diagrede de soufre, qui sont d'usage en médecine. Voyez, si vous voulez, DIAGREDE. (D.J.)