(Histoire des Monnaies) ancienne monnaie de France en argent, qui fut d'abord faite à bordure de fleurs-de-lis.

Les gros tournois succédèrent aux sous d'argent ; ils sont quelquefois nommés gros deniers d'argent, gros deniers blancs, et même sous d'argent ; il n'est rien de si célèbre que cette monnaie depuis S. Louis jusqu'à Philippe de Valais, dans les titres et dans les auteurs anciens, où tantôt elle est appelée argenteus Turonensis, tantôt denarius grossus, et souvent grossus Turonensis. Le nom de gros fut donné à cette espèce, parce qu'elle était alors la plus grosse monnaie d'argent qu'il y eut en France, et on l'appela tournois, parce qu'elle était fabriquée à Tours, comme le marque la légende de Turonus civis pour Turonus civitas.

Quoique Philippe d'Alsace comte de Flandres, qui succéda à son père en 1185, eut fait fabriquer avant S. Louis des gros d'argent avec la bordure de fleurs-de-lis, S. Louis passe pour l'auteur des gros tournois de France avec pareille bordure ; c'est pourquoi dans toutes les ordonnances de Philippe le Bel et de ses successeurs, où il est parlé de gros tournois, on commence toujours par ceux de S. Louis : cette monnaie de son temps était à onze deniers douze grains de loi, et pesait un gros sept grains 26/58 : il y en avait par conséquent cinquante-huit dans un marc. Chaque gros tournois valait douze deniers tournois ; de sorte qu'en ce temps-là le gros tournois était le sou tournois. Il ne faut pourtant pas confondre ces deux espèces ; la dernière a été invariable et vaut encore douze deniers, au lieu que le gros tournois a souvent changé de prix.

Remarquez d'abord, si vous le jugez à-propos, la différence de l'argent de nos jours à celui du temps de S. Louis ; alors le marc d'argent valait 54 sous 7 den. il vaut aujourd'hui 52 liv. ainsi le gros tournois de S. Louis, qui valait 12 den. tournois, vaudrait environ 18 s. de notre monnaie actuelle.

Remarquez encore que les gros tournois, qui du temps de S. Louis étaient à 11 den. 12. grains de loi, ne diminuèrent jamais de ce côté-là ; qu'au contraire ils furent quelquefois d'argent fin, comme sous Philippe de Valais, et souvent sous ses successeurs, à 11 den. 15, 16, 17 grains : mais il n'en fut pas de même pour le poids et pour la valeur ; car depuis 1343 sous Philippe de Valais, leur poids diminua toujours, et au contraire leur valeur augmenta ; ce qui montre que depuis S. Louis jusqu'à Louis XI. la bonté de la monnaie a toujours diminué, puisqu'un gros tournois d'argent de même loi, qui pesait sous Louis XI. 3 den. 7 grains, ne valait sous S. Louis que 12 den. tournois, et que ce même gros sous Louis XI. ne pesant que 2 den. 18 grains et demi, valait 34 den.

Enfin observez que le nom de gros s'est appliqué à diverses autres monnaies qu'il faut bien distinguer des gros tournois : ainsi l'on nomma les testons grossi capitones ; les gros de Nesle ou négelleuses, étaient des pièces de six blancs. Les gros de Lorraine étaient des carolus, etc. mais ce qu'on nomma petits tournois d'argent était une petite monnaie qui valait la moitié du gros tournois : on les appelait autrement mailles ou oboles d'argent, et quelquefois mailles ou oboles blanches.

M. le Blanc, dans son traité des monnaies, vous donnera les représentations des gros tournois pendant tout le temps qu'ils ont eu cours. Au reste cette monnaie eut différents surnoms selon les différentes figures dont elle était marquée ; on les appela gros à la bordure de lis, gros à la fleur-de-lis, gros royaux, gros à l'O, gros à la queue, parce que la croix qui s'y voyait avait une queue ; gros à la couronne, parce qu'ils avaient une couronne, etc. (D.J.)

GROS ou GROAT, (Histoire moderne) en Angleterre signifie une monnaie de compte valant quatre sous. Voyez SOU.

Les autres nations, savoir les Hollandais, Polonais, Saxons, Bohémiens, Français, etc. ont aussi leurs gros. Voyez MONNOIE, COIN, etc.

Du temps des Saxons, il n'y avait point de plus forte monnaie en Angleterre que le sou, ni même depuis la conquête qu'en firent les Normants jusqu'au règne d'Edouard III. qui en 1350 fit fabriquer des gros, c'est-à-dire de grosses pièces, ayant cours pour 4. den. pièce : la monnaie resta sur ce pié-là jusqu'au règne d'Henri VIII. qui en 1504 fit fabriquer le premier les schelins. Voyez SCHELIN et GROSCHEN.

GROS, est aussi une monnaie étrangère qui répond au gros d'Angleterre. En Hollande et en Flandre on compte par livres de gros, valant six florins chacune. Voyez LIVRE. Chambers. (G)

GROS, (Commerce) droit d'aides établi en plusieurs provinces de France : on le nomme droit de gros, parce qu'il se perçait sur les vins, bierres, cidres, poirés, et eaux-de-vie qui se vendent en gros.

Ce droit consiste au vingtième du prix de la vente de ces liqueurs ; on prétend que son établissement est de l'an 1355, sous le règne du roi Jean. Diction. de Commerce. (G)

GROS, (Pharmacie) voyez DRAGME.

GROS, (Marine) le gros du vaisseau, c'est l'endroit de sa plus grande largeur vers le milieu ; on y met les plus épais bordages, parce que le bâtiment fatigue plus en cet endroit, et qu'il a moins de force que vers l'avant et l'arrière. (Z)

GROS TEMS, signifie temps orageux, vent forcé, ou tempête.

GROS D'HALEINE, (Manège et Maréchalerie) cheval qui souffle considérablement dans l'action et dans le travail, et dont le flanc néanmoins n'est nullement altéré dans le repos, ni plus agité qu'il ne doit l'être naturellement ensuite d'une course violente. Communément il fournit avec autant de vigueur que si l'on ne pouvait pas lui reprocher cette incommodité, plus disgracieuse pour le cavalier qui le monte que préjudiciable au service dont l'animal lui peut être.

Nous l'attribuons en général à un défaut de conformation : dans ces sortes de chevaux en effet les côtes sont ordinairement plates et serrées, et la capacité du thorax trop peu vaste pour permettre une grande dilatation des poumons ; or ce viscère se trouvant gêné dans son expansion et dans son jeu, il n'est pas étonnant que l'animal soit obligé d'inspirer et d'expirer plus fréquemment, surtout dans des moments où l'action des muscles hâte et accélere plus ou moins la marche circulaire, et où le cheval est machinalement obligé de faire de continuels efforts pour faciliter le cours du sang dans des canaux qu'il ne saurait parcourir avec promptitude et avec aisance, dès que l'extension n'est pas telle qu'elle puisse en favoriser le passage.

Souvent aussi l'animal est gros d'haleine, attendu l'étroitesse de la glotte, de la trachée artère, et principalement des nasaux, dont il est d'autant plus essentiel que le diamètre soit considérable, que la plus grande quantité de l'air inspiré et expiré enfîle spécialement leurs cavités ; c'est ce qu'il est très-aisé d'observer dans les temps froids et rigoureux ; on voit en effet alors que l'espèce de nuage résultant des vapeurs condensées des poumons, sort et s'échappe en plus grande partie par cette voie que par la bouche ; d'où l'on doit juger de l'inconvénient du resserrement du double canal qui forme les fosses nasales, et de la nécessité de sa largeur et de son évasure, pour l'accomplissement d'une respiration libre et parfaite.

L'impossibilité de remédier à un vice qui reconnait de pareilles causes, est sensible ; mais le cheval n'en étant pas moins utile, pourquoi nous plaindrions nous de notre impuissance ? Nous devons cependant faire attention à ce qu'il ne provienne pas d'un polype (voyez POLYPE), ou de la viscosité de l'humeur bronchiale ; ce qui n'est pas extraordinaire dans des chevaux gros d'haleine, qui font entendre un rallement produit presque toujours par les différentes collisions de l'air contre les matières visqueuses qui tapissent les canaux aériens : dans ce dernier cas, le flanc de l'animal n'est point aussi tranquille, et il est fort à craindre qu'il ne devienne poussif, si l'on n'a recours promptement aux médicaments incisifs, atténuans, et fondants, tels que la poudre du lierre terrestre, de racine de méum, d'énula campana, d'iris de Florence, de cloportes, d'éthiops minéral, d'acier, ou de plumbum ustum, etc. qu'il est très-à-propos de lui donner exactement tous les matins et à jeun dans une jointée d'avoine. Voyez POUSSE. (e)