Imprimer
Catégorie parente: Morale
Catégorie : Finance
(Finance) on appelle Surachat la remise que des particuliers savent se procurer du bénéfice que fait le roi de la monnaie, ou de partie de ce bénéfice sur une quantité de marcs qu'ils se chargent de faire venir de l'étranger. Traçons d'après l'auteur des considérations sur les finances, les idées saines qu'il faut revêtir sur une pareille opération.

Nul homme, dit-il, au fait des principes politiques de l'administration, ne doute qu'il ne soit avantageux de payer au commerce les matières qu'il apporte suivant la valeur entière, c'est-à-dire, de rendre poids pour poids, titre pour titre ; car si le prince retient un bénéfice sur sa monnaie, il délivre en monnaie une moindre quantité de grains pesant de métal pur, pour une plus grande qui lui est apportée. Ainsi il est évident qu'une telle retenue, est une imposition sur le commerce avec les étrangers ; or le commerce avec les étrangers est la seule voie de faire entrer l'argent dans le royaume : d'où il est aisé de conclure, que toute remise générale des droits du prince sur la fabrication de la monnaie, est un encouragement accordé à la culture et aux manufactures ; puisque le négociant est en état, au moyen de cette remise, ou de payer mieux la marchandise qu'il exporte, ou de procurer à l'état une exportation plus abondante, en faisant meilleur marché aux étrangers ; unique moyen de se procurer la préférence des ventes, et dès-lors du travail.

Cette police occasionne encore des entrepôts de matières pour le compte des autres nations : or tout entrepôt est utîle à celui qui entrepose. On se contente ici de poser ces principes évidents qui suffisent pour détruire les sophismes que peuvent suggérer, sur ce sujet, de petites vues intéressées. Dans ces matières, il n'est qu'un intérêt à considérer, c'est celui des hommes qui produisent, c'est-à-dire, du cultivateur, du manufacturier, de l'armateur : mais lorsque l'état n'est pas dans une situation qui lui permette de faire cette gratification entière au commerce, il est dangereux qu'il l'accorde à des particuliers qui s'offrent de faire venir de grandes sommes dans le royaume. Prétexte ridicule aux yeux de ceux qui font quelque usage de leur esprit ! Nous ne pouvons recevoir de l'argent que par la solde du commerce, lorsqu'il rend les étrangers nos débiteurs. Si nous en recevons d'eux qu'ils ne nous doivent pas, il est clair que nous devenons leurs débiteurs : ainsi ils auront plus de lettres de change sur nous, que nous n'en aurons sur eux ; par conséquent le change sera contre nous, le commerce total du royaume recevra moins de valeur de ses denrées, qu'il ne devait en recevoir, et sa dette à l'étranger lui coutera plus cher à acquitter.

Pour faire cesser cette perte, il n'y aurait qu'un seul moyen, c'est de solder cette dette, en envoyant des marchandises, ou en envoyant des espèces.

Si l'étranger n'a pas besoin de nos marchandises, ou bien elles y resteront invendues, ce qui ne le rendra pas notre débiteur ; ou bien elles y seront vendues à perte, ce qui est toujours fâcheux. Si l'étranger a besoin de nos marchandises, il est clair qu'il les aurait également achetées, quand même nous n'aurions pas commencé par tirer son argent ; il est également évident qu'ayant été payés avant que d'avoir livré, nous aurons payé l'intérêt de cet argent par le change ; et dès-lors nos denrées ne nous auront pas rapporté ce qu'elles nous auraient valu, si nous ne nous étions pas rendus débiteurs de l'étranger par des surachats de matière.

Si nous faisons sortir notre dette en nature pour faire cesser le désavantage du change, il est clair que l'entrée de cet argent n'aura été d'aucune utilité à l'état, et qu'elle aura troublé le cours du commerce général pour favoriser un particulier. Tel sera toujours l'effet de toute importation forcée de l'argent dans les monnaies ! Concluons qu'il ne doit entrer que par les bénéfices du commerce avec les étrangers, et non par les emprunts du commerce à l'étranger.

Enfin dans le cas où l'étranger se trouverait notre débiteur, il est clair que tout surachat est un privilège accordé à un particulier pour faire son commerce avec plus d'avantage que les autres ; ce qui renverse toute égalité, toute concurrence. En effet, ce particulier pouvant, au moyen du bénéfice du surachat, payer les matières plus chères que les autres, on le rend maître du cours du change, et c'est positivement lever à son profit un impôt sur la totalité du commerce national, conséquemment sur la culture, les manufactures et la navigation. Voilà au juste le fruit de ces sortes d'opérations, où les proposans font leurs efforts pour ne faire envisager aux ministres qu'une grande introduction d'argent, et une grâce particulière qui ne coute rien au prince. On leur cache que le commerce perd réellement tout ce qu'ils gagnent, et bien au-delà. Hé peut-on dire sérieusement qu'il n'en coute rien au prince quand tous ses sujets perdent, et qu'un monopoleur s'enrichit ! (D.J.)




Affichages : 1000