ou DROGUEMAN, (Hist. mod. & Commerce.) on nomme ainsi dans le Levant les interprétes que les ambassadeurs des nations chrétiennes, résidens à la Porte, entretiennent près d'eux pour les aider à traiter des affaires de leurs maîtres. Les consuls ont aussi des drogmans entretenus, tant pour leur propre usage, que pour celui des marchands de leur nation, qui trafiquent dans les échelles du Levant, ou des étrangers qui y viennent sous la banniere de cette nation.

L'entremise des drogmans ou interprétes étant absolument nécessaire dans le commerce du Levant, dont le bon succès dépend en partie de leur fidélité & de leur habileté ; Louis XIV, pour y pourvoir, donna au mois de Novembre 1669, un arrêt de son conseil en forme de réglement, qui ordonne qu'à l'avenir les drogmans & interprétes des échelles du Levant, résidens à Constantinople, Smyrne, & autres lieux, ne pourroient s'immiscer dans les fonctions de cet emploi, s'ils n'étoient François de nation, & nommés par une assemblée de marchands, qui se feroit en la présence des consuls, entre les mains desquels ils seroient tenus de prêter serment, dont il leur seroit expédié acte en la chancellerie des échelles.

Et afin qu'à l'avenir on pût être assûré de la fidélité & bonne conduite desdits interprétes & drogmans, sa majesté ordonna en outre par le même arrêt, que de trois ans en trois ans il seroit envoyé dans les échelles de Constantinople & de Smyrne six jeunes garçons de l'âge de huit à dix ans, qui voudroient y aller volontairement, lesquels seroient remis dans les couvens des peres Capucins desdits lieux, pour y être élevés & instruits dans la religion catholique, apostolique, & romaine, & dans la connoissance des langues, afin d'en former des drogmans & interprétes.

Un an après le même prince donna un second arrêt, par lequel en ordonnant l'exécution du premier, & pour l'interpréter autant que besoin seroit, il entend qu'il soit envoyé six de ces jeunes gens par chacune des trois premieres années, afin qu'il pût s'en trouver en moins de tems un nombre suffisant pour le service de la nation, sans qu'il fût desormais besoin d'avoir recours à des étrangers : voulant néanmoins qu'après lesdites trois premieres années il n'en soit plus envoyé que six de trois ans en trois ans.

Les pensions pour chacun de ces éleves furent réglées à la somme de trois cent livres, qui seroient payées par la chambre du commerce de Marseille, sur le droit de demi pour cent, appellé cottimo ; à la charge par les peres Capucins de Smyrne & de Constantinople de les nourrir & entretenir, & les instruire dans la connoissance des langues. Ce dernier arrêt est du 31 Octobre 1670. Dictionn. de Comm. de Trév. & Chambers.