S. f. pl. (Commerce) On donne ce nom en général à toutes les drogues orientales et aromatiques, telles que le gérofle, le poivre, le gingembre, etc. dont nos Epiciers font le commerce.

EPICES, (Fines) Pharm. c'est, suivant M. Pomet, un mélange de poivre noir, de gérofle, de muscade, de gingembre, d'anis verd, et de coriandre, en proportion convenable. Prenez, par exemple, gingembre choisi, douze livres et demie ; gérofle, muscade, de chaque une livre et demie ; semences d'anis, coriandre, quantité proportionnée : mêlez et les pulvérisez assez subtilement, puis les gardez dans une boite bien bouchée.

Ces fines épices ne sont employées que pour les ragouts ; mais elles pourraient être, si l'on voulait, d'un grand usage dans la Médecine, d'autant que c'est une poudre aromatique qui est stomachique, carminative, céphalique, expectorante, antiputride. On peut s'en servir pour fortifier le cerveau, pour atténuer les humeurs visqueuses, pour faire éternuer. James et Chambers.

EPICES, (Jurisprudence) sont des droits en argent que les juges de plusieurs tribunaux sont autorisés à recevoir des parties pour la visite des procès par écrit.

Ces sortes de rétributions sont appelées en Droit sportulae ou species, qui signifiait toutes sortes de fruits en général, et singulièrement les aromates ; d'où l'on a fait en français épices, terme qui comprenait autrefois toutes sortes de confitures, parce qu'avant la découverte des Indes, et que l'on eut l'usage du sucre, on faisait confire les fruits avec des aromates ; on faisait aux juges des présents de ces sortes de fruits, ce qui leur fit donner le nom d'épices.

L'origine des épices, même en argent, remonte jusqu'aux Grecs.

Homère, Iliade, VI. dans la description qu'il fait du jugement qui était figuré sur le bouclier d'Achille, rapporte qu'il y avait deux talents d'or posés au milieu des juges, pour donner à celui qui opinerait le mieux. Ces deux talents étaient, il est vrai alors, de peu de valeur ; car Budée, en son IVe. liv. de asse, en parlant de talento homerico, prouve par une autre passage du XXIVe. de l'Iliade, que ces deux talents d'or étaient estimés moins qu'un chauderon d'airain.

Plutarque, en la vie de Periclès, fait mention d'un usage qui a encore plus de rapport avec les épices ; il dit que Periclès fut le premier qui attribua aux juges d'Athènes des salaires appelés prytanées, parce qu'ils se prenaient sur les deniers que les plaideurs consignaient à l'entrée du procès dans la prytanée, qui était un lieu public destiné à rendre la justice. Cette consignation était du dixième, mais tout n'était pas pour les juges : on prenait aussi sur ces deniers le salaire des sergens ; celui du juge était appelé .

A Rome, tous les magistrats et autres officiers avaient des gages sur le fisc, et faisaient serment de ne rien exiger des particuliers. Il était cependant permis aux gouverneurs de recevoir de petits présents appelés xenia, mais cela était limité à des choses propres à manger ou boire dans trois jours. Dans la suite, Constantin abolit cet usage, et défendit à tous ministres de justice d'exiger ni même de recevoir aucuns présents, quelque legers qu'ils fussent ; mais Tribonien, qui était lui-même dans l'usage d'en recevoir, ne voulut pas insérer cette loi dans le code de Justinien.

L'empereur lui-même se relâcha de cette sévérité par rapport aux juges d'un ordre inférieur ; il permit, par sa novelle XVe chap. VIe aux défenseurs des cités de prendre, au lieu de gages, quatre écus pour chaque sentence définitive ; et en la novelle lxxxij. chap. xjx. il assigne aux juges pedanées quatre écus pour chaque procès, à prendre sur les parties, outre deux marcs d'or de gages qu'ils avaient sur le public.

Ces épices étaient appelées sportulae, de même que le salaire des appariteurs et autres ministres inférieurs de la juridiction, ce qui venait de sporta, qui était une petite corbeille où l'on recueillait les petits présents que les grands avaient coutume de distribuer à ceux qui leur faisaient la cour.

Par les dernières constitutions grecques, la taxe des épices se faisait eu égard à la somme dont il s'agissait ; comme de cent écus d'or on prenait un demi-écu, et ainsi des autres sommes à proportion, suivant que le remarque Théophile, §. tripl. instit. de action.

On appelait aussi les épices des juges pulveratica, comme on lit dans Cassiodore, lib. XII. variar. où il dit, pulveratica olim judicibus praestabantur ; pulveraticum était le prix et la récompense du travail, et avait été ainsi appelé en faisant allusion à cette poussière dont les lutteurs avaient coutume de se couvrir mutuellement lorsqu'ils allaient au combat, afin d'avoir plus de prise sur leur antagoniste.

Quelques-uns ont cru qu'anciennement en France les juges ne prenaient point d'épices ; cependant, outre qu'il est probable que l'on y suivit d'abord le même usage que les Romains y avaient établi, on voit dans les lois des Visigoths, liv. I. tit. IIe ch. xxv. qui étaient observées dans toute l'Aquittaine, qu'il était permis au rapporteur de prendre un vingtième, vigesimum solidum pro labore et judicatâ causâ ac legitimè deliberatâ. Il est vrai que le concîle de Verneuil tenu l'an 884 au sujet de la discipline ecclésiastique, défendit à tous juges ecclésiastiques ou laïques de recevoir des épices, ut nec christus, nec abbas, nec ullus laïcus pro justitiâ faciendâ sportulas accipiat.

Mais il parait que cela ne fut pas toujours observé ; en effet, dès le temps de S. Louis, il y avait certaines amendes applicables au profit du juge, et qui dans ces cas tenaient lieu d'épices. On voit, par exemple, dans l'ordonnance que ce prince fit en 1254, que celui qui louait une maison à quelque ribaude, était tenu de payer au bailli du lieu, ou au prevôt ou au juge, une somme égale au loyer d'une année.

Ce même prince, en abolissant une mauvaise coutume qui avait été longtemps observée dans quelques tribunaux, par rapport aux dépens judiciaires et aux peines que devaient supporter ceux qui succombaient, ordonne qu'au commencement du procès les parties donneront des gages de la valeur du dixième de ce qui fait l'objet du procès ; que ces gages seront rendus aux parties, et que dans tout le cours du procès on ne levera rien pour les dépens, mais qu'à la fin du procès celui qui succombera, payera à la cour la dixième partie de ce à quoi il sera condamné, ou l'estimation ; que si les deux parties succombent chacune en quelque chef, chacune payera à proportion des chefs auxquels elle aura succombé ; que ceux qui ne pourront pas trouver des gages, donneront caution, etc.

Ce dixième de l'objet du procès, que l'on appelait decima litium, servait à payer les dépens dans lesquels sont compris les droits des juges. Il était alors d'usage dans les tribunaux laïcs que le juge, sous prétexte de fournir au salaire de ses assesseurs, exigeait des parties ce dixième, ou quelque autre portion, avec les dépenses de bouche qu'ils avaient faites, ce qui fut défendu aux juges d'église par Innocent III. suivant le chap. Xe aux décrétales de vitâ et honestate clericorum, excepté lorsque le juge est obligé d'aller aux champs et hors de sa maison ; le chapitre cum ab omni, et le chapitre statutum, veulent en ce cas que le juge soit défrayé.

Il n'était pas non plus alors d'usage en cour d'église de condamner aux dépens : mais en cour laie il y avait trois ou quatre cas où l'on y condamnait, comme il parait par le chap. xcij. des établissements de S. Louis en 1270, et ce même chapitre fait mention que la justice prenait un droit pour elle.

Les privilèges accordés à la ville d'Aiguesmortes par le roi Jean, au mois de Février 1350, portent que dans cette ville les juges ne prendraient rien pour les actes de tutele, curatelle, émancipation, adoption, ni pour la confection des testaments et ordonnances qu'ils donneraient ; qu'ils ne pourraient dans aucune affaire faire saisir les effets des parties pour sûreté des frais, mais que quand l'affaire serait finie, celui qui aurait été condamné payerait deux sous pour livre de la valeur de la chose si c'était un meuble ou de l'argent ; que si c'était un immeuble, il payerait le vingtième en argent de sa valeur, suivant l'estimation ; que si celui qui avait perdu son procès, ne pouvait en même temps satisfaire à ce qu'il devait à sa partie et aux juges, la partie serait payée par préférence.

Il y eut depuis quelques ordonnances qui défendirent aux juges, même laïcs, de rien recevoir des parties ; notamment celle de 1302, rapportée dans l'ancien style du parlement, en ces termes : Praefati officiarii nostri nihil penitus exigant subjectis nostris.

Mais l'ordonnance de Philippe de Valais, du 11 Mars 1344, permit aux commissaires députés du parlement, pour la taxe des dépens, ou pour l'audition des témoins, de prendre chacun dix sous parisis par jour, outre les gages du roi.

D'un autre côté, l'usage s'introduisit que la partie qui avait gagné son procès, en venant remercier ses juges, leur présentait quelques boites de confitures seches ou de dragées, que l'on appelait alors épices. Ce qui était d'abord purement volontaire passa en coutume, fut regardé comme un droit, et devint de nécessité. Ces épices furent ensuite converties en argent : on en trouve deux exemples fort anciens avant même que les épices entrassent en taxe : l'un est du 12 Mars 1369 ; le sire de Tournon par licence de la cour sur sa requête donna vingt francs d'or pour les épices de son procès jugé, laquelle somme fut partagée entre les deux rapporteurs : l'autre est que le 4 Juillet 1371, un conseiller de la cour, rapporteur d'un procès, eut après le jugement de chacune des parties six francs.

Mais les juges ne pouvaient encore recevoir des épices ou présents des parties qu'en vertu d'une permission spéciale, et les épices n'étaient pas encore toujours converties en argent. En effet, Charles VI. par des lettres du 17 Mars 1395, pour certaines causes et considérations, permit à Guillaume de Sens, Pierre Boschet, Henri de Marle, et Ymbert de Boisy, présidents au parlement, et à quelques conseillers de cette cour, que chacun d'eux put sans aucune offense prendre une certaine quantité de queues de vin à eux données par la reine de Jérusalem et de Sicile, tante du roi.

Papon, en ses arrêts, tit. des épices, rapporte un arrêt du 7 Mai 1384, qu'il dit avoir jugé qu'en taxant les dépens de la cause principale, on devait taxer aussi les épices de l'arrêt.

Cependant du Luc, liv. V. de ses arrêts, tit. Ve art. 1. en rapporte un postérieur du 17 Mars 1403, par lequel il fut décidé que les épices, qu'il appelle tragemata, n'entraient point en taxe, lorsqu'on en accordait aux rapporteurs.

Il rapporte encore un autre arrêt de la même année, qui énonce que dans les affaires importantes et pour des gens de qualité, on permettait aux rapporteurs de recevoir deux ou trois boites de dragées ; mais l'arrêt défend aux procureurs de rien exiger de leurs parties sous ombre d'épices.

Ces boites de dragées se donnaient d'abord avant le jugement pour en accélérer l'expédition : les juges regardèrent ensuite cela comme un droit, tellement que dans quelques anciens registres du parlement on lit en marge, non deliberetur donec solvantur species ; mais comme on reconnut l'abus de cet usage, il fut ordonné par un arrêt de 1437, rapporté par du Luc, liv. IV. tit. Ve art. 10. qu'on ne payerait point les épices au rapporteur, et qu'on ne lui distribuerait point d'autre procès qu'il n'eut expédié celui dont il était chargé. Il appelle en cet endroit les épices dicastica, ce qui ferait croire qu'elles étaient alors converties en argent.

On se plaignit aux états de Tours, tenus en 1483, que la vénalité des offices induisait les officiers à exiger de grandes et excessives épices, ce qui était d'autant plus criant qu'elles ne passaient point encore en taxe ; cependant l'usage en fut continué, tellement que par un arrêt du 30 Novembre 1494, il fut décidé que les épices des procès jugés, sur lesquels les parties avaient transigé, devaient être payées par les parties et non par le roi ; et ce ne fut que par un règlement du 18 Mai 1502 qu'il fut ordonné qu'elles entreraient en taxe.

L'ordonnance de Roussillon, art. 31, et celle de Moulins, art. 14, défendirent aux juges présidiaux, et autres juges inférieurs, de prendre des épices, excepté pour le rapporteur.

La chambre des comptes fut autorisée à en prendre par des lettres patentes du 11 Décembre 1581, registrées en ladite chambre le 24 Mars 1582.

Il y a cependant encore plusieurs tribunaux où l'on ne prend point d'épices, tels que le conseil du roi, les conseils de guerre.

Les épices ne sont point accordées pour le jugement, mais pour la visite du procès.

L'édit du mois d'Aout 1669 contient un règlement général pour les épices et vacations.

Il ordonne que par provision, et en attendant que S. M. se trouve en état d'augmenter les gages des officiers de judicature, pour leur donner moyen de rendre la justice gratuitement, les juges, même les cours, ne puissent prendre d'autres épices que celles qui auront été taxées par celui qui aura présidé, sans qu'aucun puisse prendre ni recevoir de plus grands droits, sous prétexte d'extraits, de sciendum, ou d'arrêts ; ce qui est conforme à ce qui avait déjà été ordonné par l'art. 127 de l'ordonnance de Blais, qui veut que la taxe en soit faite sur les extraits des rapporteurs qu'ils auront faits eux-mêmes, et que l'on y use de modération.

Celui qui a présidé, doit écrire de sa main au bas de la minute du jugement la taxe des épices, et le greffier en doit faire mention sur les grosses et expéditions qu'il délivre.

M. Duperray, en son traité des dixmes, chap. XIIe fait mention d'une déclaration du roi, dont il ne dit pas la date, qui remit, à ce qu'il dit, aux juges subalternes les épices mal-prises, en payant une taxe. Il parait être d'avis que cette taxe ne dispense pas ces juges de faire restitution à ceux dont ils ont exigé induement des épices.

On ne doit taxer aucunes épices pour les procès qui sont évoqués, ou dont la connaissance est interdite aux juges, encore que le rapporteur en eut fait l'extrait, et qu'ils eussent été mis sur le bureau, et même vus et examinés.

Il en est de même de tous les jugements rendus sur requête et des jugements en matière bénéficiale, lorsqu'après la communication au parquet toutes les parties sont d'accord de passer appointements sur la maintenue du bénéfice contentieux, s'il intervient arrêt portant que les titres et capacités des parties seront vues.

Il fut créé en 1581 et 1586 des offices de receveurs des épices dans les différents tribunaux du royaume : ceux de Beaujolais furent supprimés en 1588, et tous les autres furent supprimés en 1626, et réunis aux offices de greffiers et de maîtres-clercs des greffes. Mais par édit du mois de Février 1629, on rétablit tous ceux qui avaient été reçus et installés, et qui n'avaient point été remboursés. Ensuite on en créa d'alternatifs et de triennaux, qui ont été supprimés ou réunis. Il y a eu encore nombre d'autres créations et suppressions dont le détail serait trop long ; il suffit d'observer que dans quelques tribunaux ces officiers sont en titre d'office, dans d'autres ils sont par commission.

L'édit de 1669 porte que les épices seront payées par les mains des greffiers, ou autres personnes chargées par l'ordre des compagnies qui en tiendront registres, sans que les juges ou leurs clercs puissent les recevoir par les mains des parties ou autres personnes.

Il est défendu aux greffiers, sous peine d'amende, de refuser la communication du Jugement, quoique les épices et vacations n'aient pas été payées.

Louis XII. avait donné une ordonnance qui autorisait les juges à user de contrainte contre les parties pour leurs épices ; mais cette ordonnance ne fut pas vérifiée, on permettait seulement aux juges de se pourvoir par requête suivant les arrêts rapportés par Guenais : usage qui a été aboli, aussi-bien que celui de faire consigner les épices avant le jugement, comme cela s'observait dans quelques parlements ; ce qui fut abrogé par une déclaration du 26 Février 1683, et autres à-peu-près du même temps.

Présentement les juges, soit royaux, ou des seigneurs, ne peuvent décerner en leur nom, ni en celui de leurs greffiers, aucun exécutoire pour les épices, à peine de concussion ; mais on peut en délivrer exécutoire à la partie qui les a déboursées.

Les épices ne sont pas saisissables.

Les procureurs généraux et procureurs du roi, et leurs substituts sont aussi autorisés à prendre des épices pour les conclusions qu'ils donnent dans les affaires de rapport. Voyez Pasquier en ses recherches de la France, liv. II. ch. IVe Loyseau, des offic. ch. VIIIe Joly, des offic. tit. des épices. Bornier, sur l'édit de 1669. Bouchel, au mot Epices, et les arrêts de règlements des 10 Avril 1691 et 8 Aout 1714. (A)