FERRER une pièce d’étoffe, (Commerce) c’est y apposer un plomb de visite et le marquer avec un coin d’acier. Voyez PLOMB.

Ce terme est particulièrement usité dans la fabrique de la sajetterie d'Amiens : dans les autres manufactures de lainage, on dit plomber ou marquer. Voyez PLOMBER et MARQUER. (G)

FERRER, Ve act. en Architecture, c'est mettre les garnitures en fer nécessaires aux portes et aux croisées d'un bâtiment, comme equerres, gonds, fiches, verroux, targettes, loquets, serrures, etc. Voyez ces mots, et les planches et les articles de la Serrurerie.

FERRER, en terme d'Aiguilletier, c'est garnir un ruban de fil, ou de soie, ou une tresse, d'un ferret de quelque espèce qu'il puisse être.

FERRER, c'est parmi les filassières, frotter la filasse contre un fer obtus qui la broye, pour ainsi dire, et en fait tomber les chenevottes. Voyez FER.

FERRER UN CHEVAL, (Maréchallerie) Expression qui caractérise non-seulement l'action d'attacher des fers aux pieds du cheval, mais celle de couper l'ongle en le parant ou le rognant. Voyez FERRURE.

Le premier soin que doit avoir le maréchal, que l'on charge de ferrer un cheval, doit être d'en examiner attentivement les pieds, à l'effet de se conformer ensuite dans son opération aux principes que l'on trouvera discutés au mot ferrure. Cet examen fait, il prendra la mesure de la longueur et de la largeur de cette partie, et forgera sur le champ des fers convenables aux pieds sur lesquels il doit travailler ; ou s'il en a qui puissent y être appliqués et ajustés, il les appropriera de manière à en faire usage. Voyez FORGER et FER.

Je suis toujours étonné de voir dans les boutiques de maréchaux un appareil de fers tout étampés, et que quelques coups de ferretier disposent après un moment de séjour dans la forge, à être placés sur le pied du premier animal qu'on leur confie. Que de variétés ! que de différences n'observe-t-on pas dans les pieds des chevaux, et souvent dans les pieds d'un même cheval ! Quiconque les considérera avec des yeux éclairés, partagera sans-doute ma surprise, et ne se persuadera jamais que des fers faits et forgés presque tous sur un même modèle, puissent recevoir dans un seul instant les changements que demanderaient les pieds auxquels on les destine. D'ailleurs il n'est assurément pas possible de remédier assez parfaitement aux étampures qui doivent être ou plus grasses ou plus maigres. Voyez FERRURE. Et il résulte de l'attention du maréchal à se précautionner ainsi contre la disette des fers, des inconveniens qui tendent à ruiner réellement les pieds de l'animal, et à le rendre totalement inutile.

Ces sortes d'ouvriers cherchent à justifier cet abus, et à s'excuser sur la longueur du temps qu'il faudrait employer pour la ferrure de chaque cheval, si leurs boutiques n'étaient pas meublées de fers ainsi préparés ; on se contente de cette raison spécieuse, et l'abus subsiste ; mais rien ne saurait l'autoriser, lorsque l'on envisage l'importance de cette opération. D'ailleurs il n'est pas difficîle de se convaincre de l'illusion du prétexte sur lequel ils se fondent : ou les chevaux qu'ils doivent ferrer, sont en effet des chevaux qu'ils ferrent ordinairement ; ou ce sont des chevaux étrangers, et qui passent. Dans le premier cas, il est incontestable qu'ils peuvent prévoir l'espèce de fers qui conviendront, et l'instant où il faudra les renouveller, et dès-lors ils ne seront pas contraints d'attendre celui où les chevaux dont ils connaissent les pieds, leur seront amenés, pour se mettre à un ouvrage auquel ils pourront se livrer la veille du jour pris et choisi pour les ferrer. Dans le second cas, ils consommeront plus de temps ; mais ce temps ne sera pas considérable, dès qu'ils auront une quantité de fers auxquels ils auront donné d'avance une sorte de contours, qu'ils auront dégrossis, et qu'il ne s'agira que d'étamper et de perfectionner ; il n'est donc aucune circonstance qui puisse engager à tolérer ces approvisionnements suggérés par le désir immodéré du gain ; désir qui l'emporte dans la plus grande partie de ces artisans sur celui de pratiquer d'une manière qui soit avantageuse au public, bien loin de lui être onéreuse et préjudiciable.

Quoi qu'il en sait, le fer étant forgé ou préparé, le maréchal, muni de son tablier (voyez TABLIER), ordonnera au palefrenier ou à un aide, de lever un des pieds de l'animal. Ceux de devant seront tenus simplement avec les deux mains ; à l'égard de ceux de derrière, le canon et le boulet appuyeront et reposeront sur la cuisse du palefrenier, qui passera, pour mieux s'en assurer, son bras gauche, s'il s'agit du pied gauche, et son bras droit, s'il s'agit du pied droit, sur le jarret du cheval.

Il est une multitude de chevaux qui ne supportent que très-impatiemment l'action du maréchal ferrant, et qui se défendent violemment lorsqu'on entreprend de leur lever les pieds. Ce vice provient dans les uns et dans les autres du peu de soin que l'on a eu dans le temps qu'ils n'étaient que poulains, de les habituer à donner et à présenter cette partie sur laquelle on devait frapper, et que l'on devait alors lever très-souvent en les flattant. Il peut encore reconnaître pour cause la brutalité des maréchaux et des palefreniers, qui bien loin de caresser l'animal et d'en agir avec douceur, le maltraitent et le châtient au moindre mouvement qu'il fait ; et il est quelquefois occasionné par la contrainte dans laquelle ils le mettent, et dans laquelle ils le tiennent pendant un intervalle trop long. Quelle qu'en puisse être la source, on doit le placer au rang des défauts les plus essentiels, soit à raison de l'embarras dans lequel il jette inévitablement lorsque le cheval se deferre dans une route ; soit par rapport aux conséquences funestes des efforts qu'il peut faire, lorsque pour pratiquer cette opération on est obligé de le placer dans le travail, ou d'avoir recours à la plate-longe : soit par le danger continuel auquel sont exposés les maréchaux et leurs aides quand il est question de le ferrer. On ne doit prendre les voies de la rigueur qu'après avoir vainement épuisé toutes les autres. Si celles-ci ne produisent point relativement à de certains chevaux tout l'effet qu'on s'en promettait, on est toujours à temps d'en revenir aux premières, et du moins n'est-on pas dans le cas de se reprocher d'avoir donné lieu à la répugnance de l'animal, ou d'avoir contribué à le confirmer dans toutes les défenses auxquelles il a recours pour se soustraire à la main du maréchal. J'avoue que la longue habitude de ces mêmes défenses présente des obstacles très-difficiles à surmonter ; mais enfin la patience ne nuit point, et ne saurait augmenter un vice contre lequel les ressources que l'on espère de trouver dans les châtiments sont toujours impuissantes. Souvent elle a ramené à la tranquillité des chevaux que les coups auraient précipités dans les plus grands désordres. On ne court donc aucun risque de recommander aux palefreniers de tâcher d'adoucir la fougue de l'animal, et de l'accoutumer insensiblement à se prêter à cette opération. Ils lui manieront pour cet effet les jambes en le caressant, en lui parlant, et en lui donnant du pain ; ils ne lui distribueront jamais le son, l'avoine, le fourrage en un mot, que cette distribution ne soit précédée et suivie de cette attention de leur part. Si le cheval ne se révolte point, ils tenteront en en usant toujours de même, de lui soulever peu-à-peu les pieds, et de leur faire d'abord seulement perdre terre. Ils observeront de débuter par l'un d'eux, ils en viendront par gradation aux trois autres, et enfin ils conduiront d'une manière insensible ces mêmes pieds au degré d'élévation nécessaires pour être à la portée de la main de l'ouvrier. A mesure que le palefrenier vaincra la résistance de l'animal, il frappera légèrement sur le pied ; les coups qu'il donnera seront successivement plus forts, et cette conduite pourra peut-être dans la suite corriger un défaut dans lequel le cheval eut persévéré, s'il eut été pris autrement, et qui l'aurait même rendu inaccessible si l'on eut eu recours à la force et à la violence.

Il en est qui se laissent tranquillement ferrer à l'écurie, pourvu qu'on ne les mette point hors de leurs places : les attentions que je viens de prescrire, opèrent souvent cet effet. D'autres exigent simplement un torchené, voyez TORCHENE ; ou les morailles, voyez MORAILLES. Les uns ne remuent point lorsqu'ils sont montés ; la plate-longe, le travail soumet les autres. Voyez PLATE-LONGE, TRAVAIL. Mais si ces dernières précautions effarouchent l'animal, il est à craindre qu'elles ne lui soient nuisibles, surtout s'il est contraint et maintenu de façon que les efforts qu'il peut faire pour se dégager, puissent s'étendre et répondre à des parties essentielles.

Le parti de le renverser est encore le moins sur à tous égards, outre que la situation de l'animal couché n'est point favorable au maréchal qui travaille, et qu'il n'est pas possible dans cet état de n'omettre aucun des points que l'on doit considérer pour la perfection de cette opération.

Celui que quelques maréchaux prennent d'étourdir le cheval en le faisant troter sur des cercles, après lui avoir mis des lunettes (voyez LUNETTES), et en choisissant pour cet effet un terrain difficile, est le dernier auquel on doive s'arrêter. La chute provoquée du cheval sur un pareil terrain, peut être dangereuse : d'ailleurs un étourdissement ainsi occasionné, excite toujours le désordre et le trouble dans l'économie animale, et peut susciter beaucoup de maux ; tels que les vives douleurs dans la tête, le vertige, etc. on ne doit par conséquent mettre en pratique ces deux dernières voies, que dans l'impossibilité de réussir au moyen de celles dont nous avons parlé.

Il en est une autre qui parait d'abord singulière : c'est d'abandonner totalement le cheval, de lui ôter jusqu'à son licol, ou de ne le tenir que par le bout de longe de ce même licol, sans l'attacher en aucune façon. Plusieurs chevaux ne se livrent qu'à ces conditions. Ceux-ci ont été gênés et contraints autrement dans les premiers temps où ils ont été ferrés, et la contrainte et la gêne sont l'unique objet de leur crainte et de leur appréhension. J'en ai Ve un de cette espèce, qu'un maréchal tentait inutilement de réduire après l'avoir renversé, et qui aurait peut-être été la victime de cet ouvrier, si je n'avais indiqué cette route ; il la suivit, le cheval cessa de se défendre, et présentait lui-même ses pieds.

Supposons donc que l'aide ou le palefrenier soit saisi du pied de l'animal, le maréchal ôtera d'abord le vieux fer. Pour y parvenir, il appuyera un coin du tranchant du rogne-pié sur les uns et les autres des rivets, et frappera avec son brochoir sur ce même rogne-pié, à l'effet de détacher les rivets. Ces rivets détachés, il prendra avec ses triquaises le fer par l'une des éponges, et le soulevera ; dès-lors il entraînera les lames brochées ; et en donnant avec ses mêmes triquaises un coup sur le fer pour le rabattre sur l'ongle, les clous se trouveront dans une situation telle qu'il pourra les pincer par leurs têtes, et les arracher entièrement. D'une éponge il passera à l'autre, et des deux éponges à la pince ; et c'est ainsi qu'il déferrera l'animal. Il est bon d'examiner les lames que l'on retire ; une portion de clou restée dans le pied du cheval, forme ce que nous appelons une retraite. Voyez RETRAITE. Le plus grand inconvénient qui puisse en arriver, n'est pas de gâter et d'ébrecher le boutoir du maréchal ; mais si malheureusement la nouvelle lame que l'on brochera, chasse et détermine cette retraite contre le vif ou dans le vif, l'animal boitera, le pied sera serré, ou il en résultera une plaie compliquée.

Le fer étant enlevé, il s'agira de nettoyer le pied de toutes les ordures qui peuvent soustraire la sole, la fourchette et les mammelles, ou le bras des quartiers (Voyez FERRURE) aux yeux de l'opérateur. C'est ce qu'il fera en partie avec son brochoir, et en partie avec son rogne-pié. Il s'armera ensuite de son boutoir pour couper l'ongle, et pour parer le pied. Il doit tenir cet instrument très-ferme dans sa main droite, en en appuyant le manche contre lui, et en maintenant continuellement cet appui, qui lui donne la force de faire à l'ongle tous les retranchements qu'il juge convenables, voyez FERRURE : car ce n'est qu'en poussant avec le corps, qu'il pourra les opérer et assurer ses coups ; autrement il ne pourrait l'emporter sur la dureté de l'ongle, et il risquerait s'il agissait avec la main seule de donner le coup à l'aide ou au cheval, et d'estropier ou de blesser l'un ou l'autre. Il importe aussi, pour prévenir ces accidents cruels, de tenir toujours les pieds de l'animal dans un certain degré d'humidité : ce degré d'humidité s'opposera d'ailleurs au desséchement, source de mille maux, et on pourra les humecter davantage quelques jours avant la ferrure. Voyez PANSER, PALEFRENIER. Dès que la corne sera ramollie, la parure en coutera moins au maréchal.

La plupart d'entr'eux pour hâter la besogne, pour satisfaire leur avidité, et pour s'épargner une peine qu'ils redoutent, appliquent le fer rouge sur l'ongle, et consument par ce moyen la partie qu'ils devraient supprimer uniquement avec le boutoir. Rien n'est plus dangereux que cette façon de pratiquer ; elle tend à l'altération entière du sabot, et doit lui être absolument interdite. J'ai été témoin oculaire d'évenements encore plus sinistres, causés par l'application du fer brulant sur la sole. La chaleur racornit cette partie, et suscite une longue claudication, et souvent les chevaux meurent après une pareille épreuve. Ce fait attesté par quelques-uns de nos écrivains et par un auteur moderne, aurait au moins dû être accompagné de leur part de quelques détails sur la manière de remédier à cet accident ; leur silence ne sauve point le maréchal de l'embarras dans lequel il est plongé, lorsqu'il a le malheur de se trouver dans ce cas affligeant pour le propriétaire du cheval, et humiliant pour lui. J'ai été consulté dans une semblable occasion. Le feu avait vouté la sole, de manière qu'extérieurement et principalement dans son milieu, elle paraissait entièrement concave : sa convexité pressait donc intérieurement toutes les parties qu'elle recouvre, et la douleur que ressentait l'animal était si vive, qu'elle était suivie de la fièvre et d'un battement de flanc considérable. Si le maréchal avait eu la plus légère théorie, son inquiétude aurait été bien-tôt dissipée ; mais les circonstances les moins difficiles, effraient et arrêtent les artistes qui marchent aveuglément dans les chemins qui leur ont été tracés, et qui sont incapables de s'en écarter pour s'en frayer d'autres. Je lui conseillai de dessoler sur le champ le cheval ; et à l'aide de cette opération, il lui conserva la vie : on doit par conséquent s'opposer à des manœuvres qui mettent l'animal dans des risques évidents ; et si l'on permet au maréchal d'approcher le fer, et de le placer sur le pied en le retirant de la forge, il faut faire attention que ce même fer ne soit point rouge, n'affecte et ne touche en aucune façon la sole, et qu'il ne soit appliqué que pendant un instant très-court, et pour marquer seulement les inégalités qui subsistent après la parure, et qui doivent être applanies avec le boutoir.

On peut rapporter encore à la paresse des ouvriers, l'inégalité fréquente des quartiers : outre qu'en coupant l'ongle ils n'observent point à cet égard de justesse et de précision, le moins de facilité qu'ils ont dans le maniement de cet instrument lorsqu'il s'agit de retrancher du quartier de dehors du pied du montoir, et du quartier de dedans du pied hors du montoir (Voyez MONTOIR), fait que ces quartiers sont toujours plus hauts que les autres, les pieds sont conséquemment de travers, et une ferrure ainsi continuée suffit pour donner naissance à une difformité incurable. Que l'on examine les pieds de presque tous les chevaux, on se convaincra par soi-même de la justice de ce reproche. Le resserrement des quartiers, leur élargissement, le retrécissement des talons, l'encastelure, sont de plus très-souvent un effet de leur ignorance. Voyez FERRURE. A défaut par eux de parer à plat les talons, ils les resserrent plutôt qu'ils ne les ouvrent. Voyez Ibid.

Après qu'on a retranché de l'ongle tout ce qui en a été envisagé comme superflu, que l'on a donné au pied la forme qu'il doit avoir, que l'on a rectifié les imperfections, et que le maréchal ayant fait poser le pied à terre, s'est assuré que relativement à la hauteur des quartiers il n'est point tombé dans l'erreur commune, car il ne peut juger sainement de leur égalité que par ce moyen, le palefrenier levera de nouveau le pied, et le maréchal présentera le fer sur l'ongle : ce fer y portera justement et également, sans reposer sur la sole ; s'il vacillait sur les mammelles, l'animal ne marcherait point surement, les lames brochées seraient bien-tôt ébranlées par le mouvement que recevrait le fer à chaque pas du cheval, dès que ce fer n'appuyerait pas également par-tout ; et si son appui s'étendait jusque sur la sole, l'animal en souffrirait assez ou pour boiter tout bas, ou du moins pour feindre. La preuve que le fer a porté sur cette partie, se tire encore de l'inspection du fer même qui dans la portion même sur laquelle a été fixé l'appui dont il s'agit, est beaucoup plus lisse, plus brillant, et plus uni que dans toutes les autres. Il est néanmoins des exceptions et des cas où la sole doit être contrainte ; mais alors le maréchal n'en diminue pas la force, et lui conserve toute celle dont elle a besoin. Voyez FERRURE. Lorsque je dis au reste qu'il est important que le fer porte par-tout également, je n'entends pas donner atteinte à la règle et au principe auquel on se conforme, en éloignant le fer du pied depuis la première étampure en-dedans et en talon jusqu'au bout de l'éponge, en sorte qu'il y ait un intervalle sensible entre l'ongle et cette partie de la branche : cet intervalle qui peut régner sans occasionner le chancellement du fer est nécessaire, et par lui le quartier de dedans toujours et dans tous les chevaux plus faible que celui de dehors, se trouve extrêmement soulagé.

Aussi-tôt que l'appui du fer est tel qu'on est en droit de l'exiger, le maréchal doit l'assujettir ; il broche d'abord deux clous, un de chaque côté, après quoi le pied étant à terre, il considère si le fer est dans une juste position : il fait ensuite reprendre le pied par le palefrenier, et il broche les autres. La lame de ces clous doit être déliée et proportionnée à la finesse du cheval et à l'épaisseur de l'ongle ; il faut cependant toujours bannir, tant à l'égard des chevaux de légère taille que par rapport aux chevaux plus épais, celles qui par leur grosseur et par les ouvertures énormes qu'elles font, détruisent l'ongle et peuvent encore presser le vif et serrer le pied. Le maréchal brochera d'abord à petits coups, et en maintenant avec le pouce et l'index de la main gauche, la lame sur laquelle il frappe. Lorsqu'elle aura fait un certain chemin dans l'ongle, et qu'il pourra reconnaître le lieu de la sortie, il reculera sa main droite pour tenir son brochoir par le bout du manche ; il soutiendra la lame avec un des côtés du manche de ses tricaises, et la chassera hardiment jusqu'à ce qu'elle ait entièrement pénétré, et que l'affilure se montre totalement en-dehors. Il est ici plusieurs choses à observer attentivement. La première est que la lame ne soit point coudée, c'est-à-dire qu'elle n'ait point fléchi en conséquence d'un coup de brochoir donné à faux ; alors la coudure est extérieure et s'aperçoit aisément : ou en conséquence d'un resistance trop forte que la pointe de la lame aura rencontrée, et qu'elle n'aura pu vaincre ; et souvent alors la coudure est extérieure, et ne peut être soupçonnée que par la claudication de l'animal dont elle presse et serre le pied. La seconde considération à faire est de ne point casser cette même lame dans le pied en retirant ou en poussant le clou ; de l'extraire sur le champ, ainsi que les pailles ou les brins de lame qui peuvent s'être séparés de la lame même (Voyez RETRAITE), et de chasser la retraite avec le repoussoir, si cela se peut. Voyez TABLIER, REPOUSSOIR. On ne saurait encore se dispenser de prendre garde de brocher trop haut ; en brochant bas, on ne court point le hasard d'enclouer. Le quartier de dedans demande, attendu sa faiblesse naturelle, une brochure plus basse que celui de dehors : c'est un précepte que les Maréchaux ont consacré par ce proverbe misérable et trivial, adopté par tous les écuyers qui ont écrit : madame ne doit pas commander à monsieur. Les lames doivent être chassées, de façon qu'elles ne pénètrent point de côté, et que leur sortie réponde à leur étampure. Il faut de plus qu'elles soient sur une même ligne, c'est-à-dire qu'elles règnent également autour des parois du sabot, les rivets se trouvant tous à une même hauteur, et l'un n'étant pas plus bas que l'autre ; ce qui est encore recommandé dans les boutiques, et ce que l'on y enseigne en débitant cet autre proverbe, il ne faut pas brocher en musique.

Les étampures fixant le lieu où l'on doit brocher, il serait sans-doute inutîle de rapporter ici celui que renferment ces expressions, pince devant, talon derrière, et qui ne signifient autre chose, si ce n'est que les fers de devant doivent être assujettis en pince, et les fers de derrière en talon. La routine seule suffit pour graver de tels principes dans l'esprit des maréchaux : il en est cependant plusieurs dans les campagnes qui n'adoptent point celui-ci ou qui l'ignorent, et qui sans égard à la faiblesse de la pince des pieds de derrière et des talons des pieds de devant, brochent indifféremment par-tout, après avoir indifféremment étampé leurs fers selon leur caprice et leurs idées. Il est facîle de prévoir les malheurs qui peuvent en arriver.

Revenons à notre opération. Dès que chaque lame est brochée, l'opérateur doit par un coup de brochoir sur l'affilure, abattre la portion de la lame qui saillit en-dehors le long de l'ongle, en sorte que la pointe soit tournée en-dessous ; et tous les clous étant posés, il doit avec ses triquaises rompre et couper toutes les affilures qui ont été pliées et qui excédent les parois du sabot. Il coupe ensuite avec le rogne-pié toute la portion de l'ongle qui outrepasse les fers, ainsi que les éclats que les clous ont pu occasionner : mais il ne frappe pour cet effet avec son brochoir sur le rogne-pié, que modérément et à petits coups. De-là il rive les clous en en adressant d'autres moins ménagés, sur ce qui parait encore des affilures coupées ou rompues : mais comme ces mêmes coups sur les affilures pourraient rechasser les clous par la tête, il oppose les triquaises sur chaque caboche, à l'effet de maintenir et d'assurer les lames dont la tête s'éleverait au-dessus du fer, et s'éloignerait de l'étampure sans cette précaution. Il en prend encore une autre ; les affilures frappées, ou, quoi qu'il en sait, ce qu'il en reste se trouve seulement émoussé. Il enlève donc avec le coin tranchant du rogne-pié, une légère partie de la corne qui environne chaque clou ; et alors au lieu de cogner sur la pointe des affilures, il cogne sur les parties latérales, et insere cette même pointe dans l'ongle, de façon qu'elle ne surmonte point, et que les rivets sont tels qu'ils ne peuvent point blesser l'animal, et occasionner ce que nous nommons entretaillure. Voyez FERRURE.

Il ne reste plus ensuite au maréchal qu'à unir avec la râpe (Voyez RAPE, TABLIER) tout le tour du sabot, lorsque le palefrenier a remis le pied à terre ; et quelques coups legers redonnés sur les rivets, terminent toute l'opération.

Il serait superflu de parler des clous à glace et des clous à grosse tête, que l'on emploie pour empêcher les chevaux de glisser ; il n'est personne qui ne connaisse la forme de ces sortes de clous : mais je ne puis en finissant cet article, trop faire sentir la nécessité de ferrer les chevaux un peu plus souvent que l'on ne fait communément. Il est nombre de personnes qui se persuadent qu'il est bon d'attendre que les fers soient entièrement usés pour en mettre de nouveaux ; et il en est d'autres qui veulent épargner les relevées ou les rassis (Voyez RELEVEES, RASSIS), convaincus que l'action de parer ou de rafraichir l'ongle, n'est nullement utîle et ne profite qu'au maréchal : ce préjugé nuit à ceux qu'il aveugle et qu'il séduit, car insensiblement les pieds de l'animal se ruinent et dépérissent s'ils sont ainsi négligés. Il serait à propos de les visiter et d'y retoucher au moins tous les mois, ce qui n'arrive point aux maréchaux avec lesquels on a traité pour l'année entière ; ils attendent en effet la dernière extrémité pour réparer des pieds qu'ils endommagent la plupart et par leur ignorance et par l'abandon dans lequel ils les laissent. (e)

FERRER, (Serrurerie) c'est poser toutes les pièces de fer dont les ouvrages, tant en bois que d'une autre matière, excepté le fer, doivent être garnis. Quand on dit ferrer une porte de bois de pièces de fer, ce mot enferme les fiches, verrouils, pentures, serrures, boutons, élons, etc. dont elle doit être garnie. Il en est de même d'une croisée ; la ferrer, c'est la garnir de ses fiches, épagnolettes, etc.