S. f. (Politique, Finance, Commerce) la monnaie est un signe qui représente la valeur, la mesure de tous les effets d'usage, et est donnée comme le prix de toutes choses. On prend quelque métal pour que le signe, la mesure, le prix soit durable ; qu'il se consomme peu par l'usage, et que sans se détruire, il soit capable de beaucoup de division.

On recherche avec empressement 1°. d'où la monnaie reçoit sa valeur ; 2°. si cette valeur est incertaine et imaginaire ; 3°. si le souverain doit faire des changements à la monnaie, et fixer la proportion des métaux. Nous nous proposons de résoudre dans ce discours toutes ces questions intéressantes, en empruntant les lumières de l'auteur des Considérations sur les finances.

Pour éviter toute dispute de mots, nous distinguons ici très-nettement la dénomination ou valeur numéraire de la monnaie, qui est arbitraire ; sa valeur intrinseque qui dépend du poids et du degré de finesse ; et sa valeur accidentelle qui dépend des circonstances du commerce dans l'échange qu'on fait des denrées avec la monnaie. Ainsi la monnaie peut être définie une portion de ce métal, à laquelle le prince donne une forme, un nom et une empreinte, pour certifier du poids et du titre dans l'échange qui s'est pu faire avec toutes les choses que les hommes veulent mettre dans le commerce.

M. Boizard nous donne une idée différente de la monnaie ; car il la définit une portion de matière à laquelle l'autorité publique a donné un poids et une valeur certaine, pour servir de prix à toutes choses dans le commerce.

La monnaie ne reçoit point sa valeur de l'autorité publique, comme M. Boizard prétend : l'empreinte marque son poids et son titre ; elle fait connaître que la pièce est composée de telle quantité de matière, de telle finesse, mais elle ne donne pas la valeur, c'est la matière qui en fait la valeur.

Le prince peut appeler une pièce de vingt sols un écu, et la faire recevoir pour quatre livres. C'est une manière de taxer ses sujets qui sont obligés de la recevoir sur ce pied ; cependant il n'augmente pas la pièce de vingt sols, elle passe pour quatre livres : mais une livre alors ne vaudrait que ce que cinq sols valaient avant ce rehaussement.

Si le prince donnait la valeur à la monnaie, il pourrait donner à l'étain, au plomb, ou aux autres métaux fabriqués en pièces d'une once, la valeur d'un écu, et les faire servir dans le commerce, comme la monnaie d'argent sert présentement. Mais quand le prince aurait donné la fabrique, et le nom d'écu à une once d'étain, le sujet ne donnerait pas des marchandises de la valeur d'un écu pour l'écu d'étain, parce que la matière de quoi il est fait, ne le vaut pas.

La monnaie n'est pas une valeur certaine, comme M. Boizard le dit encore ; car, quoique le prince n'y fasse aucun changement, que les espèces soient continuées de même poids et titre, et exposées au même prix, pourtant la monnaie est incertaine en valeur.

Pour prouver cela, je ferai voir d'où les effets reçoivent leur valeur, de quelle manière cette valeur est appréciée, et comment elle change.

Les effets reçoivent leur valeur des usages auxquels ils sont employés. S'ils étaient incapables d'aucun usage, ils ne seraient d'aucune valeur.

La valeur des effets est plus ou moins haute, selon que leur quantité est proportionnée à la demande. L'eau n'est pas vendue, on la donne, parce que la quantité est bien plus grande que la demande. Les vins sont vendus, parce que la demande pour les vins est plus grande que la quantité.

La valeur des effets change, quand la quantité ou la demande change. Si les vins sont en grande quantité, ou que la demande pour les vins diminue, le prix baisse. Si les vins sont rares, ou que la demande augmente, le prix hausse.

La bonne ou la mauvaise qualité des effets, et la plus grande ou la moindre des usages auxquels ils sont employés, sont comprises. Quand je dis que leur valeur est plus ou moins haute, selon que la quantité est proportionnée à la demande ; la meilleure ou plus mauvaise qualité n'augmente ni ne diminue le prix, qu'à mesure que la différence dans la qualité, augmente ou diminue la demande.

Exemple : les vins ne sont pas de la bonté qu'ils étaient l'année passée ; la demande pour les vins ne sera pas si grande, et le prix diminuera ; mais si les vins sont moins abondants, et que la diminution de la quantité réponde à la diminution de la demande, ils continueront d'être vendus au même prix, quoiqu'ils ne soient pas de la même bonté. La diminution de la quantité augmentera le prix, autant que la différence de la qualité l'aurait baissé, et la quantité est supposée alors dans la même proportion, qu'elle était l'année passée avec la demande.

L'eau est plus utîle et plus nécessaire que le vin : donc les qualités des effets, ni les usages auxquels ils sont employés, ne changent leur prix, qu'à mesure que la proportion entre la qualité et la demande est changée ; par-là leur valeur est plus ou moins haute, selon que la quantité est proportionnée à la demande. Leur valeur change, quand la quantité ou la demande change. De même, l'or et l'argent, comme les autres effets reçoivent leur valeur des usages auxquels ils sont employés.

Comme la monnaie reçoit la valeur des matières desquelles elle est faite, et que la valeur de ces matières est incertaine, la monnaie est incertaine en valeur, quoique continuée du même poids et titre, et exposée au même prix ; si la quantité des matières souffre quelque changement de valeur, l'écu sera du même poids et titre, et aura cours pour le même nombre de livres ou sols ; mais la quantité de la matière d'argent étant augmentée, ou la demande étant diminuée, l'écu ne sera pas de la même valeur.

Si la mesure de blé est vendue le double de la quantité de monnaie, qu'elle était vendue il y a 50 ans, on conclud que le blé est plus cher. La différence du prix peut être causée par des changements arrivés dans la quantité, ou dans la demande, pour la monnaie : alors c'est la monnaie qui est à meilleur marché.

Les espèces étant continuées du même poids et titre, et exposées aux mêmes prix, nous apercevons peu les changements dans la valeur de la monnaie, et des matières d'or et d'argent ; mais cela n'empêche pas que leur valeur ne change. Un écu, ou une once d'argent, ne vaut pas tant qu'il y a un siècle. La valeur de toutes choses change, et l'argent a plus changé que les autres effets : l'augmentation de sa quantité, depuis la découverte des Indes, a tellement diminué la valeur, que dix onces en matière et en espèces, ne valent pas tant qu'une once valait.

Pour être satisfait de ce que j'avance, on peut s'informer du prix des terres, maisons, blés, vins, et autres effets avant la découverte des Indes : alors mille onces d'argent, ou en matière ou en espèces, achetaient plus de ces effets, que dix mille n'acheteraient présentement. Les effets ne sont pas plus chers, ou diffèrent peu ; leur quantité étant à-peu-près dans la même proportion qu'elle était alors avec la demande, c'est l'argent qui est à meilleur marché.

Ceux qui se servent de la vaisselle d'argent, croient ne perdre que l'intérêt de la somme employée, le contrôle, et la façon ; mais ils perdent encore ce que la matière diminue en valeur ; et la valeur diminuera, tant que la quantité augmentera, et que la demande n'augmentera pas à proportion. Une famille qui s'est servie de dix mille onces de vaisselle d'argent depuis deux cent ans, a perdu de la valeur de sa vaisselle plus de neuf mille onces, outre la façon, le contrôle, et l'intérêt ; car les dix mille onces ne valent pas ce que mille onces valaient alors.

Les compagnies des Indes d'Angleterre et d'Hollande ont porté une grande quantité d'espèces et de matières d'argent aux Indes orientales, et il s'en consomme dans l'Europe ; ce qui a un peu soutenu sa valeur ; mais nonobstant le transport et la consommation, la grosse quantité qui a été apportée, a diminué sa valeur de quatre-vingt-dix pour cent.

La quantité d'or a augmenté plus que la demande, et l'or a diminué en valeur : mais comme sa quantité n'a pas augmenté dans la même proportion que l'argent, sa valeur n'a pas tant diminué. Il y a deux cent ans que l'once d'or valait en France seize livres cinq sols quatre deniers, et l'once d'argent une livre douze sols. L'once d'or en matière ou en espèces, valait alors dix onces d'argent ; à présent elle en vaut plus de quinze : donc ces métaux ne sont pas de la valeur qu'ils étaient à l'égard des autres effets, ni à l'égard l'un de l'autre. L'or, quoique diminué en valeur, vaut la moitié plus d'argent qu'il n'a valu.

Par ce que je viens de dire, il est évident que le prince ne donne pas la valeur à la monnaie, comme M. Boizard prétend : car sa valeur consiste dans la matière dont elle est composée ; aussi est-il évident que sa valeur n'est pas certaine, puisque l'expérience a fait voir qu'elle a diminué depuis la découverte des Indes de plus de quatre-vingt-dix pour cent.

Par ces diminutions arrivées à la monnaie, je n'entends pas parler des affoiblissements que les princes ont fait dans les espèces, je parle seulement de la diminution des matières causée par l'augmentation de leur quantité.

Quand on examinera les affoiblissements, on trouvera que de cinquante parties, il n'en reste qu'une je veux dire, qu'il y avait autant d'argent en vingt sols, qu'il y en a présentement en cinquante livres. C'est ce qui est prouvé par les ordonnances touchant la fabrique des sous de France l'année 755 ; il y avait alors la même quantité d'argent fin dans un sol, qu'il y en a présentement dans le demi écu qui vaut cinquante sols. Mais pour ne pas remonter si loin, les espèces d'argent ont été affoiblies en France depuis deux cent ans, d'environ les deux tiers de leur valeur.

Ceux qui ont eu leur bien payable en monnaie, ont souffert encore par les diminutions des rentes. Avant la découverte des Indes, les rentes étaient constituées au denier dix ; elles le sont présentement au denier vingt. Une donation faite il y a deux cent ans, destinée pour l'entretien de cinquante personnes, peut à peine aujourd'hui en entretenir une. Je supposerai cette donation hypothequée pour la somme de dix mille livres, la monnaie étant alors rare, les rentes étaient constituées au denier dix : mille livres d'intérêt pouvaient alors entretenir cinquante personnes ; la monnaie à cause de sa rareté, étant d'une plus grande valeur, devenue plus abondante par la quantité des matières apportée en Europe, l'intérêt a baissé à cinq pour cent ; ainsi l'intérêt de l'hypothèque est réduit par-là, de mille à cinq cent livres. Il n'y a plus que le titre d'argent dans la monnaie, par les affoiblissements que les princes ont faits ; ce qui réduit la valeur des cinq cent livres à 166 livres 13 s. 4. d. et les matières étant diminuées en valeur de quatre-vingt-dix pour cent, les cinq cent livres monnaie faible, ne valent pas davantage que seize livres valaient il y a deux cent ans, et n'acheteraient pas plus de denrées, que seize livres en auraient achetées. D'après cette supposition, une somme destinée pour l'entretien de cinquante personnes, ne peut en entretenir une présentement.

La quantité des matières apportées en Europe depuis la découverte des Indes, a dérangé non-seulement les biens et les revenus des particuliers, mais même elle a dérangé les puissances, qui ne sont plus dans la même proportion de force. Celles qui ont profité le plus par le commerce d'Espagne, abondent en espèces, pendant que les autres peuvent à peine se soutenir dans l'état où elles étaient.

Il n'est pas extraordinaire que M. Boizard français, se soit abusé dans ses idées sur la monnaie ; mais M. Locke anglais, homme profond, et qui s'est rendu fameux par ses beaux ouvrages sur cette matière, ne devait pas tomber dans une méprise approchante de celle M. Boizard. Il pense que les hommes par un consentement général, ont donné une valeur imaginaire à la monnaie.

Je ne saurais concevoir comment les hommes de différentes nations, ou ceux d'une même province, auraient pu consentir à donner une valeur imaginaire à aucun effet, encore moins à la monnaie, par laquelle la valeur des autres effets est mesurée, et qui est donnée comme le prix de toutes choses ; ou qu'aucune nation ait voulu recevoir une matière en échange, ou en payement, pour plus qu'elle ne valait, et comment cette valeur imaginaire a pu se soutenir.

Supposons qu'en Angleterre, la monnaie eut été reçue à une valeur imaginaire, et que les autres nations eussent consenti à la recevoir à cette valeur ; alors l'écu ayant cours en Angleterre pour 60 pennis, devait valoir soixante stuyvers en Hollande, le penni et le stuyver n'étant que des numéros, par lesquels on compte ; mais on voit le contraire : la monnaie est estimée et reçue selon la quantité et qualité des matières dont elle est composée.

Avant que l'argent fût employé aux usages de la monnaie, il avait une valeur dépendante des usages auxquels il était d'abord employé ; il était reçu comme monnaie sur le pied qu'il était alors en matière. Si l'argent n'avait eu aucune valeur avant que d'être employé aux usages de la monnaie, il n'y aurait jamais été employé. Qui aurait voulu recevoir une matière qui n'avait aucune valeur, comme le prix de ses biens ? Une livre de plomb en monnaie vaudrait quelque chose, le plomb étant capable de divers usages, lorsqu'il est réduit en matière ; mais une livre d'argent fabriquée ne vaudrait rien, si réduit en matière, l'argent était incapable d'aucun usage, comme métal. Donc l'argent avant que d'être employé à faire la monnaie, avait une valeur dépendante des usages auxquels il était employé, et était reçu comme monnaie sur le pied qu'il valait en matière.

Etant employé à faire la monnaie, il augmente sa valeur ; mais cette augmentation de valeur ne vient pas de la fabrique, ou monnayage ; car l'argent en matière vaut autant que celui qui est fabriqué, et cette valeur n'est pas imaginaire, non plus que la valeur qu'il avait avant que d'être employé à faire la monnaie.

Sa première valeur, comme métal, venait de ce que l'argent avait des qualités qui le rendaient propre à plusieurs usages auxquels il était employé : l'augmentation de sa valeur venait de ce que ce métal avait des qualités qui le rendaient propre à faire de la monnaie. Ces valeurs sont plus ou moins grandes, selon que la demande est proportionnée à la quantité de ce métal.

Si l'une ou l'autre de ces valeurs est imaginaire, toute valeur est imaginaire : car les effets n'ont aucune valeur que les usages auxquels ils sont employés, et selon que leur quantité est proportionnée à la demande.

Faisons voir comment, et par quelle raison, l'argent a été employé à faire de la monnaie.

Avant que l'usage de la monnaie fût connu, les effets étaient échangés ; cet échange était souvent très-embarrassant : il n'y avait pas alors de mesure pour connaître la proportion de valeur que les effets avaient les uns aux autres. Par exemple : A. demandait à troquer cinquante mines de blé contre du vin : on ne pouvait pas bien déterminer la quantité des vins qu'A. devait recevoir pour ses cinquante mines de blé : car quoique la proportion entre les vins et les blés l'année précédente fût connue, si les blés et le vin n'étaient pas de la même bonté ; si par la bonne ou mauvaise récolte, ils étaient plus ou moins abondants, alors la quantité du blé et des vins n'étant plus dans la même proportion avec la demande, la proportion de valeur était changée, et les cinquante mines de blé pouvaient valoir deux fois la quantité des vins qu'ils valaient l'année passée.

L'argent étant capable d'un titre, c'est-à-dire, d'être réduit à un certain degré de finesse, étant alors peu sujet au changement dans la quantité ou dans la demande, et par-là moins incertain en valeur, était employé à servir de moyen terme pour connaître la proportion de valeur des effets. Si les cinquante mines de blé valaient deux cent onces d'argent, de tel titre, et que deux cent onces d'argent, de cette finesse, valussent trente muids de vin, de la qualité qu'A. demandait en échange, alors trente muids de ce vin étaient l'équivalent de ces cinquante mines de blé.

La proportion de valeur des effets livrés en différents endroits, était encore plus difficîle à connaître. Par exemple, cent pièces de toîle d'Hollande étaient livrées à Amsterdam, à l'ordre d'un marchand de Londres ; si le marchand d'Amsterdam écrivait qu'on livrât à Londres, à son ordre, la valeur de ces cent pièces de toîle en draps d'Angleterre ; or la valeur de ces cent pièces de toîle ne pouvait pas être réglée sur la quantité des draps d'Angleterre, ni sur ce qu'elles valaient à Amsterdam, parce que ces draps étaient d'une plus grande valeur à Amsterdam qu'à Londres où ils devaient être livrés. Réciproquement, la valeur des draps d'Angleterre ne pouvait pas être réglée sur la quantité des toiles d'Hollande, ni sur ce que ces draps valaient à Londres, parce que les toiles étaient d'une plus grande valeur à Londres qu'à Amsterdam où elles avaient été livrées.

L'argent étant très-portatif, et par cette qualité à-peu-près de la même valeur en différents endroits, était employé à servir de mesure pour connaître la proportion des effets livrés en différents endroits. Si les cent pièces de toîle valaient à Amsterdam mille onces d'argent fin, et que mille onces d'argent fin valussent à Londres vingt pièces de draps de la qualité que le marchand hollandais demandait en échange ; alors vingt pièces de ce drap livrées à Londres, étaient l'équivalent de ces cent pièces de toîle livrées à Amsterdam.

Les contrats, promesses, etc. étant payables en effets, étaient sujets aux disputes, les effets de méme espèce différent beaucoup en valeur. Exemple : A prêtait cinquante mines de blé à B, et B s'engageait à les rendre dans une année. A prétendait que le blé que B lui rendait, n'était pas de la bonté de celui qu'il avait prêté ; et comme le blé n'était pas susceptible d'un titre, on ne pouvait pas juger du préjudice que A recevait, en prenant son payement en blé d'une qualité inférieure : mais l'argent étant capable d'un titre, était employé à servir de valeur dans laquelle on contractait ; alors celui qui prêtait, prenait le contrat payable en tant d'onces d'argent, de tel titre, et par-là évitait toute dispute.

On avait de la peine de trouver des effets que l'on demandait en échange. Exemple : A avait du blé plus qu'il n'en avait besoin, et cherchait à troquer contre du vin ; mais comme le pays n'en produisait point, il était obligé de transporter son blé, pour le troquer, sur les lieux où il y avait du vin.

L'argent étant plus portatif, était employé à servir de moyen terme, par lequel les effets pouvaient être plus commodément échangés ; alors A troquait son blé contre l'argent, et portait l'argent sur les lieux, pour acheter les vins dont il avait besoin.

L'argent avec ses autres qualités, étant divisible sans diminuer de sa valeur, étant d'ailleurs portatif, était d'autant plus propre à servir à ces usages ; et ceux qui possédaient des effets dont ils n'avaient pas immédiatement besoin, les convertissaient en argent. Il était moins embarrassant à garder que les autres effets ; sa valeur était alors moins sujette au changement ; comme il était plus durable, et divisible sans perdre de sa valeur, on pouvait s'en servir en tout ou en partie selon le besoin ; donc, l'argent en matière, ayant les qualités nécessaires, était employé à servir aux usages auxquels la monnaie sert présentement. étant capable de recevoir une empreinte, les princes établirent des bureaux pour le porter à un titre, et le fabriquer. Par-là, le titre et poids étaient connus, et l'embarras de le peser et raffiner épargné.

Mais la fabrique ne donne pas la valeur à la monnaie, et sa valeur n'est pas imaginaire. La monnaie reçoit sa valeur des matières dont elle est composée ; et sa valeur est plus ou moins forte, selon que la quantité est proportionnelle à la demande. Ainsi sa valeur est réelle, comme la valeur des blés, vins et autres effets. Il est vrai, que si les hommes trouvaient quelque autre métal plus propre que l'argent, à faire la monnaie, et à servir aux autres usages auxquels l'argent en matière est employé, comme de faire de la vaisselle, et que ce métal fut à bon marché, l'argent baisserait considérablement de sa valeur, et ne vaudrait pas la dépense de le tirer des mines. De-même, si les hommes trouvaient quelque boisson plus agréable, plus saine, et à meilleur marché que le vin, les vignes ne seraient plus estimées, et ne vaudraient pas la dépense de les cultiver. On emploierait les terres à produire ce qui suppléerait alors à l'usage du vin.

Il n'est pas difficîle de répondre à la troisième question, si le souverain doit faire des changements à la monnaie, l'affoiblir, la surhausser, et fixer la proportion entre l'or et l'argent. L'expérience a fait voir que la première opération est funeste, la seconde et la troisième inutiles. Tout affoiblissement de monnaie dans un royaume, au-lieu d'attirer les espèces et matières étrangères, fait transporter les espèces du pays quoique plus faibles, et les matières en pays étrangers. Sous le nom d'affoiblissement, j'entends les frais de la fabrique, les droits que les princes prennent sur la monnaie, les surhaussements des espèces, et la diminution de leur poids ou titre.

Le surhaussement des monnaies n'en augmente pas le prix. On a été longtemps dans cette erreur, que la même quantité d'espèces surhaussées, faisait le même effet, que si la quantité avait été augmentée. Si, en faisant passer l'écu de trois livres pour quatre, on augmentait la valeur de l'écu ; et que cet écu ainsi surhaussé produisit le même effet que quatre livres produisaient, quand l'écu était à trois livres, il n'y aurait rien à dire. Mais cette idée est la même, que si un homme qui aurait trois cent aunes d'étoffe pour tapisser un appartement, prétendait faire servir les trois cent aunes, en les mesurant avec une aune de trois quarts, il aurait alors quatre cent aunes d'étoffe ; cependant l'appartement ne sera pas tapissé plus complete ment. Les surhaussements font que les espèces valent plus de livres, mais c'est en rendant les livres moins valables.

Je veux croire que les ministres savent bien que les surhaussements des espèces ne les rendent pas plus valables, et qu'ils ne font de changement dans la monnaie, que pour épargner ou trouver des sommes au prince ; mais il est vraisemblable qu'ils ne savent pas toutes les mauvaises suites de ces changements.

Les anciens estimaient la monnaie sacrée ; elle était fabriquée dans les temples ; les Romains fabriquaient la monnaie aux dépens de l'état ; le même poids en matière et en espèce de même titre, était de la même valeur.

L'autorité publique, en fabriquant la monnaie, est supposée garantir que les espèces seront continuées de même poids et titre, et exposées pour le même nombre de livres, sols et deniers. Le prince est obligé en justice et en honneur, envers les sujets et les étrangers qui trafiquent avec eux, de ne point faire de changement dans la monnaie. C'est la quantité et la qualité de la matière qui font la valeur de la monnaie, et non le prix marqué par le prince. Les matières qui sont propres aux usages de la monnaie, doivent être fabriquées, mais le prix des espèces faites de différentes matières, ne doit pas être réglé par le prince.

Il ne doit pas non plus fixer la proportion entre l'or et l'argent, parce qu'elle varie sans cesse, et ce changement occasionne dans l'intervalle des transports ruineux, ou nuit à certains commerces. Il suffit que le prix du marc d'argent soit fixé, le commerce fixera, suivant ses besoins, le prix du marc d'or. En Angleterre, le prix de l'or de la Guinée est de 20 sols sterling ; cependant elle est reçue dans le commerce pour 21 sols sterling. Il est vrai que cela n'est pratiquable que dans un pays, où le monnoyable se fait aux dépens de l'état, et c'est le vrai moyen d'attirer l'or et l'argent. Mais une règle générale pour les états commerçans qui fixent une proportion, c'est d'éviter la plus haute et la plus basse.

Quelques politiques ont prétendu que la proportion basse payant l'or moins cher, et attirant conséquemment l'argent par préférence, convenait mieux aux états qui commercent aux Indes orientales. Mais il faut observer en même temps, que ces pays ont moins d'avantages dans leur commerce avec les peuples qui soldent en or. Aujourd'hui tous les peuples trafiquent dans les Indes orientales, les réexportations sont très-bornées en ce genre ; ainsi de plus en plus ce commerce deviendra ruineux ; pour réparer les sommes qu'il coute, il est essentiel de favoriser de plus en plus les commerces utiles.

Ce qui constitue la valeur réelle d'une pièce de monnaie, c'est le nombre des grains pesant d'or fin ou d'argent fin qu'elle contient. Une pièce d'or du poids d'une once à 24 karats, contient cent cinquante-deux grains pesant d'or fin, et vingtquatre grains d'alliage. Une pièce d'or à 22 karats, pesant une once, un denier, et deux grains, sera de même valeur intrinseque que la première, la seule différence consistant dans les vingt-six grains d'alliage qu'elle contient de plus que la première, et qui ne sont comptés pour rien. Ce n'est pas qu'un orfèvre qui aurait besoin d'or à 23 karats pour son travail, ne payât plus cher dans le commerce la pièce d'or à 23 karats que l'autre, de toute la dépense qu'il faudrait faire pour affiner celle à 22 karats : mais aussi la fabrication de la pièce à 23 karats aurait monté plus cher du montant de cette même dépense ; les mines ordinaires ne produisant point d'or au-dessus de 22 karats ; outre que l'emploi de l'or très-fin est rare dans le commerce ; il faut encore observer, que si l'on avait besoin d'or à 24 karats, la pièce d'or à 24 karats couterait autant d'affinage que la pièce d'or à 22 karats. (D.J.)

MONNOIE DE BILLON, (Monnaies). On entend par monnaie de billon, des espèces d'argent qu'on a altérées par le mélange du cuivre. Il y a deux sortes de monnaie de billon : l'une est appelée monnaie de haut billon, et comprend les espèces qui sont depuis dix deniers de loi jusqu'à cinq ; l'autre se nomme monnaie de bas billon, à laquelle on rapporte toutes les espèces qui sont au-dessous de six deniers de loi.

Il est douteux qu'en France on se soit servi de monnaie de billon sous la première et sous la seconde race ; mais vers le commencement de la troisième race avant saint Louis, on trouve quelques deniers d'argent bas ; et depuis saint Louis, on ne trouve plus que des deniers de bas billon.

Les blancs, les douzains, les liards, les doubles, les deniers, les mailles, les pites, sont autant de monnaies de billon dont on s'est servi dans ce royaume, sous la troisième race. (D.J.)

MONNOIE DE CUIR, (Monnaie rom.) Aeschine et Aristide nous apprennent que les Carthaginois se sont servis de monnaie de cuir. Les Romains commencèrent par se servir de monnaie de terre cuite et de cuir. Cette dernière a été appelée asses scortei ; elle était en usage à Rome, avant le règne de Numa, suivant le témoignage de Suétone, cité par Suidas ; l'auteur anonyme du petit traité de rebus bellicis, imprimé à la suite de la notice des deux empires, ajoute qu'on imprimait une petite marque d'or sur ces pièces de cuir qui tenaient lieu de monnaie dans le commerce ; formatos è coriis orbes, auro modico signaverunt. Ensuite Numa introduisit l'usage des pièces de bronze, qu'on prenait au poids en échange des marchandises et des denrées ; cela dura jusqu'au temps de Servius Tullius, qui le premier les fit frapper, et y fit graver une certaine marque. On peut voir ce qu'ont dit sur ce sujet Saumaise, de usur. pag. 443. et seqq. et Sperlingius, de nummis non cusis, pag. 201. et 221.

Nous connaissons encore chez les modernes de la petite monnaie de cuir, que la nécessité obligea les Hollandais de renouveller dans le dernier siècle, lorsqu'ils défendaient leur liberté contre la tyrannie du roi d'Espagne. Voyez, pour preuve, MONNOIE OBSIDIONALE. (D.J.)

MONNOIE OBSIDIONALE, (Histoire milit.) on appelle de ce nom une monnaie communément de bas-aloi, de quelque métal, ou autre matière, formée et frappée pendant un triste siege, afin de suppléer à la vraie monnaie qui manque, et être reçue dans le commerce par les troupes et les habitants, pour signe d'une valeur intrinseque spécifiée.

Le grand nombre de villes assiégées où l'on a frappé pendant les XVIe et XVIIe siècles de ces sortes de pièces, a porté quelques particuliers à en rechercher l'origine, l'esprit, et l'utilité. Il est certain que l'usage de frapper dans les villes assiégées des monnaies particulières, pour y avoir cours pendant le siege, doit être un usage fort ancien, puisque c'est la nécessité qui l'a introduite. En effet, ces pièces étant alors reçues dans le commerce pour un prix infiniment au-dessus de leur valeur intrinseque, c'est une grande ressource pour les commandants, pour les magistrats, et même pour les habitants de la ville assiégée.

Ces sortes de monnaies se sentent de la calamité qui les a produites ; elles sont d'un mauvais métal, et d'une fabrique grossière ; si l'on en trouve quelques-unes de bon argent, et assez bien travaillées, l'ostentation y a eu plus de part que le besoin.

Leur forme n'est point déterminée, il y en a de rondes, d'ovales, et de carrées ; d'autres en losange, d'autres en octogone, d'autres en triangles, etc.

Le type et les inscriptions n'ont pas de règles plus fixes. Les unes sont marquées des deux côtés, et cela est rare ; les autres n'ont qu'une seule marque. On y voit souvent les armes de la ville assiégée, quelquefois celles du souverain, et quelquefois celles du gouverneur ; mais il est plus ordinaire de n'y trouver que le nom de la ville tout au long, ou en abrégé, le millesime, et d'autres chiffres qui dénotent la valeur de la pièce.

Comme les curieux ont négligé de ramasser ces sortes de monnaies, il serait difficîle d'en faire une histoire bien suivie : cependant la diversité des piéces obsidionales que nous connaissons, la singularité de quelques-unes, et les faits auxquels elles ont rapport, pourraient former un petit ouvrage agréable, neuf et intéressant.

Les plus anciennes de ces monnaies obsidionales de notre connaissance ont été frappées au commencement du XVIe siècle, lorsque François I. porta la guerre en Italie ; et ce fut pendant les sieges de Pavie et de Crémone, en 1524 et 1526. Trais ans après on en fit presque de semblables à Vienne en Autriche, lorsque cette ville fut assiégée par Soliman II. Lukius en rapporte une fort singulière, frappée par les Vénitiens à Nicosie, capitale de l'île de Chypre, pendant le siege que Selim II. mit devant cette île en 1570.

Les premières guerres de la république d'Hollande avec les Espagnols, fournissent ensuite un grand nombre de ces sortes de monnaies ; nous en avons de frappées en 1573, dans Middelbourg en Zélande, dans Harlem, et dans Alemaer. La seule ville de Leyde en fit de trois différents revers pendant le glorieux siege qu'elle soutint en 1474. On en a de Schoonhoven de l'année suivante ; mais une des plus dignes d'attention, fut celle que frappèrent les habitants de Kampen durant le siege de 1578 ; elle est marquée de deux côtés. On voit dans l'un et dans l'autre les armes de la ville, le nom au-dessous, le millésime, et la note de la valeur. On lit au-dessus ces deux mots extremum subsidium, dernière ressource, inscription qui revient assez au nom que l'on donne en Allemagne à ces sortes de monnaies ; on les appelle ordinairement pièces de nécessité ; celles qui furent frappées à Mastricht, en 1579, ne sont pas moins curieuses ; mais celles qu'on a frappées depuis en pareilles conjectures, ne contiennent rien de plus particulier, ou de plus intéressant.

On demande si ces sortes de monnaies, pour avoir un cours légitime, doivent être marquées de la tête ou des armes du prince de qui dépend la ville, si l'une ou l'autre de ces marques peut être remplacée par les seules armes de la ville, ou par celle du gouverneur qui la défend ; enfin s'il est permis à ce gouverneur ou commandant de se faire représenter lui même sur ces sortes de monnaies. Je résous toutes ces questions en remarquant que ce n'est qu'improprement qu'on appelle les pièces obsidionales monnaies ; elles en tiennent lieu, à la vérité, pendant quelque temps ; mais au fond, on ne doit les regarder que comme des espèces de méreaux, de gages publics de la foi des obligations contractées par le gouverneur, ou par les magistrats dans des temps aussi cruels que ceux d'un siege. Il parait donc fort indifférent de quelle manière elles soient marquées, pourvu qu'elles procurent les avantages que l'on en espere. Il ne s'agit que de prendre le parti le plus propre à produire cet effet, salus urbis, suprema lex esto.

Au reste, il ne faut pas confondre ce qu'on appelle monnaies obsidionales, avec les médailles frappées à l'occasion d'un siege, et de ses divers événements, ou de la prise d'une ville ; ce sont des choses toutes différentes. (D.J.)

MONNOIE DES GRECS, (Monnaies ancien.) les Grecs comptaient par drachmes, par mines, et par talents. Mais selon les différents états de la Grèce, la valeur de la drachme était différente, et par conséquent celle de la mine, et du talent à proportion. Cependant la monnaie d'Athènes, étant celle qui avait le plus de cours, servait, pour ainsi dire, de mesure ou d'étalon à toutes les autres. De-là vient que quand un historien grec parle de talents, de mines, ou de drachmes sans désignation, il faut toujours supposer qu'il s'agit de la monnaie d'Athènes, et que s'il en entendait d'autre, il nommerait le pays.

Voici cependant la proportion des drachmes d'Athènes à celle des autres contrées. La mine de Syrie contenait 25 drachmes d'Athènes ; la mine ptolémaïque 33 1/3 ; celle d'Antioche et d'Euboé 100 ; celle de Babylone 116 ; celle de Tyr 133 1/5 ; celle d'Egine et de Rhodes 166 2/3.

Le talent de Syrie contenait 15 mines d'Athènes, le ptolémaïque 20, celui d'Antioche 60, celui d'Euboé 60 pareillement, celui de Babylone 70, celui de Tyr 80, celui d'Egine et de Rhodes 100.

M. Brerewood en suivant les poids des Orfèvres, ne fait valoir la drachme attique que la drachme de son poids d'aujourd'hui, qui fait la huitième partie d'une once ; de cette manière il en rabaisse la valeur à sept sols et demi monnaie d'Angleterre : mais le docteur Bernard, qui a examiné la chose avec plus d'exactitude, donne à la drachme attique moyenne, la valeur de huit sols et un quart monnaie d'Angleterre, et aux mines et aux talents à proportion. La table suivante mettra sous les yeux le calcul de ces deux savants.

(D.J.)

MONNOIES DES ROMAINS, (Histoire romaine) La pauvreté des premiers Romains ne leur permit pas de faire battre de la monnaie ; ils furent deux siècles sans en fabriquer, se servant de cuivre en masse qu'on donnait au poids : Numa pour une plus grande commodité, fit tailler grossièrement des morceaux de cuivre du poids de douze onces, sans aucune marque. On les nommait, à cause de cette forme brute, as rudis : c'était là toute la monnaie romaine. Longtemps après Servius Tullius en changea la forme grossière en pièces rondes du même poids et de la même valeur, avec l'empreinte de la figure d'un bœuf ; on nommait ces pièces as libralis, et libella, à cause qu'elles pesaient semblablement une livre ; ensuite on les subdivisa en plusieurs petites pièces, auxquelles on joignit des lettres, pour marquer leur poids et leur valeur, proportionnellement à ce que chaque pièce pesait. La plus forte était le décussis, qui valait et pesait dix as ; ce qui la fit nommer denier ; et pour marque de sa valeur, il y avait dessus un X. Le quadrussis valait quatre de ces petites pièces ; le tricussis trois ; le sesterce deux et demi : il valut toujours chez les Romains le quart d'un denier, malgré les changements qui arrivèrent dans leurs monnaies, et pour désigner sa valeur, il était marqué de deux grands I, avec une barre au milieu, suivi d'un S, en cette manière H-S. Le dupondius valait deux as, ce que les deux points qui étaient dessus signifiaient. L'as se subdivisait en petites parties, dont voici les noms ; le duns pesait onze onces, le dextants dix, le dodrants neuf, le bes huit, le septunx sept, le semissis, qui était le demi-as, en pesait six, le quintunx cinq, le triens qui était la troisième partie de l'as, pesait quatre onces, le quadrants ou quatrième partie trois, le sextants ou sixième partie deux ; enfin uncia, était l'once, et pesait une once.

Toutes ces espèces n'étaient que de cuivre, et même si peu communes dans les commencements de la république, que l'amende décernée pour la manque de respect envers les magistrats se payait d'abord en bestiaux. Cette rareté d'espèces fit que l'usage de donner du cuivre en masse au poids dans les paiements subsista longtemps ; on en avait même conservé la formule dans les actes, pour exprimer que l'on achetait comptant, comme on voit dans Horace, librâ mercatur et aere. Tite-Live rapporte que l'an 347 de Rome, les sénateurs s'étant imposé une taxe pour fournir aux besoins de la république, en firent porter la valeur en lingots de cuivre dans des chariots au trésor public, qu'on appelait aerarium, du mot aes, genitif aeris, qui signifie du cuivre, parce qu'il n'y avait point à Rome d'or ni d'argent.

Ce fut l'an 485 de la fondation de cette ville que les Romains commencèrent de fabriquer des monnaies d'argent, auxquelles ils imposèrent des noms et valeurs relatives aux espèces de cuivre : le denier d'argent valait dix as, ou dix livres de cuivre, le demi-denier d'argent ou quinaire cinq, le sesterce d'argent deux et demi, ou le quart du denier. Ces premiers deniers d'argent furent d'abord du poids d'une once, et leur empreinte était une tête de femme, coèffée d'un casque, auquel était attachée une aîle de chaque côté ; cette tête représentait la ville de Rome : ou bien c'était une victoire menant un char attelé de deux ou quatre chevaux de front, ce qui faisait appeler ces pièces bigati ou quadrigati ; et sur le revers était la figure de Castor et Pollux. Pour lors la proportion de l'argent au cuivre était chez les Romains, comme 1 à 960 : car le denier romain valant dix as, ou dix livres de cuivre, il valait 120 onces de cuivre ; et le même denier valant un huitième d'once d'argent, selon Budée, cela faisait la proportion que nous venons de dire.

A peine les Romains eurent assez d'argent pour en faire de la monnaie, que s'alluma la première guerre punique, qui dura 24 ans, et qui commença l'an 489 de Rome. Alors les besoins de la république se trouvèrent si grands, qu'on fut obligé de réduire l'as libralis pesant douze onces, au poids de deux, et toutes les autres monnaies à proportion, quoiqu'on leur conservât leur même valeur. Les besoins de l'état l'ayant doublé dans la seconde guerre punique qui commença l'an 536 de Rome, et qui dura 17 ans, l'as fut réduit à une once, et toutes les autres monnaies proportionnellement. La plupart de ces as du poids d'une once avaient pour empreinte la tête du double Janus d'un côté, et la proue d'un vaisseau de l'autre.

Cette réduction ou ce retranchement que demandaient les besoins de l'état, répond à ce que nous appelons aujourd'hui augmentation des monnaies ; ôter d'un écu de six livres la moitié de l'argent pour en faire deux, ou le faire valoir douze livres, c'est précisément la même chose.

Il ne nous reste point de monument de la manière dont les Romains firent leur opération dans la première guerre punique : mais ce qu'ils firent dans la seconde, nous marque une sagesse admirable. La république ne se trouvait point en état d'acquitter ses dettes : l'as pesait deux onces de cuivre, et le denier valant dix as, valait vingt onces de cuivre. La république fit des as d'une once de cuivre ; elle gagna la moitié sur ses créanciers ; elle paya un denier avec ces dix onces de cuivre. Cette opération donna une grande secousse à l'état, il fallait la donner la moindre qu'il était possible ; elle contenait une injustice, il fallait qu'elle fût la moindre qu'il était possible ; elle avait pour objet la libération de la république envers ses citoyens, il ne fallait donc pas qu'elle eut celui de la libération des citoyens entr'eux : cela fit faire une seconde opération ; et l'on ordonna que le denier, qui n'avait été jusques-là que de dix as, en contiendrait seize. Il résulta de cette double opération que, pendant que les créanciers de la république perdaient la moitié, ceux des particuliers ne perdaient qu'un cinquième : les marchandises n'augmentaient que d'un cinquième ; le changement réel dans la monnaie n'était que d'un cinquième ; on voit les autres conséquences. En un mot les Romains se conduisirent mieux que nous, qui, dans nos opérations, avons enveloppé et les fortunes publiques, et les fortunes particulières.

Cependant les succès des Romains sur la fin de la seconde guerre punique, les ayant laissé maîtres de la Sicile, et leur ayant procuré la connaissance de l'Espagne, la masse de l'argent vint à augmenter à Rome ; on fit l'opération qui réduisit le denier d'argent de vingt onces à seize, et elle eut cet effet qu'elle remit en proportion l'argent et le cuivre, cette proportion était comme 1 à 160, elle devint comme 1 est à 128.

Dans le même temps, c'est-à-dire l'an de Rome 547, sous le consulat de Claudius Nero, et de Livius Salinator, on commença pour la première fois de fabriquer des espèces d'or, qu'on nommait nummus aureus, dont la taille était de 40 à la livre de douze onces, de sorte qu'il pesait près de deux dragmes et demi ; car il y avait trois dragmes à l'once. Le nummus aureus après s'être maintenu assez longtemps à la taille de 40 à la livre, vint à celle de 45, de 50 et de 55.

Il arriva sous les empereurs de nouvelles opérations encore différentes sur les monnaies. Dans celles qu'on fit du temps de la république, on procéda par voie de retranchement : l'état confiait au peuple ses besoins, et ne prétendait pas le séduire. Sous les empereurs, on procéda par voie d'alliage : les princes réduits au désespoir par leurs libéralités même, se virent obligés d'altérer les monnaies ; voie indirecte qui diminuait le mal, et semblait ne le pas toucher : on retirait une partie du don, et on cachait la main ; et sans parler de diminution de la paye ou des largesses, elles se trouvaient diminuées. On remarque que sous Tibere, et même avant son règne, l'argent était aussi commun en Italie, qu'il pourrait l'être aujourdhui en quelque partie de l'Europe que ce soit ; mais comme bientôt après le luxe reporta dans les pays étrangers l'argent qui regorgeait à Rome, ce transport en diminua l'abondance chez les Romains, et fut une nouvelle cause de l'affoiblissement des monnaies par les empereurs. Didius Julien commença cet affoiblissement. La monnaie de Caracalla avait plus de la moitié d'alliage, celle d'Alexandre Sévère les deux tiers : l'affoiblissement continua, et sous Galien, on ne voyait plus que du cuivre argenté.

Le prince qui de nos jours ferait dans les monnaies des opérations si violentes, se tromperait lui-même, et ne tromperait personne. Le change a appris au banquier à comparer toutes les monnaies du monde, et à les mettre à leur juste valeur ; le titre des monnaies ne peut plus être un secret. Si un prince commence le billon, tout le monde continue, et le fait pour lui : les espèces fortes sortent d'abord, et on les lui renvoie faibles. Si, comme les empereurs romains, il affoiblissait l'argent, sans affoiblir l'or, il verrait tout-à-coup disparaitre l'or, et il serait réduit à son mauvais argent. Le change, en un mot, a ôté les grands coups d'autorité, du moins les succès des grands coups d'autorité.

Je n'ai plus que quelques remarques à faire sur les monnaies romaines et leur évaluation.

Il ne parait pas qu'on ait mis aucune tête de consul ou de magistrat sur les espèces d'or ou d'argent avant le déclin de la république. Alors les trois maîtres des monnaies nommés triumvirs monétaires, s'ingérèrent de mettre sur quelques-unes les têtes de telles personnes qu'il leur plaisait, et qui s'étaient distinguées dans les charges de l'état, observant néanmoins que cette personne ne fût plus vivante, de peur d'exciter la jalousie des autres citoyens. Mais après que Jules-César se fut arrogé la dictature perpétuelle, le sénat lui accorda par exclusion à tout autre, de faire mettre l'empreinte de sa tête sur les monnaies ; exemple que les empereurs imitèrent ensuite. Il y en eut plusieurs qui firent fabriquer des espèces d'or et d'argent portant leur nom, comme des Philippes, des Antonins, etc. Quelques-uns firent mettre pour empreinte la tête des impératrices. Constantin fit mettre sur quelques-unes la tête de sa mère : et après qu'il eut embrassé le christianisme, il ordonna qu'on marquât d'une croix les pièces de monnaie qu'on fabriquerait dans l'empire.

Les Romains comptaient par deniers, sesterces, mines d'Italie, ou livres romaines, et talents. Quatre sesterces faisaient le denier, que nous évaluerons, monnaie d'angleterre, qui n'est point variable, à sept sols et demi. Suivant cette évaluation 96 deniers, qui faisaient la mine d'Italie, ou la livre romaine, monteront à 3 liv. sterl. et les 72 liv. romaines qui faisaient le talent, à 216 liv. sterling.

J'ai dit que les romains comptaient par sesterces ; ils avaient le petit sesterce, sestercius, et le grand sesterce, sestertium. Le petit sesterce valait à-peu-près 1 d. 3/4 sterling. Mille petits sesterces faisaient le sestertium, valant 8 liv. 1 shell. 5 d. 29 sterling. Mille sestertia faisaient decies sestertium (car le mot de centies était toujours sous-entendu), ce qui revient à 8972 liv. 18 sh. sterling. Centies sestertium, ou centies H-S répondent à 80729 liv. 3. sh. 4 d. sterl. Millies H-S à 807291 liv. 13 sh. 4 d. sterl. Millies centies H-S. a 888020 liv. 16 sh. 8 d. sterl.

La proportion de l'or à l'argent était d'ordinaire de 10 à 1, quelquefois de 11, et quelquefois de 12 à 1. Outre les monnaies réelles d'or et d'argent et de cuivre, je trouve que Martial fait mention d'une menue monnaie de plomb, ayant cours de son temps ; on la donnait, dit-il, pour rétribution à ceux qui s'engageaient d'accompagner les personnes qui voulaient paraitre dans la ville avec un cortege. Mais il est vraisemblable que cette prétendue monnaie de plomb, ne servait que de marque et de mereau, pour compter le nombre des gens qui étaient aux gages de tel ou tel particulier.

Pour empêcher les faux-monnoyeurs de contrefaire certaines espèces d'or ou d'argent, les Romains imaginèrent de les denteler tout au-tour comme une scie ; et on nomma ces sortes d'espèces nummi serrati ; il y a des traducteurs et des commentateurs de Tacite qui se sont persuadés, que nummus serratus était une monnaie qui portait l'empreinte d'une scie ; et cette erreur s'est glissée au moins dans quelques dictionnaires. (D.J.)

MONNOIES DES HEBREUX, DE BABYLONE et d'ALEXANDRIE, (Monnaie anc.) le célèbre Prideaux sera mon guide sur cet article, parce que ses recherches sont vraiment approfondies, et que ses évaluations ont été faites sur les monnaies d'Angleterre, qui ne sont pas variables comme les nôtres.

La manière la plus commune de compter chez les anciens était par talents, et leur talent avait ses subdivisions, qui étaient pour l'ordinaire des mines et des drachmes ; c'est-à-dire que leurs talents étaient composés d'un certain nombre de mines, et la mine d'un certain nombre de drachmes : mais outre cette manière de compter, les hébreux avaient encore des sicles et des demi-sicles, ou des békas.

La valeur du talent des Hébreux est connue par le passage du xxxviij de l'Exode, Ve 25. et 26. car on y lit que la somme que produit la taxe d'un demi-sicle par tête payée par 603550 personnes, fait 301775 sicles ; et cette somme réduite en talents dans ce passage, est exprimée par celle de cent talents, avec un reste de 1775 sicles : il n'y a donc qu'à retrancher ce reste de 1775 sicles du nombre entier 301775, et en divisant les 300000 qui restent par cent, qui est le nombre des talents que cette somme forme dans le calcul de Moïse, on trouve qu'il y avait 3000 sicles au talent.

On sait d'ailleurs que le sicle pesait environ trois schellings d'Angleterre, et Ezéchiel nous apprend qu'il y en avait 60 à la mine ; d'où il suit qu'il y avait 50 mines au talent des Hébreux.

Pour leurs drachmes, l'Evangîle selon S. Matthieu, fait voir que le sicle en contenait quatre ; de sorte que la drachme des Juifs devait valoir 9 sols d'Angleterre : car au chap. XVIIe Ve 34. le tribut que chaque tête payait tous les ans au temple, qu'on sait d'ailleurs qui était d'un demi-sicle, est appelé du nom de didrachme, qui veut dire une pièce de deux drachmes : si donc un demi-sicle valait deux drachmes, le sicle entier en valait quatre. Josephe dit aussi que le sicle contenait quatre drachmes d'Athènes ; ce qu'il ne faut pas entendre du poids, mais de la valeur au prix courant : car au poids la drachme d'Athènes la plus pesante ne faisait jamais plus de huit sous trois huitiemes, monnaie d'Angleterre ; au lieu que le sicle en faisait neuf, comme je l'ai déjà remarqué. Mais ce qui manquait au poids de la drachme attique pour l'égaler à la juive, elle le gagnait apparemment en finesse, et par son cours dans le commerce : en donnant donc neuf sous d'Angleterre d'évaluation à la drachme attique et à la juive, le béka ou le demi-sicle soit un schelin six sous d'Angleterre ; le sicle trois schelins, la mine neuf livres sterling, et le talent 450 livres sterling.

Voilà sur quel pied était la monnaie des Juifs du temps de Moïse et d'Ezéchiel, et c'était la même chose du temps de Josephe. Cet historien dit que la mine des Hébreux contenait deux titres et demi, qui font justement neuf livres sterling ; car le titre est la livre romaine de douze onces, ou de 93 drachmes : par conséquent deux titres et demi contenaient 240 drachmes, qui à neuf sous la pièce, font justement 60 sicles ou 9 livres sterling.

Le talent d'Alexandrie était précisément la même chose : il contenait 12 mille drachmes d'Athènes, qui sur le pied de leur valeur en Judée, faisaient autant de neuf sous d'Angleterre, et par conséquent 450 livres sterling, qui sont la valeur du talent mosaïque. Cependant il faut remarquer ici que quoique le talent d'Alexandrie valut 12000 drachmes d'Athènes, il ne contenait que 6000 drachmes d'Alexandrie ; ce qui prouve que les drachmes Alexandrines en valaient deux de celles d'Athènes. De-là vient que la version des Septante faite par les Juifs d'Alexandrie, rend le mot de sicle dans cet endroit, par celui de didrachme, qui signifie deux drachmes ; entendant par-là des didrachmes d'Alexandrie. En suivant donc ici la même méthode qu'on a suivie pour le talent de Judée, on trouvera que la drachme d'Alexandrie valait 18 sous, monnaie d'Angleterre ; les deux drachmes ou le sicle, qui en font quatre d'Athènes, trois schellings : la mine, qui était de 60 didrachmes ou sicles, neuf livres sterling ; et le talent, qui contenait 50 mines, 450 livres sterling, que font aussi le talent de Moïse et celui de Josephe.

Les Babiloniens comptaient par drachmes, par mines et par talents. La mine de Babylone contenait 116 drachmes d'Athènes, et le talent contenait, selon les uns, 70 mines, ou 8120 drachmes d'Athènes, et selon les autres, il contenait seulement 60 mines, ou 7000 drachmes d'Athènes. il résulte d'après cette dernière évaluation qui me parait la plus vraisemblable, que le talent d'argent de Babylone fait, monnaie d'Angleterre, 218 livres sterling, 15 schellings ; le talent d'or, à raison de 16 d'argent, 3500 livres sterling ; mais, selon le docteur Bernard, qui en a fait l'évaluation la plus juste, le talent d'argent de Babylone revient à 240 livres sterling 12 schellings 6 s. et le talent d'or, à raison de 16 d'argent, revient à 3850 livres sterling.

Tout ce que nous venons de dire ne regarde que l'argent. La proportion de l'or avec ce métal chez les anciens, était d'ordinaire de 10 à 1, quelquefois de 20 à 11, à 12, et même jusqu'à 13. Du temps d'Edouard I. elle était en Angleterre, comme chez les anciens, de 10 à 1 ; mais aujourd'hui elle est montée à 16, et c'est sur ce pié-là qu'on a fait les calculs précédents ; mais ils paraitront encore plus clairs par les tables de ces évaluations que nous allons joindre ici.

Ceux qui désireront de plus grands détails, peuvent consulter le livre de l'évêque Cumberland, des mesures, des poids et de la monnaie des Juifs ; Brerewood, de ponderibus et praetiis veterum nummorum ; Bernard, de mensuris et ponderibus antiquis, et autres savants anglais qui ont traité le même sujet. (D.J.)

MONNOIE REELLE et MONNOIE IMAGINAIRE, (Monnaies) sur le pied qu'est présentement la monnaie, on la divise en monnaie réelle ou effective, et en monnaie imaginaire ou de compte.

On nomme monnaie réelle ou effective, toutes les espèces d'or, d'argent, de billon, de cuivre, et d'autres matières qui ont cours dans le commerce, et qui existent réellement ; tels que sont les louis, les guinées, les écus, les richedales, les piastres, les sequins, les ducats, les roupies, les abassi, les larins, etc.

La monnaie imaginaire ou de compte, est celle qui n'a jamais existé, ou du moins qui n'existe plus en espèces réelles, mais qui a été inventée ou retenue pour faciliter les comptes, en les dressant toujours sur un pied fixe et non variable, comme les monnaies qui ont cours, que l'autorité du souverain peut augmenter ou diminuer à sa volonté.

Il y a cependant encore quelques endroits où des monnaies courantes servent aussi de monnaies de compte. Mais nous ferons un article particulier des principales monnaies de compte de l'Europe et de l'Asie. Voyez MONNOIE de compte des modernes ; c'est assez de dire ici, que la monnaie de compte est composée de certains nombres d'espèces qui peuvent changer dans leur substance, mais qui sont toujours les mêmes dans leur qualité ; par exemple, cinquante livres sont composées de cinquante pièces appelées livres, qui ne sont pas réelles, mais qui peuvent être payées en diverses espèces réelles, lesquelles peuvent changer, comme en louis d'or ou d'argent, qui en France augmentent ou diminuent souvent de prix.

L'on peut considérer plusieurs qualités dans les monnaies réelles ; les unes qui sont comme essentielles et intrinseques aux espèces : savoir, la matière et la forme ; et les autres seulement arbitraires, et en quelque sorte accidentelles ; mais qui ne laissent pas d'être séparables, comme le volume, la figure, le nom, le grenetis, la légende, le millésime, le différent, le point secret et lieu de fabrication. On Ve parler en peu de mots des unes et des autres.

La qualité la plus essentielle de la monnaie est la matière. En Europe on n'y emploie que l'or, l'argent et le cuivre. De ces trois métaux il n'y a plus que le cuivre qu'on y emploie pur ; les autres s'allient ensemble ; l'or avec l'argent et le cuivre, et l'argent seulement avec le cuivre : c'est de l'alliage de ces deux derniers que se compose cette matière ou ce métal qu'on appelle billon. Voyez MONNOIE DE BILLON.

Les degrés de bonté de l'or et de l'argent monnoyés, s'estiment et s'expriment différemment. Pour l'or, on se sert du terme de karats, et pour l'argent, de celui de deniers. Voyez KARAT et DENIER.

Plusieurs raisons semblent avoir engagé à ne pas travailler les monnaies sur le fin, et à se servir d'alliage ; entr'autres le mélange naturel des métaux, la dépense qu'il faudrait faire pour les affiner, la nécessité de les rendre plus durs, pour empêcher que le fret ne les diminue, et la rareté de l'or et de l'argent dans de certains pays.

L'autre chose essentielle à la monnaie, après la matière, est ce que les Monnoyeurs appellent la forme, qui consiste au poids de l'espèce, en la taille, au remède de poids, en l'impression qu'elle porte, et en la valeur qu'on lui donne.

Par le poids, on entend la pesanteur que le souverain a fixée pour chaque espèce ; ce qui sert, en les comparant, à reconnaître celles qui sont altérées ; ou même les bonnes d'avec celles qui sont fausses, ou fourrées.

La taille est la quantité des espèces que le prince ordonne qui soient faites d'un marc d'or, d'argent ou de cuivre.

Le remède de poids est la permission qui est accordée aux maîtres des monnaies, de pouvoir tenir le marc d'espèces plus faible d'une certaine quantité de grains que le poids juste, ce qui s'appelle foiblage.

L'impression, qu'on nomme aussi image, est l'empreinte que reçoit chaque morceau de métal ; la marque qui lui donne cours dans le public, qui le fait devenir denier de monnayage, en un mot qui le fait pièce de monnaie ; marque sans laquelle il n'est qu'un simple morceau d'or, d'argent ou de cuivre, qui peut bien être employé à divers ouvrages, ou vendu pour une autre marchandise, mais non pas être reçu sur le pied de ceux qui portent cette impression ordonnée par le souverain.

Enfin la valeur de la monnaie, c'est le pied sur lequel les espèces sont reçues dans le commerce, pied différent de leur prix intrinseque ; à cause qu'outre la valeur de la matière, les droits du prince qu'on appelle seigneuriage, et les frais de la fabrication, qu'on nomme brassage, y doivent être ajoutés.

A l'égard des qualités moins essentielles, le volume de la monnaie n'est autre chose que la grandeur et l'épaisseur de chaque pièce. La figure, c'est cette forme extérieure qu'elle a à la vue ; ronde en France ; irrégulière et à plusieurs angles en Espagne ; carrée en quelques lieux des Indes ; presque sphérique dans d'autres, ou de la forme d'une petite navette en plusieurs.

Le nom lui vient, tantôt de ce que représente l'empreinte, comme les moutons et les angelots ; tantôt du nom du prince, comme les Louis, les Philippes, les Henris ; quelquefois de leur valeur, comme les quarts d'écus et les pièces de douze sous ; et d'autres fois du lieu où les espèces sont frappées, comme autrefois les parisis et les tournois.

Le grenetis est un petit cordon fait en forme de grain, qui règne tout-au-tour de la pièce, et qui enferme les légendes des deux côtés. Outre l'ornement que les pièces en reçoivent, il rend plus difficîle l'altération des monnaies, qui se fait par la rognure. On a depuis ajouté les légendes, ou les cordonnets sur la tranche, qui achevent de rendre cette sorte d'altération impossible.

La légende est l'inscription qui est gravée d'un côté autour de l'effigie, et de l'autre autour de l'écusson, ou qui quelquefois remplit tout un des côtés d'une pièce de monnaie. On vient de dire qu'il y a une troisième légende qui se met sur la tranche. La légende de l'effigie contient le nom et les qualités du prince qui y est représenté ; les autres sont souvent composées de quelque passage de l'Ecriture-sainte, ou de quelques mots, comme ceux des devises, ou même du prix de la pièce, on ne parle que de ce qui se pratique présentement en Europe.

Le millésime marque l'année que chaque pièce a été frappée. Depuis l'ordonnance de Henri II, de 1549, elle se met dans ce royaume en chiffres arabes du côté de l'écusson : auparavant on ne connaissait guère le temps du monnayage que par le nom du prince, ou par celui des monétaires.

Le différent est une petite marque que les tailleurs particuliers et les maîtres des monnaies choisissent à leur fantaisie ; comme un soleil, une rose, une étoile, un croissant, etc. Elle ne se peut changer que par l'ordre de la cour des monnaies ou des juges-gardes. Elle se change nécessairement à la mort des tailleurs et des maîtres, ou quand il y a de nouveaux juges-gardes ou essayeurs.

Le point secret était autrefois un point qui n'était connu que des officiers de chaque monnaie. Il se mettait sous quelque lettre de légendes, pour indiquer le lieu des fabriques. Le point secret de Paris se plaçait sur le dernier e de benedictus, et celui de Rouen, sous le b du même mot. Ce point n'est plus d'usage : on se contente précisément de la lettre de l'alphabet romain que les ordonnances de nos rois ont attribuée à chaque ville de ce royaume où il se fabrique des monnaies.

Enfin, les monnaies réelles peuvent être fausses, altérées, fourrées, faibles.

La fausse monnaie est celle qui n'est pas fabriquée avec les métaux ordonnés par le souverain ; comme seraient les louis d'or de cuivre doré, des louis d'argent d'étain couverts de quelques feuilles de fin.

La monnaie altérée est celle qui n'est pas faite au titre, et du poids porté par les ordonnances, ou qui ayant été fabriquée de bonne qualité, a été diminuée de son poids, en la rognant, en la limant sur la tranche, ou en enlevant quelque partie de la superficie avec de l'eau régale si c'est de l'or, ou avec de l'eau forte si c'est de l'argent.

La monnaie fourrée est celle qui tient pour ainsi dire, le milieu entre la fausse monnaie et la monnaie altérée. Elle est faite d'un morceau de fer, de cuivre, ou de quelqu'autre métal que le faux-monnoyeur couvre des deux côtés de lames d'or ou d'argent, suivant l'espèce qu'il veut contrefaire, et qu'il soude proprement et avec justesse au-tour de la tranche. Le faux-flaon se frappe comme les véritables, et peut même recevoir la légende et le cordonnet de la tranche. On ne peut découvrir la fausseté de ces sortes de pièces que par le poids, ou par le volume, qui est toujours plus épais ou plus étendu que dans les bonnes espèces.

La monnaie faible est celle où il y a beaucoup d'alliage ; et la monnaie forte, celle où il y en a le moins.

On appelait autrefois monnaie blanche, celle d'argent, et monnaie noire celle de billon. M. Boizard vous expliquera tous les autres termes qui ont rapport aux monnaies : consultez-le.

Quant au monnayage, au marteau et au moulin, voyez-en l'article.

Plusieurs savants ont traité des monnaies réelles et fictives, tant de celles des anciens, que de celles des modernes : par exemple, Freherus Agricola, Spanheim, Sueldius, Selden, etc. en France, Budé, Dumoulin, Sarot, Ducange, Bouteroue, le Blanc, Boizard, Dupré-de-saint-Maur ; en Angleterre, Brerewood, Bernard, Locke, Arbuthnot, et autres. (D.J.)

MONNOIE BRACTEATE, (Monnaies). Les antiquaires désignent sous le nom de bractéates une espèce de monnaie du moyen âge, dont la fabrique offre des singularités remarquables à certains égards, malgré la légèreté du poids et les défauts du travail.

Ce sont des pièces, ou plutôt de simples feuilles de métal, chargées d'une empreinte grossière ; la plupart sont d'argent, presque toutes frappées en creux, et par conséquent sur un seul côté : plusieurs ne paraissent l'avoir été que sur des coins de bois. L'origine n'en remonte point au-delà des siècles barbares : communes en Suède, en Danemark et dans les diverses provinces de l'Allemagne, où l'usage s'en est perpétué longtemps, elles sont très-peu connues dans les autres pays de l'Europe.

Par-tout où ces monnaies eurent cours, on doit les y regarder comme une production de l'art ou naissant ou dégénéré : ce sont des ébauches qui suffiraient seules à caractériser le mauvais goût et l'ignorance des temps écoulés entre la chute et la renaissance des Lettres. Mais il n'est point d'objet indifférent pour la vanité des hommes. L'origine des monnaies bractéates se trouve revendiquée par tous les peuples qui s'en sont servis, sans doute comme le monument d'une antiquité respectable, dont ils craient tirer quelqu'avantage sur leurs rivaux et leurs voisins. Cette diversité de sentiments a fait de l'époque de ces monnaies un problème dont la solution demande un examen épineux.

En 1751 le hasard fit naître à M. Schoepflin l'idée d'approfondir la question, et de communiquer à l'académie de Paris ses recherches et ses vues sur cette matière, dont nous allons faire usage.

On découvrit en 1736 un dépôt de monnaies bractéates dans le monastère de Guengenbach, abbaye du diocèse de Strasbourg, au-delà du Rhin, par rapport à nous, et l'une des plus anciennes de l'ordre de saint Benait. On y trouva deux petites urnes grises de terre cuite, posées l'une auprès de l'autre, dans un mur qui parait avoir fait partie d'un tombeau. De ces vases, l'un ne contenait que des charbons, l'autre renfermait plusieurs monnaies bractéates : chaque vase avait pour couvercle un morceau de brique.

Ces sortes de monnaies sont assez rares : elles avaient trop peu de solidité pour être durables. Toutes celles qui n'ont pas été renfermées dans des vases se sont détruites, parce qu'elles n'étaient point en état de se préserver par elles-mêmes d'un déchet prompt dans la matière, et d'une altération plus prompte encore dans la forme. Quoique plus communément répandues en Allemagne qu'ailleurs, ce n'est pourtant point en Allemagne que l'usage s'en est d'abord établi.

Ce serait même par une interprétation forcée de quelques termes obscurs, qu'on leur assignerait, avec Tilemann Frise, une origine antérieure à l'ère chrétienne. D'autres écrivains la placent cette origine au VIIe siècle depuis Jesus-Christ ; leur opinion est plus vraisemblable, mais sans être mieux fondée. Les lois des Saliens, des Ripuaires, des Visigoths, des Bavarais et des Lombards, lois dépositaires de leurs usages, fournissent par leur silence une preuve sans réplique que ces peuples n'ont point connu les bractéates ; dont la forme n'a nul rapport avec celle des sols et des deniers mentionnés dans ces lais, ainsi que dans les capitulaires. Elle n'en a pas davantage avec la forme de ces pièces, dont Justinien parle dans sa novelle 105, sous le nom de caueii, auquel les auteurs de la basse latinité paraissent attacher la même idée qu'au mot scyphati. Cette monnaie grecque n'était pas toujours mince ; et lors même qu'elle l'était le plus, elle ne le fut jamais autant que les bractéates.

Le sentiment le plus commun attribue l'origine de ces dernières aux Allemands, et la fixe au temps des empereurs Othons ; ce qui donnerait le Xe siècle pour époque aux bractéates. Plusieurs inductions tirées de faits incontestables, semblent d'abord favoriser ce système, adopté par Olearius, par Ludwig, par Doederlin, et plusieurs autres savants. Ce fut sous l'empire des Othons que les mines d'argent se découvrirent en Allemagne. Du temps de Tacite la Germanie intérieure ne connaissait point l'argent ; si l'usage en a pénétré depuis dans cette contrée, c'est par les François conquérants des Gaules qu'il y fut introduit. Mais les monnaies d'argent que ceux-ci répandirent de leurs nouvelles habitations dans leurs anciennes demeures, n'étaient point des bractéates ; elles étaient de l'espèce qui sous les rois Carlovingiens s'appelait monnaie palatine, moneta palatina, parce que ces princes la faisaient fabriquer dans leur palais même. Leurs monétaires les suivaient partout ; ils allaient avec la cour d'une résidence à l'autre, tantôt en-deçà, tantôt en-delà du Rhin, et partout ils frappaient au coin du monarque des pièces dont le poids et la solidité suffisent pour nous empêcher de les confondre avec les bractéates, plus minces sans comparaison. Ce n'est donc qu'après l'extinction de la race Carlovingienne que l'Allemagne a fait usage de cette monnaie légère ; c'est donc aux règnes des Othons qu'il faut en placer l'origine : ainsi raisonnent Oléarius et ses partisans.

Cette conséquence serait bonne si les bractéates avaient en effet pris naissance en Allemagne ; mais si elles sont venues d'ailleurs, elles peuvent avoir été plus anciennes que le Xe siècle, et c'est ce que pense M. Schoepflin, qui ne donne cependant son opinion que pour une conjecture, mais qui fonde cette conjecture sur des monuments.

Les cabinets de Suède et de Danemark lui ont présenté des bractéates d'un temps plus réculé que celles d'Allemagne ; il en conclud que l'usage en a commencé dans le Danemark et dans la Suède. Selon lui, c'est la Suède qui la première a fabriqué ces sortes de monnaies. Elias Brenner, fameux antiquaire suédois, a produit une bractéate du roi Biorno I. contemporain de Charlemagne, avec le nom de ce prince pour légende. Brenner rapporte que de son temps on découvrit à Stockholm des deniers de Charlemagne, avec lesquels ces monnaies de Biorno paraissent avoir quelque trait de ressemblance. M. Schoepflin en conclud que ces derniers ont servi de modèle aux bractéates suédoises pour l'empreinte, non pour l'épaisseur, car la rareté de l'argent dans tout le Nord y fit réduire les sols à une feuille très-mince.

De la Suède, l'usage des bractéates se transmit en Danemark, et par la suite aux provinces de l'empire Germanique.

Nous avons déjà remarqué que les bractéates sont plus communes en Allemagne qu'ailleurs : la raison en est simple ; c'est une suite de la constitution même de l'état Germanique, composé d'un nombre infini de souverains, et de plusieurs cités libres qui sous différents titres ont joui du droit de battre monnaie, prodigué par les successeurs de Charlemagne, avec tant d'autres droits régaliens.

C'est au Xe siècle que l'usage des bractéates est devenu commun dans la Germanie, du-moins l'époque de celles qu'on a découvertes ne remonte point au-delà; ni le cabinet du duc de Saxe-Gotha, ni celui de l'abbaye de Gottian en basse Autriche, les deux plus riches dans ce genre que connaisse M. Schoepflin n'offrent point de bractéates plus anciennes.

Les mines d'argent découvertes alors en basse Saxe, n'empêchèrent point cette monnaie faible de s'introduire dans le pays et de s'y perpétuer. D'autres provinces d'Allemagne ont aussi leurs mines d'argent, trouvées peu après celle de la basse Saxe : l'Alsace a les siennes ; cependant ces provinces et l'Alsace ont fabriqué longtemps des bractéates. Strasbourg a continué jusqu'au XVIe siècle, et la ville de Bâle persévère encore aujourd'hui dans cet usage, qui atteste peut-être moins l'indigence des siècles barbares, que la méfiance des anciens allemands, en garde alors, comme au temps de Tacite, contre les monnaies fourrées.

Tilemann Frise et Doèderlin prétendent que les premières bractéates sont les plus fines, et qu'insensiblement le titre s'en est altéré de plus en plus. Cela se peut ; cependant les bractéates trouvées par M. Schoepflin sont presque toutes de différent titre, quoique toutes paraissent du même âge. Ce sont les Italiens qui portèrent en Allemagne l'art des alliages ; par la suite le cuivre a tellement prévalu dans quelques pièces de cette monnaie que les antiquaires ont cru trouver des bractéates de bronze. M. Schoepflin en a Ve quelques-unes en or, mais elles ne sont pas fort anciennes ; il en connait aussi quelques-unes de bi-latérales, mais elles sont si rares, que cette exception n'empêche pas qu'on ne doive, généralement parlant, définir les bractéates des monnaies à feuilles d'argent frappées en creux sur un seul côté.

La forme en est communément ronde, mais souvent cette feuille de métal est coupée avec tant de négligence, qu'on la prendrait pour un carré très-irrégulier. La grandeur a beaucoup varié ; on en distingue jusqu'à douze modules différents, dont le plus grand excède la circonférence des contorniates des empereurs, et le plus petit est égal au petit bronze du bas-empire. Ni ces divers modules, ni ces divers allais ne sont spécialement affectés à certains états de l'empire plutôt qu'à d'autres. Les empereurs, les princes ecclésiastiques et séculiers, les villes impériales, en ont frappé de grandes et de petites indifféremment. Les premières n'ayant point une épaisseur proportionnée à leur diamètre, étaient encore moins propres que les secondes au commerce ; aussi pourrait-on croire que c'était des médailles plutôt que des monnaies. A dire le vrai, ni les unes ni les autres ne pouvaient longtemps se conserver, ni par conséquent être d'un grand usage. Mais nous savons qu'alors les sommes un peu considérables se payaient en argent non monnoyé, par marcs et par livres.

De ce que tous les souverains d'Allemagne, empereurs, rais, ducs, évêques, abbés, marggraves, landgraves, comtes, villes libres ont à l'envi fait frapper des bractéates, il en résulte, sans que nous ayons besoin d'insister sur cette conséquence, que les types en sont extrêmement variés. On y trouve des figures d'hommes, d'animaux, des symboles, des armoiries, des édifices, des marques de dignité de toute espèce ; mais les plus communes, selon M. Schoepflin, sont les bractéates ecclésiastiques. Voyez l'histoire de l'académie des Inscriptions, tome XXXIII. in 4°. (D.J.)

MONNOIES DE COMPTE DES MODERNES, (Commerce) Parcourons rapidement les monnaies de compte de l'Europe et de l'Asie : l'Amérique n'en a point de particulières, car les nations européennes qui y ont des établissements, y ont porté les leurs, et ne se servent que de la manière de compter usitée dans les états des princes d'où sont sorties leurs colonies.

A l'égard de l'Afrique, les villes de Barbarie et celles de l'Egypte où les Européens font commerce, ne comptent guère autrement que dans le Levant et dans les états du grand-seigneur ; pour le reste de cette grande étendue de côtes où se fait la traite des negres et le négoce du morfil, de la poudre d'or, de la cire, des cuirs, et de quelques autres marchandises, leurs misérables habitants ne connaissent point ce que c'est que monnaie de compte, ou s'ils en ont présentement, ce sont celles que les étrangers qui se sont établis parmi eux y ont portées. Nous dirons néanmoins un mot à la fin de cet article, de la macoute et de la pièce, manières de compter de quelques-uns de ces barbares, qui peuvent en quelque sorte passer pour monnaie de compte.

En France l'ancienne monnaie de compte était le parisis, le tournois, et l'écu d'or au soleil ; aujourd'hui on n'y compte plus qu'en livres, sols et deniers tournois : la livre vaut 20 sols, et le sol 12 deniers.

En Angleterre, la monnaie de compte est la livre, le schelling, et le sol sterling, the pound, shilling, and penny sterling : la livre sterling contient 20 schellings, et le schelling 12 sols.

En Espagne, les monnaies de compte sont le peso, le ducat d'argent et de vellon, la réale de vellon, le cornados et le maravédis d'argent et de vellon. Le peso est au ducat comme 12 à est 10 ; le ducat d'argent contient 11 réales d'argent, et le ducat de vellon contient 11 réales de vellon, ce qui fait une différence de près d'une moitié. La réale d'argent court dans le commerce pour 7 schellings sterling, et celle de vellon court seulement pour 3 schellings 8 deniers sterlings ; 34 maravedis font la réale de vellon, et 63 celle d'argent. Le maravedi se divise en 4 cornados.

En Hollande, en Zéelande, dans le Brabant et à Cologne, on se sert pour compter de la livre, sols et deniers de gros. La livre de gros contient 20 sols, et le sol 12 deniers ; la livre de gros répond à 10 schellings 3/16 sterlings. L'on compte aussi dans ces mêmes pays par florins ou guilders, patard et pennins. Le florin vaut 20 patards, et le patard 12 pennins.

En Suisse ou dans plusieurs des principales villes d'Allemagne, entr'autres à Francfort, on se sert pour monnaie de compte de florins, mais qui sont sur un autre pied qu'en Hollande, de creutzers et de pennins. Le florin est égal à trois schellings sterlings ; ils se divise en 60 creutzers, et le creutzer en 8 pennins. Dans d'autres villes d'Allemagne, comme à Nuremberg, on compte par richedallers, par florins et par creutzers ; la richedaler vaut 4 schellings 8 deniers sterlings : elle se divise en 100 creutzers, et le creutzer en 8 pennins. Dans d'autres villes, comme à Hambourg, Berlin, etc. on compte par richedallers, marcs, lubs, sols lubs et deniers lubs. La richedaler vaut 4 schellings 6 deniers sterlings ; elle se divise en 3 marcs, le marc en 3 sols lubs, et le sol en 12 deniers lubs. On compte aussi à Hambourg en livres, sols et deniers de gros. Je n'entrerai point dans le détail des autres monnaies de compte de ces pays-là.

En Italie, les monnaies de compte sont presqu'aussi différentes qu'il y a de villes de commerce. A Rome on compte par écu, livre, sols et deniers d'or, di stampa. A Venise on compte par ducats et gros de banque, ou, comme ils disent, di banco. Le ducat se divise en 24 gros, et chaque gros vaut 2 sols 1/2 sterlings. On compte encore à Vénise par ducats courants, livres, sols et deniers ; le ducat courant, autrement nommé sequin, vaut 9 shellings 2 deniers sterlings. Livourne et Gènes ont leurs piastres, outre leurs livres, sols et deniers : leur piastre est équivalente à 4 shellings 6 deniers sterlings. A Naples on compte par ducats, grains et tarins ; le tarin est égal à 1 shelling sterling et se divise en 20 grains.

A Messine, à Palerme, et dans toute la Sicîle ; on compte par livres, onces, tarins, grains et picolis, qu'on rassemble par 6, 20 et 30. L'once contient 30 tarins, le tarin 20 grains, et le grain 6 picolis. A Malte, on compte par livres, onces, carlins, et grains : l'once renferme 30 tarins ou 60 carlins, ou 600 grains ; le carlin est égal à 6 d. 1/4 sterl.

Dans toute la Pologne, à Dantzic, aussi-bien qu'à Berlin, et dans la plupart des états du roi de Prusse, les monnaies de compte sont les richedallers, les roups, et les grochs. La richedaler est égale à 4 sch. 6 d. sterl. et se divise en 32 roups, et en 90 grochs dans la Pologne, ou en 24 grochs dans les états de Prusse.

Les monnaies de compte en Suéde, sont par dalles d'argent ou de cuivre. Les dalles d'argent valent 32 sols lups, ou 3 sch. sterl. Les Danois comptent par rixdalers, et par sols ; leur rixdaler se divise en 38 sols.

Les Moscovites ont leurs roubles, leurs altins et leurs grifs : le rouble est égal à 100 copecs, ou à 2 richedallers, ou à 9 sch. sterl. il se divise en 10 grifs, 3 altins 1/3 font le grif ou copec ; le copec vaut 13 sols 3/4 sterl.

L'empire du Turc, soit en Europe, soit en Asie, soit en Afrique, a pour manière de compte, ce qu'on appelle des bourses ; les unes d'argent qui sont les plus communes, les autres d'or, dont on ne se sert que dans le serrail, et des demi-bourses qu'on nomme rizès : la bourse d'argent est égale à 112 liv. 10 sch. sterl. la demie vaut à proportion : la bourse d'or contient 15 mille séquins, et vaut 6750 liv. sterl. ; mais de telles bourses ne sont d'usage que pour des présents extraordinaires, de sorte que le mot bourse, signifie bourse d'argent. On les appelle ainsi, parce que tout l'argent du trésor du serrail se met dans des sacs ou bourses de cuir. Les marchands dans les états du grand seigneur, comptent par daller d'Hollande, qu'ils nomment autrement astani ou abouquels, par meideius et par aspres. Le thaler ou piastre vaut 35 meideius ; le meideiu vaut 3 aspres, et l'aspre est égal à un demi sol sterl.

En Perse, la monnaie de compte est le man, qu'on nomme plus communément toman ou tumein, et le dinar-bisti ; le toman est composé de 50 abassis, ou de cent mamodis, de 200 chapes, ou de 10 mille dinars-bisti ; de sorte qu'en mettant le dinar-bisti sur le pied d'un denier, le toman revient à 3 liv. 12 sch. 6 d. sterl. On compte aussi en Perse, par larins, particulièrement à Ormus, et sur les côtes du golfe Persique : le larin est équivalent à 11 sols sterl., et c'est sur ce pied qu'il est d'usage parmi les Arabes, et dans une grande partie du continent des Indes orientales.

Dans la Chine, le pic, le picol et le tach, qui sont des poids, servent en même-temps de monnaies de compte, ce qui s'étend jusques dans le Tunquin. Le pic se divise en 100 catis, quelques-uns disent 125 : le catis se partage en 16 tachs, chaque tach est égal à une once deux drachmes ; le picol contient 66 catis 3/4 ; le tach équivaut à 6 sch. 8 d. sterl.

Le Japon a pour monnaie de compte, ses schuites, ses cockiens, ses oubans et ses taèls ; 200 schuites sont égales à 500 florins d'Hollande ; le cockien vaut 10 florins des Pays-Bas ; 1000 oubans font 45 mille taels.

A Surate, à Agra, et dans le reste des états du grand mogol, on compte par lacres ou lacs, ou par lechs ; un lac de roupies fait 100 milles roupies.

Au Malabar et à Goa, on se sert pour monnaies de compte, de tangas, de vintins, et de pardoas-xerafins : le tanga est de deux espèces, savoir de bon ou de mauvais aloi ; quatre tangas de bon aloi valent un pardaos-xerafin, au lieu qu'il en faut 5 de mauvais aloi ; 15 barucos font un vintin, le baruco est 1/13 de sols sterl.

L'île de Java a ses santas, ses sapacou, ses caxas, ses fardos et ses catis. Le santa vaut 200 caxas, qui sont de petites pièces du pays enfilées dans un cordon ; la valeur de chaque caxas répond à 1/10 de sols sterl. 5 santas font le sapacou. Le fardos vaut 2 sch. 8 d. sterl. ; le cati contient 20 taels ; le tael vaut 6 sch. 8 d. sterl.

Il y a plusieurs autres iles, villes et états des Indes orientales, dont nous ne rapportons point ici les monnaies de compte, soit parce qu'elles se réduisent à quelques-unes de celles dont nous avons parlé, soit parce que les auteurs ne s'accordent point dans le récit qu'ils en font.

Il nous reste pour remplir notre promesse, à dire un mot des monnaies de compte d'Afrique. Du cap Verd au cap de bonne-Espérance, tous les échanges et les évaluations des marchandises se font par macoutes et par pièces. A Loango de Boirée et quelqu'autres lieux de la côte d'Angola, les estimations se font par macoutes. A Masimbo et Cabindo qui sont aussi sur la même côte, les negres comptent par pièces. Chez les premiers, la macoute est équivalente à 10, et dix macoutes font 100 ; chez les autres la pièce vaut 1, mais elle s'augmente par addition, jusqu'à tel nombre qu'il convient pour la traite des marchandises d'Afrique, et leur échange contre celles d'Europe. Supposez donc qu'ils aient fixé leur esclave à 3500, ce qui revient à 305 macoutes ; pour faire ce nombre de macoutes en marchandises d'Europe, chaque espèce de ces marchandises a son prix aussi en macoutes.

Par exemple, deux couteaux flamants se comptent une macoute ; un bassin de cuivre de deux livres pesant, vaut trois macoutes ; un fusil s'estime 30 macoutes, une pièce de salampouris bleu 120 macoutes, ainsi du reste ; ensuite de quoi, les negres prennent sur cette évaluation autant de ces marchandises qu'il en faut pour 305 macoutes, à quoi ils ont mis leur esclave, il en est de même de la pièce : les naturels du pays évaluent leur esclave à 10 pièces ; ainsi les Européens mettent, par exemple, un fusil pour valoir 1 pièce, une pièce de salampouris bleu pour 4 pièces, etc.

Enfin, on sait que les coquillages qu'on appelle bouges, en Afrique, cauris aux Indes, servent de menue monnaie. Le cacao pareillement sert de menue monnaie en Amérique ; le mays et les amandes de lar, en servent en plusieurs endroits des Indes orientales. (D.J.)

MONNOIES, COURS DES, sont des cours souveraines qui connaissent en dernier ressort et souverainement de tout ce qui concerne les monnaies et leur fabrication, comme aussi de l'emploi des matières d'or et d'argent ; et de tout ce qui y a rapport tant au civil qu'au criminel, soit en première instance, soit par appel des premiers juges de leur ressort.

Originairement, la cour des monnaies de Paris était seule, et avait tout le royaume pour ressort jusqu'en 1604. que fut créée la cour des monnaies de Lyon.

Cour des monnaies de Paris. La fabrication des monnaies, ainsi que l'emploi des matières d'or et d'argent, sont de telle importance, que les souverains ont eu dans tous les temps des officiers particuliers pour veiller sur les opérations qui y avaient rapport, et sur ceux qui étaient préposés pour y travailler.

Chez les Romains, il y avait trois officiers appelés triumviri mensarii seu monetarii, qui présidaient à la fabrication des monnaies ; ces officiers faisaient partie des centumvirs, et étaient tirés du corps des chevaliers.

Il parait que cette qualité leur fut conservée jusqu'au règne de Constantin, qui après avoir supprimé les triumvirs monétaires, créa un intendant des finances, ayant aussi l'intendance des monnaies auquel on donna le nom de comes sacrarum largitionum.

Cet officier avait l'inspection sur tous ceux qui étaient préposés pour la fabrication des monnaies, il était aussi le dépositaire des poids qui servaient à peser l'or et l'argent, et c'était par son ordre qu'on envoyait dans les provinces des poids étalonnés sur l'original, comme il se pratique actuellement à la cour des monnaies, seule dépositaire du poids original de France.

Telle était la forme du gouvernement des Romains, par rapport aux monnaies ; lorsque Pharamond, premier roi en France s'empara de Trèves qui leur appartenait ; il suivit, ainsi que ses successeurs, la police des Romains pour les monnaies.

Vers la fin de la première race, il y avait des monnaies dans les principales villes du royaume, qui étaient sous la direction des ducs et comtes de ces villes, mais toujours sous l'inspection du comes sacrarum largitionum, ou des généraux des monnaies que le bien du service obligea de substituer à l'intendant général.

Ces généraux des monnaies furent d'abord appelés monetarii, on les appelait en 1211. et dans les années suivantes, magistri monetae, et en français, maîtres des monnaies ; ces maîtres étaient d'abord tous à la suite de la cour, parce qu'on ne fabriquait les monnaies que dans le palais des rois ; ils étaient commensaux de leur hôtel, et c'est de-là que les officiers de la cour des monnaies tirent leur droit de committimus.

Depuis que Charles le Chauve eut établi huit hôtels des monnaies, il y eut autant de maîtres particuliers des monnaies au-dessus desquels étaient les autres maîtres, qu'on appela pour les distinguer, maîtres généraux des monnaies par-tout le royaume de France, ou généraux maîtres ou généraux des monnaies.

En 1359, le roi les qualifiait de ses conseillers, ils sont même qualifiés de présidents dans des lettres de Charles le Bel de 1322, et dans des comptes de 1473 et 1474, ils sont qualifiés de sires.

Le nombre des généraux des monnaies a beaucoup varié : ils étaient d'abord au nombre de trois, et c'est dans ce temps, qu'ils furent unis et incorporés avec les maîtres des comptes qui n'étaient pareillement qu'au nombre de trois, et avec les trésoriers des finances qui étaient aussi en pareil nombre, et placés dans le palais à Paris, au lieu où est encore présentement la chambre des comptes.

Ces trois juridictions différentes qui composaient anciennement la chambre des comptes, connaissaient conjointement et séparément, suivant l'exigence des cas du maniement et distribution des finances, de celui du domaine qu'on appelait trésor des monnaies d'où a été tirée la chambre des monnaies ; cela se justifie par diverses commissions, dont l'adresse leur était faite en commun par nos rais.

Les généraux des monnaies avaient dans l'enceinte de la chambre des comptes leur chambre particulière, dans laquelle ils s'assemblaient pour tout ce qui concernait le fait de leur juridiction, et même pour y faire faire les essais et épreuves des deniers des boites qui leur étaient apportées, par les maîtres et gardes de toutes les monnaies du royaume.

Constant qui écrivait en 1653, dit qu'il n'y avait pas longtemps que l'on voyait encore dans cette chambre des vestiges de fourneaux, où les généraux faisaient faire les essais des deniers des boites et deniers courants.

Il y a même actuellement dans l'intérieur de la cour des monnaies, un endroit destiné à faire lesdits essais.

En 1296, il y avait quatre généraux, dont un était maître de la monnaie d'or ; on n'en trouve plus que trois en 1315, ils étaient quatre en 1346 ; l'année suivante ils furent reduits de même à quatre par Charles V. alors régent du royaume ; il établit en 1358 un gouverneur et souverain maître des monnaies du royaume, mais son administration dont on ne fut pas content ne dura qu'un an ; il y en eut cependant encore un semblable en 1364.

Pour ce qui est des généraux, ce même prince en mit un cinquième en 1359 ; et dans la même année il en fixa le nombre à huit, dont six étaient pour la langue d'Oil en pays coutumier, et résidaient à Paris, les deux autres étaient pour rendre la justice en qualité de commissaires dans les provinces de la langue d'Oc ou pays de droit écrit.

Les trois corps d'officiers qui se réunissaient à la chambre des comptes, ayant été augmentés, cela donna lieu à leur séparation, ce qui arriva vers 1358, alors la chambre des monnaies fut placée au-dessus du bureau de la chambre des comptes, aussi-bien que leur greffe et parquet, et ce tribunal tint en cet endroit ses séances jusqu'en 1686, que la cour des monnaies fut transférée au pavillon neuf du palais du côté de la place Dauphine, où elle commença à tenir ses séances au mois d'Octobre de ladite année ; et depuis ce temps, elle les a toujours tenues dans le même lieu.

Pour revenir aux généraux, l'augmentation qui avait eu lieu fut confirmée par le roi Jean en 1361, et ils demeurèrent dans le même nombre de huit, jusqu'à ce que Charles V. en 1378 les réduisit à six. Charles VI en 1381, n'en nomma que cinq en titre, et un sixième pour suppléer en l'absence d'un des cinq qui était échevin. Ils furent cependant encore depuis au nombre de six, et même en 1388 Charles VI. ordonna qu'il y en aurait huit ; savoir, six pour la langue d'Oil, et deux pour la langue d'Oc : il réduisit en 1400 ceux de la langue d'Oil à quatre, et confirma ce même nombre en 1413.

Lorsque les Anglais furent maîtres de Paris sous Charles VI. les généraux des monnaies transférèrent leur chambre à Bourges, où elle demeura depuis le 27 Avril 1418, jusqu'en 1437 qu'elle fut rétablie à Paris après l'expulsion des Anglais ; il y eut néanmoins pendant ce temps une chambre des monnaies, tenue à Paris par deux généraux et un commissaire extraordinaire qui étaient du parti des Anglais.

Tous ces officiers étant réunis, lorsque la chambre fut rétablie à Paris, Charles VII. trouva qu'ils étaient en trop grand nombre ; c'est pourquoi en 1443 il les réduisit à sept, ce qui demeura sur ce pied jusqu'en 1455 qu'il les réduisit à quatre.

Louis XI. les maintint de même ; mais Charles VIII. en 1463 en fixa le nombre à six, et en 1494 il en ajouta deux.

Ce nombre de huit ne paraissant pas suffisant à François premier, il créa en 1522 un président et deux conseillers de robe-longue, ce qui faisait en tout onze personnes, un président et dix conseillers.

Les premiers généraux des monnaies jugeaient et connaissaient de la bonté des monnaies de nos rais, et même de celles des seigneurs auxquels nos rois avaient accordé la permission de faire battre monnaie ; c'était les généraux qui reglaient le poids, l'aloi, et le prix des monnaies de ces seigneurs, et qui pour cet effet en faisaient la visite.

Du temps de Philippe-le-Bel les seigneurs hauts-justiciers connaissaient, dans leurs terres, des abus que l'on faisait des monnaies ; soit en en fabriquant de fausses, ou en rognant les bonnes, ils pouvaient faire punir le coupable, Philippe-le-Bel accorda même aux seigneurs hauts-justiciers la confiscation des monnaies décriées que leurs officiers auraient saisies, il ne leur en accorda ensuite que la moitié.

Mais le roi connaissait seul par ses officiers des contestations pour le droit de battre monnaie, ils avaient aussi seuls la connaissance et la punition des coupables pour monnaies contrefaites à son coin, et les officiers que les seigneurs nommaient pour leurs monnaies devaient être agréés par le roi, et reçus par les généraux.

Philippe-le-Bel, Louis Hutin, Philippe-le-Long, Charles IV. Philippe de Valais, Charles VII. et en dernier lieu François premier, ayant ôté aux seigneurs le droit de battre monnaie, les généraux des monnaies, et autres officiers royaux qui leur étaient subordonnés, furent depuis ce temps les seuls qui eurent connaissance du fait des monnaies.

Charles V. étant régent du royaume, renouvella les défenses qui avaient été faites à tous juges de connaître des monnaies, excepté les généraux et leurs députés.

Ces députés étaient quelques-uns d'entr'eux qu'ils envoyaient dans les provinces pour empêcher les abus qui se commettaient dans les monnaies éloignées de Paris ; ils allaient deux de compagnie, et avaient outre leurs gages des taxations particulières pour les frais de leurs voyages et chevauchées. Leur équipage était réglé à trois chevaux et trois valets ; ils devaient visiter deux fois l'an chaque monnaie.

La juridiction des généraux des monnaies s'étendait, comme fait encore celle de la cour des monnaies, privativement à tous autres juges, sur le fait des monnaies et fabrication d'icelle, baux à fermes des monnaies, et réceptions de cautions, sur les maîtres officiers, ouvriers et monnoyers, soit pour le poids, aloi, et remède d'icelles, pour le cours et prix des monnaies, tant de France qu'étrangères, comme aussi pour régler le prix du marc d'or et d'argent, faire observer les édits et règlements sur le fait des monnaies par les maîtres et officiers d'icelles, Changeurs, Orfèvres, Jouailliers, Affineurs, Orbateurs, Tireurs et Ecacheurs d'or et d'argent, Lapidaires, Merciers, Fondeurs, Alchimistes, officiers des mines, Graveurs, Doreurs, Horlogers, Fourbisseurs, et généralement sur toutes sortes de personnes travaillant ou trafiquant en matières ou ouvrages d'or et d'argent dans toute l'étendue du royaume.

Les généraux avaient aussi par prévention à tous juges ordinaires la juridiction sur les faux monnoyeurs, rogneurs des monnaies, et altérateurs d'icelles.

Pour sceller leurs lettres et jugements ils se servaient chacun de leur sceau particulier, dont l'apposition à queue pendante rendait leurs expéditions exécutoires par tout le royaume ; on croit même qu'ils ont usé de ces sceaux jusqu'au temps où ils ont été érigés en cour souveraine.

Ils commettaient aussi aux offices particuliers des monnaies, qui se trouvaient vacans, ceux qu'ils en jugeaient capables jusqu'à ce qu'ils y eussent été pourvus par nos rais.

Les généraux des monnaies jugeaient souverainement, même avant l'érection de leur cour en cour souveraine, excepté en matière criminelle, où l'appel de leurs jugements était attribué au parlement de Paris ; le roi leur donnait pourtant quelquefois le droit de juger sans appel, même dans ce cas, ainsi qu'il parait par différentes lettres-patentes.

La chambre des monnaies était en telle considération, que les généraux étaient appelés au conseil du roi lorsqu'il s'agissait de faire quelques règlements sur les monnaies.

Nos rois venaient même quelquefois prendre séance dans cette chambre, comme on voit par des lettres du roi Jean du 3 Septembre 1364, lesquelles sont données en la chambre des monnaies le roi y séant ; et lorsque Philippe de Valais partant pour son voyage de Flandres, laissa à la chambre des comptes le pouvoir d'augmenter et diminuer le prix des monnaies, ce furent en particulier les généraux des monnaies qui donnèrent aux officiers des monnaies les mandements et ordres nécessaires en l'absence du roi.

Louis XII. en confirmant leur juridiction à son avenement à la couronne, les qualifia de cour, quoiqu'ils ne fussent point encore érigés en cour souveraine, ne l'ayant été qu'en 1551.

Plusieurs généraux des monnaies furent élus prevôts des marchands de la ville de Paris, tels que Jean Culdoé ou Cadoé en 1355, Pierre Deslandes en 1438, Michel de la Grange en 1466, Nicolas Potier en 1500, Germain de Marle en 1502 et 1526, et Claude Marcel en 1570.

Anciennement il n'y avait qu'un même procureur du roi pour la chambre des comptes, les généraux des monnaies, et les trésoriers des finances, attendu que ces trois corps composaient ensemble un corps mixte ; mais depuis leur séparation il y eut un procureur du roi pour la chambre des monnaies, on ne trouve point sa création, mais il existait dès 1392.

L'office d'avocat du roi ne fut établi que vers l'an 1436, auparavant il était exercé par commission.

Celui de greffier en chef existait dès l'an 1296, sous le titre de clerc des monnaies, et ce ne fut qu'en 1448 qu'il prit la qualité de greffier.

Au mois de Janvier 1551 la chambre des monnaies fut érigée en cour et juridiction souveraine et supérieure comme sont les cours de parlements, pour juger par arrêt et en dernier ressort toutes matières, tant civiles que criminelles, dont les généraux avaient ci-devant connu ou dû connaître, soit en première instance ou par appel des gardes, prevôt, et conservateurs des privilèges des mines.

Le même édit porte qu'on ne pourra se pourvoir contre les arrêts de cette cour que par la voie de proposition d'erreur (à laquelle a succédé celle de requêtes civiles) ; que les gens de la cour des monnaies jugeront eux-mêmes s'il y a erreur dans leurs arrêts en appelant avec eux quelques-uns des gens du grand-conseil, cour de parlement ou généraux des aides jusqu'au nombre de dix ou douze.

Ils devaient, suivant cet édit, être au-moins neuf pour rendre un arrêt ; et au cas que le nombre ne fût pas complet, emprunter des juges dans les trois autres cours dont on vient de parler, auxquelles il est enjoint de venir à leur invitation, sans qu'il soit besoin d'autre mandement.

Dans la suite il a été ordonné qu'ils seraient dix pour rendre un arrêt ; et le nombre des présidents et conseillers de la cour des monnaies ayant été beaucoup augmenté, ils n'ont plus été dans le cas d'avoir recours à d'autres juges.

Le même édit de 1551 en créant un second président et trois généraux, ordonna que les présidents ne pourraient être que de robe-longue et qu'entre les généraux il y en aurait au-moins sept de robe-longue ; depuis par une déclaration du 29 Juillet 1637, il fut ordonné qu'à mesure que les offices de conseillers vaqueraient, ils seraient remplis par des gradués.

Depuis ce temps il y a eu encore diverses autres créations, suppressions, et rétablissements d'offices dont le détail serait trop long : il suffit de dire que cette cour est présentement composée d'un premier président, de huit autres présidents, de deux chevaliers d'honneur créés en 1702, trente-cinq conseillers qui sont tous officiers de robe-longue, et dont deux sont contrôleurs généraux du bureau des monnaies de France établi en ladite cour, où ils ont séance du jour de leur réception après le doyen, chacun dans leur semestre.

Il y a aussi des commissaires en titre pour faire les visites dans les provinces de leur département ; ces commissions sont au nombre de dix, lesquelles sont remplies par les présidents et conseillers de ladite cour.

Outre les officiers ci-dessus, il y a encore deux avocats généraux, un procureur général, deux substituts, un greffier en chef, lequel est secrétaire du roi près ladite cour, deux commis du greffe, un receveur des amendes et épices, et un premier huissier, et seize autres huissiers audienciers, un receveur général des boites des monnaies, lequel est trésorier payeur des gages, ancien, alternatif et triennal des officiers de ladite cour, comme aussi trois contrôleurs dudit receveur général.

Son établissement en titre de cour souveraine fut confirmé par édit du mois de Septembre 1570, par lequel le roi ôta toutes les modifications que les cours avaient pu apporter à l'enregistrement de l'édit de 1551.

Ses droits et privilèges ont encore été confirmés et amplifiés par divers édits et déclarations, notamment par un édit du mois de Juin 1935.

La cour des monnaies jouit du droit de committimus, du droit de franc sallé, et autres droits attribués aux cours souveraines.

Elle a rang dans toutes les cérémonies publiques immédiatement après la cour des aides.

La robe de cérémonie des présidents est de velours noir, celle des conseillers, gens du roi et greffier en chef est de satin noir ; ils s'en servent dans toutes les cérémonies publiques, à l'exception des pompes funèbres des rais, reines, princes et princesses, où en qualité de commensaux, ils conservent leurs robes ordinaires avec chaperons, comme une marque du deuil qu'ils portent.

Par un édit du mois de Mars 1719, registré tant au parlement qu'en la chambre des comptes et cour des aides, le roi a accordé la noblesse aux officiers de la cour des monnaies au premier degré, à l'instar des autres cours.

L'édit de 1570 ordonna que les officiers de cette cour serviraient alternativement, c'est-à-dire la moitié pendant une année, l'autre moitié l'année suivante ; mais par un autre édit du mois d'Octobre 1647, cette cour a été rendue semestre, et tel est son état actuel pour les conseillers ; à l'égard des présidents, ils servent par trimestre, savoir trois mois dans un semestre et trois mois dans l'autre, excepté M. le premier président, et M. le procureur général, qui sont de service toute l'année.

La cour des monnaies a, suivant sa création, le droit de connaître en dernier ressort et toute souveraineté, privativement à toutes cours et juges, du travail des monnaies, des fautes, malversations et abus commis par les maîtres, gardes, tailleurs, essayeurs, contre-gardes, prevôts, ouvriers, monnoyeurs et ajusteurs, changeurs, affineurs, départeurs, batteurs, tireurs d'or et d'argent, cueilleurs et amasseurs d'or de paillole, orfèvres, jouailliers, mineurs, tailleurs de gravures, balanciers, fourbisseurs, horlogers, couteliers, et autres faisant fait des monnaies, circonstances et dépendances d'icelles, ou travaillans et employans les matières d'or et d'argent, en ce qui concerne leurs charges et métiers, rapports et visitations d'iceux.

Les ouvriers qui font des vaisseaux de terre résistants au feu à sec, propres à la fonte des métaux, sont aussi soumis à sa juridiction.

Les particuliers qui veulent établir des laboratoires destinés à la fusion des métaux, doivent en obtenir la permission, et faire enregistrer leurs brevets en la cour des monnaies.

Elle a droit, de même que les juges qui lui sont subordonnés, de connaître des matières de sa compétence, tant au civil qu'au criminel, et de condamner à toutes sortes de peines afflictives, même à mort.

Les jours d'audience sont les mecredis et samedis ; et ceux que M. le premier président veut accorder extraordinairement : les autres jours sont employés aux affaires de rapport.

Dans les audiences les juges se mettent sur les hauts siéges, lorsqu'il est question d'appel des sentences des premières juridictions : et lorsque ce sont des affaires en première instance, ils se mettent sur les bas siéges.

Le ressorts de la cour des monnaies de Paris s'étend dans tout le royaume, à l'exception de quelques provinces qui en ont été démembrées pour former celui de la cour des monnaies de Lyon.

Hôtels des monnaies et juridictions du ressort de la cour des monnaies de Paris.

Il y a encore une juridiction subordonnée à la cour des monnaies, qui est celle du prevôt général des monnaies, dont la compagnie a été créée pour le service de ladite cour ; il en sera parlé plus au long dans l'article qui le concerne.

La cour des monnaies connait par prévention et par concurrence avec les baillifs, sénéchaux, prevôts des maréchaux, et autres juges, des faux-monnoyeurs, rogneurs et altérateurs des monnaies, billonneurs, alchimistes, transgresseurs des ordonnances sur le fait des monnaies de France et étrangères.

Nous observerons en passant à ce sujet, que le crime de fausse monnaie est un cas royal, dont la peine a toujours été très-sévère. Anciennement on faisait bouillir les faux monnoyeurs ; leurs exécutions se faisaient au marché aux pourceaux. Il y en eut deux qui subirent cette peine en 1347 ; d'autres furent aussi attachés en croix ; deux autres furent bouillis, l'un en 1525, l'autre en 1550. Présentement on les condamne à être pendus ; et la place où se font les exécutions, en vertu d'arrêt de la cour des monnaies, est la place de la croix du trahoir.

L'Eglise employait aussi contr'eux les armes spirituelles. Clement V. excommunia les faux-monnoyeurs de toute espèce qui étaient en France, et ordonna qu'ils ne pourraient être absous que par le pape, excepté à l'article de la mort. Charles V. envoya une copie de cette bulle à l'évêque de Langres, pour la faire afficher à la porte de toutes les églises de son diocèse.

La cour des monnaies a encore, entr'autres prérogatives, celle d'être dépositaire de l'étalon ou poids original de France, lequel est conservé dans un coffre fermé à trois serrures et clés différentes.

Ce poids original pese 50 marcs, et contient toutes ses différentes parties ; c'est sur ce poids qu'on étalonne tous ceux du royaume, en présence d'un conseiller.

En 1529 l'empereur Charles V. ayant voulu conformer le poids du marc de l'empire pour les Pays-Bas, au poids royal de France, envoya un de ses généraux des monnaies, pour en demander permission au roi ; et les lettres de créance lui ayant été expédiées à cet effet, la vérification et l'étalonnement fut fait en présence du président et des généraux des monnaies.

Et dernièrement en 1756, la même vérification et étalonnement ont été faits en présence de son excellence le comte de Staremberg, conseiller au conseil aulique de l'Empire, chambellan actuel de leurs majestés impériales et royales, et leur ministre plénipotentiaire à la cour de France, et aussi en présence de deux conseillers en la cour des monnaies, et d'un substitut de M. le procureur général en ladite cour, sur un poids de 64 marcs avec toutes ses divisions, présenté par le sieur Marquart, essayeur général des monnaies de sa majesté impériale et royale aux Pays-Bas, et chargé par le gouvernement desdits Pays-Bas, pour lesquels ledit poids est destiné. (A)

Généraux provinciaux des monnaies. Les généraux provinciaux subsidiaires des monnaies, sont des officiers établis pour veiller dans les provinces de leur département, sous l'autorité des cours des monnaies auxquelles ils sont subordonnés, à l'exécution des ordonnances et des règlements sur le fait des monnaies, ainsi que sur tous les ouvriers justiciables d'icelles, qui emploient les matières d'or et d'argent, et fabriquent les différents ouvrages composés de ces matières précieuses.

Ils connaissent de toutes les transgressions aux ordonnances et règlements, ainsi que de toutes les contraventions qui peuvent être commises par lesdits justiciables, à la charge de l'appel dans les cours des monnaies auxquelles ils ressortissent ; ils président aux jugements qui sont rendus dans les juridictions aux sieges établis dans les hôtels des monnaies, et sont tenus de faire exactement des chevauchées dans les provinces de leur département, à l'effet de découvrir les différents abus, délits et malversations qui peuvent se commettre sur le fait des monnaies et des matières et ouvrages d'or et d'argent.

Ils connaissent des mêmes matières, et ont la même juridiction en première instance, que les cours des monnaies dans lesquelles ils ont entrée, séance et voix délibérative, le jour de leur réception, et toutes les fois qu'il s'y juge quelqu'affaire venant de leur département, ou qu'ils ont quelque chose à proposer pour le bien du service et l'intérêt public.

On les appelle subsidiaires, parce qu'ils représentaient en quelque façon les généraux des monnaies, et qu'ils représentent encore dans les provinces les commissaires des cours des monnaies, qui étant obligés de résider continuellement pour vaquer à leurs fonctions, ne peuvent faire des tournées et chevauchées aussi souvent qu'il serait à désirer pour la manutention des règlements ; aussi ont-ils droit dans les provinces de leur département, comme les commissaires desdites cours, de juger en dernier ressort les accusés de crime de fabrication, exposition de fausse monnaie, rognure et altération d'espèces, et autres crimes de juridiction concurrente, lorsqu'ils ont prévenu les autres juges et officiers royaux.

Ces officiers furent institués originairement dans les provinces de Languedoc, Guienne, Bretagne, Normandie, Bourgogne, Dauphiné et Provence, pour régir et gouverner les monnaies particulières des anciens comtes et ducs de ces provinces, qui ayant un coin particulier pour les monnaies qu'ils faisaient frapper, avaient besoin d'un officier particulier pour la police et le gouvernement de leurs monnaies particulières, dont le travail était jugé par les généraux maîtres des monnaies à Paris.

Ils étaient aussi dès-lors chargés du soin de faire observer les ordonnances du roi sur le fait des monnaies, et ils étaient dès-lors appelés subsidiaires, parce qu'ils étaient soumis en tout aux généraux des monnaies dont ils étaient justiciables, et ne connaissaient que subsidiairement à eux des matières qui leur étaient attribuées.

Ils étaient mis et établis par l'autorité des rais, et si les seigneurs de ces provinces les nommaient et présentaient, ils étaient toujours pourvus par le roi, et reçus par les généraux de la chambre des monnaies en laquelle ressortissait l'appel de leurs jugements.

Plusieurs de ces officiers avaient été destitués en différents temps, et il n'avait point été pourvu à leurs offices : en 1522 il n'en restait plus que trois, dont un en Languedoc et Guienne, un en Dauphiné, et le troisième en Bourgogne ; et comme ces offices étaient devenus assez inutiles par la réunion que les rois avaient faite des monnaies particulières des seigneurs, et qu'ils causaient quelquefois du trouble et empêchement aux commissaires et députés de la chambre des monnaies, lorsqu'ils faisaient leurs chevauchées dans les provinces, Henri II. les supprima en tout par édit du mois de Mars 1549.

Ils furent rétablis au nombre de sept, par édit du roi Henri III. du mois de Mai 1577, pour faire leur principale résidence ès villes et provinces dans lesquelles étaient établis les parlements de Languedoc, Guienne, Bretagne, Normandie, Bourgogne, Dauphiné et Provence ; cet édit leur attribua les mêmes pouvoir et juridiction qui avaient été attribués aux généraux de la cour des monnaies de Paris, par l'édit de Charles IX. de l'année 1570, lorsqu'ils font leurs chevauchées dans les provinces ; et ordonna que ceux qui seraient pourvus desdits offices, seraient reçus en ladite cour et y auraient entrée, séance et voix délibérative en toutes matières de leur connaissance, et quand ils s'y trouveraient pour le fait de leurs charges.

Ces sept offices ont été supprimés par édit du mois de Juin 1696 ; mais le même édit porte création de 28 autres généraux provinciaux subsidiaires des monnaies, avec les mêmes honneurs, droits, pouvoirs et juridiction portés par l'édit du mois de Mai 1577, savoir :

Un pour la ville et généralité de Rouen :

Un pour les villes de Caèn et Alençon :

Un pour la ville et diocese de Rennes, et ceux de Dol, Saint-Malo, Saint-Brieux, Treguier et Saint-Paul de Leon :

Un pour la ville et diocese de Nantes et ceux de Vannes et Cornouailles :

Un pour la ville de Tours, la Touraine et l'Orléanais :

Un pour la ville d'Angers et pour les provinces d'Anjou et Maine :

Un pour la ville et généralité de Limoges :

Un pour la ville et généralité de Bourges et Nivernais :

Un pour la ville et généralité de Poitiers :

Un pour la ville de la Rochelle, le pays d'Aunis et la province de Xaintonge :

Un pour la ville de Bordeaux, Périgueux, Agen, Condom et Sarlat :

Un pour la ville de Bayonne, élection d'Acqs, le pays du Soule et de Labour, et le comté de Marsan.

Un pour la ville de Pau et le ressort du parlement :

Un pour la ville et diocese de Toulouse, et ceux de Mirepoix, Alby, Lavaur, Comminges, Montauban, Pamiers, Couserants, Lectoure, Ausch, Lombez, Cahors, Rhodès et Vabres :

Un pour la ville et diocese de Narbonne, et ceux de Beziers, Agde, Lodeve, Saint-Pons, Carcassone, Saint-Papoul, Castres, Aleth et Limoux :

Un pour la ville et diocese de Montpellier, et ceux de Nismes, Alais, Viviers, le Puy, Uzès et Mende :

Un pour la ville de Lyon, le Lyonnais et les pays de Forès et de Beaujolais :

Un pour la ville de Grenoble, le Dauphiné, la Savoie et le Piémont :

Un pour la ville et ressort du parlement d'Aix :

Un pour la ville de Riom et les provinces d'Auvergne et de Bourbonnais :

Un pour la ville et ressort du parlement et Chambre des comptes de Dijon :

Un pour la ville et ressort du parlement de Besançon :

Un pour la ville et ressort du parlement de Mets, ville et province de Luxembourg :

Un pour la ville et généralité d'Amiens, le Boulonnais et le pays conquis et reconquis :

Un pour la ville de Lille, la province d'Artais, et les pays nouvellement conquis en Flandres et Hainault, ou cédés par les derniers traités :

Un pour la ville de Rheims et les élections de Rheims, Châlons, Epernay, Rethel, Sainte-Menehould et le Barrais :

Un pour la ville de Troie., Sézanne, Langres, Chaumont, Bar-sur-Aube et Vitry-le-Français :

Et un pour les villes et provinces d'Alsace, et autres lieux de la frontière d'Allemagne :

Le même édit ordonne qu'ils seront gradués et reçus en la cour des monnaies où ils ont entrée, séance, après le dernier conseiller, et voix délibérative comme il est dit ci-dessus.

Ils connaissent de même que les commissaires des cours des monnaies, par prévention et concurrence avec les baillifs, sénéchaux, officiers des présidiaux, juges-gardes des monnaies, et autres juges royaux, du billonnage, altération de monnaies, fabrication et exposition de fausse monnaie ; et peuvent juger de ces matières en dernier ressort, en appelant le nombre de gradués suffisant.

Ils connaissent aussi par concurrence avec lesdits commissaires et juges gardes des monnaies, et jugent seuls, ou avec lesdits juges gardes, de toutes les matières tant de la juridiction privative que cumulative, où il n'échet de prononcer que des amendes, confiscations ou autres peines pécuniaires, à la charge de l'appel esdites cours des monnaies.

Ils sont les chefs des juridictions des monnaies de leur département ; ils ont droit d'y présider ; les juges gardes sont tenus de les appeler au jugement des affaires qu'ils ont instruites, et les jugements qu'ils ont rendus, ou auxquels ils ont présidé, sont intitulés de leurs noms. (A)

Juges gardes, voyez ci-après juridictions des monnaies.

Juridictions des monnaies. Les juridictions des monnaies sont des justices royales, établies dans les différentes villes du royaume, pour connaître en première instance du fait des monnaies, des matières d'or et d'argent, et de tous les ouvriers employés à la fabrication desdites monnaies, ou aux différents ouvrages d'or et d'argent.

Les officiers qui composent ces juridictions, sont le général provincial subsidiaire dans le département duquel se trouve la juridiction ; deux juges gardes, qui en l'absence du général provincial, et concurremment avec lui, peuvent faire toutes les instructions et connaître des mêmes matières ; un contrôleur contre-garde qui remplit les fonctions des juges en leur absence ; un garde scel ; un avocat et un procureur du roi ; un greffier ; un premier huissier et deux autres huissiers.

Les procureurs des juridictions royales y occupent.

L'établissement des juges gardes est fort ancien ; ils réunissent aujourd'hui toutes les fonctions et juridiction qu'avaient autrefois les gardes et prévôts des monnaies.

Les gardes et contre-gardes des monnaies furent établis par Charles le Chauve, dans chacune des villes où les monnaies du roi étaient établies ; il y en avait aussi dans les monnaies des seigneurs particuliers ; les uns et les autres étaient pourvus par le roi, sur la nomination des seigneurs, ou des villes dans lesquelles les monnaies étaient établies ; et lorsque ces places étaient vacantes, il y était commis par les généraux maîtres des monnaies, comme il y est encore aujourd'hui commis à l'exercice de ces charges par les cours des monnaies, lorsqu'elles se trouvent vacantes, jusqu'à ce qu'il y ait été pourvu ou commis par le roi.

L'édit du mois de Mai 1577, avait uni les offices de gardes et de contre-gardes à ceux de prévôts royaux des monnaies ; mais ces mêmes offices furent rétablis par l'édit du mois de Juillet 1581, qui supprima les prévôts royaux, et rendit ceux-ci héréditaires.

Les juges gardes connaissent en l'absence du général provincial, et concurremment avec lui, privativement à tous autres officiers, de l'examen et réception des Changeurs, Batteurs et Tireurs d'or, ainsi que des aspirants à la maitrise d'Orfèvrerie, de leurs cautions, de l'élection de leurs jurés, de l'insculpation de leurs poinçons, et de ceux des Fourbisseurs, Horlogers, graveurs sur métaux, et tous autres ouvriers qui travaillent et emploient les matières d'or et d'argent, chez lesquels ils ont droit de visite, de toutes les malversations qui peuvent être par eux commises, même des entreprises de tous ceux qui ont des fourneaux, et se mêlent de fontes et distillations sans y être autorisés par état ou par lettres du roi enrégistrées dans les cours des monnaies, et généralement de tout ce qui concerne le titre, bonté, alliage des matières, marques et poinçons qui doivent être sur les ouvrages, et de l'abus desdits poinçons, à l'effet de quoi les jurés desdites communautés d'Orfèvres et autres ouvriers travaillans en or et en argent, doivent porter devant eux les procès-verbaux et rapports des visites et saisies qu'ils peuvent faire, ainsi que le fermier de la marque d'or et d'argent, pour être par eux jugés sur le titre et les marques de tous les ouvrages saisis par les uns ou par les autres.

Ils connaissent aussi en l'absence du général provincial, et concurremment avec lui et autres juges royaux, des crimes de billonage, altération des monnaies, fabrication, exposition de fausse monnaie, et autres de juridiction concurrente.

Ils connaissent seuls et privativement aux généraux provinciaux, de la police intérieure des monnaies, et du travail de la fabrication des espèces dont ils font les délivrances aux maîtres ou directeurs particuliers d'icelles, ainsi que du paraphe des registres que tiennent tous les officiers et ouvriers employés à ladite fabrication ; et ils sont dépositaires des poinçons, matrices et carrés sur lesquels les espèces sont monnoyées. (A)

Prévôté générale des monnaies. La prévôté générale des monnaies est une compagnie d'ordonnance créée et établie par édit du mois de Juin 1635, pour faciliter l'exécution des édits et règlements sur le fait des monnaies, prêter main-forte aux députés de la cour des monnaies, tant en la ville de Paris que hors d'icelle, et dans toute l'étendue du royaume, et exécuter les arrêts de ladite cour et ordonnances de ses commissaires, ainsi que les commissions qui peuvent être adressées par elle aux officiers de ladite prévôté.

Cette compagnie est assimilée, et jouit des mêmes honneurs et avantages que les autres maréchaussées du royaume.

Elle était originairement composée d'un petit nombre d'officiers créés par ledit édit de 1635 ; elle a été augmentée depuis en différents temps par différentes créations d'officiers et archers, tant pour le service de ladite cour que pour la juridiction.

Elle est actuellement composée d'un prévôt, six lieutenans, huit exempts, un assesseur, un procureur du roi, un greffier en chef, un premier huissier-audiencier, et 66 archers qui ont droit d'exploiter par tout le royaume.

Les fonctions et le titre de l'assesseur et du procureur du roi, ont été unis aux charges de substituts du procureur général de sa majesté en ladite cour, en laquelle tous ces officiers doivent être reçus, à l'exception seulement des greffier, huissier et archers, qui sont reçus par le prévôt, et prêtent serment entre ses mains.

Cette compagnie a aussi une juridiction qui lui a été attribuée par son édit de création, et confirmée depuis par différents arrêts du conseil, réglés ainsi qu'il suit :

Le prevôt général des monnaies et les officiers de ladite prévôté, peuvent connaître par prévention et concurrence avec les généraux-provinciaux, juges-gardes et autres officiers des monnaies, prévôts des maréchaux, et autres juges royaux, même dans la ville de Paris, des crimes de fabrication et exposition de fausse monnaie, rognure et altération d'espèces, billonnage, et autres crimes de juridiction concurrente, pour raison desquels il peut informer, décréter, et faire toutes instructions et procédures nécessaires jusqu'à jugement définitif exclusivement, sans pouvoir cependant ordonner l'élargissement des prisonniers arrêtés en vertu de ses decrets ; et à la charge d'apporter toutes lesdites procédures et instructions en la cour des monnaies, à l'effet d'y être réglées à l'extraordinaire, s'il y a lieu, et être jugées définitivement lorsque le procès a été instruit dans l'étendue de la ville, prévôté, vicomté et monnaie de Paris, ou aux présidiaux les plus prochains, lorsque lesdits procès ont été instruits hors ladite étendue.

Il connait par concurrence avec lesdits généraux-provinciaux, juges-gardes, et autres officiers des monnaies, et privativement à tous autres prévôts et juges, des délits, abus et malversations qui, dans l'étendue du ressort de la cour des monnaies de Paris, peuvent être commis par les justiciables d'icelle, chez lesquels ils peuvent faire visites et perquisitions pour ce qui concerne la fonte, l'alliage des matières d'or et d'argent, les marques qui doivent être sur leurs ouvrages, et autres contraventions aux règlements, à l'exception cependant de ceux qui demeurent en la ville de Paris, chez lesquels ils ne peuvent se transporter sans y être autorisés par ladite cour ; et il peut juger lesdits abus, délits et malversations jusqu'à sentence définitive et inclusivement, sauf l'appel en icelle.

Il ne peut néanmoins connaître dans l'intérieur des hôtels des monnaies des abus, délits et malversations qui pourraient être commis par les officiers et ouvriers employés à la fabrication des espèces, ni des vols des matières qui seraient faits dans lesdits hôtels des monnaies.

Il peut aussi connaître des cas prévôtaux autres que ceux concernant les monnaies, suivant l'édit de sa création, concurremment avec les autres prévôts des maréchaux ; on doit cependant observer que par arrêt du conseil du 6 Février 1685, contradictoire entre lui et le prévôt de l'île de France, il ne peut en connaître dans la ville de Paris, ni dans l'étendue de l'île de France.

Le prévôt général des monnaies a aussi le droit de correction et discipline sur les officiers et archers de sa compagnie, sauf l'appel en la cour des monnaies, à laquelle il appartient de connaître de toutes les contestations qui peuvent naître entre lui ou autres ses officiers et archers pour raison des fonctions de leurs offices.

Il a entrée et séance en la cour des monnaies après le dernier conseiller d'icelle, le jour de sa réception, ainsi qu'au rapport des procédures instruites par lui ou par ses lieutenans, et toutes les fois qu'il y est mandé et qu'il a quelque chose à représenter pour le service du roi ou les fonctions de sa charge, mais sans avoir voix délibérative.

Le prévôt général des monnaies a encore le droit de connaître des duels, suivant la disposition de l'édit de 1669.

Il n'est point obligé de faire juger sa compétence comme les autres prévôts des maréchaux, mais seulement lorsqu'elle lui est contestée ; et c'est à la cour des monnaies qu'appartient de juger ladite compétence.

Le prévôt général des monnaies était créé pour toute l'étendue du royaume, et a été seul prévôt des monnaies jusqu'en l'année 1704, qu'il a été créé et établi une seconde prévôté des monnaies pour le ressort de la cour des monnaies de Lyon, à l'instar de celle ci-dessus.

Ces prevôts généraux des monnaies ne doivent point être confondus avec les anciens prévôts des monnaies dont il Ve être parlé ci-après.

Prévôts des monnaies. Il y avait dès le commencement de la troisième race de nos rois des prévôts des monnaies qui avaient inspection sur tous les monnoyeurs et ouvriers des monnaies ; dans la suite il y en eut deux dans chaque monnaie, l'un pour les monnoyers, qu'on appelle aujourd'hui monnoyeurs, et l'autre pour les ouvriers, qu'on appelle aujourd'hui ajusteurs.

Il est à remarquer que les monnoyers et ouvriers qui ajustent et monnoyent les espèces qui se fabriquent dans les monnaies, ne peuvent y être admis, qu'en justifiant de leur filiation et du droit que la naissance leur en a donné de père en fils ; et il faut bien les distinguer des autres ouvriers ou journaliers, gens de peine et à gages, qui sont employés dans les monnaies.

Ces prevôts des monnoyeurs et ouvriers étaient élus chacun dans leur corps, et non-seulement en avaient la direction, mais encore l'exercice de la justice tant civîle que criminelle, sur ceux du corps auquel ils étaient préposés : ce droit leur était attribué par d'anciennes ordonnances, et ils furent maintenus jusqu'en l'année 1548, que par édit du mois de Novembre ils furent supprimés, et en leur place il fut créé dans chaque monnaie un seul prevôt avec un greffier, lequel prevôt avait l'inspection sur les monnoyers et ouvriers, et la connaissance de tout ce qui concernait la monnaie, avec l'exercice de la justice.

En 1555 il fut créé en chacune des monnaies un procureur du roi et deux sergens, ce qui formait un corps de juridiction.

Cet établissement souffrit quelques difficultés avec les gardes des monnaies ; et enfin par édit du mois de Juillet 1581, les prevôts furent entièrement supprimés, et les offices des gardes furent rétablis ; et depuis ce temps ce sont les gardes qu'on appelle aujourd'hui juges-gardes des monnaies, qui ont toute la juridiction dans l'étendue de leur département, et qui connaissent de toutes les matières dont la connaissance appartient à la cour des monnaies.

Les monnoyers et ouvriers ont cependant continué d'élire entr'eux des prevôts, mais qui n'ont plus que la police et la discipline de leurs corps, pour obliger ceux d'entr'eux au travail, et les y contraindre par amendes, même par privation ou suspension de leurs droits.

Au mois de Janvier en 1705, il fut créé des charges de prevôts et lieutenans des monnoyeurs et ajusteurs, mais elles furent supprimées peu de temps après, et réunies au corps des monnoyeurs et ajusteurs, qui depuis ce temps ont continué d'élire leurs prevôts et lieutenans à vie, lesquels sont reçus et prêtent serment en la cour des monnaies. (A)

Cour des monnaies de Lyon fut créée une première fois par édit du mois d'Avril 1645, lequel fut alors presque aussi-tôt révoqué. Elle fut créée de nouveau par édit du mois de Juin 1704, à l'instar de celle de Paris, dont elle est un démembrement.

L'année suivante le roi y réunit la sénéchaussée et siege présidial de la même ville, pour ne faire à l'avenir qu'un même corps, par édit du mois d'Avril 1705.

Le ressort de la cour des monnaies de Lyon s'étend suivant son édit de création, dans les provinces, généralités et départements de Lyon, Dauphiné, Provence, Auvergne, Toulouse, Montpellier, Montauban et Bayonne.

Et par un autre édit du mois d'Octobre 1705, le roi a ajouté à ce ressort les provinces et pays de Bresse, Bugey, Valromey et Gex, dans lesquelles provinces énoncées dans les deux édits ci-dessus, se trouvent les monnaies de Lyon, Bayonne, Toulouse, Montpellier, Riom, Grenoble et Aix. La monnaie de Perpignan est aussi du ressort de la cour des monnaies de Lyon.

Cette cour est composée d'un premier président et de cinq autres présidents, aux offices desquels sont joints ceux de lieutenant général, de présidents au présidial, de lieutenant criminel ; lieutenant particulier, et assesseur criminel ; de deux chevaliers d'honneur, dont l'un est lieutenant général d'épée, de deux conseillers d'honneur, de vingt-neuf autres conseillers, dont un conseiller clerc, et un autre fait les fonctions de commis au comptoir, et un autre celle de contrôleur ; de deux avocats généraux, un procureur général, quatre substituts, un greffier en chef, lequel est secrétaire du roi ; trois greffiers commis, un receveur-payeur des gages, un receveur des amendes ; un premier huissier ; trois huissiers audienciers, et dix autres huissiers.

Il y a en outre huit commissions établies à l'effet de faire des visites dans les monnaies du ressort de cette cour ; dont deux devaient être possédées par deux présidents, et les six autres par des conseillers : lesquelles charges sont réunies au corps.

Par l'édit de création ci-dessus, du mois de Juin 1704, le roi a établi près la cour des monnaies de Lyon, une chancellerie, laquelle est composée d'un garde-scel, quatre secrétaires du roi audienciers, quatre contrôleurs, quatorze secrétaires, deux référendaires, un chauffe cire, un receveur des émoluments du sceau, un greffier et deux huissiers.

Il y a encore près cette cour une prévôté générale des monnaies, laquelle est composée d'un prevôt général des monnaies, d'un lieutenant, d'un guidon, d'un assesseur, d'un procureur du roi, de quatre exempts, d'un greffier, de 30 archers et d'un archer trompette.

Cette compagnie a été créée par édit du mois de Juin 1704, à l'instar de celle qui est attachée à cour des monnaies de Paris. Suivant cet édit, le prevôt général des monnaies de Lyon doit faire juger en cette cour des monnaies les procès par lui instruits contre les délinquans dont il aura fait la capture dans l'étendue de la généralité de Lyon ; et hors cette généralité, il doit faire juger les procès par lui instruits au plus prochain présidial. (A)

Hôtel de la monnaie. C'est à Nancy que les ducs de Lorraine faisaient battre monnaie. Le duc René II. y fit construire un hôtel de la monnaie ; il fut démoli et reconstruit avec plus de magnificence sous le règne du duc Léopold en 1720. Les officiers de la monnaie y logeaient. Toutes les machines qui servent à la fabrication y sont encore ; mais il n'en a été fait usage depuis l'avénement du roi Stanislas, que pour y frapper des médailles.

La chambre des comptes de Lorraine est en même temps cour des monnaies, et elle en a toutes les attributions.