S. m. (Politique) homme qui manie les finances, c'est-à-dire les deniers du roi ; qui est dans les fermes, dans les affaires de sa majesté, quaestorius aerarii, collector.

C'est à ce peu de mots que les meilleurs dictionnaires se bornent sur cet article. Le peuple (on doit entendre par ce mot le vulgaire de toute condition) ajoute à cette définition l'idée d'un homme enrichi, et n'y voit guère autre chose. Le philosophe, c'est-à-dire l'homme sans prévention, peut y voir non seulement la possibilité, mais encore la réalité d'un citoyen utîle à la patrie, quand il joint à l'intelligence, aux ressources, à la capacité qu'exigent les travaux d'un financier (considéré dans le grand), la probité indispensable dans toutes les professions, et le désintéressement plus particulièrement nécessaire à celles qui sont lucratives par elles-mêmes.

Voici, par rapport à la définition de financier, les différents aspects sous lesquels peut être envisagée cette profession, que les chevaliers romains ne dédaignaient pas d'exercer.

Un financier peut être considéré,

1°. Comme participant à l'administration des finances, d'une manière plus ou moins directe, plus ou moins prochaine, plus ou moins décisive.

2°. Comme faisant pour son compte en qualité de fermier ou d'aliénataire, ou pour le compte du roi en qualité de régisseur, le recouvrement des impositions.

3°. Comme chargé d'entreprises de guerre ou de paix.

4°. Comme dépositaire des fonds qui forment le trésor du souverain, ou la caisse des particuliers qui sont comptables envers l'état.

Si l'on examine philosophiquement ces différentes subdivisions d'une profession devenue fort importante et très-considérable dans l'état, on demeurera convaincu qu'il n'en est aucune qui n'exige, pour être dignement remplie, le concours des plus grandes qualités de l'esprit et du cœur ; les lumières de l'homme d'état, les intentions du bon citoyen, et la plus scrupuleuse exactitude de l'honnête homme vraiment tel, car ce titre respectable est quelquefois légèrement prodigué.

On verra qu'il est indispensable,

1°. Que le régisseur régisse, perçoive, administre comme pour lui-même.

2°. Que le fermier ou l'aliénataire évite également la négligence qui compromet le droit, et la rigueur qui le rend odieux.

3°. Que l'entrepreneur exécute ses traités avec une exactitude qui mérite celle des payements.

4°. Que les trésoriers, et les autres charges ou emplois à maniement, donnent sans-cesse des preuves d'une probité qui réponde de tout, et d'une intelligence qui ne prive de rien.

5°. Que tous enfin étant par leur place garants et responsables envers l'état de tout ce qui se fait en leur nom, ou pour le gouvernement, ne doivent employer (en sous-ordre) dans le recouvrement et dans les autres opérations dont il sont chargés, que des gens humains, solvables, intelligens, et d'une probité bien constatée.

C'est ainsi que tous les financiers, chacun dans leur genre, et dans l'ordre des proportions de lumières, de fonctions, de facultés, qui leur est propre et particulier, peuvent être estimés, considérés, chéris de la nation, écoutés, consultés, suivis par le gouvernement.

Ce portrait du financier blessera peut-être une partie des idées reçues : mais l'ont-elles été en connaissance de cause ? et quand elles seraient justifiées par quelques exemples, doivent-ils tirer à conséquence pour l'universalité ?

On répondra vraisemblablement qu'il serait injuste et déraisonnable de les appliquer indistinctement à tous les financiers. Que penser de cette application indistincte et générale, dans un auteur accrédité par son mérite et par sa réputation ?

J'ouvre l'esprit des lais, ce livre qui fait tant d'honneur aux lettres, à la raison, à l'humanité ; et je trouve dans cet ouvrage célèbre, cette espèce d'anathème lancé contre les financiers que l'on affecte de confondre tous dans les injurieuses dénominations de traitants et de publicains.

" Il y a un lot pour chaque profession ; le lot de ceux qui lèvent les tributs, est les richesses, et les récompenses de ces richesses sont les richesses mêmes. La gloire et l'honneur sont pour cette noblesse, qui ne connait, qui ne voit, qui ne sent de vrai bien que l'honneur et la gloire ; le respect et la considération sont pour ces ministres et ces magistrats, qui ne trouvant que le travail après le travail, veillent nuit et jour pour le bonheur de l'empire ".

Mais comment un philosophe, un législateur, un sage, a-t-il pu supposer dans le royaume une profession qui ne gagnât, qui ne méritât que de l'argent, et qui fût exclue par état de toute autre sorte de récompense ?

On sait tout ce que mérite de la patrie, la noblesse qui donne son sang pour la défendre ; le ministère qui la gouverne, la magistrature qui la juge : mais ne connoit-on enfin qu'une espèce de gloire et d'honneur, qu'une sorte de respect et de considération ? et n'en est-il point que la finance puisse aspirer à mériter ?

Les récompenses doivent être proportionnées aux services, la gloire aux sacrifices, le respect aux vertus.

Un financier ne sera sans-doute ni récompensé, ni respecté, ni considéré comme un Turenne, un Colbert, un Seguier.... Les services qu'il rend, les sacrifices qu'il fait, les vertus qu'il montre, ne sont ni de la même nature, ni du même prix. Mais peut-on, mais doit-on décemment, équitablement, raisonnablement en conclure qu'ils n'ont aucune sorte de valeur et de réalité ? Et lorsqu'un homme de finance, tel qu'on vient de le peindre, et que l'on conçoit qu'il doit être, vient justifier l'idée que l'on en donne, sa capacité ne rend-elle pas à l'état des services essentiels ? son désintéressement ne fait-il pas des sacrifices ? et sa vertu ne donne-t-elle pas des exemples à suivre, à ceux mêmes qui veulent le dégrader ?

Il est certain, et l'on doit en convenir (en ami de la vérité) ; il est certain que l'on a Ve dans cette profession des gens dont l'esprit, dont les mœurs, dont la conduite, ont mérité qu'on répandit sur eux à pleines mains le sel du sarcasme et de la plaisanterie, et (ce qui devait les toucher encore plus) l'amertume des reproches les mieux fondés.

Mais ce corps est-il le seul qui présente des membres à retrancher ? et refusera-t-on à la noblesse, au ministère, à la magistrature, les éloges, les récompenses, et les distinctions qu'ils méritent, parce que l'on a Ve quelquefois en défaut dans le militaire le courage, dans le ministère les grandes vues, dans la magistrature le savoir et l'intégrité ?

On reclamerait avec raison contre cette injustice. La finance n'a-t-elle pas autant à se plaindre de l'Esprit des lois ? et ne doit-elle pas le faire avec d'autant plus de force, que l'auteur ayant plus de mérite et de célébrité, est aussi plus dangereux pour les opinions qu'il veut accréditer ? Le moindre reproche que l'on puisse faire en cette occasion à cet écrivain, dont la mémoire sera toujours chère à la nation, c'est d'avoir donné pour assertion générale une observation personnelle et particulière à quelques financiers, et qui n'empêche pas que le plus grand nombre ne désire, ne recherche, ne mérite, et n'obtienne la sorte de récompense et de gloire, de respect et de considération qui lui est propre. Cet article est de M. PESSELIER.

Nous donnons cet article par les raisons déjà dites au mot FERMIER (Finance). Bien éloignés de vouloir faire aucun reproche odieux et injuste à ceux de nos financiers qui font un usage respectable de leur opulence, et de les priver du tribut d'estime personnelle qui leur est dû. nous désirons seulement présenter aux personnes intelligentes en ces matières, l'occasion de discuter l'importante question de l'utilité de la finance considérée en elle-même : l'illustre auteur de l'Esprit des lois était incapable de penser là-dessus autrement ; en écrivant contre la finance en général (article sur lequel nous ne prétendons point décider), il savait rendre justice aux particuliers éclairés et vertueux qui se trouvent dans ce corps.