S. m. (Politique) ce nom présente une grande idée ; il convient à tous ceux qui par l'exercice d'une autorité légitime, sont les défenseurs et les garants du bonheur public ; et dans ce sens, il se donne même aux rais.

Le premier homme en qui une société naissante eut assez de confiance pour remettre entre ses mains le pouvoir de la gouverner, de faire les lois qu'il jugerait convenables au bien commun, et d'assurer leur exécution, de reprimer les entreprises capables de troubler l'ordre public, enfin de protéger l'innocence contre la violence et l'injustice, fut le premier magistrat. La vertu fut le fondement de cette autorité : un homme se distingua-t-il par cet amour du bien qui caractérise les hommes vraiment grands ; avait-il sur ses concitoyens cet empire volontaire et flatteur, fruit du mérite et de la confiance que donne quelquefois la supériorité du génie, et toujours celle de la vertu ? ce fut sans doute cet homme qui fut choisi pour gouverner les autres. Quand des raisons que nous laissons discuter à la Philosophie, détruisirent l'état de nature, il fut nécessaire d'établir un pouvoir supérieur, maître des forces de tout le corps, à la faveur duquel celui qui en était revêtu fut en état de réprimer la témérité de ceux qui pourraient former quelque entreprise contre l'utilité commune et la sûreté publique, ou qui refuseraient de se conformer à ce que le désir de les maintenir aurait fait imaginer ; les hommes renoncèrent au nom de liberté pour en conserver la réalité. Ils firent plus : le droit de vie et de mort fut réuni à ce pouvoir suprême, droit terrible que la nature méconnut, et que la nécessité arracha. Ce chef de la société reçut différentes dénominations, suivant les temps, les mœurs, et les différentes formes des gouvernements ; il fut appelé empereur, consul, dictateur, roi, titres tous contenus sous celui de magistrat, pris dans ce sens.

Mais ce nom ne signifie proprement dans notre langue que ceux sur qui le souverain se repose pour rendre la justice en son nom, conserver le dépôt sacré des lais, leur donner par l'enregistrement la notoriété nécessaire, et les faire exécuter ; fonctions augustes et saintes, qui exigent de celui qui en est chargé, les plus grandes qualités. Obligé seulement comme citoyen de n'avoir aucun intérêt si cher qui ne cede au bien public, il contracte par sa charge et son état un nouvel engagement plus étroit encore ; il se dévoue à son roi et à sa patrie, et devient l'homme de l'état : passions, intérêts, préjugés, tout doit être sacrifié. L'intérêt général, ressemble à ces courants rapides, qui reçoivent à la vérité dans leur sein les eaux de différents ruisseaux ; mais ces eaux s'y perdent et s'y confondent, et forment en se réunissant un fleuve qu'elles grossissent sans en interrompre le cours.

Si l'on me demandait quelles vertus sont nécessaires au magistrat, je ferais l'énumération de toutes : mais il en est d'essentielles à son état, et qui, pour ainsi dire, le caractérisent. Telles, par exemple, cet amour de la patrie, passion des grandes âmes, ce désir d'être utîle à ses semblables et de faire le bien, source intarissable des seuls plaisirs du cœur qui soient purs et exempts d'orages, désir dont la satisfaction fait goûter à un mortel une partie du bonheur de la divinité dont le pouvoir de faire des heureux est sans doute le plus bel apanage.

Il est un temple, et c'est celui de mémoire, que la nature éleva de ses mains dans le cœur de tous les hommes ; la reconnaissance y retrace d'âge en âge les grandes actions que l'amour de la patrie fit faire dans tous les temps. Vous y verrez le consul Brutus offrir à sa patrie d'une main encore fumante le sang de ses enfants versé par son ordre. Quelle est donc la force de cette vertu, qui pour soutenir les lois d'un état, a bien pu faire violer celles de la nature, et donner à la postérité un spectacle qu'elle admire en frémissant ? Vous y verrez aussi Larcher, Brisson, Tardif, victimes de la cause publique et de leur amour pour leur roi légitime, dans ces temps malheureux de séditions et d'horreurs, où le fanatisme déchainé contre l'état, se baignait dans les slots du sang qu'il faisait répandre, garder jusqu'au dernier moment de leur vie la fidélité dû. à leur souverain, et préférer la mort à la honte de trahir leurs serments. Mânes illustres, je n'entreprendrai pas ici votre éloge ; votre mémoire sera pour moi au nombre de ces choses sacrées auxquelles le respect empêche de porter une main profane.

MAGISTRAT, (Jurisprudence) signifiait anciennement tout officier qui était revêtu de quelque portion de la puissance publique ; mais présentement par ce terme, on n'entend que les officiers qui tiennent un rang distingué dans l'administration de la justice.

Les premiers magistrats établis chez les Hébreux, furent ceux que Moïse choisit par le conseil de Jéthro son beau-pere, auquel ayant exposé qu'il ne pouvait soutenir seul tout le poids des affaires, Jéthro lui dit de choisir dans tout le peuple des hommes sages et craignans Dieu, d'une probité connue, et surtout ennemis du mensonge et de l'avarice, pour leur confier une partie de son autorité ; de prendre parmi eux des tribuns, des centeniers, des cinquanteniers et dixainiers, ainsi qu'il est dit au XVIIIe chap. de l'Exode : ceci donne une idée des qualités que doit avoir le magistrat.

Pour faire cet établissement, Moïse assembla tout le peuple ; et ayant choisi ceux qu'il crut les plus propres à gouverner, il leur ordonna d'agir toujours équitablement, sans nulle faveur ou affection de personnes, et qu'ils lui refuseraient les choses difficiles, afin qu'il put les régler sur leur rapport.

Comme les Israèlites n'avaient alors aucun territoire fixe, il partagea tout le peuple en différentes tribus de mille familles chacune, et subdivisa chaque tribut en d'autres portions de cent, de cinquante, ou de dix familles.

Ces divisions faites, il établit un préfet ou intendant sur chaque tribu, et d'autres officiers d'un moindre rang sur les subdivisions de cent, de cinquante, et de dix.

Moïse choisit encore par l'ordre de Dieu même, avant la fin de l'année, 70 autres officiers plus avancés en âge, dont il se forma un conseil, et ceux-ci furent nommés seniores et magistri populi ; d'où est sans doute venu dans la suite le terme de magistrats.

Tous ces officiers établis par Moïse dans le désert, subsistèrent de même dans la Palestine. Le sanhédrin ou grand conseil des 70, établit son siège à Jérusalem : ce tribunal souverain, auquel présidait le grand-prêtre, connaissait seul de toutes les affaires qui avaient rapport à la religion et à l'observation des lais, des crimes qui méritaient le dernier supplice ou du moins effusion de sang, et de l'appel des autres juges.

Il y eut aussi alors à Jérusalem deux autres tribunaux et un dans les autres villes ; pour connaître en première instance de toutes les affaires civiles, et de tous les délits autres que ceux dont on a parlé.

Les centeniers, cinquanteniers, dixainiers, eurent chacun l'intendance d'un certain quartier de la capitale.

Les Grecs qui ont paru immédiatement après les Hébreux, et qui avaient été longtemps leurs contemporains, eurent communément pour maxime de partager l'autorité du gouvernement et de la magistrature entre plusieurs personnes.

Les républiques prenaient de plus la précaution de changer souvent de magistrats, dans la crainte que s'ils restaient trop longtemps en place, ils ne se rendissent trop puissants et n'entreprissent sur la liberté publique.

Les Athéniens qui ont les premiers usé de cette politique, choisissaient tous les ans 500 de leurs principaux citoyens, dont ils formaient le sénat qui devait gouverner la république pendant l'année.

Ces 500 sénateurs étaient distribués en dix classes de 50 chacune, que l'on appelait prytanes ; chaque prytane gouvernait l'état pendant 35 jours.

Des 50 qui gouvernaient pendant ce temps, on en tirait toutes les semaines dix, qui étaient qualifiés de présidents ; et de ces dix on en choisissait sept qui partageaient entr'eux les jours de la semaine, et tout cela se tirait au sort. Celui qui était de jour, se nommait archi, prince ou premier ; les autres formaient son conseil.

Ils suivaient à-peu-près le même ordre pour l'administration de la justice : au commencement de chaque mois, lorsqu'on avait choisi la cinquantaine qui devait gouverner la république, on choisissait ensuite un magistrat dans chaque autre cinquantaine. De ces neuf magistrats appelés archontes, trois étaient tirés au sort pour administrer la justice pendant le mois ; l'un qu'on appelait préfet, ou gouverneur de la ville, présidait aux affaires des particuliers, et à l'exécution des lois pour la police et le bien public ; l'autre nommé , roi, avait l'intendance et la juridiction sur tout ce qui avait rapport à la religion ; le troisième appelé pôlemarchus, connaissait des affaires militaires et de celles qui survenaient entre les citoyens et les étrangers ; les six autres archontes servaient de conseil aux trois premiers.

Il y avait encore quelques autres tribunaux inférieurs pour différentes matières civiles et criminelles ; ils changeaient aussi de juges les uns tous les mois, les autres tous les ans.

Tous ces tribunaux n'étaient chargés de la police que pour l'exécution ; la connaissance principale en était réservée au sénat de l'Aréopage, qui était le seul tribunal composé de juges fixes et perpétuels ; on les choisissait entre les principaux citoyens qui avaient exercé avec le plus d'applaudissement l'une des trois magistratures dont on vient de parler.

Pour ce qui est des Romains, lorsque Romulus eut fondé cet empire, il rendait lui-même la justice avec ceux des principaux citoyens qu'il s'était choisi pour conseil, et qu'il nomma sénateurs. Il distingua le peuple en deux classes ; les patriciens ou nobles, furent les seuls auxquels il permit d'aspirer aux charges de la magistrature ; il accorda aux Plébéïens le droit de choisir eux-mêmes leurs magistrats dans l'ordre des patriciens.

Lorsque les rois furent chassés de Rome, la puissance du sénat s'accrut beaucoup ; la république fut gouvernée par deux consuls qui étaient les chefs du sénat ; ils l'étaient encore du temps d'Auguste, et néanmoins le sénat leur commandait surtout dans la guerre ; on leur donna pour collègue le censeur, dont la charge était de faire le dénombrement des citoyens, et d'imposer chacun aux subsides selon ses facultés ; et comme les consuls étaient quelquefois obligés de commander dans les provinces, on nommait dans les temps de trouble un souverain magistrat, qu'on appela dictateur.

Le préfet de la ville, qui avait été institué dès le temps de Romulus pour commander en son absence, devint sous Justinien le chef du sénat ; après lui les patrices, les consuls, ensuite les autres officiers, tels que ceux que l'on appelait préfets et mestres-de-camp ; enfin les sénateurs et les chevaliers, les tribuns du peuple, lesquels avaient été institués par Romulus, et dont le pouvoir augmenta beaucoup sous la république ; les édiles, le questeur et autres officiers.

On créa aussi des tribuns des soldats, des édiles curules, des préteurs, les préfets du prétoire, un maître général de la cavalerie, un maître des offices, un préfet de l'épargne, comes sacrarum largitionum ; un préfet particulier du domaine du prince, comes rerum privatarum ; le grand pouvoir, comes sacri patrimonii ; un maître de la milice, des proconsuls et des légats ; un préfet d'Orient, un préfet d'Auguste, un préfet des provisions, praefectus annonae ; un préfet des gardes de nuit, praefectus vigilum.

Il y eut aussi des vicaires ou lieutenans donnés à divers magistrats, des assesseurs ou conseillers, des défenseurs des cités, des décurions, des decemvirs, et plusieurs autres officiers.

La fonction de tous ces magistrats n'était point érigée en office ; ce n'étaient que des commissions annales qui étaient données par le sénat, ou par le peuple, ou en dernier lieu par les empereurs.

Aucune magistrature n'était vénale ; mais comme il se glisse par-tout de l'abus, on fut obligé de défendre à ceux qui briguaient les charges, de venir aux assemblées avec une double robe sous laquelle ils pussent cacher de l'argent, comme ils avaient coutume de faire pour acheter le suffrage du peuple.

Tous ceux qui exerçaient quelque partie de la puissance publique, étaient appelés magistrats, soit qu'ils fussent simplement officiers de judicature, soit qu'ils eussent aussi le gouvernement civil et militaire, ou même qu'ils fussent simplement officiers militaires. Il y avait des magistrats ordinaires, comme les consuls, les préteurs, etc. et d'autres extraordinaires, comme les dictateurs, le préfet des vivres, etc.

On distinguait aussi les magistrats en deux classes, savoir en grands et petits magistrats, majores et minores magistratus.

En France on ne donne le nom de magistrats qu'à ceux qui tiennent un certain rang dans l'administration de la justice tels que le chancelier, qui est le chef de la magistrature, les conseillers d'état et maîtres des requêtes, les présidents et conseillers de cour souveraine, les avocats et procureurs généraux.

Nous avons aussi pourtant des magistrats d'épée, tels que les pairs de France, les conseillers d'état d'épée, les chevaliers d'honneur, les baillis d'épée, les lieutenans criminels de robe courte, les prevôts des maréchaux.

Les juges des présidiaux, bailliages et sénéchaussées royales, sont aussi regardés comme magistrats ; ils en prennent même ordinairement le titre dans leurs jugements.

Les prevôts des marchands, maires et échevins, et autres juges municipaux qui reçoivent divers noms en quelques provinces, sont aussi magistrats.

Il ne suffit pas à un magistrat de remplir exactement les devoirs de son état, il doit aussi se comporter dans toutes ses actions avec une certaine dignité et bienséance pour faire respecter en lui l'autorité qui lui est confiée, et pour l'honneur de la magistrature en général.

Sur les fonctions et devoirs des magistrats, voyez au digeste le titre de origine juris et omnium magistratuum, et au code le titre de dignitatibus. Loyseau, traité des offices. (A)