S. m. (Histoire naturelle et Art) personne n'ignore que le sucre est une substance solide, blanche, douce, agréable au gout, fort en usage dans les offices, les cuisines, et même en pharmacie pour la confection des syrops et la préparation de plusieurs remèdes, se dissolvant parfaitement dans l'eau, à laquelle il donne une saveur gracieuse, sans lui communiquer ni couleur ni odeur.

Quoiqu'il soit assez difficîle de prescrire le temps auquel le sucre a commencé de paraitre sous une forme concrete, il est cependant certain que les anciens l'ont connu, puisqu'au rapport de Théophraste, de Pline et autres, ils faisaient usage du suc de certains roseaux, qui vraisemblablement étaient des cannes à sucre, et dont Lucien entend parler lorsqu'il dit : quique bibunt tenera dulces ab arundine succos. Mais nous ne voyons point que l'antiquité ait possédé l'art de cuire ce suc, de le condenser et de le réduire en une masse solide et blanche, comme nous faisons aujourd'hui ; c'est ce dont il sera question dans cet article, après avoir parlé des cannes à sucre et de leur culture, des machines, des ustensiles et des ingrédiens nécessaires à la préparation de cette production exotique, qui fait un des principaux objets du commerce maritime.

Des cannes à sucre. La canne à sucre, ou canne de sucre, selon l'usage du pays, diffère de certains roseaux creux, qu'on nomme cannes d'Espagne, en ce qu'elle est massive ; ses nœuds sont plus rapprochés les uns des autres, son écorce est moins ligneuse, plus mince, et sert d'enveloppe à une multitude de longues fibres parallèlement disposées, formant une espèce de tissu cellulaire, rempli d'un suc doux, agréable, un peu gluant, et ressemblant à du syrop délayé de beaucoup d'eau.

Le corps de la canne est divisé par nœuds, dont les intervalles croissent à proportion qu'ils s'éloignent du pied de la souche : c'est de ces nœuds que sortent les feuilles qui sechent et tombent à mesure que la plante acquiert de l'accroissement, en sorte qu'il n'en reste qu'un bouquet vers le sommet ; elles sont longues, étroites, dentelées imperceptiblement sur les bords, partagées d'une seule nervure, et ressemblant à de grandes lames d'espadon : lorsque la plante fleurit, il sort du milieu de ses feuilles un jet ou flèche très-droite, longue de 30 à 35 pouces, grosse à-peu-près comme l'extrémité du petit doigt, garnie à son sommet d'un grand panache parsemé de petites houpes très-déliées, renferment la semence.

Les cannes plantées dans une bonne terre croissent ordinairement de six à huit pieds de hauteur, portant environ douze à quinze lignes de diamètre ; elles acquièrent une belle couleur jaune en mûrissant, et le suc qu'elles renferment est savoureux. Celles que produisent les terrains bas et marécageux s'élèvent jusqu'à douze et quinze pieds, même plus ; elles sont presqu'aussi grosses que le bras ; mais leur suc, quoiqu'abondant, est fort aqueux et peu sucré ; les terrains arides au contraire donnent de très - petites cannes, dont le suc est peu abondant, trop rapproché, et comme à demi-cuit par l'ardeur du soleil.

Culture des cannes. Quoique la flèche ou fleur dont on a parlé renferme entre ses houpes une multitude de semences, on ne s'en sert point pour multiplier l'espèce, l'expérience ayant appris qu'il est plus àpropos de planter les cannes de bouture : cette méthode est plus prompte et plus certaine, c'est pourquoi on coupe le sommet des cannes par morceaux de quinze à dix-huit pouces de longueur, on les couche obliquement deux à deux dans chacune des fosses destinées à les recevoir ; on jette de la terre pardessus, sans en couvrir les extrémités ; et si la saison est favorable, ce plan commence à pousser au bout de sept à huit jours : la quantité de brossailles qui lèvent en même temps, oblige de sarcler les cannes à cinq ou six reprises, jusqu'à ce qu'elles aient acquis assez de force pour étouffer les mauvaises herbes ; les cannes étant parvenues à une certaine grandeur, sont quelquefois attaquées par un grand nombre de petits insectes, que les habitants appellent puchons ou pucons ; les fourmis ne leur causent pas moins de dommages, et les rats en font un grand dégât.

Dans un bon terrain bien préparé et soigneusement entretenu, le plan subsiste douze à quinze ans, même plus, sans qu'il soit besoin de le renouveller.

L'âge auquel on doit couper les cannes n'est point fixe, le temps de leur maturité étant souvent retardé par les variétés de la saison ; on doit observer de ne jamais faire la récolte lorsqu'elles sont en fleurs, puisqu'elles ne peuvent pousser leurs jets ou flèches qu'aux dépens de leur propre substance ; l'usage indique qu'il faut prévenir ce temps d'environ un mois, ou bien attendre autant qu'il soit passé.

Description des moulins à écraser les cannes. On en construit ordinairement de trois sortes, savoir, à eau, à vent, et à bœufs ou chevaux. Voyez les figures.

Leur principal mécanisme consiste en trois gros rouleaux de bois de pareil diamètre, rangés perpendiculairement sur une même ligne à côté l'un de l'autre, et couverts chacun d'un tambour ou cylindre de métal très-solide, C. Ces rouleaux, ou rôles, ainsi qu'on les nomme dans les pays, sont percés, suivant leur axe, d'un grand trou carré, dans lequel est enchâssé avec force un gros pivot de fer, dont la partie inférieure est garnie d'un cul-d'œuf bien acéré portant sur une crapaudine, et l'extrémité supérieure étant de forme cylindrique, tourne librement dans un collet de métal. A quelques pouces au-dessous des tambours ou cylindres, sont placés des hérissons G, dont les dents engrenent les unes dans les autres. Il est facîle de voir, par la disposition des trois rôles couronnés de hérissons, que celui du milieu étant mis en mouvement, doit faire agir à sens contraire ceux qui sont à ses côtés ; c'est pourquoi la partie supérieure de ce principal rôle doit être considérablement prolongée dans les moulins à vent et dans ceux qui sont mus par des chevaux ; mais dans les moulins à eau cette partie n'est élevée que de quelques pieds ; c'est ce qu'on appelle le grand arbre auquel la puissance est attachée. Voyez la lettre D, figure du moulin à eau, et H dans celle du moulin à bœufs.

Sous les rôles est une forte table B, construite pour l'ordinaire d'un seul bloc, dont le dessus un peu creusé en forme de cuvette est garni de plomb, ayant une gouttière prolongée au besoin, par où le suc des cannes écrasées entre les tambours se rend dans la sucrerie ; toutes ces pièces sont bien assujetties et renfermées dans un châssis de charpente A, très-solidement construit : dans les moulins à eau, à peu de distance au-dessus du châssis, est une roue horizontale F, qui pour axe a le grand arbre ; les dents de cette roue étant disposées perpendiculairement, engrenent entre les fuseaux d'une lanterne G, mise en action par la grande roue à pots I, verticalement disposée, et sur laquelle tombe l'eau de la conduite X.

On sait qu'au lieu de roue à pots, les moulins à vent agissent par le moyen de grandes ailes. Quant aux moulins à bestiaux, leur mécanisme est si simple, que l'inspection seule de la figure suffit pour le concevoir.

Sucrerie, édifice, purgerie, étuve ; Voyez ces articles à leurs lettres.

Cases à bagasses. A quelque distance du moulin et de la sucrerie, on construit de grands hangards couverts de feuilles de cannes ou de roseaux, servant à mettre à l'abri de la pluie les bagasses ou morceaux de canne écrasés au moulin, dont on se sert pour chauffer les fourneaux de la sucrerie.

Les ustensiles de sucrerie, sont des chaudières, dont on a parlé dans l'article SUCRERIE ; un canot à vesou, espèce de grande auge de bois d'une seule pièce, destinée à recevoir le vesou ou suc des cannes provenant du moulin.

Des rafraichissoires de cuivre rouge ; ce sont de grandes bassines à fond plat, ayant deux anses pour les transporter.

Des becs-de-corbin, sorte de grands chaudrons à deux anses, ayant un large bec en forme de gouttière. Voyez BEC-DE-CORBIN.

Chaque garniture de chaudière consiste en un balai de feuilles de latanier, une grande cuillere de cuivre rouge en forme de casserole profonde, et une large écumoire de cuivre jaune. Ces deux instruments sont emmanchés d'un bâton de cinq pieds de longueur : leur usage est évident.

Pour passer le vésou et le syrop, on se sert de blanchets ; ce sont des morceaux de drap de laine blanche, soutenus par une grande caisse de bois percée de plusieurs trous de tarière, et dont le fond fait en forme de grille est supporté par deux bâtons disposés en bras de civière ; ces bâtons se posent en travers sur les bords du glacis lorsqu'on veut passer le vesou où le syrop d'une chaudière dans une autre.

On doit encore avoir plusieurs petites bailles ou baquets servant à recevoir les écumes.

Un cuvier élevé sur des pieds et percé par le fond, servant à faire la lessive propre à la purification du sucre.

Un vase à préparer l'eau de chaux pour le même usage.

Des poinçons propres à percer le sucre dans les formes.

De grands couteaux de bois longs de trois pieds, espèce d'espatules, que les Raffineurs appellent pagayes.

Les instruments nécessaires pour le travail qui se fait dans la purgerie, sont des tilles, espèces de petites herminettes à manche court, des truelles rondes, des brosses semblables à des gros pinceaux à barbouiller, des serpes, un bloc de raffineur, sorte de grande sellette à trois pieds, et une bonne provision d'une terre préparée semblable à celle dont on fait des pipes à Rouen.

Il est indispensable d'avoir un nombre suffisant de formes garnies de leurs pots : ces formes sont de grands vases de terre cuite de figure conique, ouverts entièrement par leur base, et percés d'un trou à la pointe ; leur grandeur diffère beaucoup, les unes ayant trois pieds et plus de hauteur et environ quinze pouces de diamètre à la base ; d'autres n'ont que dix-huit pouces sur un diamètre proportionné. Il s'en trouve de moyennes entre ces deux grandeurs ; mais autant qu'il est possible, il est bon d'avoir un assortiment pareil : chaque forme doit être accompagnée d'un pot proportionné. Voyez la figure.

Parmi les ingrédiens dont on se sert pour la fabrique du sucre, on emploie des cendres de bois dur, de la chaux, de l'alun, et quelques autres drogues dont on ne parlera pas, l'ignorance et le charlatanisme en ayant introduit l'usage.

Préparation de la lessive servant à purifier le sucre. Après avoir bouché légèrement le trou du cuvier, on en garnit le fond avec des herbes et des racines coupées, fort estimées des Raffineurs : sur ce premier lit, on établit une couche de cendres épaisse de quatre doigts, sur laquelle on met une pareille épaisseur de chaux vive : le tout se recouvre avec des herbes, et l'on continue cet ordre jusqu'à ce que le cuvier soit totalement rempli ; alors on y verse de l'eau bouillante, qui après s'être impregnée des sels de la cendre et de la terre absorbante de la chaux, s'écoule par le trou du cuvier dans un vase destiné à la recevoir ; cette eau doit être recohobée plusieurs fais, afin de la bien charger de sels ; comme il y a quelques remarques importantes à faire sur sa composition, on croit devoir les renvoyer à la fin de cet article, pour ne pas interrompre l'ordre qu'on s'est proposé.

Procédé concernant la fabrique des sucres. Le vesou provenant des cannes écrasées au moulin, peut être bien ou mal conditionné, suivant la bonne ou mauvaise combinaison de ses principes constituans ; la nature du terrain où on a planté les cannes, leur degré de maturité, et la saison dans laquelle on a fait la récolte occasionnent des différences notables qu'il est essentiel de bien observer si l'on veut réussir.

C'est à l'inspection du vesou, lorsqu'on l'a fait passer du canot dans la grande chaudière, que le raffineur décide du plus ou du moins d'ingrédiens qui doivent être employés, et dont la pratique seule indique des doses convenables. Si les principes salins, aqueux, terreux et huileux sont liés dans une juste proportion, le vesou se trouve parfait, et peut être travaillé facilement ; mais si au contraire les principes huileux et aqueux sont mal combinés avec les deux autres, l'acide se trouvant trop développé, le vesou alors doit être verd et gras ; c'est pourquoi il exige dans la chaudière environ une pinte de cendre et autant de chaux en poudre très-fine bien délayée dans une suffisante quantité du même vesou.

Les vieilles cannes et celles qui ont souffert une grande sécheresse, donnent un suc noirâtre, épais, et comme à demi-cuit par la chaleur du soleil ; ce suc contient peu de principes aqueux, et l'acide n'y est plus sensible, s'étant, pour ainsi dire, neutralisé dans une portion du principe huileux qui s'y rencontre alors par surabondance.

La constitution de ce vesou oblige quelquefois d'y mêler de l'eau claire, et l'on jette dans la chaudière une pinte de cendres, une chopine de chaux et un peu d'antimoine en poudre mêlé dans la lessive ; la nécessité d'employer cette dernière drogue n'est pas bien démontrée : au surplus on n'en met qu'une quantité si médiocre, qu'elle ne peut pas faire de mal, et on ne s'en sert que dans la fabrication du sucre qu'on veut laisser brut sans le blanchir ensuite. Voyez la remarque à la fin de l'article.

Ces précautions étant prises et le vesou chauffant dans la chaudière, il faut avant qu'il bouille en enlever exactement toutes les écumes, jusqu'à ce qu'il n'en paraisse plus à la surface ; on le laisse ensuite bouillir pendant une heure, après quoi on le vide avec des cuillières dans la seconde chaudière nommée la propre, ayant soin de le passer au-travers d'un blanchet soutenu de sa caisse percée ; la grande chaudière se remplit de nouveau vesou, et l'on continue le travail sans interruption.

Le vesou qui a passé dans la propre commençant à bouillir, on y jette un peu de la lessive dont on a parlé, on écume avec soin, et l'on continue l'ébullition jusqu'à ce que la grande chaudière soit en état d'être transvasée, alors en faisant usage des cuilleres et du blanchet, le vesou de la propre doit être passé dans le flambeau, ou troisième chaudière, pour acquérir un nouveau degré de purification par la violence du feu et d'un peu de lessive qu'on y met à plusieurs reprises, écumant toujours à chaque fais.

Du flambeau le vesou étant passé dans la quatrième chaudière perd son nom et se convertit en syrop par la force de l'ébullition, on continue de le purifier avec un peu de lessive, et on se sert d'une écumoire dont les trous sont étroits.

La batterie ou cinquième chaudière étant remplie de ce syrop, et très-violemment échauffée, on y met encore un peu de lessive ; les bouillons montent considérablement, et le syrop pourrait s'épancher par-dessus les bords, si l'on n'avait soin d'y jeter de temps en temps quelques petits morceaux de beurre ou d'autres matières grasses en l'élevant avec l'écumoire pour lui donner de l'air. Cette manœuvre répétée fait baisser les bouillons et donne le temps d'écumer, ce qu'il faut faire avec tout le soin possible.

Le syrop approchant du degré de cuisson qu'il doit avoir, et le raffineur se rappelant les phénomènes qu'il a observés dans la grande chaudière, on verse dans la batterie, s'il en est besoin, une pinte d'eau de chaux dans laquelle on a fait dissoudre une once d'alun, quelquefois même pour mieux dégraisser le sucre, on met dans la chaudière un peu d'alun en poudre.

C'est à la figure et au mouvement des bouillons qu'on juge si le syrop est suffisamment cuit, et afin de mieux s'en assurer, on en met une goutte sur le pouce ; y joignant l'index ou le doigt du milieu, et les écartant l'un de l'autre, il se forme un filet, dont la rupture plus ou moins nette et prompte, montre le degré de cuisson ; cela s'appelle prendre la cuite, laquelle étant à son juste point, il faut avec une extrême diligence retirer le syrop, crainte qu'il ne brule ; on le vide dans le rafraichissoire en le remuant avec la pagaye, après quoi on le laisse reposer ; au bout d'un quart d'heure ou environ, il se forme une croute à la surface, on la brise pour la bien mêler dans le syrop, et on laisse encore reposer le tout sur les habitations, où l'on se contente de faire le sucre brut, sans avoir intention de le blanchir ; il suffit, au moyen du bec-de-corbin, de transporter le syrop du rafraichissoire dans un grand canot de bois, où après l'avoir remué un peu, on le laisse refroidir au point d'y pouvoir tenir le doigt ; alors le bec-de-corbin sert à le verser dans de grandes barriques ouvertes par le haut, percées d'un trou par le fond, et posées debout sur les soliveaux de la citerne ; le trou de ces barriques doit être bouché d'une canne plantée debout, laquelle venant à se sécher un peu par la chaleur du sucre laisse un passage libre pour l'écoulement du syrop qui n'étant pas condensé fait divorce d'avec la masse du sucre.

Le sucre que l'on veut terrer et blanchir exige d'autres précautions ; on met à chaque chaudière un ouvrier pour la soigner, et l'on ne met point d'antimoine dans la lessive ; les formes dont a parlé ayant trempé dans de l'eau claire pendant 24 heures, et étant bien nettoyées, on en bouche le trou fort exactement avec un tampon d'étoupes, et on les dispose dans la sucrerie la pointe en bas. Voyez la fig. M dans les Planches. Le tout ainsi préparé, on prend dans le rafraichissoire une quantité suffisante de syrop pour en remplir le bec-de-corbin, cette quantité se partage par portions à-peu-près égales dans toutes les formes, dont le nombre est fixé suivant la capacité de la batterie ; on continue ainsi de charger et de vider le bec-de-corbin jusqu'à ce que les formes soient totalement pleines de syrop à la surface duquel se forme une croute qu'il faut rompre et bien mêler avec ce qui est liquide, ce que l'on fait en remuant avec la pagaye, et ratissant l'intérieur des formes pour empêcher le sucre déjà condensé d'y adhérer ; cette opération se fait deux fois seulement dans l'intervalle d'une demi-heure, ensuite on donne le temps au sucre de s'affermir sans y toucher nullement.

Après quinze ou seize heures on débouche les formes, et l'on enfonce dans le trou un poinçon de sept à huit pouces de longueur, afin de percer la tête du pain de sucre, et faciliter l'écoulement du syrop superflu ; on met la pointe des formes ainsi débouchées dans des pots faits exprès, et on les arrange le long d'un des côtés de la sucrerie où ces vases restent toute la semaine, tandis que l'on continue le travail des chaudières nuit et jour.

Les syrops qui s'égouttent naturellement dans les pots s'appellent gros syrops, on les fait recuire pour en fabriquer du sucre nommé sucre de syrop, dont la qualité est inférieure à celle du précédent. Ce sucre de syrop étant mis à égoutter, donne un syrop amer servant à faire le taffia ou eau-de-vie de sucre.

Travail du sucre dans la purgerie suivant la capacité de l'étuve. On détermine le nombre de pains de sucre qui peuvent être soumis au travail, on commence par les visiter en les retirant l'un après l'autre de dedans les formes, et les remettant ensuite bien exactement chacun dans la sienne ; les défectueux se rangent à part pour les refondre, et toutes les formes dont on a choisi les pains sont portées dans la purgerie où on les place bien perpendiculairement la pointe en bas dans de nouveaux pots vides, observant de les ranger des deux côtés du bâtiment avec beaucoup d'ordre et par divisions de six formes de front sur huit à dix de longueur, suivant la largeur du terrain, lequel par cet arrangement se trouve partagé d'un bout à l'autre par un chemin d'environ quatre à cinq pieds de large, et croisé d'autant de petites ruelles qu'il se trouve de divisions ou lits de formes ; cette disposition ressemble assez à celle des lits de malades dans un hôpital.

Toutes les formes ainsi placées sur leurs pots demandent une préparation avant de recevoir la terre qui les doit couvrir ; il faut, selon le langage des raffineurs, en faire le fond, c'est-à-dire enlever une croute séche qui s'est formée sur le sucre, et au-dessous de laquelle se trouve une autre croute plus grasse séparée de la première par un vide d'environ un pouce : la croute séche se met à part pour être refondue avec le gros syrop, et la grasse n'est propre qu'à faire du taffia ; le vide qu'elles occupaient dans les formes étant bien nettoyé avec des brosses, on le remplit à un demi-pouce près du bord d'une suffisante quantité de sucre blanc rapé, un peu tapé et bien dressé de niveau au moyen d'une petite truelle de fer ; le tout se couvre d'une couche de terre blanche bien nette et délayée en consistance de mortier clair.

Après cette préparation il faut fermer les fenêtres pour empêcher l'air extérieur de dessécher la terre ; l'eau qu'elle contient se philtre insensiblement au-travers des molécules du sucre, délaye le syrop superflu qui les colorait, et le détermine par son poids à s'écouler dans les pots placés sous les formes ; c'est le syrop fin qu'on fait recuire dans les chaudières placées à cet effet à l'une des extrémités de la purgerie.

Il est nécessaire de visiter souvent les formes terrées, l'humidité de la terre pourrait agir inégalement, et former des gouttières et des cavités dans l'intérieur du pain ; le remède à cet inconvénient est de mettre un peu de sable fin dans les petits creux qui commencent à paraitre sur la surface de la terre : ce sable absorbe l'humidité et l'empêche de se précipiter trop vite dans cette partie.

Au bout de dix à douze jours la terre s'étant totalement desséchée d'elle-même, on doit l'enlever proprement, et en séparer avec un couteau le côté qui touchait au sucre, le reste se mettant à part pour servir une fais.

La place que la terre remplissait dans la forme étant bien brossée et nettoyée, on creuse un peu le dessus du sucre avec un poinçon pour l'égrainer d'environ un pouce dans toute sa surface ; on le dresse avec la truelle, et on le couvre d'une nouvelle couche de terre délayée, en pratiquant ce qui s'est observé précédemment. Cette seconde terre acheve de précipiter le reste de la substance colorante dont la pointe du pain de sucre pourrait être encore impregnée, et lorsqu'elle a produit son effet, on ouvre les fenêtres pour donner de l'air, on nettoie le dessus des formes et on laisse reposer le sucre pendant huit à dix jours, et plus s'il en est besoin, ensuite on loche les formes, c'est-à-dire qu'on les renverse sur le bloc pour en retirer le pain dont la pointe doit se trouver blanche et séche, autrement on la sépare d'un coup de serpe, et on la met avec les croutes seches, et les gros syrops qui doivent être recuits dans la sucrerie.

Les pains tronqués et ceux qui par leur bonne constitution sont restés dans leur entier, sont portés à l'étuve qu'on a dû nettoyer et chauffer quelques jours auparavant. Il faut observer pendant les deux ou trois premiers jours de donner un feu modéré et par degré. On doit aussi visiter les pains de sucre, et en séparer soigneusement les morceaux qui paraissent s'en détacher ; s'il en tombait quelque parcelle sur le coffre de fer qui sert de fourneau, cela occasionnerait un embrasement auquel il ne serait pas facîle de remédier. Le tout étant bien disposé, on ferme la trape et la porte de l'étuve, on augmente le feu jusqu'à faire rougir le coffre, et au bout de huit ou dix jours d'une chaleur continuelle, le sucre se trouve en état d'être retiré, alors on profite d'un beau jour pour le transporter sous les angards situés auprès de la purgerie, et on le pîle dans de grands canots de bois faits exprès ; s'il se rencontre encore quelques pointes moins blanches que le corps des pains ; on les pîle à part, et cela s'appelle sucre de têtes.

Le sucre bien pilé et passé au-travers d'un crible, se met dans des barriques en le foulant à force de pilons ; ces barriques étant remplies et foncées, pesent ordinairement huit, dix, jusqu'à douze quintaux. Les Portugais du Brésil se servent de grandes caisses, qu'ils appellent cassa, d'où le sucre, soit brut, soit terré, a pris le nom de cassonade brune ou blanche, dont les raffineurs d'Europe font le sucre raffiné, qu'ils mettent en petits pains pour le vendre aux épiciers.

Sucre raffiné à la façon des iles. Pour le faire, on emploie les débris du sucre terré, les têtes qui n'ont pas blanchi sous la terre, les croutes séches, et quelquefois le sucre brut même.

Ayant mis dans une des chaudières de la purgerie, poids égal de sucre et d'eau de chaux, on chauffe et l'on écume très-soigneusement, jusqu'à ce qu'il ne paraisse plus d'écume à la superficie de la liqueur, qu'il faut passer aussi-tôt au-travers d'un blanchet, et continuer de la faire chauffer, y jetant à plusieurs reprises des blancs d'œufs délayés et battus avec des verges, dans de l'eau de chaux, et observant d'écumer à chaque fois le plus exactement qu'il est possible ; lorsqu'il ne monte plus d'ordures, et que le syrop parait clair, on le passe une seconde fois au-travers d'un blanchet bien propre, et on acheve de le faire cuire dans la chaudière voisine, jusqu'à ce qu'il ait acquis la cuisson nécessaire pour être retiré de dessus le feu, et mis dans le rafraichissoir ; on le remue avec le couteau de bois, et après l'avoir saupoudré d'un peu de sucre raffiné, on le laisse reposer avant de le vider dans les formes : du reste on procede comme il a été dit, en parlant du sucre terré, et quand il a été bien égouté naturellement, et ensuite par le moyen de la terre imbibée d'eau, on le transporte à l'étuve.

Ceux qui font une grande quantité de sucre raffiné se servent de sang de bœuf, au lieu d'œufs ; cette méthode est moins dispendieuse, mais le sucre contracte souvent une très-mauvaise odeur.

Il est aisé de donner au sucre raffiné plusieurs degrés de perfection, en le faisant refondre et cuire dans de l'eau d'alun, et le purifiant toujours avec des blancs d'œufs : on le met ensuite dans de petites formes que l'on couvre de plusieurs petits morceaux de draps imbibés d'eau claire, qui font l'office de la terre dont on a parlé ; et lorsqu'il est bien égoutté, on l'expose au grand soleil, sans le mettre à l'étuve, dont la chaleur pourrait le roussir. Ce sucre se nomme sucre royal, il acquiert beaucoup de blancheur et de pesanteur à l'égard de son volume ; mais s'il gagne au coup d'oeil, il perd considérablement de sa douceur primitive.

Observations essentielles sur les travaux précédents. Dans la composition de la lessive dont on a parlé, on a pour objet de retirer une liqueur imprégnée d'un sel alkali, et d'une terre absorbante, l'un et l'autre provenant des cendres et de la chaux mises dans le cuvier entre des lits d'herbes auxquelles on attribue de grandes propriétés ; l'eau bouillante qu'on verse dessus, dissout très-bien ce sel et cette terre, mais en même-temps elle se charge de la fécule et de la partie colorante des plantes et des racines, substances étrangères, qui en colorant le vesou, lui communiquent une qualité nuisible à la perfection du travail. Il faudrait donc les supprimer comme inutiles et préjudiciables.

L'extrême chaleur de l'eau bouillante entraîne encore avec elle une huîle grossière contenue dans les cendres et dans les particules de charbon qui ont pu y rester ; cette huîle colorée empyreumatique donne un mauvais gout, et se mêlant d'ailleurs aux parties salines, elle les empêche d'agir sur l'acide et sur l'huîle surabondante du vesou.

Il parait donc qu'il vaudrait mieux se servir d'eau froide, sans employer les cendres chaudes sortant du fourneau ; comme cela se pratique assez souvent ; après que l'eau froide aura été recohobée plusieurs fois sur les cendres, on pourra y mettre une suffisante quantité de chaux à infuser, après quoi il sera bon de philtrer le tout, au-travers d'une chausse bien serrée.

Si la lessive ainsi préparée ne parait pas assez forte, on peut la concentrer en la faisant évaporer sur le feu, jusqu'à ce qu'une goutte étant mise sur la langue occasionne une vive sensation ; par ce moyen on aura une lessive très-alkaline, fort claire, et qui ne communiquera rien d'étranger au vesou ni au syrop.

La cendre qu'on met en substance dans la grande chaudière, doit aussi par son huîle grossière, colorer et altérer le vesou ; cette cendre n'agissant qu'en raison du sel qu'elle contient, pourquoi ne pas employer ce sel même dégagé des matières hétérogènes nuisibles à son action ? il est très-facîle de s'en procurer en quantité, au moyen d'une lessive bien faite et évaporée jusqu'à siccité, ce sel n'étant pas de nature à crystalliser.

De la propriété qu'ont les alkalis fixes et les terres absorbantes, de s'unir intimément aux acides, et de se lier aux matières grasses, il s'ensuit que le sel dont nous parlons, étant mêlé à l'eau de chaux et mis en proportion convenable dans les chaudières, doit s'emparer de l'acide du vesou ; ce que fait aussi la terre absorbante contenue dans l'eau de chaux ; si l'on ajoute une nouvelle dose de sel et de terre absorbante, ces substances ne trouvant plus d'acide, agiront directement sur l'huîle surabondante du sucre, et formeront un composé savonneux qui, par la chaleur, venant à s'élever à la surface du vesou, en rassemblera toutes les ordures grossières, que le raffineur pourra facilement emporter avec son écumoire.

Comme on ne peut penser que personne ait jamais eu intention de donner au sucre une qualité émétique ou diaphorétique, on ne voit pas quel autre effet peut produire l'antimoine employé dans la lessive, heureusement que la dose ordinaire de cette substance est si petite, qu'elle ne peut pas faire de mal.

On observera en passant, que les alkalis fixes ont la faculté de se joindre au soufre de l'antimoine, avec lequel ils forment un composé connu sous le nom d'hépar, qu'on sait être le dissolvant des substances métalliques, et par conséquent de la partie réguline de l'antimoine ; cela posé, et la lessive étant rapprochée, il peut en résulter un kermès minéral, émétique ou diaphorétique à une certaine dose ; ce qui certainement doit être mieux placé dans les boutiques d'apoticaires, que dans les chaudières à sucre.

Si l'alun en poudre qu'on jette dans la batterie contribue à dégraisser le syrop, il en reste toujours un peu dans la masse, lorsque le sucre prend corps : ainsi cette drogue en peut altérer la qualité, on ne doit donc l'employer qu'avec circonspection.

La terre dont on se sert pour blanchir le sucre, doit être grasse, blanche, sans aucun mélange de pierre ou sable, ne colorant point l'eau dans laquelle on la détrempe, et ne faisant point d'effervescence avec les acides ; c'est une sorte d'argille semblable à celle dont on fait les pipes à Rouen.

On a dit plus haut que les pains de sucre portés dans la purgerie, n'ont été terrés que deux fois seulement ; une troisième opération serait nuisible, puisque l'eau dont la terre est imbibée ne trouvant plus de syrop avec qui elle put se mêler, agirait directement sur le grain du sucre, et en dissoudrait une partie.

D'après le détail des opérations ci-dessus, il est aisé de connaître la nature du sucre, qui n'est autre chose que le sel essentiel de la canne réduit en masse concrete par le moyen de la cuisson et de la crystallisation : ce sel, par un nouveau travail, peut être formé en beaux crystaux solides, transparents, et à facettes, c'est ce que les confiseurs appellent sucre candi, dont voici le procédé, suivant l'usage de quelques particuliers des îles françaises de l'Amérique.

Ayant fait dissoudre du sucre blanc dans une suffisante quantité d'eau de chaux très-foible, on verse cette dissolution dans une bassine de cuivre rouge posée sur le feu, et la liqueur étant chaude, on y jette des blancs d'œufs battus, on clarifie, et l'on écume avec beaucoup de soin, ensuite de quoi on passe la liqueur au-travers d'une chausse très-propre, et l'on continue de la faire cuire ; il est à propos de préparer une forme dans laquelle on arrange plusieurs petits bâtons bien propres, les disposant les uns au-dessus des autres en différents sens : on bouche légèrement le trou de la forme avec un peu de paille, et on la suspend dans l'étuve la pointe en-bas, ayant soin de mettre au-dessous un vase propre pour recevoir le syrop qui s'égoutte.

Lorsque le syrop qui est dans la bassine se trouve suffisamment cuit, on le laisse un peu refroidir après quoi il faut le verser dans la forme, dont on couvre le dessus, et le sucre en se refroidissant, s'attache autour des petits bâtons par grouppes de beaux crystaux solides, anguleux, et transparents comme du verre, on présume que c'est sur ce même principe, que les confiseurs travaillent.

La disposition qu'ont les cannes à sucre de se gâter en vingt-quatre heures, si on néglige de les employer lorsqu'elles ont été coupées, et l'extrême rapidité avec laquelle elles passent de la fermentation spiritueuse à la fermentation acide, sont des sujets d'observation que la longueur de cet article ne permet pas de détailler : on en parlera convenablement lorsqu'il sera traité des esprits ardents tirés du sucre par le moyen de la distillation. Voyez RHUM ou TAFFIA. Article de M. LE ROMAIN.

Raffinage du sucre dans nos raffineries. Voici à-peu-près comme je le conçais. Il y a dans le suc des cannes, comme dans plusieurs autres sucs de plantes, une partie qui crystallise, et une qui ne crystallise pas : (je dirai en passant, que cette partie du corps muqueux qui crystallise, pourrait bien être au corps muqueux en général, ce que sont aux résines les fleurs de benjoin et le camphre, et aux huiles essentielles, ce corps d'une nature singulière, observé par Boyle, qui en trouble la transparence, lorsqu'elles sont gardées longtemps). Est-ce à l'huîle surabondante, à l'acide, à la terre, qu'il faut attribuer la difficulté qu'a une partie du corps muqueux à crystalliser ? Je n'en sais rien. Quoiqu'il en sait, le sucre que nous demandons pour nos usages, le sucre proprement dit, est cette partie du suc des plantes qui crystallise, mise à part et dégagée du mélange de la mélasse ou syrop qui ne crystallise pas ; l'objet du travail des raffineries, est donc de séparer ces deux parties l'une de l'autre, et ce travail est tout entier renfermé dans deux points : 1°. faire crystalliser la plus grande quantité de sucre qu'il est possible : 2°. emporter le plus exactement qu'il est possible toute la mélasse. On atteint le premier point en faisant évaporer l'eau surabondante, par la cuite ; et le second, en lavant le sucre déjà crystallisé, avec de l'eau qui emporte toute la mélasse, parce que cette mélasse est incomparablement plus soluble que le sucre crystallisé. Il ne faut que suivre le détail de toutes les opérations du raffineur, pour voir qu'elles se réduisent toutes à remplir ces deux points de vue.

1°. Le suc après avoir été exprimé des cannes, est mis dans les chaudières où il s'évapore au-delà du point de la crystallisation, c'est-à-dire que l'eau y reste en trop petite quantité, pour qu'il soit tenu en dissolution à froid, et qu'ainsi il crystallise par le seul refroidissement, sans évaporation ultérieure ; chaque petit crystal est ainsi isolé, sans liaison avec les autres crystaux, environné de toutes parts d'un syrop gluant, en sorte que le tout reste friable et gras au toucher. Tel est l'état du sucre brut ou moscouade.

2°. Comme les petits crystaux, dans la moscouade, sont très-peu liés les uns avec les autres, et que la quantité de la melasse est très-considérable, si l'on entreprenait de faire passer de l'eau à-travers la masse totale pour emporter la melasse, la plus grande partie du sucre serait aussi dissoute et emportée avec la melasse. Une nouvelle cuite donne plus de corps et de masse aux crystaux, et diminue la proportion de la mélasse dans le tout : on redissout le sucre, et on le remet à évaporer dans des chaudières : on se sert pour le dissoudre d'eau de chaux, et on clarifie avec le blanc d'œuf, ou avec le sang de bœuf. C'est un fait qu'après cette opération, la proportion du sucre et de la melasse est changée ; mais quelle en est la raison ? l'eau de chaux fournit-elle à une portion de la melasse la terre qui lui manquait pour crystalliser ? absorbe-t-elle une partie de la matière grasse, surabondante, ou ne sert-elle qu'à absorber l'acide qui se développe par la chaleur du feu ? je penserais volontiers que le sucre est tout formé dans le suc de la plante, et qu'il se convertit plutôt par la suite en melasse, que la melasse en sucre ; la melasse étant toujours soluble et fluide, dissout toujours un peu de sucre qui y est plongé, et lui communique un leger commencement de fermentation qui en décompose une partie ; c'est je crois à cette cause qu'il faut attribuer le déchet ou coulage que souffre le sucre brut qu'on apporte des iles. Le sucre même est sujet à quelque déchet, si on le garde longtemps dans un lieu exposé à l'humidité ; il s'y excite un léger mouvement de décomposition, il jaunit peu-à-peu, il dévient gras, on est obligé de le raffiner de nouveau, et il s'y trouve de la melasse ; je conjecture que la cuite, sans augmenter la quantité du sucre déjà tout formé dans la plante, diminue la quantité de la melasse et la décompose, précisément comme le mouvement de l'ébullition décompose en général le mucilage et les extraits, dont une partie se réduit toujours en terre à chaque fois qu'on les repasse au feu pour les clarifier ; cette terre forme l'écume et s'enlève par la despumation au blanc d'œuf : car il n'est pas vrai, comme M. R. le dit, que le blanc d'œuf serve à enlever la matière grasse ou melasse ; car, puisqu'elle est plus soluble que le sucre même, à plus forte raison doit-elle passer comme lui à-travers le réseau que forme le blanc d'œuf coagulé ; elle ne peut être enlevée que lorsqu'elle est décomposée et réduite en terre par la continuité des ébullitions ; à l'égard de l'eau de chaux, je crois qu'elle ne sert gueres qu'à absorber l'acide qui se développe par l'action du feu, à l'empêcher de réagir sur l'huile, et de donner à la matière un goût empyreumatique ; peut-être aussi que cet acide, s'il restait libre, pourrait agir sur le sucre même, et en décomposer une partie. J'attribue donc le changement de proportion entre le sucre et la melasse, à ce que le mouvement de l'ébullition agit plus fortement sur la melasse pour la décomposer, que sur le sucre : et je crois que les mêmes causes, la même perfection dans sa combinaison qui font crystalliser le sucre, et qui le rendent moins soluble, le font aussi résister davantage à sa décomposition : ce n'est pas que je voulusse décider absolument que l'eau de chaux ne contribue pas à faire crystalliser quelques portions de la melasse, en leur fournissant de la terre ; mais ce n'est-là qu'une conjecture vague, qui aurait besoin d'être prouvée, et qui est d'autant moins indiquée par les phénomènes, que la quantité absolue du sucre diminue plutôt que d'augmenter à chaque cuite.

3°. Nous avons Ve tout ce que la cuite peut faire pour changer la proportion du sucre à la melasse, et pour obtenir la plus grande quantité possible de sucre crystallisé. Il ne s'agit plus que de le faire crystalliser et d'en séparer la melasse qui reste. On continue la cuite jusqu'à ce que le syrop soit au point d'avoir perdu toute son eau de dissolution, et ne conserve plus sa fluidité que par l'action de la chaleur. Si on évaporait au-delà de ce point, la melasse trop peu fluide deviendrait un obstacle à ce mouvement des parties du sucre qui doivent s'arranger en crystaux, et les deux substances resteraient confondues. Les Raffineurs reconnaissent ce point précis par la consistance du syrop qu'ils font filer entre leurs doigts ; il est évident que c'est-là une connaissance qu'on ne peut manquer d'acquérir par le simple tâtonnement : c'est pourtant en ce point qu'ils font consister tout le secret de leur art ; c'est la dernière chose qu'ils apprennent à leurs élèves, et pour apprendre ce beau secret, il faut donner quatre cent francs. Le syrop une fois réduit à cette consistance, il ne s'agit plus que de le faire refroidir pour y faire crystalliser le sucre ; on le verse pour cet effet, dans des moules coniques renversés. Là le sucre crystallise, mais toujours au milieu de la melasse. Dans cet état il forme une masse solide, mais criblée d'une quantité innombrable de pores dans lesquels la melasse est retenue par a force du tuyau capillaire, augmentée par la viscosité qu'elle a acquise par la cuite du sucre, par l'évaporation de l'eau surabondante. Pour séparer cette melasse, il faut lui rendre assez de fluidité pour qu'elle puisse s'écouler à-travers la masse du sucre, comme à-travers un filtre, et s'égoutter par le sommet du cone renversé, dans lequel le sucre s'est crystallisé. Ce sommet est percé à cet effet, et son ouverture est placée sur un vase destiné à recevoir la melasse. L'eau versée sur la base du pain de sucre renversé, entraînera la melasse en se filtrant entre les pores du sucre. Mais quoique le sucre soit beaucoup moins soluble que la melasse, cependant si cette eau passait en trop grande quantité, et trop rapidement entre tous ces crystaux, elle ne pourrait manquer d'en dissoudre aussi la plus grande partie, et de l'entraîner pêle-mêle avec la melasse. Pour ne donner à la melasse que la quantité précise d'eau nécessaire pour la rendre plus fluide, et pour l'entraîner sans attaquer le sucre, au lieu de verser de l'eau sur la base du pain de sucre, on y verse de l'argîle détrempée et délayée à consistance de bouillie. Cette bouillie contient beaucoup plus d'eau que l'argîle n'en peut soutenir ; elle la laisse donc échapper, mais en petite quantité, avec lenteur. La melasse supérieure humectée presse l'inférieure par son poids, celle-ci commence à s'égoutter, avant même que l'eau soit parvenue jusqu'à elle, de nouvelle eau s'échappe de l'argile, et continue à laver le filtre en entrainant le reste de la melasse. A mesure que l'eau a perdu plus de sa force par le chemin qu'elle a parcouru, et que l'argîle en laisse moins échapper, la forme conique du vase le rassemble en plus grande quantité, à-proportion de la melasse qui se trouve dans les tranches inférieures du cone renversé. La melasse la moins fluide a passé dès le commencement, pressée par la chute de la melasse des tranches supérieures ; celle-ci plus fluide s'écoule toute seule, et il n'en reste qu'une très - petite quantité au sommet du cone, où la force du tuyau capillaire la retient. Aussi le sommet du pain de sucre est-il moins beau que le sucre pris à deux ou trois doigts de distance. On voit par ce détail que la forme conique des pains de sucre n'est rien moins qu'indifférente pour l'écoulement de la melasse. La bouillie d'argîle a encore un autre usage que de donner de l'eau à la melasse, c'est de former une croute qui conserve son humidité et empêche l'évaporation de l'eau qui traverse le pain de sucre. On sent bien que la bouillie plus ou moins délayée, et formant une couche plus ou moins épaisse, détermine la quantité d'eau qui doit passer dans le pain de sucre ; et que le tâtonnement seul peut enseigner le point précis qu'il faut observer là-dessus, et qui doit varier suivant le degré de cuite du sucre, la forme et la hauteur du moule, la nature de l'argîle qu'on emploie, etc. malgré l'inégale solubilité du sucre et de la melasse ; l'eau entraîne un peu de sucre avec la melasse, et il reste aussi dans le sucre un peu de melasse. Aussi recuit-on la melasse pour en retirer encore le sucre, et le sucre pour achever de le raffiner de plus en plus. Celui qui n'a été raffiné qu'une fois s'appelle cassonade ou sucre terré ; on le repasse encore plusieurs fois pour en faire le sucre royal. On voit que la melasse joue précisément le même rôle dans le raffinage du sucre, que l'eau mère dans la purification du nitre. Je ne sais pourquoi M. R. donne à cette melasse le nom de matière grasse, ni pourquoi il imagine que l'argîle dégraisse le sucre, par la propriété qu'elle a de s'unir aux huiles. L'argîle n'est appliqué qu'extérieurement au sucre déjà crystallisé, et si on en mêlait avec le sucre dans la cuite, il serait très-difficile, Ve l'extrême division dont elle est susceptible et la viscosité du syrop, de l'en séparer.

SUCRE DES ARABES, (Matière médic. des Arabes) les Arabes ont fait mention de trois espèces du sucre, qui sont le sacchar arundineum, c'est-à-dire le sucre de roseau ou de cannes ; le tabaxir et le sacchar alhusser ou alhussar.

On prétend que le sacchar arundineum d'Avicennes, coule de cannes, et se trouve dessus sous la forme de sel. Il ne peut être différent du sucre des anciens, qui découlait de la canne à sucre ; on lui donnait encore le nom de tabarzet, parce qu'on le trouvait tout blanc.

2°. Le tabaxir du même Avicenne, semble n'être autre chose que le sacchar mambu des Indes, ou le sucre naturel des anciens qui venait du roseau en arbre. Ce roseau qui leur était également connu, est l'arundo mambu. Pison Mant. Aromat. 185, arundo arbor, in quâ humor lacteus gignitur, qui tabaxir Avicennae, et Arabicus dicitur, C. B. P. 18. Ili, Hort. Malab. 1. 16.

Ses racines sont genouillées et fibrées ; il en sort des tiges fort hautes, cylindriques, dont l'écorce est verte, et dont les nœuds sont durs ; ces racines sont composées de filaments ligneux, blanchâtres et séparés aux nœuds par des cloisons ligneuses : de ces nœuds sortent de nouvelles branches et des rejetons, creux en-dedans, garnis aussi de nœuds, armés d'une, de deux ou d'un plus grand nombre d'épines, oblongues et roides ; les tiges s'élèvent à la hauteur de dix ou quinze pieds, avant que de donner des rameaux.

Lorsqu'elles sont tendres et nouvelles, elles sont d'un verd - brun, presque solides, remplies d'une moèlle légère, spongieuse et liquide, que le peuple suce avec avidité, à cause de son goût agréable. Lorsqu'elles sont vieilles, elles sont d'un blanc jaunâtre, luisantes, creuses en-dedans, et enduites d'une espèce de chaux : car la substance, la couleur, le goût et l'efficacité de la liqueur qu'elles contiennent se changent, et cette liqueur sort peu-à-peu ; elle se coagule souvent près des nœuds par l'ardeur du soleil, et acquiert la dureté de la pierre ponce : mais elle perd bientôt cette douceur, et devient d'un goût un peu astringent, semblable à celui de l'ivoire brulé : c'est cette liqueur que les habitants du pays appellent sacchar-mambu, et que Garcias et Acosta nomment tabaxir. Ce suc est d'autant meilleur, qu'il est plus léger et plus blanc ; mais il est d'autant plus mauvais, qu'il est plus inégal et de couleur cendrée.

Les feuilles sortent des nœuds, portées sur des queues très-courtes ; elles sont vertes, longues d'un empan, larges d'un doigt près de la queue, plus étroites vers la pointe, cannelées et rudes à leurs bords.

Les fleurs sont dans des épics écailleux, semblables à celles du froment, plus petites cependant, posées en grand nombre sur les petits nœuds des tiges ; elles sont à étamines, et pendantes à des filaments très-menus.

On trouve quelques-uns de ces roseaux si grands et si solides, que selon Pison, on en fait des canaux en les coupant par le milieu, et on laisse deux nœuds à chaque extrémité.

Les Indiens estiment beaucoup les nouveaux rejetons, qui sont fort succulents et de bon gout, parce qu'ils servent de base à la composition qu'ils nomment achar, et qui fait leurs délices.

Quoique ces roseaux soient remplis dans le commencement d'une liqueur agréable, cependant on ne la trouve pas dans tous les roseaux, ni dans toutes sortes de terres ; mais elle est plus ou moins abondante, selon la force du soleil et la nature du terroir. Or quoique le prix de ce sucre varie selon la fertilité de l'année, cependant Pison rapporte qu'on le vend toujours dans l'Arabie au poids de l'argent ; ce qui en fait la cherté, c'est que les médecins des Indiens, des Arabes, des Maures, des Perses et des Turcs, le regardent comme souverain dans les inflammations internes, les dyssenteries bilieuses, les stranguries et les gonorrhées.

Les anciens connaissaient cette espèce de sucre, qu'il ne faut pas confondre avec celui que les modernes tirent par art des cannes à sucre. Les Perses, les Arabes l'appellent encore tabaxir, mot que les nouveaux grecs et latins qui ont interpreté les Arabes, ont rendu par celui de cendre ou de spode. Mais il faut observer que le spode des Arabes est bien différent de celui des anciens grecs ; car ceux-ci ont entendu par ce mot la cendre du cuivre, et les Arabes entendent par le même mot de spode, le sacchar mambu, ou même le sucre commun.

3°. Pour ce qui regarde le sacchar alhusser ou alhasser ou alhussal des Arabes, nous n'en pouvons parler que par conjectures, car tantôt ils lui ont donné le nom de manne, et tantôt celui de sucre, ne sachant eux-mêmes à quelle espèce ils le devaient rapporter. Avicenne distingue le zucchar alhussar du sucre que l'on tire des roseaux.

Le zucchar alhussar est, dit-il, une manne qui tombe sur l'alhussar, et il ressemble aux grains de sel : il a quelque salure et quelque amertume, et il est un peu détersif et résolutif. Il y en a de deux sortes, l'un est blanc, et l'autre tire sur le noir : il appelle le blanc iamenum, et le noir agizium ; il est utile, selon lui, pour les poumons, l'hydropisie anasarque, en le mêlant avec du lait de chameau ; il est encore bon pour le foie, les reins, et la vessie ; il n'excite pas la soif, comme les autres espèces de sucre, parce que sa douceur n'est pas grande.

Quoique Avicenne appelle ce sucre, manne qui tombe du ciel, peut-être parce qu'il est formé en petits grains qui ressemblent à de la manne, cependant il ne vient point-du-tout de la rosée, mais il découle d'une plante appelée alhussar, de la même manière que les pommes et la manne elle-même, comme Sérapion le reconnait. L'alhussar, dit cet auteur, a des feuilles larges et il sort du zucchar des yeux de ses branches et de ses feuilles ; on le recueille comme quelque chose de bon : il a de l'amertume. Cette plante porte des pommes, d'où découle une liqueur brulante, stiptique, et très-propre pour faire des cautères : le bois de l'alhussar est poli, gros, droit, et beau.

On ne trouve point à-présent dans nos boutiques ce sucre nommé alhusser : cependant il n'est pas inconnu en Egypte ni dans l'Arabie, car c'est une larme qui découle d'une plante d'Egypte, nommée beidel-ossar, par P. Alp. de plant. aegyp. 86. Apocynum erectum, incanum, latifolium aegyptiacum, floribus croceis, Herman. Par. Bat. Apocynum aegyptiacum, lactescens, siliquâ asclepiadis, C. B. P. 304. Beidelsar alpiei, sive apocynum syriacum, J. B. II. 136. Cette plante vient comme un arbrisseau : elle a plusieurs tiges droites qui sortent de la racine, et s'élèvent à la hauteur de deux coudées : ses feuilles sont larges, arrondies, épaisses et blanches, d'où il découle une liqueur laiteuse quand on les coupe.

Ses fleurs sont jaunes, safrannées : ses fruits sont pendants deux-à-deux, oblongs, de la grosseur du poing, attachés chacun à un pédicule de la longueur d'un pouce, courbé, épais, dur et cylindrique. L'écorce extérieure est membraneuse, verte : l'intérieure est jaune, et ressemble à une peau mince passée en huile, elles sont liées ensemble par des filets semblables aux poils de la pulmonaire.

Tout l'intérieur du fruit est rempli d'un duvet blanc, aussi mou que de la soie, et des graines de la forme de celle de la citrouille, mais moins grosses de moitié, plus aplaties, brunes ; la pulpe en est blanchâtre intérieurement et d'un goût amer. Les tiges et les feuilles sont blanches, couvertes de duvet ; enfin toute la plante parait être saupoudrée d'une farine grossière. L'écorce des tiges et la côte des feuilles, sont remplies de beaucoup de lait amer et âcre. Cette plante s'appelle communément en Egypte ossar, et son fruit beid-el-ossar, c'est-à-dire, œuf d'ossar ; Honorius Belus n'a rien pu savoir sur le sucre que l'on dit qui se trouve sur cette plante, ou qui en découle, n'ayant pas pu l'observer sur les nouvelles plantes qu'il a cultivées : il a seulement remarqué que le lait qui découle de la feuille que l'on a arrachée, se fige avec le temps à la playe, et devient comme une certaine gomme blanche, semblable à la gomme adragant, sans avoir cependant de la douceur.

Il est vraisemblable que cette larme, ou cette espèce de sucre découle d'elle-même seulement dans les pays chauds. Cette plante croit, selon P. Alpin, dans les lieux humides auprès d'Alexandrie, dans le bras du Nil, appelé Nili-calig, et au Caire près de Mathare, qui est presque toujours humide et marécageux à cause du Nil qui y croupit longtemps.

On se sert, dit P. Alpin, de ses feuilles pilées soit crues, soit cuites dans l'eau, en forme d'emplâtre pour les tumeurs froides. On fait avec son duvet des lits ou des coussins ; on s'en sert aussi à la place d'amadou pour retenir le feu de la pierre à fusil. Toute cette plante est remplie d'un lait très-chaud et brulant, que plusieurs ramassent dans quelques vaisseaux pour tanner le cuir et en faire tomber les poils ; car si on le laisse quelque temps dans ce lait, tous les poils tombent. Ce lait étant desseché, produit des flux de ventre dyssentériques qui sont mortels. On l'emploie extérieurement pour dissiper des dartres vives, et autres maladies de la peau. Le temps nous apprendra peut-être si la larme qui découle d'elle-même, et qu'on nomme sucre, a la même acrimonie. (D.J.)

SUCRE ANTI-SCORBUTIQUE, (Médecine) prenez une certaine quantité de suc de cochléaria, renfermez ce suc dans un vaisseau de verre bien fermé, jusqu'à ce que les feces soient précipitées ; décantez la partie claire et la mettez dans un mortier de marbre avec une quantité suffisante de sucre, travaillez le tout ensemble et faites-le sécher doucement ; versez de-rechef du suc sur le même sucre, travaillez le tout de-rechef et le faites sécher ; réiterez sept fois la même opération, et gardez le dernier mélange pour l'usage.

SUCRE CANDI, (Histoire moderne des Drogues) ou par Myrepse, saccharum candum officin. est un sucre dur, transparent, anguleux, d'où lui est venu son nom. Il y en a de deux sortes, l'un est semblable au crystal, et s'appelle crystallin, qui se fait avec le sucre raffiné ou terré ; l'autre est roux et ne devient jamais clair, il se fait avec la moscouade et la cassonnade. Les uns choisissent celui qui est très-dur, sec, crystallin et transparent ; d'autres préfèrent celui qui est roussâtre, comme étant plus gras, et plus propre en qualité de remède.

Le sucre candi se fait mieux avec du sucre terré qu'avec du sucre raffiné, parce que le premier a plus de douceur. On fait dissoudre le suc qu'on y veut employer dans de l'eau de chaux faible, et après qu'on l'a clarifié, écumé et passé au drap, et qu'il est suffisamment cuit, on en remplit de mauvaises formes qu'on a auparavant traversées de petits bâtons pour retenir et arrêter le sucre lorsqu'il se crystallise. Ces formes se suspendent dans l'étuve déjà chaude, avec un pot au-dessous pour recevoir le syrop qui en sort par l'ouverture d'en-bas, qu'on bouche à demi pour qu'il filtre plus doucement. Quand les formes sont pleines, on ferme l'étuve et on lui donne un feu très-vif : alors le sucre s'attache aux bâtons dont les formes sont traversées, et y reste en petits éclats de crystal : lorsque ce sucre est tout à fait sec, on casse les formes, et l'on en tire le sucre candi.

On fait du sucre candi rouge en jetant dans la bassine où l'on cuit le sucre, un peu du jus de pommes de raquettes ; et si l'on veut lui donner du parfum, on jette quelques gouttes d'essence dans le sucre en le mettant dans les formes.

Cette manière de travailler le sucre candi est du père Labat. Celle qui suit est du sieur Pomet dans son histoire des drogues, qui ne parle que de celui qui se fait en France, et particulièrement par quelques épiciers-droguistes et confiseurs de Paris. Ainsi on y trouvera quelque chose de différent de la manière de le faire, rapportée par le missionnaire aux Antilles.

Le sucre candi blanc de France, dit Pomet, se fait avec du sucre blanc et de la cassonade de Brésil fondus ensemble et cuits à la grande poêle. Il se candit à l'étuve, où on le porte enfermé dans les poêles de cuivre traversées de petits bâtons autour desquelles s'attachent les crystaux, à mesure qu'ils se forment. Le feu de l'étuve doit être toujours égal pendant quinze jours, après lesquels on tire le sucre des poêles pour l'égoutter et le sécher.

Le sucre candi rouge ou roux, comme on l'appelle à Paris, se fait comme le blanc, à la réserve qu'on emploie des moscouades brunes, qu'on cuit à la feuille ou à la plume, ce qui se fait dans des pots de terre.

Le sucre candi crystallin, réduit en poudre fine, soufflé dans les yeux, dissipe les tayes récentes de la cornée : il fait encore plus surement cet effet étant dissout dans l'eau d'eufraise, de chélidoine ou de fenouil. On le jette sur des charbons ardents et l'on en respire l'odeur et la fumée dans l'enchifrenement de la membrane pituitaire, mais son plus grand usage n'est pas pour les maladies. Les Hollandais en consomment beaucoup pour leurs boissons de thé et de caffé ; ils le tiennent dans la bouche en buvant des liqueurs chaudes, et ils se perdent ainsi les dents. (D.J.)

On peut encore obtenir un vrai sucre de plusieurs arbres et plantes.

SUCRE D'ERABLE, (Histoire naturelle) les Sauvages du Canada et des autres parties de l'Amérique septentrionale, font une espèce de sucre, avec une liqueur qu'ils tirent d'une espèce d'érable, que les Anglais nomment pour cette raison, sugar-mapple, c'est-à-dire, érable de sucre, dont il a été parlé à l'article ÉRABLE. Cet arbre fournit aux habitants de ces climats rigoureux, un sucre qui les dédommage en partie de ce que les cannes de sucre ne croissent point chez eux. Ray l'appelle acer montanum candidum, les Iroquais lui donnent le nom d'ozeketa. Il y a encore une espèce d'érable que Gronovius et Linnaeus ont désigné par acer folio palmato angulato, flore fère apetalo fossili, fructu pedunculato corymboso. Voyez Gron. flora virgin. 41. et Lin. hort. ups 94. on en tire aussi du sucre. Les François le nomment érable rouge, plaine ou plane, et les Anglais mapple. Le sucre que fournit cet arbre, est d'une très-bonne qualité, et on le regarde comme fort sain ; mais c'est l'érable de sucre qui en donne le plus abondamment. Il se plait dans les parties les plus septentrionales et les plus froides de l'Amérique, et devient plus rare, à mesure qu'on s'approche du midi. Alors on ne le rencontre que sur de très-hautes montagnes et du côté qui est exposé au nord ; d'où l'on voit que cet arbre exige un pays très-froid.

Voici la manière dont les Sauvages et les François s'y prennent pour en tirer le sucre. Au printemps, lorsque les neiges commencent à disparaitre, ces arbres sont pleins de suc, alors on y fait des incisions, ou bien on les perce avec un foret ; et l'on y fait des trous ovales, par ce moyen il en sort une liqueur très-abondante, qui découle ordinairement pendant l'espace de trois semaines ; cependant cela dépend du temps qu'il fait, car la liqueur coule en plus grande abondance, lorsque la neige commence à fondre, et lorsque le temps est doux, et l'arbre cesse d'en fournir, lorsqu'il vient à geler et quand les chaleurs viennent. La liqueur qui découle est reçue dans un auget de bois, qui la conduit à un baquet ; quand on en a amassé une quantité suffisante, on la met dans une chaudière de fer ou de cuivre que l'on place sur le feu ; on y fait évaporer la liqueur, jusqu'à ce qu'elle devienne épaisse pour ne pouvoir point être remuée facilement : alors on retire la chaudière du feu et on remue le résidu, qui en refroidissant devient solide, concret, et semblable à du sucre brut, ou à de la melasse. L'on peut donner telle forme que l'on voudra à ce sucre en le versant dans des moules, après qu'il a été épaissi. On reconnait que la liqueur est prête à se crystalliser ou à donner du sucre, lorsqu'on s'aperçoit qu'il cesse de se former de l'écume à sa surface, il y en a beaucoup au commencement de la cuisson, on a soin de l'enlever à mesure qu'elle se forme ; on prend aussi du syrop épaissi avec une cuillere, et l'on observe si en se refroidissant, il se convertit en sucre. Alors on ôte la chaudière de dessus le feu, et on la place sur des charbons ; on remue sans-cesse, afin que le sucre ne s'attache point à la chaudière et ne soit point brulé ; en continuant ainsi, le syrop se change en une matière semblable à de la farine ; alors on le met dans un lieu frais, et l'on a du sucre qui ressemble à la melasse. Il est d'une couleur brune avant que d'être raffiné, et communément on lui donne la forme de petits pains plats de la grandeur de la main. Ceux qui font ce sucre avec plus de soin, le clarifient avec du blanc d'œuf pendant la cuisson, et alors ils ont un sucre parfaitement blanc.

On regarde le sucre d'érable comme beaucoup plus sain que le sucre ordinaire, et l'on en vante l'usage pour les rhumes et pour les maladies de la poitrine. Mais d'un autre côté il ne se dissout point aussi aisément dans l'eau que le sucre des cannes, et il en faut une plus grande quantité pour sucrer. Il y a lieu de croire, que si on le préparait avec plus de soin que ne font les Sauvages et les François du Canada, on pourrait tirer de ce sucre d'érable un plus grand parti qu'on ne fait, et on le perfectionnerait considérablement. La liqueur que fournit l'érable, mise dans un barril, et exposée au soleil d'été, fait un très-bon vinaigre.

Les Sauvages et les François du Canada mêlent quelquefois le sucre d'érable avec de la farine de froment ou de maïz, et en forment une pâte dont ils font une provision pour les grands voyages qu'ils entreprennent. Ils trouvent que ce mélange, qu'ils nomment quitsera, leur fournit un aliment très - nourrissant, dans un pays où l'on ne trouve point de provisions. Les habitants de ces pays mangent aussi ce sucre étendu sur leur pain, chacun en fait sa provision au printemps pour toute l'année.

On fait aussi une espèce de syrop avec la liqueur qui découle de l'érable, pour cet effet on ne la fait point bouillir aussi fortement que lorsqu'on veut la réduire en sucre. Ce syrop est très-doux, très-rafraichissant et très-agréable au gout, lorsqu'on en mêle avec de l'eau ; mais il est sujet à s'aigrir, et ne peut être transporté au loin. On s'en sert aussi pour faire différentes espèces de confitures.

La liqueur telle qu'elle sort de l'arbre, est elle-même très-bonne à boire, et elle passe pour fort saine ; celle qui découle des incisions faites à l'arbre au commencement du printemps, est plus abondante et plus sucrée que celle qui vient lorsque la saison est plus avancée et plus chaude ; on n'en obtient jamais une plus grande quantité qu'à la suite d'un hiver rude, et où il est tombé beaucoup de neige ; et lorsque le printemps est froid, et quand il reste encore de la neige sur la terre, et lorsque les nuits sont froides et accompagnées de gelée.

On a remarqué que durant les vents d'est, ces arbres cessent bien-tôt de donner de la liqueur. Ils en fournissent plus dans un temps serein, que lorsque le temps est couvert, et jamais on n'en obtient plus, que lorsqu'une nuit froide est suivie d'un jour clair et doux. Les érables d'une grandeur moyenne fournissent le plus de liqueur, ceux qui sont dans les endroits pierreux et montueux, donnent une liqueur plus sucrée que ceux de la plaine. Un bon arbre produit de 4 à 8 pintes de liqueur en un jour, et lorsque le printemps est frais, un seul arbre fournira de 30 à 60 pintes de liqueur, dont 16 pintes donnent communément une livre de sucre. Un même arbre fournit de la liqueur pendant plusieurs années, mais il faudra pour cela faire les incisions, ou percer les trous toujours du même côté, et les faire de bas en haut, et non de haut en bas, sans quoi l'eau de la pluie, en séjournant dans l'ouverture, ferait périr l'arbre.

Tous ces détails sont dû. à M. Pierre Kalm, de l'académie de Stockholm, qui a Ve par lui-même le travail qui vient d'être décrit, et en a rendu compte à l'académie dont il était membre, dans une dissertation insérée dans le t. XIII. de ses mémoires, année 1751 ; il conclud de ces faits, que l'on pourrait avec succès tirer le même parti des érables qui croissent dans les parties septentrionales de l'Europe. M. Gautier correspondant de l'académie des Sciences de Paris, a pareillement rendu compte à l'académie, de la manière dont se fait le sucre d'érable, dans un mémoire inséré dans le second volume des mémoires présentés à l'académie, t. II. que l'on a aussi consulté dans cet article.

M. Kalm observe que l'on obtient pareillement du sucre d'une espèce de bouleau, que les Anglais nomment sugar-birch, ou black-birch, betula folio ovali, oblongo acumine serrato. Gron. flor. virgin. 188. mais le sucre qu'on en tire est en si petite quantité, qu'il ne dédommage point de la peine.

On tire aussi du sucre d'un arbre d'Amérique, appelé par les François le noyer amer, et par les Anglais hickory, nux juglans virginiana alba minor, fructu nuci moschatae simili, cortice glabro, summo fastigio veluti in aculeum producto. Pluknet. Phyt. La liqueur que donne cet arbre est très-sucrée, mais en très-petite quantité.

On obtient encore du sucre de la plante appelée gleditsia, par Gronovius et Linnaeus, hort. upsal. 298. Lawson dans son histoire de la Caroline, p. 97. dit qu'on en plante en Virginie dans beaucoup de jardins pour cet usage.

Le maïz ou blé de turquie fournit aussi une liqueur propre à faire du sucre lorsqu'il est verd ; on trouve dans la tige un suc limpide, qui est très-doux ; les Sauvages d'Amérique coupent le maïz pour en sucer le suc. On peut encore obtenir du sucre de la ouate, (asclepias, caule erecto simplici annuo. Lin. hort. Clifford. 78.) On en tire aussi des fleurs que l'on cueille de grand matin lorsqu'elles sont pleines de rosée, on en exprime un suc qui épaissi par la cuisson, donne du sucre.

Le P. Charlevoix dans son histoire de la nouvelle france, nous dit qu'on tire du sucre d'une liqueur que fournit le frêne ; M. Kalm dit n'en avoir rien entendu dire dans l'Amérique septentrionale, et croit que le P. Charlevoix aura pris pour du frêne l'érable qui a des feuilles de frêne acer fraxini foliis, qui croit abondamment dans cette partie d'Amérique et que les habitants nomment frêne. Quand on y fait des incisions, il en découle une grande quantité d'un suc très-doux. Voyez les mémoires de l'académie de Suède, tome XIII. année 1751.

M. Marggraf célèbre chimiste de l'académie de Berlin, a trouvé que plusieurs racines communes en Europe, étaient propres à fournir un vrai sucre, semblable à celui qui se tire des cannes. Il en a obtenu, 1°. de la bette-blanche, cicla officinarum, C. B. 2°. du chervi, fisarum, dodonaei. 3°. de la bette-rave. Toutes ces racines lui ont fourni un suc abondant, dans lequel à l'aide du microscope, on pouvait découvrir des molécules crystallisées, semblables à celles du sucre ordinaire. Pour s'assurer de la présence du sucre, il a mis ces racines divisées en digestion dans de l'esprit-de-vin bien rectifié qu'il mit au bain de sable ; il poussa la chaleur jusqu'à faire bouillir ; il filtra la liqueur encore toute chaude, et la mit dans un matras à fond plat, qu'il plaça dans un lieu tempéré ; au bout de quelques semaines, il trouva qu'il s'était formé des crystaux au fond du vaisseau ; il les fit dissoudre de nouveau, afin d'avoir ces crystaux plus purs. Cette méthode est très-propre pour essayer si une plante contient du sucre, mais elle serait trop couteuse pour l'obtenir en grande quantité. Il sera donc beaucoup plus court de tirer le suc de ces racines par expression, de le clarifier avec du blanc d'œuf, et ensuite de l'évaporer sur le feu et de le faire crystalliser ; en un mot, de suivre la même méthode que pour le sucre ordinaire. M. Marggraf a aussi tiré du sucre des panais, des raisins secs, de la fleur de l'aloès d'Amérique. Voyez les mémoires de l'académie de Berlin, année 1747.

En Thuringe, on tire des panais une espèce de syrop dont les gens du pays se servent au lieu de sucre, ils en mangent même sur le pain. Il passe pour être un bon remède contre les rhumes de poitrine, la pulmonie, et contre les vers auxquels les enfants sont sujets. On commence par couper les panais en petits morceaux, on les fait bouillir dans un chaudron, jusqu'à devenir assez tendres pour s'écraser entre les doigts ; et en les faisant cuire, on a soin de les remuer, afin qu'ils ne brulent point. Après cela on les écrase et l'on exprime le suc dans un chaudron, on remet ce suc à bouillir avec de nouveaux panais, on exprime le tout de nouveau ; ce qu'on réitère tant qu'on le juge à-propos. Enfin on fait évaporer le jus, en observant d'enlever l'écume qui s'y forme ; on continue la cuisson pendant 14 ou 16 heures, ayant soin de remuer lorsque le syrop veut fuir. Enfin, l'on examine si la liqueur a l'épaisseur convenable. Si l'on continuait la cuisson trop longtemps ; la matière deviendrait solide, et formerait du sucre. Voyez le magasin d'Hambourg, t. VIII. (-)

SUCRE PERLE, (Pharmacie) autrement manus christi, est du sucre rosat, sur chaque livre duquel on a fait entrer demi-once de perles préparées : on l'appelle saccharum perlatum.

SUCRE A LA PLUME, (Art du Confiseur) c'est le sucre qui a atteint le quatrième degré de cuisson. On l'éprouve avec l'écumoire ou la spatule, comme le sucre à souffler ; et toute la différence qui s'y rencontre, c'est que le sucre à la plume étant un peu plus poussé de chaleur, les bouteilles qui sortent de la spatule, en la secouant, sont plus grosses ; et même dans la grande plume, ces bouteilles sont si grosses et en si grande quantité, qu'elles semblent liées les unes aux autres. Les Apoticaires font cuire le sucre à la plume, pour les tablettes de diacartami ; et ce qui est plus agréable, les Confiseurs emploient le même sucre pour leurs massepains. (D.J.)

SUCRE D'ORGE, en Epicerie, n'est autre chose que de la cassonade fondue avec de l'eau clarifiée : on le colore avec du safran.

SUCRE ROSAT, parmi les Epiciers, est un sucre blanc, clarifié et cuit dans de l'eau-rose.

SUCRE ROUGE, (Pharmacie) Le sucre rouge ou de Chypre, saccharum rubrum offic. est roussâtre ou brun, un peu gras, et fait du marc qui reste après que l'on a purifié la cassonade ; on ne l'emploie que pour les lavements, ou plutôt on n'en fait guère usage. (D.J.)

SUCRE ROYAL ; c'est en terme de Confiseurs, ce qu'il y a de plus dur et de plus fin en fait de sucre : on le clarifie en Hollande où l'on a l'art de le faire meilleur qu'ailleurs.

SUCRE TAPE, (Sucrerie). On appelle du sucre tapé du sucre que les affronteurs vendent aux îles Antilles pour du sucre royal ; quoique ce ne soit véritablement que du sucre terré, c'est-à-dire de la cassonade blanche préparée d'une certaine manière. On l'appelle sucre tapé, parce qu'on le tape et qu'on le bat fortement, en le mettant dans les formes. (D.J.)

SUCRE TORS, (Pharmacie) en latin penidium saccharum : on le prépare de la manière suivante. On fait dissoudre telle quantité de sucre que l'on veut ; on le clarifie avec un blanc d'œuf ; on le coule, et on le fait épaissir peu-à-peu ; quand il forme de grosses bulles, on le retire du feu jusqu'à ce qu'elles disparaissent ; on le verse ensuite sur une planchette qu'on doit avoir frottée avec de l'huîle d'amandes douces. Lorsqu'il est un peu refroidi, on le prend avec un crochet et avec les mains saupoudrées d'amidon ; enfin après lui avoir donné la forme convenable, on le garde pour l'usage. (D.J.)