(Histoire naturelle) ambarum cineraceum seu griseum, ambra grisea ; parfum qui vient de la mer, et qui se trouve sur les côtes en morceaux de consistance solide ; cette matière est de couleur cendrée et parsemée de petites taches blanches ; elle est légère et grasse ; elle a une odeur forte et pénétrante qui la fait reconnaître aisément ; mais qui n'est cependant pas aussi active et aussi agréable dans l'ambre brut qu'elle le devient après qu'il a été préparé, et surtout après qu'il a été mêlé avec une petite quantité de musc et de civette. C'est par ces moyens qu'on nous développe son odeur dans les eaux de senteur et dans les autres choses, où on fait entrer ce parfum. Il s'enflamme et il brule ; en le mettant dans un vaisseau sur le feu, on le fait fondre et on le réduit en une résine liquide de couleur jaune, ou même dorée. Il se dissout en partie dans l'esprit-de-vin, et il en reste une partie sous la forme d'une matière noire visqueuse.

Les Naturalistes n'ont jamais été d'accord sur l'origine et sur la nature de l'ambre-gris. Les uns ont cru que c'était l'excrément de certains oiseaux qui vivaient d'herbes aromatiques aux îles Maldives ou à Madagascar ; que ces excréments étaient altérés, affinés, et changés en ambre sur les rochers où ils restaient exposés à toutes les vicissitudes de l'air. D'autres ont prétendu que ces mêmes excréments étaient fondus par la chaleur du soleil sur les bords de la mer, et entrainés par les flots ; que les baleines les avalaient et les rendaient ensuite convertis en ambre-gris, qui était d'autant plus noir qu'il avait demeuré plus longtemps dans le corps de ces animaux. On a aussi soutenu que l'ambre-gris était l'excrément du crocodile, du veau marin, et principalement des baleines, surtout des plus grosses et des plus vieilles. On en a trouvé quelquefois dans leurs intestins ; cependant de cent que l'on ouvrira, on ne sera pas assuré d'en trouver dans une seule. On a même voulu expliquer la formation de l'ambre-gris dans le corps de la baleine, en disant que c'est une véritable concrétion animale, qui se forme en boule dans le corps de la baleine mâle, et qui est enfermée dans une grande poche ovale au-dessus des testicules à la racine du penis. Trants. Philos. n°. 385 et 387. On a dit que l'ambre-gris était une sorte de gomme qui distille des arbres, et qui tombe dans la mer où elle se change en ambre. D'autres ont avancé que c'était un champignon marin arraché du fond de la mer par la violence des tempêtes ; d'autres l'ont cru une production végétale, qui nait des racines d'un arbre qui s'étend dans la mer : on a dit qu'il venait de l'écume de la mer ; d'autres enfin ont assuré que l'ambre-gris n'était autre chose que des rayons de cire et de miel que les abeilles faisaient dans des fentes de grands rochers qui sont au bord de la mer des Indes. Cette opinion a paru la meilleure à M. Formey, secrétaire de l'académie royale des Sciences et Belles-Lettres de Prusse. Voici comment il s'en explique dans son manuscrit : " Je ne trouve point de sentiment plus raisonnable que celui qui assure que l'ambre-gris n'est autre chose qu'un composé de cire et de miel, que les mouches font sur les arbres, dont les côtes de Moscovie sont remplies, ou dans les creux des rochers qui sont au bord de la mer des Indes ; que cette matière se cuit et s'ébauche au soleil, et que se détachant ensuite ou par l'effort des vents, ou par l'élevation des eaux, ou par son propre poids, elle tombe dans la mer et acheve de s'y perfectionner, tant par l'agitation des flots, que par l'esprit salin qu'elle y rencontre ; car on voit par expérience qu'en prenant de la cire et du miel, et les mettant en digestion pendant quelque temps, on en tire un élixir et une essence qui est non-seulement d'une odeur très-agréable, mais qui a aussi des qualités fort approchantes de l'ambre-gris ; et je ne doute point qu'on ne fit un élixir encore plus excellent, si on se servait du miel des Indes ou de Moscovie, parce que les mouches qui le font y trouvent des fleurs plus aromatiques et plus odoriférantes, etc. "

M. Geoffroy dit expressément dans le premier volume de son traité de la Matière médicale, qu'il n'y a pas lieu de douter que l'ambre-gris ne soit une espèce de bitume qui sort de la terre sous les eaux de la mer : il est d'abord liquide, ensuite il s'épaissit, enfin il se durcit ; alors les flots l'entraînent et le jettent sur le rivage : en effet c'est sur les rivages de la mer, et surtout après les tempêtes, que l'on trouve l'ambre-gris. Ce qui prouve qu'il est liquide quand il sort de la terre, c'est que l'ambre-gris solide, tel que nous l'avons, contient des corps étrangers qui n'auraient pas pu entrer dans sa substance si elle avait toujours été seche et solide ; par exemple, on y trouve de petites pierres, des coquilles, des os, des becs d'oiseaux, des ongles, des rayons de cire encore pleins de miel, etc. On a Ve des morceaux d'ambre-gris, dont la moitie était de cire pure. Il y a eu encore d'autres Chimistes qui ont nié que cette matière fût une substance animale, parce qu'elle ne leur avait donné dans l'analyse aucun principe animal. On a cru dans tous les temps que l'ambre-gris était une matière bitumineuse. Les Orientaux pensaient qu'il sortait du fond de la mer comme le naphte distille de quelques rochers ; et ils soutenaient qu'il n'y en avait des sources que dans le golfe d'Ormus, entre la mer d'Arabie et le golfe de Perse. Plusieurs auteurs se sont réunis à croire que l'ambre-gris était une sorte de poix de matière visqueuse, un bitume qui sort du fond de la mer, ou qui coule sur ses côtes en forme liquide, comme le naphte ou le pétrole sort de la terre et distille des rochers ; qu'il s'épaissit peu-à-peu et se durcit dans la mer. Trants. Philos. n. 433. 434. 435. Nous voyons tous ces différents états du bitume dans le pissasphalte et dans l'asphalte. Voyez NAPHTHE, PISSASPHALTE, ASPHALTE.

L'ambre-gris est en morceaux plus ou moins gros et ordinairement arrondis ; ils prennent cette forme en roulant dans la mer ou sur le rivage. On en apporta en Hollande, sur la fin du siècle dernier, un morceau qui pesait 182 livres ; il était presque rond, et il avait plus de deux pieds de diamètre. On dit que ce morceau était naturellement de cette grosseur, et qu'il n'y avait pas la moindre apparence qu'on eut réuni plusieurs petits morceaux pour le former. Plusieurs voyageurs ont rapporté qu'ils avaient Ve une quantité prodigieuse d'ambre-gris dans certaines côtes, mais on n'a jamais pu les retrouver ; qu'ils en avaient rencontré des masses qui pouvaient peser jusqu'à quinze mille livres ; enfin qu'il y avait une île qui en était formée en entier. Il est vrai qu'ils ont été obligés d'avouer que cette île était flottante, parce qu'ils n'avaient pas pu la rejoindre. Si l'ambre est un bitume, il ne serait pas étonnant qu'il y en eut de grands amas : mais on les connait si peu, que l'ambre a été jusqu'ici une matière rare et précieuse ; cependant on en trouve en plusieurs endroits. Il y en a une assez grande quantité dans la mer des Indes autour des îles Moluques : on en ramasse sur la partie de la côte d'Afrique et des îles voisines qui s'étend depuis Mozambique jusqu'à la mer Rouge ; dans l'île de Sainte-Marie ; dans celle de Diego-Ruis près de Madagascar ; à Madagascar ; dans l'île Maurice qui n'en est pas fort éloignée ; aux Maldives, et sur la côte qui est au-delà du cap de Bonne-Espérance. Il y en a aussi sur les côtes des îles Bermudes, de la Jamaïque, de la Caroline, de la Floride, sur les rades de Tabago, de la Barbade, et des autres Antilles. Dans le détroit de Bahama et dans les îles Samballes, les habitants de ces îles le cherchent d'une façon assez singulière ; ils le quêtent à l'odorat comme les chiens de chasse suivent le gibier. Après les tempêtes ils courent sur les rivages, et s'il y a de l'ambre-gris ils en sentent l'odeur. Il y a aussi certains oiseaux sur ces rivages qui aiment beaucoup l'ambre-gris, et qui le cherchent pour le manger. On trouve quelques morceaux d'ambre-gris sur le rivage de la mer Méditerranée, en Angleterre, en Ecosse, sur les côtes occidentales de l'Irlande, en Norvege, et sur les côtes de Moscovie et de Russie, etc.

On distingue deux sortes d'ambre-gris ; la première et la meilleure est de couleur cendrée au-dehors, et parsemée de petites taches blanches au-dedans. La seconde est blanchâtre ; celle-ci n'a pas tant d'odeur ni de vertu que la première. Enfin la troisième est de couleur noirâtre, et quelquefois absolument noire ; c'est la moins bonne et la moins pure ; on l'a appelée ambre-renardé, parce qu'on a cru qu'il n'était noir que parce qu'il avait été avalé par des poissons. En effet on a trouvé de l'ambre dans l'estomac de quelques poissons : mais sa couleur noire peut bien venir d'un mélange de matières terreuses ou de certaines drogues, comme des gommes avec lesquelles on le sophistique. Pour essayer si l'ambre-gris est de bonne qualité, on le perce avec une aiguille que l'on a fait chauffer ; s'il en sort un suc gras et de bonne odeur, c'est une bonne marque.

Les Parfumeurs sont ceux qui font le plus grand usage de l'ambre-gris ; on en mêle aussi dans le sucre et dans d'autres choses, c'est un remède dans la Médecine. (I)

AMBRE-GRIS, (Médecine) Si on distille l'ambre, il donne d'abord un flegme insipide, ensuite une liqueur acide, suivie d'une huîle dont l'odeur est suave, et mêlée avec un peu de sel volatil semblable à celui que l'on retire du succin ; enfin il reste au fond de la cornue une matière noire, luisante, et bitumineuse. L'ambre est donc composé de parties huileuses, très-ténues, et fort volatiles, mais qui sont engagées dans des parties salines et grasses, plus épaisses et plus grossières. Il n'a pas beaucoup d'odeur quand il est en masse : mais étant pulvérisé et mêlé avec d'autres ingrédiens, ses principes se raréfient et s'étendent, et sa volatilité est telle, qu'il répand une odeur suave et des plus agréables. Ses vertus sont de fortifier le cerveau, le cœur, l'estomac ; il excite de la joie, provoque la semence, et on le donne pour augmenter la secrétion des esprits animaux et les réveiller. On l'ordonne dans les syncopes, dans les débilités des nerfs : on s'en sert dans les vapeurs des hommes ; mais il est nuisible à celles des femmes : on en fait une teinture dans l'esprit-de-vin ; on l'ordonne en substance à la dose d'un grain jusqu'à huit. Les Orientaux en font un grand usage. (N)

AMBRE-JAUNE, (Histoire naturelle) ambarum citrinum, electrum, karabe, succinum, succin, matière dure, seche, transparente, cassante, de couleur jaune, de couleur de citron ou rougeâtre, quelquefois blanchâtre ou brune, d'un goût un peu acre et approchant de celui des bitumes. L'ambre-jaune est inflammable, et a une odeur forte et bitumineuse lorsqu'il est échauffé. Il attire, après avoir été frotté, les petites pailles, les fétus, et autres corps minces et legers ; d'où vient le nom d'electrum, et celui d'électricité. Voyez ELECTRICITE. L'ambre-jaune se dissout dans l'esprit-de-vin, dans l'huîle de lavande, et même dans l'huîle de lin, mais plus difficilement. Il se fond sur le feu, il s'enflamme ; alors il répand une odeur aussi forte et aussi desagreable que celle des bitumes.

Les Naturalistes n'ont pas été moins incertains sur l'origine de l'ambre-jaune, que sur celle de l'ambre-gris : on a cru que c'était une concrétion de l'urine du lynx, qui acquérait une dureté égale à celle des pierres de la vessie ; c'est pourquoi on avait donné le nom de lyncurium à l'ambre : d'autres ont prétendu que c'était une concrétion des larmes de certains oiseaux ; d'autres ont dit qu'il venait d'une sorte de peuplier par exudation. Pline rapporte qu'il découle de certains arbres du genre des sapins, qui étaient dans les îles de l'Océan septentrional ; que cette liqueur tombait dans la mer après avoir été épaissie par le froid ; et qu'elle était portée par les flots sur les bords du continent le plus prochain, qu'il appelle l'Austravie. M. Formey, secrétaire de l'académie royale des Sciences de Prusse, a exposé les preuves que l'on a données de ce système sur la formation de l'ambre ; voici ce qu'il dit dans un manuscrit qui nous a été communiqué. " L'ambre-jaune ne se trouve ordinairement que dans la mer Baltique, sur les côtes de la Prusse. Quand de certains vents règnent, il est jeté sur le rivage ; et les habitants qui craignent que la mer qui le jette ne le rentraîne, le vont ramasser au plus fort de la tempête. On en trouve des morceaux de diverse figure et de différente grosseur. Ce qu'il y a de plus surprenant, et qui embarrasse les Naturalistes, est qu'on pêche quelquefois des morceaux de cet ambre, au milieu desquels on voit des feuilles d'arbres, des fétus, des araignées, des mouches, des fourmis, et d'autres insectes qui ne vivent que sur terre. En effet, c'est une chose assez difficîle à expliquer, comment des fétus et des insectes, qui nagent toujours sur l'eau à cause de leur legereté, peuvent se rencontrer dans les morceaux d'ambre qu'on tire du fond de la mer. Voici l'explication qu'on en donne. Ceux qui ont voyagé du côté de la mer Baltique, remarquent que vers la Prusse il y a de grands rivages sur lesquels la mer s'étend, tantôt plus, tantôt moins : mais que vers la Suède ce sont de hautes falaises, ou des terres soutenues, sur le bord desquelles il y a de grandes forêts remplies de peupliers et de sapins, qui produisent tous les étés quantité de gomme et de résine ; cela supposé, il est aisé de concevoir qu'une partie de cette matière visqueuse demeurant attachée aux branches des arbres, les neiges la couvrent pendant l'hiver, les froids l'endurcissent et la rendent cassante, et les vents impétueux en secouant les branches, la détachent et l'enlèvent dans la mer. Elle descend au fond par son propre poids ; elle s'y cuit peu-à-peu, et s'y endurcit par l'action continuelle des esprits salins ; et enfin elle devient l'ambre : ensuite de quoi la mer venant à s'agiter extraordinairement, et le vent poussant ses flots des côtes de la Suède à celles de la Prusse, c'est une nécessité que l'ambre suive ce mouvement, et donne aux pêcheurs occasion de s'enrichir, et de profiter de cette tempête. L'endroit donc de la mer Baltique où il y a le plus d'ambre, doit être au-dessous de ces arbres, et du côté de la Suède ; et si la mer n'y était pas trop profonde, je ne doute pas qu'on n'y en trouvât en tout temps une grande quantité ; et il ne faudrait pas attendre que le vent fût favorable, comme on fait aux côtes de la Prusse. Il ne répugne pourtant pas qu'on puisse trouver quelques morceaux d'ambre dans d'autres endroits de la mer Baltique, et même dans l'Océan, avec lequel elle a communication ; car l'eau de la mer étant continuellement agitée, elle peut bien en enlever quelques-uns, et les pousser sur des rivages fort éloignés : mais cela ne se doit pas faire si fréquemment et en si grande abondance que sur les côtes de Prusse. Au reste, il n'y a pas de difficulté à expliquer dans ce sentiment comment des mouches, des fourmis, et autres insectes, peuvent quelquefois se trouver au milieu d'un morceau d'ambre ; car s'il arrive qu'un de ces insectes, en se promenant sur les branches d'un arbre, rencontre une goutte de cette matière résineuse qui coule à travers l'écorce, qui est assez liquide en sortant, il s'y embarrasse facilement ; et n'ayant pas la force de s'en retirer, il est bientôt enseveli par d'autres gouttes qui succedent à la première, et qui la grossissent en se répandant tout à l'entour. Cette matière, au milieu de laquelle il y a des insectes, venant à tomber, comme nous avons dit, dans la mer, elle s'y prépare et s'y endurcit ; et s'il arrive ensuite qu'elle soit poussée sur un rivage, et qu'elle tombe entre les mains de quelque pêcheur, elle fait l'étonnement de ceux qui n'en savent pas la cause.

On demande au reste si l'ambre-jaune doit passer pour une gomme ou pour une résine. Il est aisé de se déterminer là-dessus ; car comme la gomme se fond à l'eau, et que la résine ne se fond qu'au feu, il semble que l'ambre, qui ne se fond que de cette dernière manière, doit être mis au nombre des résines plutôt qu'en celui des gommes. M. Kerkring avait pourtant trouvé le secret de ramollir l'ambre autrement que par le feu, et d'en faire comme une pâte, à laquelle il donnait telle figure qu'il lui plaisait. Voyez Journ. des Sav. Aout 1672. Observ. cur. sur toutes les part. de la Phys. tome II. p. 93 et suiv. ".

Cette opinion sur l'origine et la formation de l'ambre a été suivie par plusieurs auteurs, et en particulier par le père Camelli, Transact. phil. n°. 290.

On a assuré que l'ambre-jaune était une congelation qui se formait dans la mer Baltique, et dans quelques fontaines, comme la poix. D'autres ont cru que c'était un bitume qui coule dans la mer, qu'il y prend de la consistance, et qu'ensuite il est rejeté sur les côtes par les flots : mais il se trouve aussi de l'ambre dans les terres, et même en grande quantité. On a conclu de ce fait que l'ambre était un bitume fossile, et on a dit qu'il était produit par un suc bitumineux et par un sel vitriolique, et qu'il était plus ou moins pur et transparent, qu'il avait plus ou moins de consistance, selon que les particules de sel et de bitume étaient plus ou moins pures, et qu'elles étaient mêlées en telle ou telle proportion. Agricola pensait que l'ambre-jaune était un bitume, de natura fossilium, lib. IV. son sentiment a été confirmé par plusieurs auteurs ; il y en a même qui en ont été si bien convaincus, qu'ils ont assuré qu'il n'y a pas lieu d'en douter. M. Geoffroy l'a dit expressément dans le premier volume de son Traité de la Matière médicale. Il distingue deux sortes d'ambre-jaune, qui toutes les deux sont absolument de la même nature. L'une est jetée sur les bords de certaines mers par l'agitation des flots ; on tire l'autre du sein de la terre. On trouve la première sorte sur les côtes de la Prusse ; les vagues en jettent des morceaux sur le rivage, les habitants du pays courent les ramasser, même pendant les orages et les tempêtes, de peur que les flots ne reportent dans la mer les mêmes morceaux qu'ils ont apportés sur le rivage. Cet ambre-jaune est de consistance solide : on dit cependant qu'il y en a quelques morceaux qui sont en partie liquides, et qu'on trouve sur les rives des petites rivières dont l'embouchure est sur les mêmes côtes dont on vient de parler ; et même on en montre des morceaux sur lesquels on a imprimé des cachets lorsqu'ils étaient assez mous pour en recevoir les empreintes. Comme le terrain de ces côtes contient beaucoup d'ambre-jaune, les eaux qui y coulent en entraînent des morceaux qui n'ont pas encore acquis un certain degré de consistance ; l'agitation de ces eaux n'étant pas si forte que celle des eaux de la mer, les morceaux qui sont encore liquides en partie sont conservés et jetés dans leur entier sur les bords des petites rivières ou des ruisseaux.

On trouve de l'ambre-jaune fossîle en Prusse et en Poméranie, presque dans tous les endroits où on ouvre la terre à une certaine profondeur : souvent même on en voit dans les sillons de la charrue. Hartman, qui a fait un traité de l'ambre-jaune, croit que tout le fond du territoire de Prusse et de Poméranie est d'ambre-jaune, à cause de la grande quantité que l'on en trouve presque par-tout dans ces pays : mais les principales mines sont des côtes de Sudwic. Il y a sur ces côtes des hauteurs faites d'une sorte de terre qui ressemble à des écorces d'arbre ; de sorte qu'on prendrait ces éminences de terre pour des monceaux d'écorces : la couche extérieure de ce terrain est desséchée, et de couleur cendrée : la seconde couche est bitumineuse, molle et noire. On trouve sous ces deux couches une matière grise formée comme le bois, à cette différence près que dans le bois on remarque des fibres transversales ; au lieu que la matière dont nous parlons est simplement composée de couches plates et droites posées les unes sur les autres ; cependant on lui a donné le nom de bois fossile. On trouve de prétendu bois fossîle presque partout où il y a de l'ambre-jaune, et ils sont mêlés ensemble en grande quantité ; c'est ce qui a fait croire à Hartman que cette matière était la matrice ou la mine de l'ambre-jaune : en effet c'est une terre bitumineuse qui prend feu comme le charbon, et qui rend une odeur de bitume. On y trouve des minéraux qui participent du vitriol. On a cru que ce bois fossîle venait des arbres qui s'étaient entassés sur ces côtes, et qui avaient été conservés et comme embaumés par l'ambre-jaune : mais cette opinion n'a point du tout été prouvée. Voyez le premier vol. de la Matière médicale de M. Geoffroy, et Histoire succinorum corpora aliena involventium, etc. Nathan. Sendelio, D. Med. &c.

On trouve de l'ambre-jaune dans les montagnes de Provence, auprès de la ville de Sisteron, et aux environs du village de Salignac, sur les côtes de Marseille ; on en trouve en Italie dans la Marche d'Ancone, aux environs de la ville du même nom, dans le duché de Spolete, en Sicîle aux environs de la ville de Catane et de celle de Gergenti, et sur les bords du Pô ; en Pologne, en Silésie, en Suède : mais on n'y trouve de l'ambre qu'en très-petite quantité ; il y en a un peu plus dans l'Allemagne septentrionale, en Suède, en Danemarck, dans le Jutland et le Holstein ; il y en a encore davantage sur les côtes de Samogitie, de Curlande et de Livonie, et dans les terres, etc. mais l'ambre-jaune qui vient de ces pays n'est pas si beau ni si pur, ni, à beaucoup près, en si grande quantité que celui qui se trouve en Poméranie, depuis Dantzick jusqu'à l'île de Rugen, et surtout en Prusse dans le pays appelé Sambie, depuis Neve-Tiff jusqu'à Vrantz-Vrug.

On distingue trois sortes d'ambre-jaune par rapport aux différentes teintes de couleur ; savoir, le jaune ou le citronné, le blanchâtre et le roux. L'ambre-jaune est employé à différents usages de luxe ; son poli, sa transparence, sa belle couleur d'or, l'ont fait mettre au rang des matières précieuses. On en a fait des colliers, des brasselets, des pommes de canne, des boites, et d'autres bijoux qui sont encore d'usage chez plusieurs nations de l'Europe, et surtout à la Chine, en Perse, et même chez les Sauvages. Autrefois l'ambre était à la mode en France : combien ne voit-on pas encore de coupes, de vases, et d'autres ouvrages faits de cette matière avec un travail infini ? mais les métaux précieux, les pierres fines et les pierreries, l'ont emporté sur l'ambre-jaune dès qu'ils ont été assez communs pour fournir à notre luxe. Il n'en sera pas de même des vertus médicinales de l'ambre, et de ses préparations chimiques ; elles le rendront précieux dans tous les temps, et préférable, à cet égard, aux pierres les plus éclatantes. (I)