buccinum, s. m. (Histoire naturelle, Conchyliologie) coquillage ainsi nommé parce qu'il ressemble en quelque façon à un cornet musical ; il est allongé : l'ouverture de la coquille est à l'extrémité la plus grosse, et la coquille diminue peu-à-peu jusqu'à l'autre extrémité qui se termine en pointe. On trouve des buccins sur la terre, dans l'eau douce, et dans la mer, d'où est venue la division de ces coquillages en buccins de terre, buccins d'eau douce, et buccins de mer ; ceux-ci sont les plus nombreux : Lister en fait vingt-quatre genres, qu'il rapporte à la même classe. Lister, hist. seu synop. meth. conch. Voyez COQUILLAGE, COQUILLE. (I)

* Il y a une espèce de buccin commune sur les côtes d'Angleterre, qui fournit la pourpre. Cette propriété a été découverte il y a environ 70 ans, par la société royale. M. de Reaumur en a trouvé une autre sur les côtes de Poitou, qui donne aussi cette couleur. Cette espèce est apparemment une de celles que Pline a décrites : Les buccins de Poitou qui donnent la pourpre, se trouvent ordinairement assemblés autour de certaines pierres ou sables couverts de grains ovales, longs de trois lignes, et larges d'un peu plus d'une ligne, pleins d'une liqueur blanche un peu jaunâtre, assez semblable à celle qui se tire des buccins mêmes : et qui après quelques changements, prend la couleur de pourpre. Par les expériences de M. de Reaumur, ces grains ne sont point apparemment les œufs des buccins ; ce ne sont point non plus des grains de quelque plante marine, ni de plantes naissantes ; il reste que ce soit des œufs de quelque poisson. Ils ne commencent à paraitre qu'en automne.

Ces grains écrasés sur un linge blanc, ne font d'abord que le jaunir presque imperceptiblement ; mais en trois ou quatre minutes, ils lui donnent un très beau rouge de pourpre, pourvu cependant que ce linge soit exposé au grand air : car ce qui est bien digne de remarque, et fait bien voir de quelle extrême délicatesse est la génération de cette couleur, l'air d'une chambre, dont même les fenêtres seraient ouvertes, ne suffirait pas. La teinture de ces grains s'affoiblit un peu par un grand nombre de blanchissages.

M. de Reaumur a reconnu par quelques expériences, que l'effet de l'air sur la liqueur des grains, consiste, non en ce qu'il lui enlève quelques unes de ses particules, ni en ce qu'il lui en donne de nouvelles, mais simplement en ce qu'il l'agite, et change l'arrangement des parties qui la composent. Nous avons dans la cochenille une très-belle couleur de rouge, mais qui n'est bonne que pour la laine. Le carthame donne le beau ponceau et le cramoisi, mais ce n'est qu'à la soie. Peut-être, dit M. de Fontenelle, les grains de M. de Reaumur nous fourniront-ils le beau rouge pour la toile.

M. de Reaumur n'a pas manqué de comparer sa nouvelle pourpre avec celle qui se tire de ses buccins de Poitou. Les buccins ont à leur collier un petit réservoir appelé improprement veine par les anciens, qui ne contient qu'une bonne goutte de liqueur un peu jaunâtre. Les linges qui en sont teints, exposés à une médiocre chaleur du soleil, prennent d'abord une couleur verdâtre, ensuite une couleur de citron, un verd plus clair et puis plus foncé, de-là le violet, et enfin un beau pourpre. Cela se fait en peu d'heures : mais si la chaleur du soleil est fort vive, les changements préliminaires ne s'aperçoivent point, et le beau pourpre parait tout-d'un-coup. Un grand feu fait le même effet, à cela près qu'il le fait un peu plus lentement, et ne produit pas une couleur si parfaite. Sans-doute la chaleur du soleil beaucoup plus subtîle que celle du feu de bois, est plus propre à agiter les plus fines particules de la liqueur. Le grand air agit aussi, quoi que moins vite, sur la liqueur des buccins, surtout si elle est détrempée dans beaucoup d'eau ; d'où M. de Reaumur conjecture avec assez d'apparence, que la liqueur des buccins et celle des grains sont à-peu-près de même nature, excepté que celle des grains est plus aqueuse. Elles diffèrent encore par le goût ; celle des grains est salée, celle des buccins extrêmement poivrée et piquante, peut-être parce qu'elle a moins d'eau.

Si on voulait les employer dans la teinture, celle des grains serait d'un usage plus commode, et couterait moins, parce qu'il est aisé de la tirer d'une grande quantité de grains qu'on écraserait à la fois : au lieu que pour avoir celle des buccins, il faut ouvrir le réservoir de chaque buccin en particulier, ce qui demande beaucoup de temps : ou si pour expédier on écrase les plus petits de ces coquillages, on gâte la couleur par le mélange des différentes matières que fournit l'animal.

La Chimie indiquerait peut-être des moyens qui feraient paraitre la couleur plus vive et plus belle, et qui la rendraient plus ténace. M. de Reaumur a prouvé que le sublimé corrosif produit cet effet sur la liqueur des buccins, mais la pratique, et surtout un principe qui viendrait à faire partie d'un métier, demanderait beaucoup d'autres observations, et des vues nouvelles. Il y a bien de la différence entre un physicien qui veut connaître, et un artisan qui veut gagner. C'est par cette réflexion que M. de Fontenelle finit son extrait du mémoire de M. de Reaumur. Voyez hist. de l'acad. 1711. p. 11. Le savant académicien le commence par une autre, qui ne me parait pas aussi vraie ; c'est qu'il y a plus de choses trouvées dans ces derniers siècles, qu'il n'y en a de perdues des anciens : mais qu'il ne peut y avoir rien de perdu que ce qu'on veut bien qui le soit ; qu'il ne faut que le chercher dans le sein de la nature, où rien ne s'anéantit et que c'est même une grande avance pour le retrouver, que d'être sur qu'il se peut trouver. Mais on peut répondre à M. de Fontenelle, que le sein de la nature est vaste ; que proposer à un physicien ce champ à battre pour y retrouver quelque ancienne découverte, c'est lui donner à chercher un diamant tombé dans le fond de la mer. Une découverte se fait souvent par hasard ; et il peut se passer bien des siècles avant que le même hasard se représente : en un mot, je croi que quand une invention est perdue, non-seulement on ne la retrouve pas quand on veut, mais qu'il se peut faire qu'avec beaucoup de soins et de travail, on ne la trouve jamais. Quant au nombre des choses nouvellement trouvées, et à celui des anciennes découvertes perdues, c'est un examen impossible : nous savons très-bien ce qu'il y a de récemment découvert, mais nous ne savons point tout ce que nous avons perdu des anciens ; et sans l'une et l'autre de ces connaissances, il n'y a point de comparaison à faire.