LE, (Botanique exotique) on l'appelle en anglais the rattle-snake-root, racine de serpent à sonnettes ; c'est la racine de polygala de Virginie, dont on doit la connaissance à M. Tennent, médecin écossais.

Au commencement de 1738, l'académie des Sciences de Paris reçut une lettre de ce médecin, par laquelle il lui faisait part de ses observations à la côte de Virginie sur l'usage de la racine d'une plante nommée sénéka, ou seroka dans le pays, et qu'il avait, disait-il, employée avec beaucoup de succès pour la guérison des maladies inflammatoires de la poitrine. M. Tennent joignit à sa lettre le dessein de la plante, et environ une demi-once de cette racine qu'il avait si heureusement mis en usage, tantôt en substance à la dose de trente-cinq grains (ce qu'il répétait plusieurs jours de suite), tantôt en infusion à la dose de trois onces bouillies dans deux pintes d'eau, dont il donnait au malade trois cueillerées par jour.

Gronovius et Miller nomment la plante, polygala virginiana, foliis alternis, integerrimis, racemo terminatrice erecto, Gron. flor. virg. polygala virginiana, foliis oblongis, floribus in thyrso candidis, radice alexipharmacâ, Miller. Sa racine est vivace, longue d'un demi-empan ou d'un empan, de la grosseur environ du petit doigt, plus ou moins, selon que la plante est plus ou moins avancée, tortueuse, partagée en plusieurs branches garnies de fibres latérales, et d'un côté saillantes, qui s'étendent dans toute sa longueur ; elle est jaunâtre en-dehors, blanche en-dedans, d'un goût âcre, un peu amer, et le germe est aromatique.

Les tiges qui en partent, sont nombreuses ; les unes droites, et les autres couchées sur terre, menues, jaunâtres, simples, sans branches, cylindriques, lisses, faibles, et d'environ un pied de longueur. Ces tiges sont chargées de feuilles ovales, pointues, alternes, longues d'environ un pouce, lisses, entières ; elles deviennent plus grandes à mesure qu'elles approchent du sommet, et paraissent n'avoir point de queue. Les mêmes tiges sont terminées par un petit épi de fleurs, clair-semées, semblables à celles du polygala ordinaire, mais plus petites, alternes, et sans pédicules. On distingue la racine du sénéka par une côte membraneuse, saillante, qui règne d'un seul côté dans toute sa longueur.

M. Tennent dans son essai on the pleuresy, attribue à cette racine non-seulement les qualités diaphorétiques, mais encore la vertu de résoudre le sang visqueux, ténace et inflammatoire, celle de purger, et d'exciter quelquefois le vomissement ; il ajoute que les Indiens la regardent comme un puissant remède contre le venin du serpent à sonnettes.

M. Orry, contrôleur général, ayant fait venir en France une quantité considérable de cette racine, la fit distribuer à quelques médecins de Paris, qui enchantés de la nouveauté, en rendirent un compte si favorable, que l'historien de l'académie des Sciences appuyé de leur témoignage, mit le sénéka au rang des spécifiques du nouveau monde ; mais cette gloire qu'on lui attribuait d'opérer des merveilles dans l'hydropisie et les maladies inflammatoires de la poitrine, s'est évanouie. Tous les exemples rapportés par M. Bouvard, un des grands partisans de ce remède, annoncent d'autant moins ses vertus dans les maladies chroniques, qu'il avoue lui-même que de cinq hydropiques auxquels il a donné le polygala de Virginie, il n'y en a pas un seul qui ait été guéri radicalement. Elle n'a pas été plus efficace dans les maladies inflammatoires de la poitrine. Le médecin écossais parle du polygala de Virginie comme purgeant légèrement ; et le médecin français prétend qu'il purge très-abondamment.

Dans cette contrariété d'avis, il faut que les expériences de l'un ou de l'autre médecin mal faites nous aient également été données pour des vérités. Enfin ce nouveau remède a de grands inconvénients ; il ne peut être employé à cause de son activité, qu'avec beaucoup de circonspection, sans quoi, il ne manquerait pas de causer plusieurs désordres dans la machine, de l'aveu de ses protecteurs ; la chaleur brulante qu'il fait sentir à la région de l'estomac, lorsqu'on s'en sert en bol, prouve qu'il possède une âcreté corrosive, et par conséquent dangereuse, même dans les premières voies ; c'en est assez pour sentir la fausseté des louanges prématurées prodiguées en 1744 à cette racine de l'Amérique. (D.J.)