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Catégorie : Botanique exotique
NOIX, (Botanique exotique) La noix muscade est une espèce de noix aromatique des Indes orientales, qui est proprement l'amande, le noyau du fruit du muscadier. Voyez MUSCADIER.

La noix muscade s'appelle en latin dans les boutiques nux moschata, nux myristica aromatica. Avicenne la nomme giauziban ; Sérapion, jeuzbave ou jusbaque ; les Grecs modernes, ou .

C'est un noyau ferme et compacte, fragîle cependant, et qui se fend aisément en petits morceaux quand on le pile. Il est long d'un demi-pouce, gras, odorant, un peu ridé en-dehors, et d'une couleur presque cendrée. Il est panaché en-dedans de veines d'un rouge brun et d'un jaune blanchâtre, qui font des ondulations ou qui vont de côté et d'autre, sans aucun ordre. Le goût de cette noix est d'une saveur âcre et suave, quoiqu'amère. Sa substance est odorante, huileuse.

On distingue dans les boutiques deux sortes de vraies noix muscades cultivées, nommées noix muscades femelles ; l'une est de la forme d'une olive, d'une odeur aromatique un peu astringente ; l'autre est plus longue, presque cylindrique, et moins estimée : ce sont néanmoins des fruits du même arbre qui ont plus ou moins réussi, selon l'âge de l'arbre, le terroir, l'exposition, la culture. Entre ces deux sortes de noix, il s'en trouve d'autres mélées de figures diverses et irrégulières, qui sont des jeux de la nature.

Il y a pareillement des noix muscades sauvages qu'on appelle autrement noix muscades mâles. Cette dernière noix muscade est sujette comme la femelle à des figures irrégulières, et est d'ordinaire plus grosse que la noix muscade cultivée, de forme oblongue, mousse aux deux bouts, et comme carrée. Sa substance est la même, mais elle n'a presque point d'odeur, et son goût est fort desagréable. La compagnie hollandaise a presque détruit tous les muscadiers sauvages des îles de Banda. Leurs noix se nomment dans le pays pala tubir, c'est-à-dire, noix de montagne.

Il faut choisir la noix muscade qui est arrondie, ou de la figure d'une olive. On estime celle qui est récente, odorante, pesante, grosse, et qui étant piquée avec une aiguille rend aussi-tôt un suc huileux.

Il parait que la noix muscade a été inconnue aux Grecs et aux Romains. Pline n'en dit mot, et Dioscoride n'en parle point non plus que du macis ; car son macer est une chose entièrement différente du macis, puisque le macis est l'enveloppe de la muscade, et que le macer est l'écorce de quelque bois : mais les Arabes ont fort bien connu le macis et la noix muscade. Le premier qui en ait fait mention est Avicenne.

Voici comment on recueille et comment on prépare les noix muscades cultivées dans les îles de Banda.

Les fruits étant mûrs, les habitants montent sur les arbres, et ils les cueillent, en tirant à eux avec des crochets les branches de l'arbre qui sont flexibles comme celles du naisettier ; ensuite on ouvre ordinairement sur la place les coques avec un couteau, et on en ôte l'écorce que l'on entasse dans les forêts où elle pourrit avec le temps. Il nait sur ces écorces qui se pourrissent une espèce de champignons, que nos auteurs appellent boleti moschocaryni. Ce sont des champignons noirâtres, bons à manger, agréables au gout, et très-recherchés des habitants.

Ils emportent à la maison les noix muscades dépouillées de leur écorce. Ils enlèvent adroitement avec le couteau leur première enveloppe qui est le macis, prenant garde de le rompre le moins qu'il est possible. Ils font sécher au soleil pendant un jour ce macis qui est rouge comme du sang, et dont la couleur se change en un rouge obscur ; ensuite, au bout de dix à douze heures, ils le transportent dans un autre endroit à l'abri du soleil où ils le laissent pendant sept ou huit jours, afin qu'il se ramollisse en quelque façon, et qu'il se brise moins aisément. Pour-lors ils l'arrosent d'un peu d'eau de mer, non seulement afin de l'humecter, mais aussi pour l'empêcher de perdre son huîle odorante. Ils le renferment ainsi dans de petits sacs, et ils le pressent fortement. Comme le macis trop sec se brise et perd son huîle aromatique, de même lorsqu'il est trop humide il se pourrit et devient vermoulu ; c'est pourquoi l'on tâche de tenir un juste milieu et d'éviter l'une et l'autre extrémité : on y parvient aisément par la routine et l'expérience.

On expose au soleil pendant trois jours les noix muscades qui sont encore enfermées dans leurs coques ligneuses, ensuite on les seche parfaitement à la fumée du feu jusqu'à ce qu'elles rendent un son clair quand on les agite ; car celles qui sont humides ne rendent qu'un son obscur, alors on les frappe avec un bâton, une pierre, un petit maillet, afin que la coque saute en morceaux.

Ces noix ainsi séparées de leurs écorces, sont distribuées en trois tas, dont le premier contient les plus grandes et les plus belles que l'on apporte en Europe ; le second contient celles que l'on réserve pour en faire usage dans les Indes ; et le troisième renferme les plus petites qui sont irrégulières, non-mûres, dont on brule la plus grande partie, et dont on emploie l'autre pour en tirer de l'huile.

Cependant les noix muscades qu'on a choisies pour le débit, se corrompraient bien-tôt si on ne les arrosait promptement, si on ne les confisait, pour parler ainsi, dans de l'eau de chaux faite de coquillages brulés, que l'on détrempe avec de l'eau salée à la consistance d'une bouillie fluide. On y plonge deux ou trois fois les noix muscades renfermées dans de petites corbeilles, jusqu'à ce que la liqueur les ait toutes couvertes ; l'humidité superflue s'évapore et s'en Ve en fumée. Lorsqu'elles ont sué suffisamment, elles sont bien préparées et propres pour passer la mer.

On transporte aussi des noix muscades confites, non-seulement dans toutes les Indes mais encore en Europe. Voici la manière de les confire. Lorsqu'elles s'ouvrent, on les cueille avec précaution, on les fait bouillir dans l'eau, et on les perce avec une aiguille ; ensuite on les macère dans l'eau pendant huit ou dix jours, jusqu'à ce qu'elles aient quitté leur goût âpre et acerbe. Cela fait, on les cuit plus ou moins (selon qu'on veut les avoir plus fermes ou plus molles) dans un julep, fait avec parties égales de sucre et d'eau. Si l'on veut qu'elles soient dures, on y jette un peu de chaux. On sépare tous les jours l'eau sucrée des noix muscades ; on la fait un peu bouillir, et pendant huit jours on la verse de nouveau sur le fruit ; enfin, on met pour la dernière fois ces noix dans du sirop un peu épais, et on les garde dans un pot de terre bien fermé.

On les sert avec les autres confitures dans les repas, et on en mange surtout aux Indes en buvant du thé ; on n'en prend que la chair, et on a coutume de rejeter le noyau.

On confit encore les noix muscades dans de la saumure, dans du sel et du vinaigre ; mais on ne les mange pas telles : on les macère dans de l'eau douce jusqu'à ce qu'elles aient perdu leur goût salé ; ensuite on les fait cuire dans de l'eau avec du sucre.

La noix muscade abonde en huîle essentielle, tant subtîle que grossière, unie avec un sel acide et un peu de terre astringente.

Ces noix donnent par la distillation deux sortes d'huîle ; car si après les avoir pilées et macérées dans beaucoup d'eau, on les distille, il sort une once d'huîle subtîle de chaque livre de noix ; et la distillation étant finie, on trouve sur la surface une huîle grossière, surnageante, épaisse comme du suif, et presque destituée d'aromate. Mais par l'expression de seize onces de noix muscades, on tire trois onces deux dragmes d'huile, de la consistance de la graisse, qui a très-bien l'odeur et le goût de la noix muscade.

On sait que les Chimistes tirent l'huîle essentielle de la muscade et du macis par la distillation, de la même manière que les autres huiles essentielles.

Il suffira donc d'indiquer ici la méthode qu'ils emploient pour tirer, par expression, l'huîle de la muscade et du macis.

On prend la quantité que l'on juge à propos de noix muscades, pleines, grasses et pesantes. On les réduit en une poudre subtile, que l'on met sur un tamis renversé, couvert d'un plat de terre. On fait prendre à cette poudre la vapeur de l'eau bouillante pendant un quart d'heure, afin qu'elle en soit toute pénétrée. Alors on la renferme promptement dans un petit sac de toîle forte, et au même moment on en tire l'huîle à la presse. Cette huîle est limpide et fluide tant qu'elle est chaude, mais elle se fige et acquiert la consistance de la graisse en se refroidissant. Sa couleur est dorée ou safranée. On emploie ces huiles en Médecine, et on en fait la base des baumes hystériques, nervins et fortifiants.

Ce détail peut suffire. Je l'ai tiré, à quelques corrections près, de M. Geoffroi, parce qu'il est exact, et que des hollandais m'ont dit eux-mêmes qu'ils ne pourraient pas m'en fournir de meilleur.

Je laisse aux curieux à consulter le morceau que Pison a donné de la noix muscade dans ses œuvres : l'ouvrage de Paulini, intitulé, nucis moschatae curiosa descriptio, Lips. 1704., in -8°. n'est, malgré son titre qu'une très-mauvaise compilation.

Personne n'ignore que la compagnie hollandaise des Indes orientales est la maîtresse de toute la muscade qui se débite dans le monde. Ses directeurs en règlent le prix en Europe, suivant qu'ils le jugent à propos ; et les diverses chambres en font la vente chacune à leur tour, suivant une espèce de tarif, par lequel la chambre d'Amsterdam en doit vendre deux cent quarteaux toute seule, c'est-à-dire autant que toutes les autres chambres réunies. Le quarteau de muscade pese depuis 550 jusqu'à 600 livres ; son prix est de 75 sols de gros, la livre. (D.J.)

MUSCADE ou NOIX MUSCADE, (Chimie et Matière médicale) On doit choisir la noix muscade qui est arrondie ou de la figure d'une olive, laquelle est appelée femelle. On estime celle qui est récente, pesante, grasse et qui, étant piquée avec une aiguille, rend aussi-tôt un suc huileux. Geoffroi, Mat. méd.

La noix muscade contient une huîle essentielle et une huîle par expression, ou un beurre qu'on peut en séparer aussi par décoction. Voyez l'article HUILE. Selon l'analyse de Geoffroi, une livre de noix muscade donne dans la distillation une once d'huîle essentielle, et une pareille quantité donne, par l'expression, trois onces deux gros de beurre ou d'huîle consistante, qui a très-bien le goût et l'odeur de la muscade. Geoffroi observe encore qu'une huîle épaisse comme du suif qu'on trouve nageante sur l'eau, qui a été employée à la distillation de l'huîle essentielle, est presque destituée de parfum. Cette substance ainsi retirée n'est autre chose que la même substance huileuse qu'on retire par l'expression ; que si, par ce dernier moyen, on obtient une huîle très-aromatique, au lieu que le produit du premier est presque inodore, c'est que la décoction dissipe l'huîle essentielle dans laquelle seule réside le principe aromatique, et que, dans l'expression, l'huîle butyreuse s'imprègne d'une certaine quantité d'huîle essentielle à laquelle elle est réellement miscible.

La noix muscade est un des assaisonnements connus sous le nom générique d'épiceries ou épices. Voyez ÉPICES. Elle est stomachique, aidant à la digestion, fortifiant les viscères et dissipant les vents ; utîle par conséquent pour les tempéraments froids, humides, lâches ; nuisible au contraire aux tempéraments vifs, secs, mobiles ; à-peu-près indifférente à tous par la longue habitude. Sa prétendue vertu de résistance au poison n'est plus comptée pour rien depuis que ce n'est plus un être réel qu'un poison froid. Des auteurs graves, parmi lesquels il faut compter Bontius, ont observé que l'usage immodéré de la muscade causait un assoupissement dangereux. L'huîle essentielle de la muscade n'a aucun usage particulier. Voyez HUILE ESSENTIELLE. L'huîle par expression, et mieux encore, cette même huîle retirée par décoction et dégagée par-là du mélange de toute huîle essentielle, possède à-peu-près les vertus communes des huiles par décoction. Voyez au mot HUILE. On doit lui préférer cependant, pour l'usage intérieur, celles qui sont absolument exemptes du risque de rester chargées d'un principe aussi actif, et d'une vertu aussi différente des qualités propres de l'huîle grasse que l'est une huîle essentielle. Aussi le beurre de cacao, qui est parfaitement exempt du soupçon d'un pareil mélange, a-t-il exclu avec raison le beurre de muscade de l'usage intérieur ; mais ce dernier est par la même raison plus convenable dans l'usage extérieur, toutes les fois qu'il faut en même temps relâcher et résoudre.

Geoffroi semble dire que l'huîle essentielle de muscade et son huîle par décoction ont les mêmes vertus, il est même à-peu-près évident que c'est là son sentiment ; mais il est certain aussi que cette opinion est une erreur manifeste. L'une et l'autre de ces huiles entrent cependant communément ensemble dans les baumes apoplectiques, histériques, céphaliques, etc.

J. Rai rapporte une singulière propriété de l'huîle de muscade : c'est de faire croitre la gorge, appliquée extérieurement. La noix muscade entre dans un grand nombre de compositions pharmaceutiques cordiales, alexipharmaques, stomachiques, fortifiantes, nervines, etc. (b)