S. m. (Histoire naturelle, Botanique exotique) plante ainsi nommée par les Caraibes ; elle a le port du balisier, et lui ressemble à quelques égards, mais elle ne s'élève guère plus haut de quatre pieds. Sa fleur est blanche, renfermée dans un calice vert, long, pointu, et découpé en trois quartiers. Le fruit qui succede à cette fleur est triangulaire, d'un rouge pâle, et renfermant une petite graine raboteuse. La racine est une substance bulbeuse, blanche, fibreuse, de figure presque conique, couverte de pellicules attachées les unes sur les autres, comme plusieurs enveloppes d'oignons. La feuille de la plante est d'un vert pâle, trois à quatre fois plus longue que large, et terminée en pointe, à-peu-près comme le fer d'une pique. Elle est forte, coriace, et se roule d'elle-même aussi-tôt qu'elle est cueillie.

Les habitants du pays regardent leur toulola comme un excellent remède contre les plaies faites par les flèches empoisonnées : d'où vient que les François ont nommé cette plante l'herbe aux flèches, c'est-à-dire contre le poison des flèches. On pîle la racine, pour en tirer le suc qu'on donne à ceux qui ont été blessés de flèches empoisonnées. On applique en même temps la même racine pilée et broyée sur la plaie ; mais malheureusement ce remède ne réussit pas mieux que le sucre, qu'on a beaucoup vanté, et dont on a fait jusqu'à ce jour sur les animaux de vaines expériences.

" Pendant mon séjour à Cayenne, dit M. de la Condamine, j'eus la curiosité d'essayer si le venin des flèches empoisonnées que je gardois depuis plus d'un an, conserverait encore son activité ; et en même temps si le sucre était effectivement un contrepoison aussi efficace qu'on me l'avait assuré. L'une et l'autre expériences furent faites en présence du commandant de la colonie, de plusieurs officiers de la garnison, et du médecin du roi. Une poule légèrement blessée en lui soufflant avec une sarbacane une petite flèche dont la pointe était enduite du venin il y avait environ treize mois, a vécu un demi-quart d'heure ; une autre piquée dans l'aîle avec une de ces mêmes flèches nouvellement trempée dans le venin délayé avec de l'eau, et sur le champ retiré de la plaie, parut s'assoupir une minute après : bientôt les convulsions suivirent ; et quoiqu'on lui fit avaler du sucre, elle expira. Une troisième piquée au même endroit avec la même flèche retrempée dans le poison, ayant été secourue à l'instant avec le même remède, ne donna aucun signe d'incommodité.

J'ai refait, continue M. de la Condamine, les mêmes expériences en présence de plusieurs célèbres professeurs de l'université de Leyde, le 28 Janvier 1745. Le poison dont la violence devait être ralentie par le long temps et par le froid, ne fit son effet qu'après cinq ou six minutes ; mais le sucre fut donné sans succès. La poule qui l'avait avalé parut seulement vivre un peu plus longtemps que l'autre ; l'expérience ne fut pas répétée ".

Ce poison est un extrait fait par le moyen du feu des sucs de diverses plantes, et particulièrement de certaines liannes ; on assure qu'il entre plus de trente sortes d'herbes ou de racines dans le venin fait chez les Tiennas ; celui dont M. de la Condamine fit les épreuves, était le plus estimé entre les diverses espèces connues le long de la rivière des Amazones. Les Indiens le composent toujours de la même manière, et suivent à la lettre le procédé qu'ils ont reçu de leurs ancêtres aussi scrupuleusement que les pharmaciens parmi nous procedent dans la composition solennelle de la thériaque ; quoique probablement cette grande multiplicité d'ingrédiens ne soit pas plus nécessaire dans le poison indien que dans l'antidote d'Europe.

On sera sans-doute surpris que chez des gens qui ont à leur disposition un moyen aussi sur et aussi prompt, pour satisfaire leurs haines, leurs jalousies, et leurs vengeances, un poison aussi subtil ne soit funeste qu'aux singes et aux oiseaux des bois. Il est encore plus étonnant qu'un missionnaire toujours craint et quelquefois haï de ses néophites, envers lesquels son ministère ne lui permet pas d'avoir toutes les complaisances qu'ils voudraient exiger de lui, vive parmi eux sans crainte et sans défiance. Cependant rien n'est plus vrai. Ce n'est pas tout ; ces gens si peu dangereux sont des hommes sauvages, et le plus souvent sans aucune idée de religion. Mémoires de l'académ. des Scienc. 1745. p. 489.

M. de Réaumur rapporta l'année suivante à l'académie, qu'un ours dont on voulait se défaire avait pris intérieurement jusqu'à une once d'arsénic, une noix vomique entière, et une quantité de sublimé corrosif, suffisante seule pour empoisonner un plus gros animal, sans que cette sorte de poison ordinairement si actif, lui eut procuré la moindre incommodité. Ce même animal, qui avait résisté à une si forte épreuve, a succombé facilement et très-promtement au poison duquel sont enduites les pointes des flèches dont se servent contre les animaux les habitants des bords du Marañon. L'ours de France en a été légèrement piqué en deux endroits au défaut de l'épaule ; à la seconde piqûre, il est tombé, s'est débattu, et est mort en moins de cinq minutes. La même chose est arrivée et plus promptement encore à un aigle ; à la première piqûre qui lui fut faite sous l'aîle avec la pointe d'une de ces flèches empoisonnées, il tomba, et mourut en deux secondes. Il faut que les particules de cette pernicieuse composition, soient d'une étrange activité pour produire un effet si subit. Histoire de l'acad. 1746.

On prétend que le suc du thora des Vaudais n'est guère moins dangereux que la composition des Tiennas ; mais nous en avons déjà parlé au mot THORA. (D.J.)