S. f. (Botanique exotique) La vraie rhubarbe, ou celle de la Chine, est une racine que l'on nous apporte en morceaux assez gros, légers, inégaux, de la longueur de quatre, cinq ou six pouces, et de la grosseur de trois à quatre. Elle est jaune, ou un peu brune en-dehors, de couleur de safran en-dedans, jaspée comme la noix muscade, un peu fongueuse, d'un goût tirant sur l'âcre amer, et un peu astringent ; d'une odeur aromatique, et faiblement desagréable. Elle croit à la Chine. Il faut choisir soigneusement celle qui est nouvelle, qui n'est point cariée, pourrie, ni noire, qui donne la couleur de safran à l'eau, et qui laisse quelque chose de visqueux et de gluant sur la langue.

Muntingius, dans son Histoire des plantes d'Angleterre, a donné une description de la rhubarbe, sous le nom de rhabarbarum lanuginosum, sive lapathum chinense longifolium ; mais il n'avait pas Ve cette plante, non plus que Mathiole, dont il a emprunté sa description et la figure qui l'accompagne, sur les relations des marchands qui apportaient cette racine de la Chine.

Il est fort étrange parmi le grand nombre d'européens qui depuis un siècle vont tous les ans dans ce pays-là, que personne n'ait tâché de connaître exactement une plante dont on use tous les jours, et qui est d'un grand revenu. La description du P. Parennin, quoique fort vantée dans l'histoire de l'académie des Sciences, ann. 1726, laisse beaucoup de choses à désirer, n'est même qu'une copie de ce que le P. Michel Boym en avait publié dans sa flora sinensis, imprimée à Vienne en Autriche, en 1656 in-fol.

Selon la relation de ces deux pères jésuites, le thai-hoam, ou la rhubarbe, croit en plusieurs endroits de la Chine ; la meilleure est celle de Tie-chouen, celle qui vient dans la province de Xansi et dans le royaume de Thibet, lui est fort inférieure. Il en croit aussi ailleurs, mais dont on ne fait ici nul usage.

La tige de la plante est semblable aux petits bambous, elle est vide et très-cassante ; sa hauteur est de trois ou quatre pieds, et sa couleur d'un violet obscur. Dans la seconde lune, c'est-à-dire au mois de Mars, elle pousse des feuilles longues, épaisses, quatre à quatre sur une même queue, et posées en se regardant ; ses fleurs sont de couleur jaune, et quelquefois violette. A la cinquième lune, elles produisent une petite semence noire, de la grosseur d'un grain de millet. A la huitième lune, on arrache la plante, dont la racine est grosse et longue. Celle qui est la plus pesante, et la plus marbrée en-dedans, est la meilleure.

Cette racine est d'une nature qui la rend très-difficîle à sécher. Les Chinois, après l'avoir arrachée et nettoyée, la coupent en morceaux d'un ou de deux pouces, et la font sécher sur de grandes tables de pierre, sous lesquelles ils allument du feu ; ils tournent et retournent ces tronçons jusqu'à ce qu'ils soient bien secs. Comme cette opération ne suffit pas pour en chasser toute l'humidité, ils font un trou à chaque morceau de racine, puis ils enfilent tous ces morceaux en forme de chapelet, pour les suspendre à la plus forte ardeur du soleil, jusqu'à ce qu'ils soient en état d'être conservés sans danger de se corrompre.

L'hiver est le meilleur temps pour tirer la rhubarbe de la terre, avant que les feuilles vertes commencent à pousser, parce qu'alors le suc et la vertu sont concentrés dans la racine. Si on la tire de la terre pendant l'été, ou dans le temps qu'elle pousse des feuilles vertes, non-seulement elle n'est pas encore mûre, et n'a point de suc jaune, ni des veines rouges, mais elle est très-légère, et par conséquent n'approche point de la perfection de celle que l'on retire en hiver.

On apportait autrefois la rhubarbe de la Chine par la Tartarie à Olmutz et à Alep, de-là à Alexandrie, et enfin à Venise. Les Portugais l'apportaient sur leurs vaisseaux de la Ville de Canton, qui est un port célèbre où se tient un marché de la Chine. Les Egyptiens l'apportaient aussi à Alexandrie par la Tartarie ; présentement on nous l'apporte de Moscovie, car elle croit abondamment dans cette partie de la Chine qui est voisine de la Tartarie. Les petites variétés de couleur qu'on trouve dans la rhubarbe qui vient directement de Moscovie, d'avec la rhubarbe qui nous arrive par le commerce des Indes orientales, ne procedent que de ce que celle de Moscovie est plus nouvelle ; car elle prend, en la gardant, la même couleur, la même consistance et le même goût que celle qu'on reçoit par mer.

On a envoyé de Moscovie en France, une plante nommée par M. de Jussieu, rhabarbarum folio oblongo, crispo, undulato, flabellis sparsis. Cette même plante avait déjà été envoyée du même pays en Angleterre, pour être la vraie rhubarbe de la Chine, et M. Rand la nomma, lapathum bardanae folio undulato, glabro. La manière dont cette plante fructifie fait juger que c'est une véritable espèce de rhubarbe de la Chine ; car non-seulement elle a été envoyée pour telle, mais encore les graines de cette plante, semblables à celles de la vraie rhubarbe que M. Vandermonde, docteur en Médecine, avait envoyée de la Chine, ne permettent pas d'en douter : ajoutez que la figure des racines de ces deux plantes, la couleur, l'odeur et le gout, fortifient cette opinion. On a élevé la plante dans le Jardin du Roi à Paris, où elle réussit, fleurit, et supporte les hivers les plus froids.

C'est une grosse racine vivace, arrondie, d'environ une coudée et plus de longueur, partagée en plusieurs grosses branches, qui donnent naissance à d'autres plus petites, de couleur d'un roux-noirâtre en dehors. Lorsqu'on enlève quelques morceaux de l'écorce, on trouve la substance pulpeuse de la racine, panachée de points de couleur jaune safranée, à-peu-près comme dans la noix muscade, dont le centre est d'une couleur de safran plus vive, et d'une odeur fort approchante de celle de la rhubarbe de la Chine, que l'on aperçoit surtout vers son collet. Lorsqu'on mâche celle qui est nouvellement tirée de la terre, elle a un goût visqueux, mêlé de quelque amertume qui affecte la langue et le palais ; et sur la fin il est gommeux, et un peu astringent.

Du sommet de la racine naissent plusieurs feuilles couchées sur la terre, disposées en rond les unes sur les autres ; elles sont très-grandes, entières, vertes, taillées en forme de cœur, et presque en fer de flèche, garnies de deux oreillettes à leur base, et portées sur de longues queues charnues, convexes endessous ; elles se partagent vers la base des feuilles, en cinq côtes charnues, saillantes en-dessous, et anguleuses ; la côte du milieu s'étend dans toute la longueur de la feuille ; les côtes latérales se répandent obliquement, se partagent en plusieurs nervures, et s'étendent de tous côtés, jusqu'au bord de la feuille qui est ondée et fort plissée. L'extrémité de la feuille est obtuse, et légèrement échancrée. Du milieu des feuilles s'élève une tige anguleuse, comprimée, cannelée, haute d'environ une coudée, garnie un peu au-dessus de son milieu de quelques enveloppes particulières, qui l'entourent par leur base, et qui sont placées à des distances inégales, jusqu'à son extrémité.

Les fleurs, en sortant de ces enveloppes, forment des petites grappes ; chaque fleur est portée sur un petit pédicule particulier, blanc et menu ; elles sont semblables à celles de notre rhapontic, mais une fois plus petites ; elles n'ont point de calice, et sont d'une seule pièce en forme de cloche, étroites par la base, découpées en six quartiers obtus, et alternativement inégaux. Des parois de cette fleur s'élèvent neuf filets déliés aussi longs que la fleur, et chargés de sommets oblongs, obtus et à deux bourses. Le pistil qui en coupe le centre est un petit embryon triangulaire, couronné de trois stigmates recourbés et aigrettés : cet embryon devient une graine pointue, triangulaire, dont les angles sont bordés d'un feuillet membraneux. Elle pousse dans le printemps, fleurit au mois de Juin, et les graines mûrissent au mois de Juillet et d'Aout.

Il ne faut pas confondre la rhubarbe choisie avec le rhapontic des anciens Grecs, ce sont des racines bien différentes ; le rha ou rheum de Dioscoride est une racine odorante, assez agréable, et qui ne laisse rien de mucilagineux dans la bouche, comme la rhubarbe de la Chine ; mais la description de Dioscoride convient au rhapontic de Prosper Alpin, que l'on cultive dans les jardins d'Europe, et qui est originaire de la Thrace et d'autres endroits de la Scythie.

Les Chinois emploient communément la rhubarbe en décoction ; mais quand c'est en substance, ils la préparent auparavant de la manière suivante.

Ils prennent une certaine quantité de tronçons de rhubarbe, et les font tremper un jour et une nuit dans du vin de riz jusqu'à ce qu'ils soient bien amollis, et qu'on les puisse couper en rouelles assez minces ; ensuite ils posent sur un fourneau de briques une espèce de chaudière, dont l'ouverture Ve en se retrécissant jusqu'au fond en forme de calotte ; ils la remplissent d'eau, couvrent la chaudière d'un tamis renversé, qui est fait de petits filets d'écorce de bambou, et qui s'ajuste avec l'ouverture de la chaudière. Sur le fond du tamis, ils posent les rouelles de rhubarbe et couvrent le tout avec un fond de tamis de bois, sur lequel ils jettent encore un feutre, afin que la fumée de l'eau chaude ne puisse sortir.

Ils allument ensuite leur fourneau, et font bouillir l'eau. La fumée qui s'élève par le tamis pénètre les rouelles de rhubarbe et les décharge de leur âcreté. Enfin cette fumée se résolvant, comme dans l'alambic, retombe dans la chaudière bouillante, et jaunit l'eau. Ces rouelles doivent demeurer sept ou huit heures dans cette circulation de fumée, après quoi on les tire pour les faire sécher au soleil, et s'en servir au besoin.

Ils pilent cette rhubarbe et en font des pilules purgatives, dont la dose est de quatre ou cinq drachmes. Ceux qui ont de la répugnance à avaler un grand nombre de pilules prennent la même quantité de rouelles seches, et les font bouillir dans un petit vase de terre avec neuf onces d'eau, jusqu'à la réduction de trois onces qu'ils avalent tiedes.

L'eau est le meilleur menstrue de la rhubarbe ; aussi la teinture de cette racine faite avec l'esprit-de-vin ne devient pas laiteuse comme les autres teintures résineuses, lorsqu'on la jette dans l'eau.

La rhubarbe a deux vertus, celle de purger et de fortifier par une douce adstriction l'estomac et les intestins ; c'est ce qui en fait un excellent remède que l'on peut prescrire en sûreté aux enfants, aux adultes, aux vieillards, aux femmes grosses et aux femmes en couche ; cependant on en doit faire usage avec précaution ; on la prescrit en substance jusqu'à drachme et demie, et en infusion jusqu'à trois, on en compose un excellent syrop pour purger les petits enfants. (D.J.)

RHUBARBE bâtarde, (Botanique) on appelle vulgairement rhubarbe bâtarde ou fausse rhubarbe le lapathum folio rotundo, alpinum, I. R. H. 504. Rai, hist. 171.

Sa racine est longue, branchue, ridée, fibreuse, fort jaune, d'une saveur amère. Sa tige est haute de deux ou trois coudées, creuse, profondément sillonnée, rougeâtre, garnie de plusieurs rameaux. Ses feuilles sont semblables à celles de la bardane, arrondies, lisses, d'un verd pâle et comme jaunâtre, portées sur une queue rougeâtre et cannelée. Ses fleurs sont nombreuses et composées de plusieurs étamines à sommet jaunâtre et d'un calice verd ; il leur succede des graines triangulaires un peu rougeâtres. Cette plante vient dans les montagnes ; on la cultive aussi dans les jardins ; sa racine est d'usage ; elle est panachée de jaune-rouge, d'une saveur amère, styptique et gluante. (D.J.)

RHUBARBE des moines, (Botanique) c'est le nom vulgaire de l'espèce de lapathum, nommé lapathum hortense, latifolium, par C. B. p. 115. et par Tournefort, I. R. H. 504.

Sa racine est fibreuse, longue, épaisse, brune en-dehors, jaune en-dedans. Sa tige qui s'élève quelquefois à la hauteur d'un homme, est cannelée, rougeâtre, partagée vers le haut en plusieurs rameaux. Ses feuilles sont longues d'un pied ou d'un pied et demi, larges, pointues, fermes sans être roides, lisses, d'un verd foncé et portées sur de longues queues rougeâtres. Ses fleurs sont sans pétales, à étamines, semblables à celles de l'oseille, placées sur les rameaux dans toute leur longueur ; quand elles sont passées, il leur succede des graines anguleuses telles que celles de l'oseille, enveloppées de follicules membraneuses.

On cultive cette plante dans les jardins ; elle a presque les mêmes vertus que la rhubarbe bâtarde ; l'une et l'autre purgent légèrement et resserrent ; on les emploie quelquefois utilement dans le flux de ventre. (D.J.)