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Catégorie parente: Histoire naturelle
Catégorie : Botanique & Agriculture
S. m. (Botanique et Agriculture) c'est le fruit de la vigne qui vient en grappes, qui est bon à manger et à faire du vin.

Les principales espèces de raisin, les plus estimées, les plus ordinaires, ou les plus étendues, soit pour le jardin, pour le vin, ou pour le verjus, sont les morillons, et entr'autres les pineaux, les chasselas, les muscats, les corinthes, les malvoisies, les bourguignons, les bourdelais, les saumoiraux ou prunelles, les méliers, les gamets, les gouais.

Il y a plusieurs sortes de morillons connues presque par-tout, tant aux champs qu'aux jardins, c'est-à-dire, tant propres à faire du vin qu'à manger.

Le raisin précoce, ou raisin de la Magdelaine, est appelé morillon hâtif, parce que c'est un fruit hâtif, qui est souvent mûr dès la Magdelaine. Les Botanistes le nomment vitis praecox columellae, H. R. P. en anglais, the july-grappe. Ce raisin est noir, plus curieux que bon, parce qu'il a la peau dure. On l'estime seulement, parce qu'il vient de bonne heure, mais il n'est bon que dans quelque coin de jardin bien exposé au midi, et à couvert des vents.

Le morillon taconne, vitis subhirsuta, C. B. P. est meilleur que le précédent pour faire du vin, vient bien-tôt après le hâtif, et charge beaucoup. On le nomme aussi meunier, parce qu'il a les feuilles blanches et farineuses. Il se plait dans les terres sablonneuses et légères.

Le morillon noir ordinaire est le vitis praecox columellae acinis dulcibus, nigricantibus ; on l'appelle en Bourgogne pineau, et à Orleans auvernat, parce que la plante en est venue d'Auvergne ; il est fort doux, sucré, noir, excellent à manger ; il vient en toutes sortes de terres, et passe aux environs de Paris, pour le raisin qui fait le meilleur vin. Son bois a la coupe plus rouge qu'aucun autre raisin ; le meilleur est celui qui est court, dont les nœuds ne sont pas espacés de plus de trois doigts. Il a le fruit entassé et la feuille plus ronde que les autres de la même espèce.

Il y a une seconde espèce de morillon, qu'on appelle pineau aigret, qui porte peu, et donne de petits raisins peu serrés ; mais le vin en est fort, et même meilleur que celui du premier morillon. Le pineau aigret a le bois long, plus gros, plus moèlleux, et plus lâche que l'autre ; les nœuds éloignés de quatre doigts au-moins ; l'écorce, fort rouge en-dehors, et la feuille découpée en patte d'oie, comme le figuier.

Il y a une troisième espèce de morillon qu'on appelle franc-morillon ; il fleurit avant les autres plans, et fait d'aussi bon vin que les deux autres morillons. Il a le bois noir, et le fruit de même, fait belle montre en fleur et en verd, mais à la maturité, il déchet de moitié, et quelquefois davantage. Il croit plus qu'aucun autre en bois, en longueur et en hauteur, et les nœuds de ses jetés sont les plus espacés.

Il y a finalement une espèce de morillon blanc excellent à manger, mais qui a la peau plus dure que le morillon noir ordinaire.

Le chasselas, vitis uvâ peramplâ, acinis albidis, dulcibus, durioribus, I. R. H. autrement dit muscadet, ou bar-sur-aube blanc, c'est un raisin gros, blanc, excellent, soit à manger, à garder, à sécher, ou à faire de bon vin. Ses grains ne sont pas pressés. Il réussit surtout dans les vignes pierreuses, parce qu'il y meurit plus facilement. Le gros corinthe, dont nous parlerons ci-après, est une espèce de chasselas noir-blanc.

Le chasselas noir, vitis uvâ peramplâ, acinis dulcibus nigricantibus, I. R. H. s'appelle en Provence, en Languedoc raisin grec ; il est plus rare et plus curieux que le blanc, et même que le rouge, dont les grappes sont plus grosses. Il prend peu de couleur, et ils sont tous deux excellents.

Il y a beaucoup de sortes de muscats, qui sont exquises la plupart ; le muscat blanc, ou de Frontignan, vitis Apiana, C. B. P. a la grappe longue, grosse et pressée de grains ; il est excellent à manger, à faire des confitures, de bon vin, et à sécher au four ou au soleil. Il y a une espèce de muscat blanc hâtif de Piémont, qui a la grappe plus longue, le grain moins serré et plus onctueux, dont on fait une estime particulière.

Le muscat rouge, ou de corail, à cause de la vivacité de sa couleur, a les mêmes qualités. Son grain est encore plus ferme, et il demande du soleil pour bien mûrir ; c'est le vitis acinis rubris nigricantibus, dulcissimis, de Garidel.

Le muscat noir est plus gros et fort pressé de grains ; il a le goût moins relevé, mais il est fort sucré, et très-recherché, parce qu'il charge beaucoup, et est hâtif.

Le muscat violet est d'un noir plus clair ; il a la couleur violette, les grappes fort longues, garnies de grains qui sont gros, très-musqués, et des meilleurs.

Le muscat de rizebate est musqué, a le grain plus petit que les autres ; son suc est si doux et si agréable, que ce serait un de nos premiers raisins, s'il ne coulait point tant ; mais il dégénere presque toujours en raisin de Corinthe, ainsi que le damas ; l'un et l'autre n'ont point de pepin à cause de leur coulure.

Le muscat long, ou passe-musqué d'Italie, est fort gros, fort musqué, excellent en confitures et à manger crud ; ses grappes sont très-grosses et très-longues. Il est rare, curieux, et veut une pleine exposition du midi contre un mur ; il est le meilleur, et le plus parfumé des muscats en confiture.

Il y a le muscat long violet de Madere, qui est un raisin très-rare, et extraordinaire pour sa beauté et sa bonté.

Il y a encore le muscat de Jésu, dont le grain est fort gros, rond, des plus musqués, et des plus rares.

On compte aussi parmi les muscats, le jennetin, autrement dit le muscat d'Orléans, ou de saint Memin ; il est fort sucré, sujet à la coulure, et ressemble à la malvoisie ; c'est pourquoi quelques-uns l'appellent malvoisie blanche. Les limonadiers et les cabaretiers de Paris vendent quelquefois le vin de jennetin pour le muscat de Frontignan.

Le raisin de Corinthe, vitis corinthiaca, sive apyrina. J. B. est un raisin délicieux et sucré. Il a le grain fort menu et pressé, la grappe longue et sans pepin. Voyez RAISIN DE CORINTHE.

Le corinthe violet est un peu plus gros ; il est aussi excellent et sans pepin, mais fort sujet à couler, c'est pourquoi il veut être taillé plus long que les autres vignes.

Le raisin sans pepins est une espèce de bar-sur-aube, dont le grain est moins gros, et un peu aigre ; il est très-bon à mettre au four n'ayant pas de pepins, d'où vient qu'on le nomme gros corinthe.

On remarque que tous les muscats et les corinthes sont sujets à la coulure, c'est pourquoi il faut les tailler longs ; on les greffe sur le bordelais quand on ne se soucie pas de les avoir musqués.

La malvoisie est un raisin gris, qui charge beaucoup ; le grain en est petit, sucré, relevé, hâtif, et si plein de jus qu'il passe, ainsi que l'auvernat gris d'Orléans, pour un des raisins les plus fondants ; la malvoisie rouge est de couleur de feu, et a les mêmes qualités que le précédent. La malvoisie blanche est plus rare et moins hâtive ; au reste la malvoisie grise est plus en usage, et on l'estime la meilleure des trois.

Il y a aussi la malvoisie musquée, autrement dit, muscat de malvoisie ; c'est un raisin excellent pour le relief de son musc, qui passe tous les autres ; il vient du Montferrat ; les environs de Turin en sont remplis.

Le bourguignon ou tresseau, est un raisin noir, assez gros, meilleur à faire du vin qu'à manger ; il charge des plus, et donne de grosses grappes.

Le bourguignon blanc, qu'on appelle en quelques endroits mourlon, a les nœuds à deux doigts et demi de distance, le fruit à courte queue et entassé, la feuille fort ronde, comme les gouais, et il résiste à la gelée.

Le noiraut, autrement dit teinturier ou plan d'Espagne, est une autre espèce de bourguignon noir. Il a, comme le précédent, le bois dur, noir, la moèlle serrée et petite, les nœuds près l'un de l'autre, la feuille moyenne et ronde, la queue rouge, le grain serré, et qui teint noir ; il résiste à la gelée mieux qu'aucun autre, mais son suc est très-plat, et ne sert plus qu'à couvrir le vin, c'est pourquoi on en plante peu dans chaque vigne. Quand on en a un plan entier, on en fait du vin pour teindre les draps. Le raisin qu'on appelle simplement raisin noir ou raisin d'Orléans, est presque la même chose que le noiraut. Le ploqué lui ressemble aussi, mais il ne teint point ; c'est un raisin qui a dégénéré, et son suc n'étant ni bon ni délicat, il vaut mieux en ruiner l'espèce que de la provigner.

Le bourdelais ou bourdelas, vitis uvâ peramplâ, acinis ovatis. I. R. H. s'appelle en Bourgogne grey, et en Picardie grégeoir ; il est de trois sortes, blanc, rouge et noir. Il a la grappe et les grains très-gros ; il est principalement propre à faire du verjus et des confitures. Il est encore excellent pour y greffer toutes sortes de raisins, entr'autres ceux qui sont sujets à couler, comme le damas et les corinthes ; à l'égard des muscats, ils ne seraient plus musqués si on les greffait sur une autre sorte que sur des muscats même.

Le raisin d'abricot, la vigne grecque, et le farineau, sont trois espèces de bourdelais. Le raisin d'abricot est ainsi appelé parce que son fruit est jaune et doré comme l'abricot, la grappe en est belle et des plus grosses.

La vigne grecque, vitis acino rubro, duricori, sapore dulci, Garidel nomme ainsi le raisin merveilleux ou le saint-Jacques en Galice, parce que ce canton espagnol en est plein ; il est rouge et a le grain gros et rond, le fruit doux, hâtif, et bon à faire du vin. Sa grappe est des plus belles et des plus grosses, et sa feuille, dans la maturité du fruit, devient panachée de rouge, ce qui est assez ordinaire aux raisins colorés de noir, de violet, et de rouge.

Le farineau ou rognon de coq est blanc, a le grain petit et long, et il est meilleur à faire du verjus que du vin.

Le sau-moireau s'appelle quille de coq aux environs d'Auxerre ; c'est un raisin noir, excellent à manger et à faire du vin ; il a le grain longuet, ferme, et peu pressé. Il y en a de trois sortes ; la première et la meilleure a le bois dur, et des provins noués courts ; la seconde approche fort de la première ; la troisième se nomme sau-moireau chiqueté, ou prunelas blanc, parce qu'il a le bois plus blanc que les autres ; il fait du vin assez plat, ne porte que par année, et il est sujet à s'égrener entièrement avant qu'on le cueille.

Le prunelas rouge ou négrier a la côte rouge, le bois noué, la moèlle grosse, la feuille découpée, la grappe grande, claire et fort rouge ; il mûrit des derniers, fait le vin âpre et de durée, c'est pourquoi on n'en met que peu dans les plans de vignes noires, et seulement pour noircir et affermir le vin ; il resiste à la gelée.

Le mélier blanc est un des meilleurs raisins pour faire du vin et pour manger ; il charge beaucoup, a bon suc, se garde, et est excellent à faire sécher au four.

Le mélier noir n'est pas si bon, et il n'a pas tant de force en vin.

Le mélier verd, qu'on appelle en quelques endroits simplement plan verd, est le plus recherché, parce qu'il charge beaucoup, ne coule point, et son vin n'en devient pas jaune.

Le surin est une espèce de mélier un peu pointu, d'un bon gout, et fort aimé en Auvergne.

Le gamet est un raisin commun, qui charge beaucoup, et vient mieux que tout autre, mais le vin en est petit, de peu de saveur, et son plan dure peu d'années. Il y a le gamet blanc et noir ; on appelle du vin grossier, gros gamet.

Le gouais est fort commun ; son plan dure cent ans en terre, et il a la grappe plus grosse et plus longue que le gamet ; mais il est de pareille qualité pour faire du vin. Il est infiniment meilleur en verjus, soit liquide ou confit, qu'en vin.

Outre ces onze espèces de raisins les plus générales, il y en a d'autres particulières qu'il est bon de connaître.

Le beaunier, ainsi nommé parce qu'il est fort connu et fort estimé à Beaune, est un raisin qui charge beaucoup, et tire sur le gouais blanc, mais il est bien meilleur ; on l'appelle à Auxerre servinien.

Le fromenteau est un raisin exquis et fort connu en Champagne ; il est d'un gris rouge, ayant la grappe assez grosse, le grain fort serré, la peau dure, le suc excellent, et fait le meilleur vin ; c'est à ce raisin que le vin de Sillery doit son mérite.

Le sauvignon est un raisin noir, assez gros, long, hâtif, d'un goût très-relevé et des meilleurs. Il y a aussi le sauvignon blanc, qui a les mêmes qualités que le noir ; l'un et l'autre sont rares et peu connus.

Le piquant-paul est un raisin blanc, fort doux ; on l'appelle autrement bec d'oiseau, et en Italie pizutelli, c'est-à-dire, pointu, parce qu'il a le grain gros, très-long, et pointu des deux côtés.

Il y a aussi le pizutelli violet, dit dent de loup, qui a le grain long, mais moins pointu ; c'est un des plus beaux raisins et des plus fleuris ; il est assez bon, et se garde longtemps. Nous avons encore un autre raisin qu'on appelle le gland, parce qu'il lui ressemble ; il est jaune, doux, de garde.

La blanquette de limous, est un raisin blanc et pellucide comme du verre ; la grappe en est longue et assez grosse. Il charge beaucoup, et son jus est délicieux.

La roche blanche et noire charge aussi beaucoup, la grappe en est grosse et longue, le grain assez menu et fort serré ; il mûrit avec peine, parce que c'est une espèce de petit bourdelais.

Le gros noir d'Espagne, ou la vigne d'Alicante, donne une grosse grappe garnie de gros grains bons à manger, et encore plus à faire le vin d'Alicante, si vanté.

Le raisin d'Afrique a ses grains gros comme des prunes. Il y a le rouge et le blanc. Ses grappes sont extraordinaires pour leur grosseur ; le grain est plus long que rond ; le bois en est épais, la feuille très-grande et large ; il veut un soleil brulant pour mûrir.

Le maroquin ou barbarou, est un gros raisin violet, dont les grappes sont aussi d'une grosseur extraordinaire ; le grain en est gros, rond et dur, le bois rougeâtre, et la feuille rayée de rouge. Il y en a de cette espèce qui rapporte extraordinairement.

Le damas, vitis damascena, H. R. P. est encore un excellent raisin à manger ; la grappe en est fort grosse et longue, le grain très-gros, long, ambré, et n'a qu'un pepin ; il coule souvent et veut être taillé long ; il y en a de blanc et de rouge.

Le raisin d'Italie, autrement dit pergoleze, vitis pergulana, uvâ peramplâ, acino oblongo, duro, majore, subviridi, de Garidel, est de deux sortes, blanc et violet ; il a la grappe grosse et longue, le grain longuet et clair semé, mais il mûrit avec peine en France.

La vigne de Mantoue donne un fruit fort hâtif, mûrit dès le commencement d'Aout. Le grain est assez gros, plus long que rond, fort jaune, ambré, et d'un sur extraordinaire.

Le raisin d'Autriche ou ciouta, a la feuille découpée comme le persil. Il est blanc, doux, charge beaucoup, ressemble au chasselas, mais il est peu relevé en vin.

Le raisin suisse est plus curieux que bon ; il a la grappe grosse et longue, les grains rayés de blanc et de noir, et quelquefois mi-partis.

Voilà une énumération bien ample des diverses espèces de raisin, car j'aurais peut-être dû n'en parler que comme Pline l'a fait de son temps. Les grappes de raisin, dit-il, diffèrent entr'elles par leur couleur, leur gout, et leurs grains ; il résulte de ces différences une multitude innombrable d'espèces qui Ve se multipliant tous les jours ; ici elles sont purpurines, là de couleur de rose, vertes ailleurs ; mais les noires et les blanchâtres sont les plus communes. Les unes ressemblent à des mamelles gonflées, les autres s'allongent et portent le grain long comme la datte ; en un mot les terrains ne diffèrent pas plus entr'eux que les grappes de raisin, en sorte qu'on peut assurer qu'il en est de la vigne comme des poiriers et des pommiers, c'est-à-dire qu'on en trouve une infinité d'espèces différentes ; il s'en produit et s'en peut produire tous les jours de nouvelles. (D.J.)

RAISIN BARBU, (Botanique) on sait que la cuscute grimpe jusqu'au haut de la plante à laquelle elle est adhérente, lorsque cela lui est plus facile. Si la plante est basse, comme le thym et le serpolet, elle s'y étend horizontalement ; si la plante est très-haute et qu'elle puisse pousser vers le bas, elle jette de longs filets qui semblent vouloir chercher la terre ; c'est ce qui arrive lorsqu'elle est attachée à une grappe de raisin, on dirait qu'elle affecte alors de laisser pendre ses tiges qui deviennent très-longues ; leur entre la cement forme une masse qui Ve toujours en se retrécissant, et qui donne à cette grappe de raisin un certain air de monstruosité ; ce phénomène en a imposé, et a valu au raisin ainsi fait le nom de raisin barbu ou chevelu.

Lycosthène, dont l'esprit était tout porté pour le merveilleux, témoin son ouvrage intitulé, prodigiorum et ostentorum chronicon ; Lycosthène, dis-je, ne trouva dans ce fait naturel qu'une prodigieuse monstruosité, et tous ceux qui l'ont suivi ont Ve par les mêmes yeux ; la nature a paru même à Jean Bauhin s'écarter ici de ses lois générales.

Il est moins étonnant que Licet ait regardé ce raisin comme un vrai monstre, désirant de prouver qu'il y en avait dans tous les genres d'êtres, il a cité ces grappes de raisin pour un exemple des monstres de la végétation.

Enfin Borel est le premier qui ait reconnu que cette prétendue monstruosité n'était dû. qu'à la cuscute qui s'attachait à la grappe de raisin, et qui selon lui s'y agglutinait ; l'usage qu'il voulait tirer de ce fait, l'a engagé à l'observer un peu plus attentivement que ceux qui l'avaient précédé. Comme il voulait expliquer comment un fil de soie pouvait s'être enté sur l'oeil d'un particulier, rien ne lui parut plus propre à justifier cette ente que la cuscute. Il se persuada que c'était par une glu qu'elle s'attachait aux raisins, et qu'il en avait été ainsi de ce fil de soie ; cependant il s'est trompé dans l'une et l'autre de ses observations. La cuscute n'a point la glu qu'il lui attribue, ce n'est point par elle qu'elle s'attache aux autres plantes, et jamais fil de soie ne s'est enté sur l'oeil de personne ; en un mot Borel a expliqué par une ridicule supposition un fait imaginaire.

Les temps ont changé ; il n'y a plus aujourd'hui de physicien qui ne sache la raison de la prétendue monstruosité du raisin barbu : mais le commun des hommes est encore frappé de cet accident, comme d'une chose qui tient du merveilleux ; et même quantité de gens qui se piquent de connaissances au-dessus du vulgaire, ignorent que le raisin barbu n'est autre chose qu'un raisin où la cuscute se crampone, étend ses tiges, et y insinue la partie avec laquelle elle tire son suc nourricier. Voyez CUSCUTE. (D.J.)

RAISIN DE CORINTHE, (Histoire des Drogues) voyez-en l'article au mot RAISIN SEC, Botanique (D.J.)

RAISIN DE MER, ephedra, genre de plante dont la fleur n'a point de pétales ; elle est composée de plusieurs étamines et stériles ; les embryons naissent sur d'autres parties de cette plante, ou sur d'autres plantes du même genre qui ne rapportent point de fleurs ; ils deviennent dans la suite un fruit mou, ou une baie garnie d'une capsule, qui renferme des semences le plus souvent oblongues. Tournefort, Inst. rei herb. corol. Voyez PLANTE.

Le raisin de mer est une espèce d'ephedra, nommée par Tournefort ephedra maritima major ; c'est un arbrisseau qui croit à la hauteur d'un homme, et son tronc est quelquefois gros comme le bras ; il jette plusieurs rameaux grêles, déliés presque comme ceux du jonc, séparés par des nœuds comme dans l'equisetum, de couleur noirâtre ; ces rameaux se divisent en plusieurs autres dont les extrémités ou sommets sont pointus, durs et épineux : cet arbrisseau ne porte point de feuilles ; ses fleurs sortent des nœuds des branches attachées à un pédicule menu ; elles sont disposées en petites grappes de couleur herbeuse, blanchâtre ; il leur succede des baies ou fruits pleins de jus, soutenues par un calice en forme de calotte, et prenant une couleur rouge quand ils sont mûrs ; leur goût est acide et agréable ; ils renferment des semences triangulaires, pointues, dures, astringentes ; la racine est oblongue, noueuse : cette plante vient aux lieux sablonneux et maritimes, en Languedoc, en Provence, et autres pays chauds. (D.J.)

RAISIN D'OURS, (Botanique) Tournefort ne compte qu'une seule espèce de ce genre de plante qu'il nomme ursiva, I. R. H. 599. c'est un petit arbrisseau bas qui ressemble à l'airelle ou mirtille ; mais ses feuilles sont plus épaisses, oblongues, arrondies, approchantes de celles du buis, rayées des deux côtés, nerveuses, d'un goût astringent, accompagné d'amertume ; ces feuilles sont attachées à des rameaux ligneux, longs d'un pied, couverts d'une écorce mince et facîle à séparer ; ses fleurs naissent en grappes aux sommités des branches, formées en grelots, de couleur rouge : lorsqu'elles sont passées, il leur succede des baies presque rondes, molles, rouges, renfermant chacune cinq osselets, rangés ordinairement en côte de melon, arrondis sur le dos, aplatis dans les autres côtés ; ces baies ont un goût styptique. Cet arbrisseau croit aux pays chauds, comme en Espagne, en Italie, et autres contrées méridionales. (D.J.)

RAISIN DE RENARD, herba Paris ; genre de plante à fleur en croix, composée de quatre pétales, et d'autant d'étamines pour l'ordinaire. Le pistil sort du calice et devient dans la suite un fruit mou, presque rond, divisé en quatre loges, qui renferme des semences le plus souvent oblongues. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

RAISIN DE RENARD, (Matière médicale) cette plante est alexipharmaque, cephalique, résolutive et anodine, s'il faut en croire certains auteurs ; et elle est venimeuse, s'il faut en croire certains auteurs qui paraissent avoir été trompés par les noms de solanum et d'aconitum, que quelques Botanistes lui ont donné. Quoi qu'il en sait, elle est presque absolument inusitée pour l'usage intérieur, et fort rarement employée dans l'usage extérieur. Plusieurs auteurs recommandent pourtant beaucoup l'application extérieure des feuilles et des baies de raisin de renard, contre les bubons pestilentiels, les phlegmons, l'inflammation des bourses, des testicules et de la verge. Ettmuller propose, comme un excellent remède pour calmer les douleurs atroces du cancer, l'application des feuilles de cette plante pilées dans un mortier de plomb. (b)

RAISIN SEC, (Botanique) les raisins secs sont des fruits mûrs de la vigne, qu'on a séchés au soleil ou au four. On les nommait autrefois passes en français, uva passa en latin, et par Dioscoride , qui désigne tout raisin séché. Les anciens Grecs en distinguent de deux sortes ; savoir, les raisins dont on coupait légèrement avec un couteau le pédicule, jusqu'à la moitié, ou qu'on liait fortement et qu'on laissait au cep, afin qu'ils se séchassent au soleil ; c'est ce qu'ils appelaient ; mais ceux que l'on séparait du cep et que l'on faisait sécher au soleil dans un lieu particulier, ils les nommaient . Dioscoride se sert très-souvent de ce mot, et Columelle nous a indiqué les soins que l'on prenait pour cette opération ; signifie l'endroit où l'on faisait sécher les raisins.

On distingue chez les Epiciers trois principales sortes de raisins secs ; savoir, ceux de Damas qui sont les plus gros ; ceux qui tiennent le milieu, tels que les nôtres ; et ceux qui sont les plus petits, ou ceux de Corinthe.

Les raisins de Damas se nomment dans nos auteurs, uvae passae maximae, seù passulae damascena, vitis damascena, dans Tournefort I. R. H. zibib chez les Arabes. Ce sont des raisins desséchés, ridés, aplatis, d'environ un pouce de longueur et de largeur, bruns, à demi-transparents, charnus, couverts d'un sel essentiel semblable au sucre, contenant peu de graines ; leur gout, quoique doux, n'est pas agréable.

On les appelle raisins de Damas, parce que l'on les recueille et qu'on les prépare dans la Syrie, aux environs de Damas ; cette ville fameuse qui subsistait dès le temps d'Abraham, qui a souffert tant de révolutions, et qui est enfin tombée avec toute la Syrie en 1516, sous la domination de l'empire Ottoman. On nous les envoye dans des bustes, espèces de boites de sapin à demi rondes, et de différentes grandeurs, du poids depuis quinze livres jusqu'à soixante.

Ces raisins tels qu'on les apporte en France, sont égrenés, plats, de la longueur et grosseur du bout du pouce, ce qui doit faire juger de leur grosseur extraordinaire quand ils sont frais, et empêcher qu'on trouve tout à fait incroyable, ce que des voyageurs ont écrit dans leurs relations, qu'il y a des grappes de ces raisins qui pesent jusqu'à douze livres. Nous pouvons d'autant moins leur refuser croyance, que nous avons en Provence et en Languedoc, des grappes de raisin du poids de six livres.

On aime les raisins de Damas, nouveaux, gros, bruns, charnus et bien nourris ; on rejette ceux qui sont trop gras, qui s'attachent aux doigts, qui sont couverts de farine, cariés, et sans suc. Au lieu de raisins de Damas, on nous vend quelquefois des raisins de Calabre, ou des raisins aux jubis, aplatis, et mis dans des bustes ou boites des véritables Damas ; la fourberie n'est pas difficîle à découvrir pour peu qu'on s'y connaisse. Les raisins de Damas sont gros, grands, secs et fermes, d'un goût fade et désagréable : ceux de Calabre aussi-bien que les jubis, sont gras, mollasses, et d'un goût sucré. De plus, il est facîle de distinguer dans les boites, des raisins qui y ont été mis exprès et après coup, d'avec ceux qui n'ont jamais été remués, et qui ont été empaquetés en Syrie. Après tout, la tricherie n'est mauvaise que dans le prix ; car pour l'usage, les raisins de Calabre méritent la préférence.

La vigne qui porte le raisin de Damas, s'appelle vitis damascena, H. R. R. elle diffère des autres espèces de vignes, surtout par la grosseur prodigieuse de ses grains, qui ont la figure d'une olive d'Espagne, ou qui ressemblent à une prune. Il n'y a que quelques curieux qui cultivent en Europe ce raisin par singularité, parce qu'il déplait au gout, et qu'il ne mûrit qu'à force de chaleur.

Les raisins passes ou passerilles, ou raisins de Provence s'appellent en latin uvae passae minores, seu vulgares ; ce sont des raisins séchés au soleil, semblables aux premiers, mais plus petits, doux au gout, agréables et comme confits ; on les substitue aux raisins de Damas, et ils valent bien mieux. On les prépare en Provence et en Languedoc, mais non pas de la même espèce de vigne précisément ; car les uns prennent les raisins muscats, ou les fruits de la vigne appelée vitis apiana, C. B. P. 298 ; d'autres se servent des picardants, d'autres des aujubines, etc.

Les habitants de Montpellier attachent les grappes deux à deux avec un fil, après en avoir ôté les grains gâtés avec des ciseaux ; ils les plongent dans l'eau bouillante, à laquelle ils ont ajouté un peu d'huile, jusqu'à-ce que les grains se rident et se fanent ; ensuite ils placent ces grappes sur des perches pour les sécher, et trois ou quatre jours après, ils les mettent au soleil. Pour qu'ils soient de la qualité requise, ils doivent être nouveaux, secs, c'est-à-dire les moins gras et les moins égrenés qu'il se pourra, en belles grappes, claires, luisantes, d'un goût doux et sucré. Les raisins muscats sont de moyenne grosseur, d'un goût musqué et fort délicat ; ils se tirent de Languedoc, particulièrement des environs de Frontignan, en petites boites de sapin arrondies, qui pesent depuis cinq livres jusqu'à quinze. Les raisins picardants approchent assez des jubis, mais ils sont petits, secs, arides, et de qualité inférieure. Voilà nos meilleurs raisins de France qui servent au dessert, en collation de carême, et dont on peut faire des boissons et des décoctions pectorales, convenables dans toutes les maladies qui naissent de l'acrimonie alkaline des humeurs. On peut employer au même but des raisins de Calabre qui nous viennent par petits barrils, où les grappes sont enfilées d'une même ficelle, à-peu-près comme des morilles.

L'on peut également leur substituer les raisins de Malaga, qu'on nomme raisins sol ; ce sont des raisins égrenés, de couleur rougeâtre, bleuâtre, ou violette, secs, d'un très-bon gout, avec lesquels on fait les vins d'Espagne, et que l'on tire de ce pays-là : voici comme on les prépare ; on trempe les grappes de raisins mûrs dans de la lie bouillante, faite des cendres du sarment ; on les en retire sur le champ, on les étend sur des clayes ; on les laisse sécher au soleil ; on en remplit ensuite des cabas, et on les reçoit en barrils de quarante à cinquante livres. Il y a encore les marocains qui sont d'autres raisins d'Espagne, mais très-peu connus en France.

Je passe aux raisins de Corinthe, uvae passae minimae, ou passulae corinthianae ; ce sont de petits raisins secs égrenés, de différentes couleurs, rouges ordinairement, ou plutôt noirs purpurins, de la grosseur des grains de groseilles communes, ou des baies de sureau, sans pepin, doux au gout, avec une légère et agréable acidité ; on les transporte de plusieurs endroits de l'Archipel, et entr'autres de l'isthme de Corinthe, d'où ils ont pris leur nom. On les cultivait autrefois dans tous les alentours de Corinthe, et en particulier aux environs de ce bois de cyprès, où Diogène jouissait d'un loisir philosophique, lorsqu'il prit envie à Alexandre de l'y aller surprendre ; mais aujourd'hui, soit par la négligence des habitants de ce pays-là, soit par d'autres raisons, la culture en a passé dans les îles soumises aux Vénitiens.

Ce que raconte Wheler dans son voyage de Grèce et de Dalmatie, des divers lieux d'où se tirent ces sortes de raisins, de la manière qu'on les y prépare, et de la quantité qu'on en transporte en Europe, est assez curieux pour que le lecteur ne soit pas fâché d'en trouver ici le précis.

Il n'y a pas longtemps, dit ce voyageur anglais, qu'on recueillait encore un peu de raisins de Corinthe à Vasilica, qui est l'ancienne Sicyone, éloignée de Corinthe seulement de six à sept milles ; mais comme on n'en trouvait pas le débit chez les Turcs, on les a négligés. Depuis que les Chrétiens ont été dépossédés de la Grèce, et que le sultan a bâti deux châteaux aux bouches du golfe de Lépante, il ne permet pas aux grands vaisseaux d'entrer dans ce golfe, de peur de quelque surprise, sous prétexte d'aller chercher des raisins de Corinthe. On cultive néanmoins ces raisins sur la côte du golfe et à Vobtilsa, et on les porte à Patras où il en croit aussi. Ces trois lieux en peuvent fournir la charge d'un vaisseau médiocre.

Vis-à-vis de Patras, dans le pays des anciens étoliens, il y a un village nommé Anatolico, bâti comme Venise dans un marais, et peuplé d'environ 200 feux. Ses habitants y cultivent dans la terre-ferme du voisinage le raisin de Corinthe, qui y réussit merveilleusement. Il est beau et bon, et deux fois plus gros que celui de Zante. Ils en peuvent charger avec ceux du village de Messalongi, un grand vaisseau. Le raisin de Corinthe croit encore dans l'île de Céphalonie, et surtout dans celle de Zante.

Boterus n'a pas eu tort d'appeler cette dernière ile, l'île d'or, à cause de sa fertilité et de sa beauté ; mais elle mérite encore mieux ce nom, depuis que les Vénitiens ont trouvé le moyen d'en tirer tous les ans du profit par le trafic en général, et en particulier par celui de ses raisins. Cette île de la mer Ionienne, au couchant de la Morée dont elle est éloignée d'environ 15 lieues, et au midi de la Céphalonie, gouvernée par un provéditeur vénitien, est le principal endroit où on les cultive. Ils ne viennent pas sur des buissons comme des groseilles rouges et blanches, quoiqu'on le croye ordinairement, mais sur des vignes comme l'autre raisin ; excepté que les feuilles sont un peu plus épaisses, et que la grappe est un peu plus petite. Ils n'ont aucun pepin, et ils sont à Zante tout rouges, ou plutôt noirs.

Ils croissent dans une belle plaine de douze milles de long, et de quatre ou cinq de large, à l'abri des montagnes qui bordent les rivages de l'île ; de sorte que le soleil rassemblant ses rayons dans ce fonds, y fait parfaitement mûrir les raisins de Corinthe, le raisin muscat et le raisin ordinaire, dont l'on fait du vin très-fort. Cette plaine est séparée en deux vignobles où il y a quantité d'oliviers, de cyprès, et quelques maisons de campagne qui, avec la forteresse et la croupe du mont di Scoppo, présentent un aspect charmant.

On vendange ces raisins dans le mois d'Aout, on en fait des couches sur terre jusqu'à ce qu'ils soient secs. Après qu'on les a rassemblés, on les nettoie, et on les apporte dans la ville pour les mettre dans des magasins qu'ils appellent seraglio : on les y jette par un trou jusqu'à ce que le magasin soit plein. Ils s'entassent tellement par leur poids, qu'il faut les fouir avec des instruments de fer ; quand on les met en barrils pour les envoyer quelque part, des hommes se graissent les jambes, et les pressent avec les pieds nus afin qu'ils se conservent mieux, et qu'ils ne tiennent pas tant de place. Le millier pesant revient à l'acquéreur à environ 24 écus, quoique le premier achat ne soit que de 12 écus ; mais on paye autant de douanne à l'état de Venise que pour l'achat même. On fait quelquefois par curiosité du vin de ce raisin, il est cependant si violent, qu'il pourrait passer pour de l'eau-de-vie.

L'île de Zante fournit tous les ans assez de raisins de Corinthe, pour en charger cinq ou six vaisseaux ; Céphalonie pour en charger trois ou quatre ; Nachaligo ou Anatolico, Messalongi et Patras, pour en charger un : on en transporte aussi quelque peu du golfe de Lépante. Les Anglais ont un comptoir à Zante, qui est conduit par un consul, et cinq ou six marchands pour ce commerce. Les Hollandais y ont un consul, et un ou deux marchands ; et les François n'y ont qu'un commis, qui est le consul et le marchand tout ensemble. Les Anglais achetent presque tout le raisin de Corinthe.

Les Zantins n'ont pas beaucoup de connaissance de l'usage que l'on en fait en Europe ; ils sont persuadés que l'on ne s'en sert que pour teindre les draps, et ils n'ont pu imaginer la consommation prodigieuse qu'en font les Anglais dans leurs mets, leurs pâtés de Noë, leurs gâteaux, leurs tartes, leurs puddings, etc.

Les apothicaires sont ceux qui en débitent la moindre partie.

Ils viennent ordinairement en France par la voie de Marseille, dans des balles du poids de deux à trois cent livres, où ils sont extrêmement pressés et entassés. Les Anglais et les Hollandais en temps de paix, en apportent aussi quantité à Bordeaux, à la Rochelle, à Nantes et à Rouen.

Les raisins de Corinthe doivent se choisir nouveaux, petits, en grosses masses, point frottés de miel, ni mangés de mites. Quand ils sont bien emballés, ils peuvent se garder deux ou trois ans, en ne les remuant point, et ne leur donnant aucun air. La vigne qui les porte, vitis corinthiaca, sive apyrina, J. B. 2. 72. est semblable aux autres ; les feuilles sont seulement plus grandes, moins découpées, obtuses, plus épaisses, et blanches en-dessous.

Tous les raisins secs dont nous avons parlé, se vendent au quintal de cent livres à Amsterdam : le prix de ceux de Corinthe y est depuis 10 jusqu'à 17 florins le quintal : leur tare est de 16 pour 100, leur déduction de 2 par 100 pour le bon poids, et autant pour le prompt paiement. Les raisins longs s'y vendent depuis 10 jusqu'à 12 florins les cent livres ; leur tare est de 10 pour 100. Les raisins ronds de cabas, s'achetent depuis 7 jusqu'à 9 florins le quintal. Ils ne déduisent en tout que un pour 100, pour le prompt paiement.

Dans les pays septentrionaux on se sert de raisins secs pour faire un vin artificiel, vigoureux, et qui n'est pas désagréable. En pilant ces raisins dans de l'eau bouillante, et les laissant macérer et fermenter, on retire de ce vin de l'eau-de-vie et un esprit de vin. (D.J.)

RAISIN, (Diète et Matière médicale) le raisin est surtout connu par le suc qu'on en exprime, qui étant récent porte le nom de mout, et qui est changé par une espèce de fermentation dont il est éminemment susceptible, en cette liqueur si connue sous le nom de vin. Voyez MOUT et VIN. Il ne s'agit dans cet article que des qualités diététiques, des usages et des vertus médicamenteuses du raisin même. Sous ce point de vue on doit le considérer dans deux états différents ; savoir lorsqu'il est récent, ou du moins frais et bien conservé, ou lorsqu'il est réduit par une dessication artificielle en raisin sec, appelé aussi dans les boutiques passe ou raisins passes, en latin uvae passae.

Les raisins frais sont un aliment très-sain, pourvu qu'on les mange dans un état de parfaite maturité. Ils sont pourtant sujets à l'inconvénient de fournir un suc qui épaissit la salive, qui empâte la bouche et l'ésophage, et qui excite la soif par cette raison. Les raisins qui donnent le meilleur vin sont précisément ceux qui ont éminemment cette qualité, ou plutôt ce vice diététique. Mais il y a quelques espèces de raisin dont le suc est très-aqueux, et qui en sont presque absolument exempts : ceux-là n'excitent dans la bouche que le sentiment de fraicheur, joint à une douceur agréable, et à un goût assez relevé quoique sans parfum proprement dit, ce qui les fait regarder avec raison, comme le plus excellent des fruits, surtout dans les pays chauds où les fruits très-aqueux sont aussi salutaires qu'agréables. Le raisin qui est connu en bas Languedoc sous le nom d'aspiran, sous celui de verdal, et sous celui de rabaieren, est vraisemblablement le premier, le plus excellent des raisins à manger. Il joint aux qualités du suc que nous venons d'exposer, la circonstance d'avoir des grains très-gros ; d'avoir une peau extrêmement mince, et de n'avoir qu'un ou deux très-petits pepins. Le village de Pignan, à une lieue et demie de Montpellier, et ceux de Nefie, de Fontés, de Nizas, de Caux et de Peret, aux environs de Pézenas, sont les cantons où ce raisin est le plus beau et le meilleur.

Une observation d'agriculture singulière à-propos de la vigne qui porte ces raisins aux environs de Pézenas, c'est que la plupart des seps sont plantés dans des fentes de rochers, qui sont dans tout ce canton une lave très-dure, sans que le fruit dont ces seps se chargent très-abondamment, souffre notablement de la chaleur du climat, et des longues sécheresses qui y sont très-communes en automne.

Le chasselas de Champagne, et celui de Fontainebleau, est encore un très-bon raisin à manger ; et il ne fait aussi-bien que l'aspiran du Languedoc, qu'un petit vin sans corps et peu durable.

Le raisin muscat n'est presque plus mangeable dès qu'il est parfaitement mûr, et cela à cause de la viscosité de son suc, dont nous avons parlé au commencement de cet article ; viscosité qui dégénere même en une certaine âcreté ; et lors même qu'on le mange avant qu'il soit parvenu à ce point, il n'est jamais très-salutaire ; il est venteux, sujet à donner des coliques, on le croit même propre à procurer des accès de fièvre ; mais il y a apparence qu'il ne produit ces mauvais effets, que parce qu'on le mange ordinairement étant encore verd : or il est assez bien observé qu'en général le raisin verd est très-fiévreux.

Les raisins mûrs au contraire, non-seulement sont très-salutaires, comme nous l'avons observé plus haut, mais il est très-vraisemblable que l'opinion populaire qui les fait regarder comme une ressource assurée contre les restes des maladies d'été, et surtout contre les reliquats ordinaires des fièvres intermittentes, savoir, la maigreur, la jaunisse, les obstructions naissantes, les petites toux seches, etc. que cette opinion, dis-je, n'est pas absolument dénuée de fondement. Laissez-nous attraper les raisins, disent communément dans les provinces où ils sont très-abondants, les convalescens dont nous venons de parler ; ils se gorgent en effet de ce fruit lorsque la saison en est venue, et la plupart s'en trouvent très-bien. Au reste ce n'est pas par une action purement occulte qu'ils produisent cette merveille, ils entretiennent une liberté de ventre, et même une légère purgation continue, dont l'efficacité est observée contre les incommodités dont nous venons de parler.

Les raisins secs sont employés en médecine de toute antiquité. On en distingue à-présent dans les boutiques des apothicaires de trois espèces ; savoir, le raisin de Damas, le raisin de notre pays, qu'on appelle communément à Paris passerille ou raisin de Provence, et le raisin de Corinthe.

On peut très-bien se passer des raisins de Damas, moyennant les raisins de Provence, je veux dire quant à l'usage pharmaceutique ; car quant à l'usage diététique, les premiers sont d'un goût peu agréable, et on ne les sert jamais sur nos tables. Les raisins de Corinthe ne paraissent pas non-plus dans nos desserts, on les emploie seulement dans quelques ragouts, et dans quelques pâtisseries ; mais beaucoup plus chez quelques peuples nos voisins, que chez nous.

Les raisins secs contenant ce suc doux et mielleux, dont nous avons parlé au commencement de cet article, beaucoup plus concentré ou rapproché que le raisin frais le plus doux et le plus mûr, on peut déduire les qualités diététiques des uns, de ce que nous avons observé de celles des autres. Cependant si on mange modérément des raisins secs à la fin du repas, ils n'incommodent point ordinairement, et surtout si on bait par-dessus de l'eau pure ; car l'eau est le remède direct et infaillible de l'épaississement incommode de la salive qu'occasionnent tous les corps très-doux : ainsi on en bait utilement encore sur le raisin frais très-doux. Les usages pharmaceutiques des raisins secs sont plus étendus, on les emploie d'abord dans plusieurs compositions magistrales, ils font ordinairement avec les autres fruits doux et secs, comme figues, dattes, etc. la base ordinaire des tisanes pectorales. On les regarde comme éminemment pectoraux. Voyez PECTORAL et FIGUE, Matière médicale. On vante chez eux une qualité adoucissante, plus générale et capable d'affecter les reins, la vessie, le foie, etc. tous effets fort douteux, aussi-bien que le pectoral ; car ce suc doux n'est autre chose que le suc nourrissant végétal, très-pur, qui ne peut arriver aux reins, à la vessie, etc. qu'après avoir été digéré, et par conséquent changé, réduit à l'état très-commun de chyle, etc. Voyez DOUX, chimie ; DOUX, diete, INCRASSANT, MUQUEUX, NOURRISSANT, etc. On les emploie plus utilement à masquer le goût de certains remèdes désagréables, et principalement du séné. Il est encore suffisamment parlé de cet usage, qui est aussi propre à la figue seche, et aux autres substances analogues, à l'article FIGUE, Matière médicale, voyez cet article. Voyez aussi l'article CORRECTION, Pharmacie.

Les raisins secs entrent dans plusieurs compositions pharmaceutiques, ceux de Provence en particulier, sont demandés dans la pharmacopée de Paris, pour le syrop d'érysimum, pour celui de guimauve, de Fernel, et pour l'électuaire lénitif ; et ceux de Damas, pour le syrop de Rossolis composé, et pour le syrop de tortue. (b)

RAISIN, (Critique sacrée) l'abondance des vignobles de la Palestine a donné lieu dans le vieux Testament à des comparaisons et façons de parler communes, tirées du raisin qui croissait merveilleusement dans ce pays-là. Nous lisons dans les Nomb. XIIIe 24. qu'on en choisit un sep exprès, qui fut porté par deux hommes sur un bâton au camp de Cadé-borne. Aussi Moïse défendit aux Israélites d'être trop exacts à couper toutes les grappes des seps, et leur ordonna d'en laisser subsister pour les pauvres, Deuter. xxiv. 21. et Lévit. xix. 10. C'est par cette raison que l'Ecriture désigne une destruction totale par la similitude d'une vigne que l'on dépouille jusqu'à la dernière grappe. Lévit. VIe 9.

Le sang du raisin, c'est le vin. Il lavera son manteau dans le sang du raisin. Genèse, xlix. 11. C'était un proverbe qui signifiait, il établira sa demeure dans un pays de vignoble.

Les pères ont mangé le raisin verd, et les dents des enfants en sont agacées. Ce passage d'Ezéchiel, XVIIIe 2. ou plutôt cette façon de parler proverbiale, voulait dire que les pères ont transgressé la loi, et que leurs enfants en ont souffert. (D.J.)